L’acquisition dérivée
Une acquisition est dérivée lorsqu’elle est le résultat d’une décision du propriétaire antérieur. Cela se joint à la décision de l’acquéreur. Il n’y a pas toujours une décision du propriétaire antérieur (cf. acquisition contre la propriété de son auteur).
Le propriétaire décide de se défaire de sa chose au profit d’une personne. Si elle ne se préoccupe pas de son sort, on parle d’un abandon (acte unilatéral d’abandon de la propriété). La propriété acquise de manière dérivée n’est pas un abandon, même si le point commun est la décision du propriétaire de mettre fin à son droit.
Nul ne reste propriétaire contre son gré. Celui qui décide souverainement de ne plus être le propriétaire d’une chose doit recevoir le soutien. On dit que c’est une abdication « in favorem » : abdication « en faveur » de.
C’est ce qui donne à ce mécanisme son appellation d’acquisition dérivée. Par le mot dérivé on désigne l’idée que l’acquisition dérive de l’abdication in favorem. Parce que cette acquisition, cela se traduit par l’existence d’un certain lien historique de continuation entre les propriétés successives.
L’acquisition dérivée a pour synonyme le transfert de la propriété. Quand on parle d’un transfert de propriété (chose, lien de droit, personne), ce n’est pas le droit qui va passer et être transporté au profit d’une personne n°2, c’est uniquement la chose. On ne transfert pas le droit de propriété mais la chose. Après le transfert, le propriétaire n°2 va établir son droit sur sa chose. Un droit ancien disparaît, un droit nouvel est crée. Le transfert de la propriété désigne le transfert de la chose appropriée.
La propriété s’entend dans un sens subjectif, le lien de droit et dans un sens objectif, le statut des choses appropriées. Le transfert de propriété s’entend donc dans un sens objectif.
I- Le mode de transfert
Le schéma du transfert de propriété doit être décomposé. On a 2 temps. Le temps 1 est le temps de l’abdication in favorem. Le temps 2 c’est le temps de l’acquisition. Ces opérations sont des actes de manifestations de volonté.
A- Modalité de Principe
En principe comment repère t’on ces 2 temps ? Article 1138 du Code Civil : Il définit un régime juridique : le transfert solo consensu ou solo contractu : transfert de la propriété juste par le seul effet des consentements.
La loi décide que lorsque les parties à un acte juridique translatif ont échangé leurs consentements sur cet acte. L’accord qu’ils ont donné pour qu’existe le contrat comporte l’accord sur les effets translatif (abdication/acquisition). Cela veut dire que la loi décide que la volonté exprimé pour que le contrat se forme est le symbole de principe de l’expression de la volonté abdicative et acquisitive.
Cela répond à des raisons historiques. A la fin du 18ème et au début du 19ème siècle, on assiste au triomphe du volontarisme juridique. On accorde à la volonté de l’individu un rôle inédit dans l’histoire.
Un acte translatif crée une obligation qui est qualifiée d’obligation de donner. Cela vient du latin dare (le transfert) qui ne signifie pas « donner à titre gratuit » mais « transférer la propriété ». L’obligation est donc aujourd’hui celle de transférer la propriété à autrui (abdiquer in favorem).
L’article 1138 dispose donc que cette obligation de donner nait dès que le contrat est formé. Cette obligation de donner nait avec le contrat et est dès lors exigible. De plus, cela signifie que l’obligation de donner est exécutée dès que le contrat est conclu : idée de solo consensu.
B- Les exceptions au principe
Elles se manifestent dès qu’on s’écarte du régime de l’article 1138, c’est à dire quand il n’y aura pas naissance, exigibilité et exécution de l’obligation de donner. Il faut préciser que cet article n’a pas un caractère d’ordre public, le législateur peut donc déroger à ce titre.
1- Impossible jeu du principe
Il est des types de choses qui ne se prêtent pas au jeu du principe dans son expression totale. Ce sont les choses de genres et les choses futures.
a- Les choses de genres
Je vends à Pierre 1000 tonnes de blé que j’ai dans mes entrepôts. Au moment où se lie le contrat, j’en ai 100 000 dans mes entrepôts. On va donc avoir une impossibilité de mise en marche des règles du transfert solo consensu.
Article 1585 : « Lorsque les marchandises….ne sont pas vendues au poids…. », les choses sont au risque du vendeur et l’acheteur peut exiger des dommages et intérêts en cas d’erreur.
Pour les choses de genre, il y a retardement légal jusqu’au jour de l’individualisation, jusqu’à ce que les choses soient comptées, pesées, etc.. C’est une obligation de faire préalable à l’obligation de donner.
b- Les choses futures
En vertu de l’article 1130, le contrat peut avoir pour objet une chose future. Le contrat va avoir pour effet de forcer le débiteur à rendre cette chose présente.
Il y a un retardement impératif. Cela crée l’obligation de rendre la chose présente. Cela est une obligation de faire qui participe à l’obligation de donner en ce sens qu’elle en est la plus préalable nécessaire. Dès que la chose sera présente, l’obligation pourra être exécutée. On rencontrera un acte formel : l’acte de réception.
Article 1601 du Code Civil : pour le régime de l’acquisition des choses futures.
On cherche à protéger l’acquéreur dans le cas de la vente d’immeuble à reconstruire qui est dite à terme.
2- Les cas d’inopportunité
a- Selon la loi
La loi considère parfois que le transfert solo consensu est inopportun : cela souvent afin de protéger les tiers. En Droit Français, le principe est que l’opposabilité ne suppose pas une forme particulière. On considère qu’après tout, chacun sait avec certitude une chose qu’il n’est pas propriétaire des choses dont il n’est pas propriétaire. C’est au tiers de rechercher à qui appartient le droit et non au propriétaire d’afficher sa propriété. Ici la protection des tiers va plus loin, dans un souci de protection des tiers on neutralise le transfert automatique.
Exemple : mutation d’un brevet d’invention. L’inscription sur les registres de l’INPI est une formalité essentielle au jeu du transfert. Le transfert n’a pas lieu solo consensu, mais nécessite cet écrit.
Le motif de cette dérogation est sans doute à la fois à l’intérêt des tiers mais aussi le souci de protéger l’intérêt général. Cela permet à la puissance fiscale de connaître, suivre, vérifier des mutations de propriété.
b- Selon les parties
Les parties peuvent considérer que la règle n’est pas adaptée à leurs besoins. Il est certain que le transfert solo consensu a de vrais inconvénients : L’article 1583 reprend cela : La vente est parfaite entre les parties et la propriété est acquise de droit….quoique la chose est pas été livrée, ni le prix payée. En vertu du principe du transfert solo consensu il y a un transfert de propriété mais en l’absence de versement de prix ou de livraison.
Il y a la « réserve de propriété » qui permet de lutter contre cela, en retardant l’obligation de donner au paiement du prix. Cela permet au propriétaire de conserver la propriété, de même pour des raisons proches, il est fréquent que dans un contrat de vente immobilière, on ne transfert la propriété uniquement lorsque l’acte notarié est conclu afin d’assurer l’opposabilité.
Dans d’autres cas, on retarde le transfert non plus au paiement mais à la remise de la chose. Les parties ont une grande souplesse pour choisir un symbole matériel au lieu d’un symbole juridique.
II- Le régime de transfert
A- L’opposabilité au tiers
La propriété est opposable en soi du seul fait qu’elle existe. La possession fait présumer la propriété. Par la suite elle joue un rôle publicitaire. Mais il est des cas où cette information serait trop ambiguë.
1-L’opposabilité subordonnée la possession
Un acte translatif, par le seul fait qu’il existe, réalise naissance exigibilité et exécution de la double condition concomitante. Il peut exister une discordance entre la possession et la propriété. Exemple : Vente d’un bien par un professionnel :
Accord sur la chose et sur le prix, le Vendeur n’est plus propriétaire mais détient toujours la chose. Il y a discordance. Si le vendeur profite de cet avantage né de la discordance, jusqu’à la livraison de la chose en vendant à nouveau la chose à un tiers, cela créer un conflit.
Ce conflits entre 2 personnes se présentant propriétaires du même bien. Si l’on sen tient au principe « prior tempore patior jure » (celui qui est le premier dans le temps à le droit le plus fort).C’est le 1er acquéreur qui sera le 1er et le seul propriétaire. Cela s’appliquerait en vertu de l’interprétation de l’article 1138 du Code Civil, mais le code civil contient des dérogations.
Article 1141 du Code Civil. Dans ce conflit, l’article 1141 nous dit qu’en cas de conflits entre les acquéreurs, le possesseur n’est pas le premier en titre mais le premier en possession (qui peut très bien être le 1er en titre aussi).
En matière de meuble l’opposabilité à l’égard d’un tiers qui aurait acquis antérieurement des droits concurrents est subordonnée à la possession. L’opposabilité aux autres tiers est subordonnée au régime de droit commun.
2- L’opposabilité subordonnée à l’inscription
En matière immobilière, l’opposabilité, aux tiers qui ont des droits concurrents sur la chose, est subordonnée à la réalisation d’inscription foncière. Pour opposer le transfert de propriété immobilière, il faut inscrire cette mutation à la conservation des hypothèques sur la « fiche » de l’immeuble.
En matière mobilière, quand on vend un navire, un bateau, un aéronef, il faut inscrire sur un registre à des fins d’opposabilité.
S’il y a eu un défaut de publication au temps où elle était obligatoire mais qu’on peut prouver qu’un tiers connaissait cette mutation, elle sera opposable.
B- Les risques
Le problème de la théorie des risques est simple à énoncer mais pas simple à résoudre. Il arrive, qu’entre le moment où le droit de propriété a été transféré et le moment où la chose même est transférée (transfert de la possession), que la chose soit détruite, perdue. Quel est le régime applicable et qui supporte les risques ?
- Hypothèse 1 : On dit que c’est le vendeur qui supporte les risques. Ne pouvant pas livrer la chose, il ne pourra pas toucher le prix en raison du caractère synallagmatique des contrats de vente.
- Hypothèse 2 : Si c’est l’acheteur qui supporte les risques. Bien que percevant pas la chose, il n’en demeure pas moins qu’il devra quand même payer.
Débat du fait de la dissociation entre la remise de la propriété et la remise de la chose. Si l’on considère que les risques sont attachés à la qualité de propriétaire, dès que le droit a été transféré on assume les risques. C’est l’acheteur qui les assume. Si en revanche les risques sont accrochés à la possession, le fait que l’acheteur ait reçu la propriété ne fait pas peser les risques sur lui. Les risques continuent à peser sur le vendeur détenteur de la chose.
Article 1604 du Code Civil : La délivrance est le transport de la chose vendue en la puissance et possession de l’acheteur. Voilà la raison du problème. Voici maintenant les solutions effectives :
- « Elle rend créancier le propriétaire et met la chose à ses risques » : la remise de la propriété. Les risques sont attachés au DROIT.
- « Res ierit domino » : La chose est au risque du maitre.
Dès que l’on est propriétaire, on assume les risques dans la mesure où ces risques ne sont qu’un aspect du régime de la propriété. Exceptions : « Encore que la « tradition » n’a pas été effectuée (tradition : remise de la chose) : réelle
« Res ierit debitori » : L’aliénateur, débiteur de l’obligation de livrer matériellement la chose, subit le risque quand il a l’obligation de la remettre. L’aliénateur doit livrer le droit et la chose, dès lors qu’il est en demeure (inexécution de son obligation) il doit assurer et supporter les risques sur la chose dont il est le possesseur. Il a une obligation de conservation de la chose jusqu’à la livraison : Article 1137 et 1136 du Code Civil.
Si la chose est détruite, la perte est au risque de l’acheteur mais celui ci peut prouver une faute dans l’obligation de conservation et pourra obtenir réparation en dommages et intérêts (qui viennent en compensation avec le prix).
C- La relation d’ayant cause à auteur
Acquisition dérivée : acquisition dérivant d’une décision prise par l’aliénateur au profit de l’acquéreur : acquisition in favorem.
Il se crée un lien entre l’aliénateur et l’acheteur qui est définit par le lien « d’ayant cause a auteur ». L’ayant cause est l’acquéreur, celui dont le titre est causé par l’intervention d’une autre : l’auteur. La position d’ayant cause se traduit par le transfert automatique de tout les droits et les dettes qui sont accessoires à la chose. L’acheteur pourra exercer tout les droits que pouvait exercer son auteur à propos de la chose. S’il y avait un vice caché, l’ayant cause pourra agir alors mêmes qu’il n’a pas acheté la chose.