L’acquisition originaire de la propriété

L’acquisition originaire de la propriété.

Avant d’étudier particulièrement l’acquisition originaire, il convient de la distinguer d’un autre mode d’acquisition de la propriété, l’acquisition dérivée. L’acquisition est le fait de devenir propriétaire. Il existe différents modes d’acquisition.

Section 1- La distinction « acquisition originaire » et « acquisition dérivée »

L’article 711 du Code civil dispose que « La propriété des biens s’acquiert et se transmet par succession, par donation entre vifs ou testamentaire, et par l’effet des obligations».

L’article 712 dispose que «La propriété s’acquiert aussi par accession ou incorporation, et par prescription». Manquent l’occupation et la création. Il faut de plus préciser que la possession peut être indépendamment du temps de la prescription créatrice de propriété.

Il faut distinguer entre acquisition originaire et acquisition dérivée.

Elle est originaire lorsque l’acquéreur va établir un droit de propriété qui ne sera en aucun cas tributaire d’un éventuel précédent droit de propriété.

A l’inverse, l’acquisition est dérivée lorsque le propriétaire va inscrire son droit nouveau dans les traces d’un précédent droit de propriété.

Toute acquisition se traduit par la création d’un droit de propriété, quel que soit le contexte ou la situation. Cela se traduit par une manifestation de volonté de l’acquérant, on n’est pas propriétaire contre son gré. Sur cette base, il se peut que le régime du droit nouveau se réfère ou non à un droit préexistant.

Section 2 – L’acquisition dérivée

L’acquisition est dérivée quand l’acquéreur tient ses droits de son prédécesseur. Il y a donc transmission du droit de propriété. L’acquéreur est l’ayant cause de son auteur, l’auteur étant celui qui lui a transmis le droit de propriété.

A ce titre, l’acquéreur devient propriétaire dans les conditions où l’était son auteur. Et notamment, il doit supporter les charges dont la chose était grevée. L’acquisition dérivée peut résulter d’un contrat (vente, donation…) ou encore d’un acte unilatéral (un testament par exemple) ou encore d’un fait dont la loi tire des conséquences (succession sans testament). Elle peut aussi résulter d’une décision judiciaire (vente par adjudication, aux enchères, dans le cadre d’une saisie).

Section 3 – L’acquisition originaire

C’est la création d’un droit de propriété relativement à une chose, sans égards à sa situation antérieure, tantôt parce que la chose n’était pas appropriée, tantôt bien qu’elle ait été appropriée.


I- L’acquisition originaire des choses inappropriées

A- L’acquisition originaire des choses inappropriées anciennes

Il y a des choses inappropriées anciennes : les choses sans maitre (res nullius), ou celles qui n’en ont plus (res derelictae).

L’occupation est un mode d’acquisition des choses sans maitre ou n’en ayant plus. Cette occupation se réalise par la prise de possession avec l’intention d’acquérir. L’acquisition est instantanée.

B- L’acquisition originaire des choses inappropriées nouvelles

On va distinguer entre les choses nouvelles issues d’un bien inexistant et celles qui ne le sont pas.

1- Les choses nouvelles issues d’un bien préexistant

Il s’agit des fruits (issus du capital et inappropriés à leur naissance). On devient propriétaire de ces fruits par accession par production (récolte pour les fruits industriels, au jour le jour pour les fruits civils).

Il existe des choses nouvelles inappropriées : les produits. Cela se fait encore par accession.

2- Les choses nouvelles non issues d’un bien préexistant

Il existe un bien préexistant mais il faut un acte de création pour que le bien nouveau existe.

Quand une chose est nouvelle, l’acquisition se fait selon le mécanisme de la spécification. Il s’agit d’une des manifestations de la création. On considère en droit que la fabrication d’une chose par transformation d’une matière est une création qui entraine la propriété.

Création d’une chose incorporelle nouvelle : créations intellectuelles. Soit l’acquisition se fait par le seul fait de la création (œuvres de l’esprit), soit à l’issue d’un dépôt voire de l’obtention d’un titre.

II- L’acquisition originaire des choses appropriées

Comment peut-on concevoir l’acquisition d’une chose appropriée ? On peut envisager que le propriétaire soit d’accord (c’est statistiquement le cas le plus fréquent). Mais quand le propriétaire est d’accord, cette acquisition n’est pas originaire mais dérivée, nous reviendrons sur cela plus tard.

L’acquisition originaire des choses appropriées nécessite donc d’aller contre la volonté du propriétaire, nécessite l’expropriation. Nous ne parlerons pas de l’expropriation en elle-même, qui est d’utilité publique et découle du droit public.

A- Au nom de l’unité des biens

Nous avons vu précédemment l’accession par incorporation. Le meuble accessoire n’est qu’un élément du principal et le droit de propriété dont il fait l’objet s’éteint. Le propriétaire de la chose principale étend son empire à la chose accessoire.

Il n’y a au fonds pas réellement d’acquisition. On est sur de l’extinction du droit de propriété sur les éléments accessoires incorporés, mais il y a seulement élargissement de l’assiette du droit de propriété portant sur le bien principal.

L’accession par incorporation est seulement un cas d’extinction forcée du droit de propriété sur les éléments incorporés.

On ne veut pas morceler les propriétés, c’est pourquoi l’on va forcer cette extinction.

B- Au nom d’une certaine conception de la sécurité juridique

Dans un certain nombre d’hypothèses, le droit va autoriser l’acquisition originaire d’une chose appropriée contre la volonté du propriétaire actuel, ce qui constitue une expropriation.

1- La prescription acquisitive

Lorsqu’une personne est possesseur (agit comme le propriétaire) d’un bien meuble ou immeuble pendant un certain temps allant de dix à trente ans, lequel temps variant en fonction de la bonne ou de la mauvaise foi et, en matière immobilière, de l’existence d’un juste titre, elle va devenir propriétaire de ce bien du seul fait de sa possession.

Sa propriété rétroagira au jour de l’entrée en possession.

La prescription est une façon de faire correspondre le droit aux faits. Le véritable propriétaire a de nombreux moyens de faire interrompre le temps qui joue en matière de protection. On va considérer aussi que celui qui est possesseur est plus utile que le propriétaire qui ne défend pas son droit de propriété pendant un certain temps. De plus, quand on examine ce processus, on s’aperçoit qu’il vient conforter le titre de propriétaire et qu’il ne va pas à l’encontre de la propriété.

Si la propriété était réellement perpétuelle il semble étrange qu’il soit possible de perdre son droit de propriété à l’issu d’un temps. C’est un cas originaire d’acquisition d’une chose appropriée.

2- La prise de possession de bonne foi d’un meuble

Celui qui prend possession d’un meuble en exécution d’un contrat translatif (censé donner la propriété) et ce, de bonne foi (la personne ignore que ce contrat ne peut lui donner la propriété), bien que ce bien émane d’un non propriétaire.

En vertu de l’article 2276 du Code civil : « En fait de meuble possession vaut titre ». Cela permettait initialement de prouver par titre la possession d’un meuble.

Si l’on prend possession de bonne foi d’un meuble, on en devient propriétaire instantanément. Le propriétaire en titre pourra dans certains cas récupérer sa propriété. Acquisition originaire instantanée.

Ce droit nouveau ne sera en principe en rien tributaire de l’histoire antérieure du bien. Par exemple, si l’on prend possession de bonne foi d’un meuble vendu par un non propriétaire et que ce meuble est gagé ou fait l’objet d’un nantissement ; parce que l’acquisition est originaire, elle va avoir un effet de purge de tous les droits et de toutes les charges qui pesaient sur ce bien. A contrario, quand l’acquisition est dérivée, le droit est nouveau mais va s’inscrire dans l’histoire antérieure qu’il va perpétuer, il n’y a pas de purge des droits accessoires portant sur la chose.