L’acquisition et la perte de la personnalité juridique

COMMENT LA PERSONNE PHYSIQUE PERD OU ACQUIERT LA PERSONNALITÉ JURIDIQUE

Quelles sont les conditions d’acquisition et quelles sont les circonstances de la perte de cette qualité de sujet de droit pour un être humain, à partir de quand et jusqu’à quand sommes nous des sujets de droit dotés de la personnalité juridique?

I) L’ACQUISITION DE LA PERSONNALITÉ JURIDIQUE PAR LA PERSONNE PHYSIQUE.

La personnalité juridique de tout être humain l’est du moment de sa naissance au moment de sa mort.

  • &1 : Le principe de l’acquisition de la personnalité juridique à la naissance.

Tout individu devient un sujet de droit et accède à la personnalité juridique dès l’instant où il nait (ce principe est très ancien). En effet, le choix de l’instant de la naissance a été fait à une époque où la majorité des gens pensaient que la naissance correspondait au début de la vie et donc décider que ce serait aussi le point de départ de la personnalité juridique permettait de faire coïncider l’existence physique et l’existence juridique. En effet, longtemps les connaissances scientifiques n’ont pas permis d’être certain de la vie avant la naissance, d’où le choix de ce point de départ de la personnalité juridique. Dans cette conception traditionnelle, avant la naissance, l’enfant ne peut pas être distingué de sa mère dont il n’est pas autonome. Les romains disaient qu’il était « pars viceris matris ». Aujourd’hui encore, si on sait que la vie commence avant la naissance, beaucoup pensent que la vraie vie doit s’entendre d’une vie autonome et donc continue de ce fait à défendre la naissance comme point de départ idéal de la personnalité juridique. L’importance donnée par le droit objectif à la naissance explique qu’une déclaration de naissance doit être effectuée auprès des services de l’état civil de la mairie du lieu où elle est intervenue dans les trois jours qui suivent l’accouchement. Mais, pour devenir un sujet de droit, il ne suffit pas de naitre. Pour acquérir à la naissance la personnalité juridique, il faut être né vivant et viable. L’enfant mort-né n’a jamais été et ne sera jamais une sujet de droit. De même, l’enfant non viable, c’est à dire celui qui ne dispose pas des aptitudes suffisantes pour survivre à sa naissance en raison d’une malformation ou parce qu’il est né trop tôt ne sera lui non plus jamais un sujet de droit. Le droit a préféré ne pas tenir compte d’une vie aussi brève qui n’était pas faite pour durer. Prendre comme point de départ de la personnalité juridique la naissance implique a contrario que l’enfant qui n’est pas encore né n’est pas un sujet de droit et donc il n’est titulaire d’aucun droit et bien sur d’aucune obligation.

C’est pour cette raison que la Cour de Cassation a refusé en cas de mort d’un embryon ou d’un fœtus à la suite de l’erreur ou de la violence d’un tiers de retenir la qualification d’homicide involontaire. Elle fait valoir que le régime juridique de l’enfant à naitre relève des textes particuliers que les embryons et les fœtus. Cette analyse traditionnelle qui fait commencer la vie et la personnalité juridique à la naissance est de plus en plus critiquée à l’époque moderne avec les grandes avancées de la médecine. Aujourd’hui, les progrès de la science ont en effet montré qu’il existe une vie intra-utérine, une vie avant la naissance et donc logiquement, la question s’est posée avec plus de force de savoir s’il ne fallait pas faire démarrer la personnalité juridique au jour de l’apparition de la vie et donc, dès la conception. Si on considère en effet que la vie commence avant la naissance, il faut conclure que notre système juridique ne fait pas coïncider début de la vie et début de la personnalité juridique. On peut même aller plus loin et dire qu’il y a des être humains qui ne sont pas sujets de droit. Tous les être vivants ne bénéficient pas des mêmes droits. L’article 16 du code civil dispose que la loi assure le respect de l’être humain dès le commencement de la vie. Cet article dispose donc que l’enfant à naitre a droit au respect en tant qu’être vivant mais il ne lui reconnaît pas pour autant la qualité de sujet de droit. Le débat est envenimé par la question de l’avortement. Peut-on reconnaître la personnalité juridique de l’enfant à naitre et dans le même temps autoriser l’avortement ?

Théoriquement oui, mais cela pose une difficulté éthique. Pour la contourner, certains ont proposé de retenir comme date du début de la vie et date du début de la personnalité juridique la date au delà de laquelle l’avortement est interdit, à savoir, plus de 12 semaines. L2212-1 et L2213-1. L’article L 2151-5 du code de la santé publique en 2004, pour une durée de 5 ans, les recherches peuvent être faites sur un embryon fécondé in vitro. Dans un avis du 23 mai 1984, le comité national d’éthique a proposé une solution intermédiaire en affirmant que l’embryon devait être reconnus comme une personne potentielle dont le respect s’impose à tous. Mais il ne peut en la matière y avoir de demi mesure. Pour l’instant, notre droit objectif persiste à retenir comme de point de départ de principe de la personnalité juridique la naissance. Et parallèlement, si la personnalité juridique n’est pas reconnue à l’enfant à naitre, il dispose toutefois qu’une protection spécifique de la loi. C’est essentiellement le développement de la procréation assistée et la question des embryons surnuméraires qui sont à l’origine du débat sur le statut de l’enfant à naitre. Le législateur a considéré qu’il était urgent de prendre pour les embryons et les fœtus des mesures de protection, c’est ainsi qu’une première loi du 29 juillet 1994 (Loi bio-éthique) suivie par une loi du 6 aout 2004 sont intervenues pour poser des règles très protectrices de l’embryon. Par exemple, ces lois posent le principe de l’interdiction de la recherche sur l’embryon, condamne le clonage, interdit l’utilisation des embryons à des fins commerciales ou industrielles. Toutefois, depuis la loi de 2004, on admet à titre exceptionnel des expérimentations sur des embryons conçus in vitro a des conditions très strictes posées par un décret du 4 mai 2005. La cour européenne des droits de l’homme reconnaît que le fœtus est titulaire d’un droit à la vie mais que ce droit peut être écarté au bénéfice de celui de sa mère dont l’intérêt peut commander l’IVG.

  • &2 : Le tempérament au principe : l’acquisition exceptionnelle de la personnalité juridique dès la conception.

Certains textes du code civil comme les articles 725 et 906 reconnaissent à l’enfant conçu le droit d’hériter en présence ou non d’un testament ou encore de bénéficier d’une donation. Cette possibilité a été érigée en principe général par la jurisprudence qui considère que l’enfant conçu mais non encore né doit être tenu pour né chaque fois qu’il y va de son intérêt : « infans conceptus pro nato habetur quoties de commodis ejus agitur ». → « L’enfant conçu mais non encore né doit être tenu pour né chaque fois qu’il y va de son intérêt ». L’enfant peut donc acquérir des droits et au delà, la personnalité juridique, avant même sa naissance. Toutefois, cette personnalité juridique reconnue à l’enfant par exception avant sa naissance est à la fois partielle et conditionnelle. Elle est partielle parce qu’elle ne joue uniquement que si c’est dans l’intérêt de l’enfant. La jurisprudence a utilisé cet adage pour faire bénéficier aux enfants non encore nés, de la rente allouée aux enfants du défunt en cas de mort par accident du travail. L’application de cette règle a par exemple permis d’autoriser les reconnaissances prénatales de paternité ou de maternité dès lors que l’on considère que c’est dans l’intérêt de l’enfant de pouvoir s’assurer dès la conception des droits découlant de l’établissement de cette filiation. La Cour de Cassation a aussi considéré par exemple que la rente allouée aux enfants du défunt en cas d’accident mortel du travail était du à l’enfant conçu dès le décès de son parent. La référence à l’intérêt de l’enfant ne l’interdit pas d’être débiteur d’une obligation à condition que cette obligation soit l’accessoire d’une créance. Par exemple, parce que c’est dans son intérêt, l’enfant dont le père est mort avant la naissance peut hériter de son père et dans ce cas, il hérite de l’actif et du passif. La personnalité juridique reconnu exceptionnellement à l’enfant conçu est également conditionnelle, seuls les enfants qui vont naitre vivants et viables pourront revendiquer grâce à cette règle l’acquisition de la personnalité juridique dès la conception. Si on reprend le même exemple, en principe, la qualité d’héritier s’apprécie au jour du décès. Or, au jour du décès, l’enfant n’est pas un sujet de droit puisqu’il n’est pas né. Toutefois, il peut grâce à la règle infans conceptus et parce que c’est dans son intérêt revendiquer l’acquisition de la personnalité juridique et dans ce cas là, au moment du décès, il était bien un sujet de droit et donc peut être titulaire du droit d’hériter. La dernière question qui se pose est de savoir quelle est la date de la conception. Pour faciliter la détermination de la date de la conception l’article 311 alinéa 2 du Code Civil prévoit que la conception est présumée avoir eu lieu à un moment quelconque de la période qui s’étend du 300eme au 190eme jour inclus avant la date de la naissance.

Ci-dessous, un autre cours d’Introduction au droit civil est divisé en plusieurs fiches (sources, droit objectif, droit subjectif, preuves,

Autres Cours complet de Droit civil divisé en plusieurs fiches :

II) LA PERTE DE LA PERSONNALITÉ JURIDIQUE PAR LA PERSONNE PHYSIQUE.

C’est la mort qui met fin à la qualité de sujet de droit des personnes physiques. Le moment de la mort est donc fondamental car il marque le passage du sujet au cadavre, le cadavre entrant dans la catégorie des choses.

  • &1. L’hypothèse de la mort certaine.

La mort est certaine lorsque l’arrêt complet irréversible des fonctions vitales a été constaté. Il faut qu’un acte de décès soit dressé par un officier de l’état civil, acte précisant la date et l’heure du décès. Faut-il encore que la mort ait pu être constatée et qu’on l’on s’entende bien sur quoi on définit la mort. La définition de la mort a posé pendant un certain temps une difficulté parce qu’il n’y avait pas de réelle définition. C’est une circulaire du 3 Avril 1978 qui a défini ce qu’est la mort. Ce n’est que la réglementation des prélèvements d’organes pour les dons postmortem qu’un décret du 2 Aout 2005 a précisé quand exactement il y avait mort dans la mesure où le prélèvement d’organes ne peut avoir lieu que si la mort a été constatée, article R1232-1 du code de la santé publique: « Si la personne présente un arrêt cardiaque et respiratoire persistant, le constat de la mort ne peut être établi que si les trois critères cliniques suivants sont simultanément présents. Premièrement, absence totale de conscience et d’activité motrice spontanée, deuxièmement, abolition de tous les réflexes du tronc cérébral, troisièmement absence totale de ventilation spontanée ». Au jour du décès la personne physique cesse d’être un sujet de droit, elle devient un cadavre. Le cadavre est une chose mais le sujet de droit a pu de son vivant exprimer sa volonté sur le sort de son corps après sa mort, par exemple, l’article 16-11 alinéa 2 du code civil, prévoit que sauf accord exprès de la personne manifesté de son vivant, aucune identification par empreinte génétique ne peut être réalisée après sa mort. De même le sujet vivant peut refuser des prélèvements d’organes après sa mort, article L1232-6 du Code de la Santé Publique. Si le cadavre n’est plus un sujet de droit, il reste humain et pour respecter la dignité de la personne humaine il fait protéger le cadavre. C’est pourquoi l’article 16-1-1 du Code Civil, dispose que « le respect dû au corps humain ne cesse pas avec la mort, les restes de la personnes décédée, y compris les cendres de celle dont le corps a donné lieu à crémation, doivent être traités avec respect, dignité et décence ». De même, le Code Pénal, article 225-17, sanctionne toute atteinte à l’intégrité du cadavre, et l’article 16 du code civil autorise le juge à prendre toutes les mesures nécessaires pour faire cesser une attaque illicite au corps humain y compris après la mort.

  • &2. Les hypothèses de doute sur la mort.

Pour que la mort puisse produire ses effets, pour que le sujet cesse d’être un sujet, que ses bien soient transmis à ses héritiers, il faut encore pouvoir établir avec certitude la mort du sujet. Or, dans certains cas, on ne sait pas si une personne est morte ou vivante. La famille est sans nouvelle, personne n’a vu le sujet depuis plusieurs années de sorte qu’il existe une incertitude sur la vie ou la mort du sujet. Le Code Civil organise deux régimes pour les cas d’incertitude sur l’existence de la personne, la procédure de l’absence et la procédure de la disparition.

  • a) L’absence.

Au sens juridique du terme, l’absence est l’état d’une personne dont on ne sait pas si elle est morte ou vivante. Cette situation est envisagée aux articles 112 et suivants, du Code Civil. Deux périodes se succèdent. Dans un premier temps on présume que l’absent est en vie, puis dans un second temps on va présumer qu’il est mort. Donc la première phase de la procédure est celle de la présomption d’absence. Selon l’article 112 du code civil, lorsqu’une personne a cessé de paraître au lieu de son domicile ou de sa résidence sans que l’on ait eu de ses nouvelles. Toute personne qui y a intérêt peut saisir le juge des tutelles pour que soit déclarée la présomption d’absence. Dans le jugement prononçant la présomption d’absence le juge désigne un membre de la famille ou un tiers qu’il charge de veiller sur les intérêts du présumé absent. Si l’intéressé revient, la procédure s’arrête. Si on apprend qu’il est mort de manière certaine, la procédure s’arrête. Si aucun de ces deux événements ne survient, on peut passer à la deuxième phase de la procédure. La deuxième phase consiste à déposer une requête en déclaration d’absence auprès du Tribunal de Grande Instance du lieu de la dernière résidence de l’intéressé afin que celui-ci soit déclaré absent. Cette requête ne peut être déposée que 9 ans après le jugement de présomption d’absence. Cette requête doit être publiée afin que l’intéressé puisse être prévenu. Le jugement déclaratif d’absence ne peut intervenir qu’un an après cette requête soit 10 ans après le jugement après le jugement prononçant la présomption d’absence. Ce jugement doit être publié. Il a la même valeur qu’un acte de décès. A partir de ce jugement on considère que le sujet est mort, son mariage est dissout etc… Si après ce jugement déclaratif d’absence revient, le jugement déclaratif peut être annulé.

  • b) La disparition.

La disparition est l’état d’une personne dont on a la quasi certitude qu’elle est morte. Cependant son cadavre n’a pas pu être retrouvé et donc un acte de décès n’a pas pu être dressé. L’article 88 du code civil prévoit que la procédure de la disparition s’applique aux personnes disparues dans des circonstances de nature à mettre leur vie en danger lorsque leur corps n’a pas pu être retrouvé. Il faut dresser une requête au Tribunal de Grande Instance du lieu de la disparition pour faire constater cette disparition. Après enquête le Tribunal rend un jugement déclaratif de décès qui tient lieu d’acte de décès. En cas de réapparition de l’individu, on applique les même dispositions que pour l’absent.