Pour devenir français, il ne suffit pas d’avoir un lien particulier avec la France donc dans un certain cas, l’acquisition repose sur la combinaison d’un lien de la personne avec la France et de la volonté de cette personne de devenir française. Il faut alors un élément objectif constatable qui est le lien de la personne avec la France comme le fait de travailler en France et un élément subjectif lié à la volonté de la personne.
Egalement, le cas d’une personne qui combine un lien particulier avec la France, lien objectivement fort comme le fait d’être né en France. Ce lien est tellement fort que la personne peut devenir française au bout d’un certain temps automatiquement mais cette automaticité n’est pas imposée à la personne, personne qui peut alors refuser de devenir française : combinaison d’un lien avec la France et de l’absence de volonté de refuser la nationalité. Le lien avec la France est plus fort objectivement dans la seconde hypothèse car il devient français automatiquement sauf s’il demande de ne pas le devenir.
La volonté de devenir français n’est jamais à elle-seule suffisante pour acquérir notre nationalité. Elle doit en l’occurrence se combiner avec un lien fort avec notre pays et avec une décision du gouvernement français dans le cadre de la procédure dite de naturalisation.
Cependant, il existe une autre possibilité d’acquisition, plus marginale, où l’intéressé peut devenir français par simple déclaration lorsqu’il a joui de la possession d’état de français depuis au moins 10 ans.
La naturalisation peut se définir comme l’octroi par l’Etat de la nationalité française à un étranger qui la demande.
—> C’est le mode d’acquisition de notre nationalité le plus important car il concerne environ 30 000 personnes par an.
—> C’est aussi un mode d’acquisition qui dépend d’une décision du gouvernement et d’une décision discrétionnaire du gouvernement c’est-à-dire que le gouvernement n’est jamais obligé de naturaliser le demandeur même s’il remplit toutes les conditions de la naturalisation. La décision de naturalisation est toujours une décision en opportunité et le gouvernement n‘est pas lié par le dossier de naturalisation.
Ce caractère discrétionnaire explique aujourd’hui la faveur qu’a la naturalisation dans les cercles des pouvoirs publics : les gouvernements actuels sont favorables à la naturalisation car le gouvernement peut contrôler complètement le processus de naturalisation.
En même temps et un peu paradoxalement, l’histoire de la naturalisation depuis 1804 a été très perturbée, passant par des phases d’extrême sévérité puis par des phases de plus grandes souplesses : il y a eu des périodes très hostiles à la naturalisation, tandis que d’autres ont été plus favorables.
—> La naturalisation est antérieure à la Révolution puisque, sous l’Ancien Régime, le Roi de France avait déjà le pouvoir discrétionnaire de conférer à certains étrangers des lettres dites de « naturalité » ou de « bourgeoisie » qui leurs donnaient un statut à peu prés comparables à ceux des sujets du Roi de France.
—> Sur ce terrain, la Révolution de 1789 a voulu rompre avec l’Ancien Régime en accordant des naturalisations largement ouvertes aux étrangers partageant les idéaux de la Révolution française et en fermant la naturalisation aux étrangers adversaires à la révolution.
—> De ce point de vu, le Code napoléon revient à la politique d’Ancien Régime mais il y revient avec une vision plus rigoureuse car la naturalisation est très sévèrement limitée par des conditions rigoureuses et elle reste une décision purement discrétionnaire du gouvernement.
Depuis 1804, il y a eu plusieurs phases différentes:
—> de 1804 à 1927, la législation en matière de naturalisation a eu tendance à s’assouplir progressivement et la naturalisation est devenue moins difficiles au fil du temps. La loi du 10 aout 1927 avait été préparée dans un esprit de défaveur à la naturalisation car les pouvoirs publics français avaient été déçus par l’attitude insuffisamment patriotique de certains naturalisés pendant la guerre de 1914 – 1918 et les travaux préparatoires de cette loi ont montré que l’intérêt de la France voulait ouvrir la naturalisation mais la législation n’a pas été plus rigoureuse par la loi de 1927.
—> A la fin des années 30, avant la seconde guerre mondiale, un état d’esprit assez hostile à la naturalisation commence à se faire sentir
—> Sous l’occupation, dès juin —> juillet 1940 et sous le régime de Vichy, l’esprit est ouvertement hostile aux naturalisations. Ce qui est plus grave c’est que le régime de Vichy entreprend une révision rétroactive des naturalisions prononcées depuis 927. L’idée est qu’un certains nombre de ressortissants d’Europe centrale avaient été naturalisés trop facilement et donc certaines naturalisations ont été annulées rétroactivement.
—> Avec le retour du régime républicain vers 1944, les annulations des naturalisations sont abrogées et on revient à la naturalisation d’esprit républicain qui n’est pas particulièrement souple, ni libérale en matière de naturalisation.
—> L’ordonnance de 1945 n’a pas abrogé les incapacités frappant les naturalisés récents. Ces incapacités ont disparu qu’en 1983.
Aujourd’hui, le droit de la naturalisation a assez peu bougé depuis 1945 : la seule réforme qui puisse avoir de l’importance pour la suite remonte à la loi du 22 juillet 1993. Cette loi est une loi plutôt rigoureuse en matière de nationalité. Or paradoxalement, cette loi oblige les pouvoirs publics à motiver en toute hypothèse les décisions de refus de naturalisation, ce qui est un peu contradictoire avec le caractère discrétionnaire de la décision de naturalisation. Elle est discrétionnaire donc elle n’a pas à être motivé donc si elle doit être motivée alors c‘est ouvrir la voie à un contrôle contentieux de naturalisation. Pour autant, la décision de naturalisation reste une décision discrétionnaire, ce qui signifie que les conditions posées par la loi pour la naturalisation sont seulement des conditions de recevabilité de la demande c’est-à-dire que l’intéressé doit remplir ces conditions pour que sa demande soit examinée par les pouvoirs publics mais cela ne lui garantie pas une réponse positive donc les conditions sont simplement des conditions de recevabilités.
1 – Les conditions de recevabilité de la naturalisation
Elles sont au nombre de 4 : l’age du demandeur, sa résidence lors de la demande, le stage qu’il doit avoir fait en France,
certaines qualités du demandeur car il doit être de bonne vie et mœurs et il doit être assimilé à la communauté française.
Cette condition est posée à l’article 21-22 Code Civil. Le demandeur doit avoir au moins 18 ans au moment où il dépose sa demande. C‘est l’âge de la majorité civile en France mais cette condition s’applique à tous les étrangers même à ceux dont la loi personnelle fixerait un âge de majorité civile plus jeune que celui de 18ans.
L’étranger doit avoir sa résidence en France aussi bien au jour où il dépose sa demande de naturalisation qu’au jour de la signature du décret de naturalisation. Cette condition est logique puisque la naturalisation est la constatation de l’intégration de l’étranger dans la communauté nationale.
Mais l’interprétation que la jurisprudence française fait de cette condition est en fait assez rigoureuse : il ne suffit pas que l’étranger habite en France, il faut qu’il y ait le centre de ses intérêts et notamment les tribunaux ont à plusieurs reprises énoncé qu’un étranger ne disposant pas de revenus d’origine française ne résidait pas en France au sens du droit de la naturalisation.
Exemple : un étudiant étranger ou un jeune chercheur étranger dont le revenu principal proviendrait d’une bourse de son gouvernement ne sera pas vu comme résident en France même s’il y habite.
La jurisprudence a tendance à interpréter la résidence en France dans un sens propre au droit de la nationalité et qui est plus restrictif que le sens que la résidence a en droit civil.
C’est une condition de durée minimale de la résidence avant le dépôt de la demande de naturalisation. La détermination de cette durée est significative de l’état d’esprit de l’époque vis-à-vis de la naturalisation.
Dans les époques restrictives, cette durée minimale est allongée à savoir 10 ans minimum.
—> Aujourd’hui, l’article 21-17 du Code civil fixe cette durée minimale à 5ans, ce qui reste moins rigoureux mais qui reste exigeant.
Il est vrai que le législateur a prévu dans certains cas soit une réduction de la durée du stage à 2ans, soit une dispense pure et simple de la condition de stage.
—> Pour la réduction à deux ans, il existe deux cas de réduction énoncés à l’article 21-18 du Code civil
:
—> l’étranger qui a accompli avec succès deux années d’études supérieures en vu d’acquérir un diplôme
délivré par une université ou un établissement d’enseignement supérieur français.
—> l’étranger qui a rendu ou qui peut rendre par ses capacités et ses talents des services importants à la France.
—> Pour les dispenses pures et simples de stages :
Elles étaient assez nombreuses jusqu’aux années 1990 mais elles ont été réduites en nombre par la loi du 22 juillet 1993 et par la loi du 24 juillet 2006. Cependant, même réduits, les cas de dispenses restent au nombre de 5 et ils peuvent être répartis en trois grands groupes :
—> les étrangers dits particulièrement méritants ou particulièrement utiles.
—> C’est l’étranger qui a rendu des services exceptionnels à la France ou qui présente pour la France un intérêt exceptionnel : article 21-19-6 Code civil.
—> C’est aussi l’étranger francophone qui contribue par son action et mérites au rayonnement de la France et à la prospérité de ses relations économiques internationales : article 21-21 du Code civil.
Ces formulations peuvent prêter à sourire dont celle de l’article 21-19-6 du Code civil. Certains commentateurs observent ironiquement qu’en matière sportive, les services devaient être exceptionnels car il est arrivé qu’il y ait eu des naturalisations rapides de sportifs étrangers.
—> la dispense prévue par l’article 21-2 du Code civil,
« Est dispensé de stage, la personne qui appartient à l’entité culturelle et linguistique française lorsqu’elle est ressortissante de territoires ou d’Etats dont le français est la langue officielle ou une des langues officielles à condition que le français soit la langue maternelle du demandeur ou qu’il ait été scolarisé pendant au moins 5ans dans un établissement enseignant en langue française ».
Les francophones sont dispensés de stage s’ils viennent d’Etats francophones.
—> Personnes qui ont révélé un attachement à la France ou au moins leur confiance dans notre pays :
d)La condition de bonne vie et mœurs et d’assimilation à la communauté française :
Cette condition n’est pas complètement anodine car il y une sorte d’enquête de moralité, diligenté pendant la procédure de naturalisation.
De plus les condamnations à l’article 21-27 du Code civil ne sont pas à négliger car en toute hypothèse, la condamnation par un tribunal français à une peine d’emprisonnement d’au moins 6 moins sans sursis rend la demande de naturalisation irrecevable. Pour les condamnations prononcées à l’étranger, elles pourront ne pas être prises en considération mais le décret de naturalisation ne pourra être pris qu’après avis conforme du Conseil d’Etat.
La condition d’assimilation à la communauté française (article 21-24 Code Civil) pose aujourd’hui des problèmes délicats. Selon cet article, « nul ne peut être naturalisé s’il ne justifie de son assimilation à la communauté française notamment par une connaissance suffisante selon sa condition de la langue française et des droits et devoirs conférés par la nationalité française ». Ce texte est difficile à interpréter.
Cette condition est dure à interpréter d’autant plus que la connaissance de la langué française n’est une condition de cette assimilation. De plus, la connaissance suffisante des droits et devoirs conférés est aussi difficile à interpréter notamment en ce qui concerne les devoirs conférés par la nationalité française qui reste un concept flou.
2 – La procédure de la naturalisation
C’est une procédure assez longue qui se subdivise en deux étapes, une locale et une nationale :
—> L’étape locale :
Elle se déroule dans le département de la résidence du demandeur car il doit déposer son dossier en préfecture. C‘est alors la préfecture de son domicile qui diligente d’abord la procédure et notamment en lien avec la commune de la résidence, la vérification des conditions de recevabilité de la demande dont celles d’âge, résidence, stage, bonne vie et mœurs.
Cette phase dure environ 6 mois et au terme de cette dernière, le préfet transmet le dossier au ministre chargé des naturalisations avec un avis favorable ou défavorable qui ne lie pas le ministre. —> L’étape nationale :
Le dossier est apprécie par le ministre chargé de la naturalisation et au terme de cette phase qui dure environ 1an, le ministre peut prendre 4 décisions différentes :
—> rejeter la demande pour irrecevabilité lorsque selon lui une des conditions de recevabilité n’est pas
remplie. Dans ce cas, la décision doit être motivée et elle peut faire l’objet d’un recours devant les juridictions administratives
—> rejeter la demande pour inopportunité car la décision de naturalisation est discrétionnaire : il constate que l’intéressé remplit les conditions de recevabilité de la demande mais il estime qu’il n’est pas opportun d’accorder la naturalisation.
Depuis la loi de 1993, le rejet pour inopportunité doit être motivé, ce qui permettra dans des cas réduits un contentieux lorsqu’il apparait qu’il y a eu erreur manifeste d’appréciation ou lorsqu’il apparait qu’il y a un détournement de pouvoir. En dehors de ces cas, il n’y a pas de contrôle contentieux.
—> ajournement de la demande : la demande n’est pas acceptée mais elle n’est pas non plus définitivement rejetée. Le dossier n’est pas nul. L’intéressé est invité à renouveler sa demande un peu plus tard lorsqu’il sera plus opportun de lui donner satisfaction. Cet ajournement a été une création de la pratique ministérielle et aujourd’hui, il est consacré par les textes.
—> Réponse favorable : c’est-à-dire décision de naturalisation. En réalité, la décision de naturalisation est d’assez loin la plus fréquente. Selon l’article 21-25-1 du Code civil, la réponse à la demande de l’intéressé doit être donnée dans un délai de 18 mois maximum, délai pouvant être porté à 21 mois si nécessaire.
C’est dans les 18 mois du dépôt de sa demande que l’intéressé est susceptible de bénéficier d’un décret de naturalisation sous la signature du Premier Ministre et avec le contreseing du ministre chargé des naturalisations. Ce décret est publié au Journal Officiel, généralement le JO ne publie pas séparément les décrets.
3 – Les effets de la naturalisation
S’agissant du demandeur lui-même, il devient français à la date de signature du décret.
Depuis la loi 20 décembre 1983, il n’a plus à souffrir d’aucune incapacité temporaire ni pour la fonction publique, ni pour les fonctions politiques. Il a tous les droits et devoirs des français.
Cette naturalisation peut s’accompagner, si l’intéressé en a fait la demande et si la décision apparaît opportune, d’une francisation du nom et du prénom de l’intéressé.
La naturalisation de l’intéressé s’étend à ses enfants mineurs dès lors qu’ils sont cités dans le décret de naturalisation, qu’ils résident avec l’intéressé et qu’ils ne soient pas mariés. Par conséquence, il n’y a pas d’effets collectifs de la naturalisation ni pour les enfants majeurs, ni pour le conjoint du naturalisé.
L’article 21-13 du Code civil autorise les personnes qui ont jouit de façon constante de la possession d’état de français pendant au moins 10 ans à réclamer la nationalité française par déclaration. Puisque ces personnes sont autorisées à réclamer la nationalité française, c’est que par hypothèse, elles n’ont pas cette nationalité alors que cela fait au moins 10ans qu’elles sont considérées comme de nationalité française. Il s’agit donc de permettre à des personnes considérées à tord comme françaises, en quelque sorte de régulariser leur situation, en devenant françaises sur le fondement d’une possession d’état ne correspondant pas à leur véritable nationalité jusque là.
Cette analyse permet de mesurer le caractère particulier de cette situation car il faut que tout le monde se soit trompé sur la vraie nationalité de la personne pendant au moins 10ans.
La possession d’état suppose que la personne ait le nom et la qualité correspondant à cet état comme avoir des documents le présentant comme français, puis cette personne doit être traitée par les autorité publique comme un français et elle doit être considérée comme telle par l’ensemble des personnes qui la connaissent.
—> Faut-il de surcroit que cette personne soit de bonne foi c’est-à-dire qu’elle ait elle-même ignoré en toute bonne foi qu’elle n’était pas française ?
C’est une question difficile : une personne qui serait purement et simplement de mauvaise foi ne pourrait pas invoquer la possession d’état de français. Mais on ne peut pas, à l’inverse, exiger que l’intéressé n’est jamais eu aucun doute sur sa nationalité française et d’ailleurs, il faut qu’à un moment ou un autre, un doute apparaisse pour que l’on se rende compte de l’erreur commune. Si ces conditions sont réunies et à partir du moment où l’erreur commune est révélée, la personne concernée peut, si elle le veut, régulariser sa situation par une simple déclaration devant le tribunal d’instance, déclaration qui lui vaudra l’acquisition de la nationalité française. Normalement, cette acquisition n’est pas rétroactive mais l’article 21-13 précise qu’il y a une sorte de rétroactivité partielle car les actes antérieurs de la personne qui supposaient la qualité de français sont validés.
Ce cas de l’article 21-13 du Code civil est significatif d’un trait fondamental du droit de la nationalité française. Les problèmes juridiquement les plus intéressants concernent assez souvent des cas marginaux tandis que les cas plus fréquents posent moins de problème juridique.
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