Les modes d’acquisition de la propriété

La propriété d’un bien peut être acquise de plusieurs façons, qu’il s’agisse de biens meubles ou immeubles. Les principaux modes d’acquisition sont : l’occupation, l’accession, la possession acquisitive, et la voie conventionnelle ou successorale.

1. L’occupation

L’occupation est le mode d’acquisition de la propriété par lequel une personne prend possession d’un bien sans propriétaire, avec l’intention de s’en approprier. Cet acte volontaire fait de l’occupation un mode d’acquisition immédiat, sous réserve que le bien soit sans maître au moment de la prise de possession.

2. L’accession

L’accession permet au propriétaire d’un bien principal de devenir également propriétaire des choses qui y sont naturellement ou artificiellement incorporées. Le principe est que l’accessoire suit le principal, ce qui signifie que le propriétaire d’un bien principal acquiert la propriété des éléments accessoires.

  • Accession naturelle : Ce type d’accession s’applique aux éléments produits par le bien principal, comme les fruits des arbres qui appartiennent au propriétaire du terrain.

  • Accession artificielle : Elle concerne les ajouts réalisés par des tiers, par exemple, les constructions ou plantations faites sur un terrain. Le propriétaire du terrain devient alors propriétaire des constructions ou plantations réalisées dessus, même si elles ont été faites par un tiers.

3. La possession acquisitive (ou usucapion)

La possession acquisitive permet à une personne de devenir propriétaire d’un bien après une certaine durée de possession paisible et continue, selon les conditions fixées par la loi.

  • Pour les immeubles : La prescription acquisitive permet au possesseur d’acquérir la propriété d’un bien immobilier après 10 à 30 ans de possession, en fonction de la bonne ou mauvaise foi du possesseur.

  • Pour les meubles : Conformément à l’article 2276 du Code civil, « En fait de meubles, la possession vaut titre ». Cela signifie qu’une possession publique et non équivoque confère immédiatement la propriété du meuble au possesseur.

4. L’acquisition par convention

La propriété peut également être transférée par voie conventionnelle, c’est-à-dire par un contrat entre le propriétaire actuel (cédant) et l’acquéreur (cessionnaire). Dans un contrat de vente, par exemple, le droit de propriété est transmis au moment de l’échange des consentements, sans qu’il soit nécessaire de procéder à une formalité supplémentaire entre les parties.

5. L’acquisition pour cause de mort (succession)

La succession est un mode d’acquisition par lequel la propriété se transmet au décès du propriétaire. Elle peut être :

  • Testamentaire : Le défunt laisse un testament pour désigner ses légataires et répartir son patrimoine.

  • Ab intestat : En l’absence de testament, la succession est réglée selon les dispositions légales qui désignent les héritiers et définissent leurs droits.

Section 1 – Les modes d’acquisition de la propriété

En matière de droit de propriété, on distingue principalement deux modes d’acquisition : l’acquisition contractuelle et l’acquisition par possession.

 

Paragraphe 1 – L’acquisition de la propriété par possession

L’acquisition par possession est un mécanisme juridique qui permet à une personne d’acquérir la propriété d’un bien en l’ayant possédé pendant une certaine durée et sous certaines conditions. Ce principe est fondamental en droit civil français et est principalement régi par les articles 2255 et suivants du Code civil.

I. Définition de la Possession

La possession est le fait pour une personne de se comporter comme le propriétaire d’un bien, indépendamment du fait qu’elle en soit juridiquement propriétaire ou non. Elle se caractérise par deux éléments essentiels :

  1. Un élément matériel (corpus) : l’exercice effectif d’un pouvoir de fait sur le bien (usage, entretien, exploitation, etc.).

  2. Un élément intentionnel (animus) : l’intention de se comporter comme le propriétaire du bien.

II. Effets Juridiques de la Possession

La possession confère au possesseur plusieurs avantages juridiques, dont le principal est la possibilité d’acquérir la propriété du bien par l’effet de la prescription acquisitive.

III. La Prescription Acquisitive

A. Définition

La prescription acquisitive, ou usucapion, est un mode d’acquisition de la propriété ou d’un droit réel par l’effet de la possession prolongée dans le temps. Elle est fondée sur l’idée que la stabilité des situations de fait doit être privilégiée.

B. Types de Prescription Acquisitive

  1. Prescription de droit commun (30 ans) : Selon l’article 2272 du Code civil, « le délai de prescription requis pour acquérir la propriété immobilière est de trente ans, à moins que le possesseur ne soit de bonne foi et ne dispose d’un juste titre ».

  2. Prescription abrégée (10 ans) : Réservée aux possesseurs de bonne foi disposant d’un juste titre, elle permet d’acquérir la propriété immobilière après dix ans de possession (article 2272 alinéa 2).

C. Conditions de la Prescription Acquisitive

Pour que la possession conduise à l’acquisition de la propriété, plusieurs conditions doivent être réunies :

  • Possession Continue : La possession doit être exercée sans interruption pendant toute la durée requise.
  • Possession Paisible : Elle ne doit pas être acquise ou maintenue par la violence.
  • Possession Publique : Elle doit être apparente, non clandestine.
  • Possession Non Équivoque : Elle doit être sans ambiguïté quant à l’intention du possesseur de se comporter comme le propriétaire.
  • Bonne Foi et Juste Titre (pour la prescription abrégée) : Le possesseur doit croire légitimement être propriétaire et disposer d’un titre juridique qui, bien que vicié, paraît valable.

D. Interruption et Suspension de la Prescription

La prescription peut être interrompue ou suspendue par divers événements :

  • Interruption : Reconnaissance du droit du véritable propriétaire, action en justice intentée par ce dernier, etc.
  • Suspension : Empêchements légaux comme la minorité du propriétaire, force majeure, etc.

IV. Applications Pratiques et Jurisprudence

A. Cas Pratiques

  • Exemple 1 : Une personne occupe un terrain vacant depuis plus de trente ans, en l’entretenant et en y construisant une habitation. Si toutes les conditions sont remplies, elle peut demander la reconnaissance de sa propriété par prescription acquisitive.
  • Exemple 2 : Un acquéreur achète une maison avec un titre de propriété entaché d’un vice caché. S’il est de bonne foi et possède le bien pendant dix ans, il peut en devenir propriétaire malgré le vice du titre.

B. Jurisprudence

La jurisprudence a précisé les conditions de la possession et de la prescription acquisitive, notamment en ce qui concerne la notion de bonne foi et les caractères de la possession.

V. Procédure pour Faire Reconnaître la Prescription Acquisitive

Le possesseur doit saisir le tribunal compétent pour faire reconnaître son droit de propriété. Il devra apporter la preuve de la réunion de toutes les conditions exigées par la loi.

Paragraphe 2 – L’acquisition contractuelle de la propriété

  • Transfert par contrat : Le cédant transfère son droit de propriété au cessionnaire, qui en devient le nouveau titulaire. Ce transfert de propriété est immédiat entre les parties une fois l’accord de volonté conclu.

  • Effets pour les tiers : En matière immobilière, la publicité foncière rend le transfert opposable aux tiers, assurant ainsi la transparence et la sécurité des transactions.

I ) Le transfert de propriété entre les parties et ses conséquences

L’article 1196 du Code civil (anciennement article 1138) consacre le principe du transfert immédiat de propriété dès que les parties se sont accordées sur la chose et le prix. Toutefois, ce principe connaît des exceptions, notamment en cas de biens fongibles et par l’insertion de clauses spécifiques.

A. Le principe du transfert immédiat et ses exceptions

  1. Le principe
    Selon l’article 1196 alinéa 1, le transfert de propriété est effectif dès l’échange des consentements, sans qu’il soit nécessaire que la chose soit livrée ou payée. En d’autres termes, la seule conclusion du contrat suffit à transférer la propriété de l’objet.

  2. Les exceptions

    • Biens fongibles et choses de genre :
      Le transfert immédiat ne s’applique pas aux choses de genre ou biens fongibles (ex. produits en vrac ou marchandises de masse) qui doivent être individualisés pour que la propriété puisse être transférée. La propriété passe donc uniquement une fois les biens identifiés et séparés en tant que corps certain.

    • Clauses contractuelles spécifiques :
      Bien que l’article 1196 établisse une règle générale, les parties au contrat peuvent inclure une clause reportant le transfert de propriété à une date ultérieure, par exemple au moment de la livraison ou du paiement intégral. Cette clause est fréquemment utilisée pour sécuriser le vendeur, qui conserve la propriété tant que le bien n’a pas été réglé.

B. Les conséquences juridiques du transfert de propriété

Article 1196 alinéa 2 précise que dès que le transfert de propriété a lieu, le nouveau propriétaire supporte les risques de la chose. Cela signifie que même si le bien n’a pas encore été payé ou livré, l’acquéreur devient responsable de toute perte ou détérioration. Ce transfert des risques est immédiat et automatique dès que la propriété est acquise.

Cependant, pour déroger à cette règle, les parties peuvent prévoir dans le contrat que les risques ne seront transférés qu’au moment de la livraison.

II) Le transfert de propriété au regard des tiers au contrat

Les tiers peuvent être affectés par un transfert de propriété, notamment les créanciers, car ce transfert diminue le patrimoine du vendeur et donc les garanties offertes aux créanciers. Par ailleurs, si un bien est vendu à plusieurs personnes, des conflits peuvent survenir quant à la propriété.

A. Le transfert de propriété d’un immeuble vis-à-vis des tiers

En matière immobilière, le transfert de propriété n’est opposable aux tiers que si le transfert est publié au service de publicité foncière (anciennement conservation des hypothèques). Cette formalité est nécessaire pour rendre le transfert opposable aux tiers, en particulier aux créanciers et autres parties potentiellement intéressées. Par ailleurs, certains droits liés aux immeubles, comme les hypothèques et les baux de plus de 12 ans, doivent aussi être publiés pour garantir leur opposabilité aux tiers.

Cette publicité permet aux tiers de connaître des informations essentielles telles que :

  • L’identité du vendeur et de l’acheteur.
  • La durée des baux éventuels, pour des locations de longue durée.
  • La présence éventuelle de locataires, qui pourrait affecter les droits de l’acheteur.

B. Le transfert de propriété des meubles vis-à-vis des tiers

1. Principe général

Pour les biens meubles, le transfert de propriété est en principe opposable aux tiers sans formalité de publicité. En vertu du principe « en fait de meubles, possession vaut titre », la personne qui détient physiquement un meuble est présumée en être le propriétaire aux yeux des tiers. Cette règle assure une simplicité et une fluidité dans la circulation des biens meubles.

2. Exceptions

Certaines catégories de meubles, en raison de leur importance économique ou de leur nature, nécessitent des formalités de publicité pour protéger les tiers et garantir la sécurité des transactions :

  • Meubles immatriculés : Les véhicules (automobiles, bateaux, avions) doivent être immatriculés, et leur transfert de propriété doit être enregistré auprès des services compétents.
  • Meubles incorporels : Les biens incorporels comme les fonds de commerce et les titres négociables sont soumis à des mesures de publicité. Par exemple, la cession d’un fonds de commerce doit être publiée pour être opposable aux créanciers du cédant et permettre l’opposition de ces derniers en cas de dettes.

Ainsi, le régime de publicité en matière de transfert de propriété assure la protection des tiers, en particulier pour les biens immobiliers et les meubles importants

Section 2 – les différents modes d’acquisition de la propriété

1. L’énumération non limitative

Le Livre III du Code civil présente les principaux modes d’acquisition de la propriété, énumérés dans les articles 711 et 712. Ces articles rappellent que la propriété peut être acquise de plusieurs façons, bien que cette liste ne soit pas exhaustive.

Les principaux modes d’acquisition comprennent :

  1. Succession : La propriété est transférée au décès du propriétaire aux héritiers ou aux légataires :

    • Avec testament : Le défunt désigne lui-même les personnes qui hériteront de ses biens.
    • Sans testament : La loi organise la dévolution successorale et détermine les héritiers.
    • La loi du 23 juin 2006 a modernisé les règles de successions et de libéralités, facilitant la transmission des biens pour mieux protéger les ayants droit.
  2. Accession : Ce mode d’acquisition repose sur le droit du propriétaire à acquérir ce qui est produit ou attaché à son bien (article 546 du Code civil). En pratique, l’accession s’applique souvent aux immeubles :

    • Le propriétaire d’un terrain acquiert les plantations, constructions ou travaux effectués sur ce terrain, même si ces aménagements sont réalisés par un tiers.
    • En cas de litige, des indemnités peuvent être dues pour les améliorations apportées par le tiers.
  3. Prescription acquisitive : La prescription permet au possesseur d’un bien de devenir propriétaire après une certaine durée de possession continue et paisible, selon les conditions légales. Les délais de prescription varient :

    • Pour les immeubles, la possession pendant 10 à 30 ans (selon la bonne ou mauvaise foi) permet d’acquérir la propriété.
    • Pour les meubles, la possession vaut immédiatement titre si elle est publique et non équivoque, selon l’adage « En fait de meubles, possession vaut titre ».
  4. Convention : Ce mode d’acquisition inclut les transferts de propriété réalisés par contrat, comme la vente ou la donation, qui nécessitent l’accord des parties.

Cas particuliers d’acquisition de la propriété

  • Acquisition des fruits du travail intellectuel par l’employeur : Selon la jurisprudence (Crim., 22 septembre 2004), un employeur est propriétaire des créations immatérielles produites par ses salariés dans le cadre de leur travail. Cette décision repose sur l’interprétation du contrat de travail comme un contrat de location de services. En louant les services du salarié, l’employeur acquiert les fruits du travail réalisé par ce dernier, dans la même logique qu’un locataire qui acquiert les fruits de ce qu’il loue.

  • Droit au logement en cas de besoin vital : Dans un arrêt de la CEDH du 30 septembre 2004, la Cour a reconnu le droit d’un SDF à conserver une cabane construite sur une décharge publique en raison de la nécessité de se loger. Bien que ce droit déroge au principe de l’accession, la CEDH a jugé que les besoins vitaux devaient primer sur le droit de propriété de l’État, donnant gain de cause au SDF.

Ces cas illustrent que, bien que les modes d’acquisition soient définis par le Code civil, des circonstances spécifiques ou des besoins fondamentaux peuvent parfois justifier des exceptions.

2. Les classifications

L’acquisition de la propriété se divise en plusieurs catégories, permettant de déterminer les modalités, les intentions et les effets juridiques liés au transfert de biens.

1°) La distinction entre acquisition à cause de mort et entre vifs

  • À cause de mort : L’acquisition de la propriété se produit au décès du propriétaire, et les biens sont transférés aux héritiers ou légataires désignés. Ce mode d’acquisition se fait par dévolution successorale (légale ou testamentaire).

  • Entre vifs : L’acquisition de la propriété s’effectue entre personnes vivantes. Une personne transfère la propriété de son vivant à une autre par un acte de vente, donation ou autre convention.

2°) La distinction entre acquisition volontaire et non volontaire

  • Acquisition volontaire : Cette acquisition découle d’une manifestation de volonté. Elle peut résulter :

    • D’une convention entre deux parties (par exemple, la vente ou la donation), où la volonté du propriétaire et celle de l’acquéreur se rencontrent.
    • D’un acte unilatéral, comme un testament, où seule la volonté du testateur est exprimée. Les héritiers désignés n’ont pas à accepter ; ils deviennent propriétaires par la seule volonté du testateur.
  • Acquisition non volontaire : L’acquisition est imposée par la loi, sans manifestation de volonté du propriétaire ou de l’acquéreur. Ce cas inclut :

    • Succession légale sans testament : les héritiers sont désignés par la loi.
    • Prescription acquisitive : la possession continue d’un bien permet à son possesseur de devenir propriétaire après un certain délai (usucapion).
    • Accession : le propriétaire d’un bien devient propriétaire des éléments qui s’y attachent naturellement ou artificiellement (ex. fruits, constructions sur le terrain).

3°) La distinction entre acquisition à titre universel et à titre particulier

  • À titre particulier : L’acquisition porte sur un bien précis et déterminé, comme un terrain, un immeuble ou un objet. Elle est le plus souvent le fruit d’une convention (vente, donation portant sur un bien spécifique).

  • À titre universel : L’acquisition couvre la totalité ou une fraction du patrimoine du propriétaire, comme lors de la dévolution successorale où les héritiers reçoivent une part de l’ensemble des biens du défunt, ou le patrimoine complet.

4°) La distinction entre acquisition à titre gratuit et à titre onéreux

  • À titre gratuit : Le transfert de propriété résulte d’une intention libérale, sans contrepartie. Le propriétaire cède son bien par donation ou testament, et le bénéficiaire ne verse aucune compensation.

  • À titre onéreux : L’acquisition implique une contrepartie (argent, bien, ou service). Dans le cadre d’une vente, l’acquéreur paie un prix pour devenir propriétaire.

Ces classifications permettent d’identifier la nature et les effets juridiques de chaque mode d’acquisition, influençant la responsabilité, les droits des tiers et la fiscalité des opérations.

Section 3 – l’acquisition par convention

1. Acquisition de la propriété par convention

L’acquisition par convention est la manière la plus courante d’acquérir la propriété en droit français. Elle se base sur un contrat entre les parties, qui entraîne le transfert de propriété d’un bien. Ce transfert peut se faire à titre onéreux (par exemple, par la vente, où l’acquéreur paie un prix) ou à titre gratuit (par la donation, où le bien est cédé sans contrepartie). La donation exige un acte notarié pour garantir la sécurité juridique. L’acquéreur, aussi appelé ayant-cause, reçoit tous les droits et obligations attachés au bien.

2. Les limites à la libre transmissibilité

Bien que le propriétaire ait, en principe, la liberté de céder son bien, des restrictions légales et conventionnelles encadrent cette transmission.

  • Limitations légales : Selon l’article 1128 du Code civil, seuls les biens dans le commerce peuvent être cédés. Les biens hors commerce, comme les biens publics ou interdits (substances illicites), ne peuvent faire l’objet d’une transaction. En outre, le droit de préemption permet parfois à des entités publiques d’acquérir un bien mis en vente en priorité.

  • Limitations conventionnelles : Les parties peuvent inclure des clauses restrictives dans un contrat. La clause de réserve de propriété permet, par exemple, au vendeur de conserver la propriété jusqu’au paiement intégral. Les clauses d’inaliénabilité inscrites dans des donations ou testaments interdisent parfois la revente par l’acquéreur. Pour être valides, ces clauses doivent être temporaires et justifiées par un intérêt sérieux (article 900-1 du Code civil).

1. Le principe de la libre transmissibilité de la propriété par convention et ses limites.

En droit français, le principe de libre transmissibilité de la propriété permet au propriétaire de céder librement ses biens par voie de convention, reflet du caractère absolu du droit de propriété. Ce principe est énoncé dans le Code civil, mais il connaît des limites tant conventionnelles que légales.

a. Limites conventionnelles : volonté du propriétaire

Le propriétaire peut lui-même restreindre la libre transmissibilité de ses biens en insérant certaines clauses dans un contrat. Les principales clauses limitatives sont les suivantes :

  • Pacte de préférence : Il s’agit d’une convention par laquelle le propriétaire s’engage envers une autre personne à lui proposer en priorité l’acquisition de son bien en cas de vente. Le bénéficiaire dispose ainsi d’un droit de priorité, mais pas d’un droit d’achat immédiat. Si le propriétaire décide de vendre le bien, il doit d’abord le proposer au bénéficiaire du pacte.

    • Sanction en cas de non-respect : En cas de violation du pacte de préférence, la jurisprudence a longtemps limité le bénéficiaire à une action en dommages et intérêts. Cependant, avec un revirement dans l’arrêt de la Cour de cassation du 26 mai 2006 (chambre mixte), il est désormais possible pour le bénéficiaire de demander à être substitué au tiers acquéreur, à condition de prouver que :
      • Le tiers avait connaissance de l’existence du pacte.
      • Le tiers savait que le bénéficiaire souhaitait se prévaloir de ce pacte.
  • Clauses d’inaliénabilité : Ce sont des clauses qui interdisent à l’acquéreur de transférer le bien à un tiers. Elles peuvent être inscrites dans un acte de donation ou un testament pour des raisons de protection familiale ou patrimoniale. Étant restrictives de la liberté de disposer, les clauses d’inaliénabilité sont encadrées par le Code civil pour éviter les abus.

    • Conditions de validité (article 900-1 du Code civil) : Pour être valides, ces clauses doivent remplir deux conditions essentielles :
      • Temporaire : La durée de l’interdiction doit être limitée dans le temps.
      • Intérêt sérieux et légitime : La clause doit poursuivre un intérêt sérieux et ne pas priver indéfiniment le propriétaire de son droit de disposer.

b. Limites légales : restrictions imposées par la loi

La loi impose également certaines limitations pour protéger l’ordre public et l’intérêt général. Ces limitations peuvent être :

  • Interdiction de transfert de certains biens : Certains biens sont déclarés hors commerce et ne peuvent pas faire l’objet de transactions. L’article 1128 du Code civil précise que seuls les biens dans le commerce peuvent faire l’objet d’un contrat. Les choses dont le commerce est prohibé, comme les objets contrefaits ou les biens relevant de la protection du domaine public, ne peuvent être cédés. La sanction du non-respect de cette règle est la nullité du contrat.

  • Obligation de transfert dans certains cas : La loi peut imposer au propriétaire de vendre son bien à une personne spécifique désignée par la loi. C’est notamment le cas en matière de droit de préemption. Ce droit permet à une personne (souvent une entité publique) de se voir proposer en priorité l’achat d’un bien, avant que le propriétaire ne le vende à un tiers. Par exemple :

    • En matière de préemption urbaine, les collectivités locales peuvent acquérir en priorité des biens immobiliers pour des projets d’aménagement public. Le propriétaire est indemnisé de manière juste et équitable, mais il ne peut choisir librement son acquéreur.

Ces limitations de la libre transmissibilité de la propriété visent à équilibrer les droits des propriétaires avec les nécessités de l’intérêt public ou des relations contractuelles.

2. Principe du consensualisme et ses limites.

A) Le principe du consensualisme

Ce principe, en droit français, implique que le transfert de propriété s’opère par le simple accord de volonté des parties, sans nécessité de formalités ni de remise matérielle de la chose. Ce principe est central en droit des contrats, affirmé par plusieurs articles du Code civil, notamment les articles 1196, 1583, et 711.

  • Article 1196 (modifié par l’ordonnance de 2016) : Dans les contrats translatifs de propriété (comme la vente), la propriété est transférée dès la formation du contrat, sauf si les parties ont convenu d’un autre moment.
  • Article 1583 : La vente est parfaite dès l’accord sur la chose et le prix, ce qui signifie que le transfert de propriété est immédiat, sans besoin de livraison.
  • Article 711 : Il rappelle la transmission de la propriété par l’effet des obligations ou des contrats.

B) Caractéristiques du consensualisme

  • Le transfert de propriété est effectif dès l’échange de consentements.
  • Aucune formalité supplémentaire (comme un écrit ou une remise de la chose) n’est exigée, sauf exceptions prévues par la loi.

C) Les limites du principe de consensualisme

Le consensualisme connaît cependant certaines limites conventionnelles et limites légales qui encadrent les cas où un simple accord verbal n’est pas suffisant.

1. Limites conventionnelles

Les parties peuvent elles-mêmes prévoir des conditions au transfert de propriété, ajoutant ainsi des restrictions au principe consensuel :

  • Clause de réserve de propriété : Les parties peuvent stipuler que le transfert de propriété n’interviendra qu’au paiement complet du prix. Cette clause, souvent utilisée dans les ventes commerciales, permet au vendeur de conserver la propriété jusqu’au règlement intégral, protégeant ainsi ses droits en cas de défaillance de l’acheteur.

Ces aménagements sont permis pour offrir aux parties des garanties supplémentaires et des mesures de sécurité dans la transaction.

2. Limites légales

Certaines dispositions légales imposent des formalités qui dérogent au principe du consensualisme, notamment dans les situations perçues comme sensibles ou importantes. Les principales limites légales sont :

  • Contrats solennels : Certains contrats, dits solennels, exigent des formalités supplémentaires pour être valides, généralement pour protéger les parties concernées ou les tiers :

    • Donations : L’article 931 du Code civil impose que les donations soient passées devant notaire. Cette formalité garantit que le donateur soit conscient des implications de son acte.
    • Testaments : Les articles 970 et 971 du Code civil précisent que les testaments doivent être rédigés par écrit, soit sous forme olographe (manuscrit, daté et signé par le testateur) ou sous forme notariée. Cela vise à sécuriser les volontés du testateur.
  • Publicité des transferts de propriété : Dans certains cas, la loi exige que les transferts de propriété immobilière soient rendus publics pour être opposables aux tiers :

    • Publicité foncière : Lorsqu’un bien immobilier est vendu, le transfert doit être inscrit au service de la publicité foncière. Cela permet d’informer les tiers de la mutation et protège ainsi les droits des acquéreurs.
    • Conflits entre acheteurs successifs : Si un vendeur de mauvaise foi vend le même bien à plusieurs personnes, le premier acquéreur à inscrire la vente au registre foncier est prioritaire. Cette règle protège les acquéreurs en bonne foi et prévient les litiges sur la propriété.

En résumé, bien que le principe du consensualisme facilite la formation des contrats par le seul échange des consentements, les limites conventionnelles et légales introduisent des exceptions pour garantir la sécurité des transactions et la protection des parties et des tiers.

 

 

Isa Germain

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