L’ADMINISTRATION ET SES JUGES
— Le juge administratif n’a pas le monopole en matière de litige administratif. Les juges judiciaires sont compétents pour connaitre d’une partie de l’action administrative (Activité industrielle et commerciale de l’administration = Bloc de compétence de la juridiction judiciaire etc.)
— Il a fallu attendre des révisions tardives de la Constitution (2003 et 2008) pour que la juridiction administrative s’y intègre. Mais sans attendre ces révisions, le Conseil Constitutionnel a élaboré de manière prétorienne un statut jurisprudentiel de cette juridiction. Il a d’abord affirmé en tant que PFRLR l’indépendance des juridictions administratives vis-à-vis du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif (Conseil constitutionnel 22 juillet 1980). cela inclut l’impossibilité pour le législateur de supprimer la juridiction administrative car celle-ci a désormais une existence constitutionnelle.
— La décision du Conseil Constitutionnel 3 décembre 2009 (Loi organique sur la question prioritaire de constitutionnalité), a affirmé que le CE et la Cour de cassation sont les juridictions placées au sommet de chacun des deux ordres de juridictions reconnus par la Constitution. Il est donc affirmé que le juge administratif existe dans la Constitution.
— La décision du Conseil Constitutionnel 23 janvier 1987 définit la compétence constitutionnellement garantie du juge administratif. Cette compétence est donc un PFRLR selon le Conseil Constitutionnel, qui va cerner dans la compétence des juridictions administratives, une partie de celle-ci qui a valeur constitutionnelle. Il n’est possible d’enlever à la compétence de ces juridictions qu’en modifiant la Constitution. On parle ici de la « Compétence pour annuler ou réformer les décisions prises dans l’exercice de prérogatives de puissance publique par les autorités exerçant le pouvoir exécutif, leurs agents, les collectivités territoriales de la République, ou les organismes placés sous leur autorité ou leur contrôle. » Il y a donc des chefs de compétence du juge administratif qui ne sont pas constitutionnellement protégés, et qu’une loi pourrait très bien transférer au juge judiciaire car ils ne font pas partie du noyau de la compétence du juge administratif (Ex. Contentieux des contrats, le contentieux de l’exception d’illégalité etc.)
— L’annulation, la réformation, ce n’est pas la compétence constitutionnelle du juge administratif, cela n’empêche donc pas le législateur de déléguer de ces responsabilités au juge judiciaire par simples lois.
— La décision de 1987 contient également une possibilité de dérogation : Il est possible pour le législateur de transférer au juge judiciaire par exemple, même des compétences constitutionnelles du juge administratif, dans un cas jugé suffisamment intéressant pour déroger au principe, lorsqu’il y a une exigence de bonne administration de la justice. Cela s’est fait dans la loi soumise au Conseil Constitutionnel de 1987 par exemple.
— Peu à peu, on a émancipé le juge administratif de l’administration. Mais cela n’a pas supprimé tout lien entre les fonctions administratives et les fonctions juridictionnelles.
— Les révolutionnaires souhaitent interdire aux juridictions ordinaires de connaitre les actes administratifs. C’est conçu à cette époque comme découlant de la séparation des pouvoirs. Le pouvoir exécutif s’est donc vu confier la mission de juger lui-même les litiges que sont action suscite. Dans les premières années de la révolution, on a confié à des organes administratifs la gestion des contentieux avec l’administration. Le pouvoir exécutif était dès lors juge et partie.
— Napoléon 1er Consul a fait rapidement adopter la loi du 28 pluviôse an VIII, qui crée les Conseils de préfecture, ancêtres des Tribunaux administratifs, ils étaient juges en premier ressort des litiges administratifs. C’était une compétence d’attribution. Ils avaient le pouvoir de la justice déléguée par le Chef de l’Etat. A l’échelle supérieure il y avait des juges de droit commun en premier ressort: Les ministres qui jugeaient les litiges provoqués par l’administration de son ministère (Théorie du ministre-juge) Il n’y avait donc aucune séparation entre l’administration et son juge. Il y avait un juge d’appel : Le Conseil d’Etat, mais ça n’était qu’un organe de conseil du Chef de l’Etat (Le 1er Consul), qui rendait la justice après un projet de décision soumis par le CE (Système de justice retenue) Il n’y a eu aucun cas de refus de signature, même dans certains litiges particuliers (Mettant en cause la famille du roi sous la Restauration etc.)
— Au nom de l’exigence d’un juge impartial, une contestation s’est élevée. Elle a abouti sous la 2ème République (1848), à l’octroi de la justice déléguée au Conseil d’Etat, mais sous Napoléon III on est revenu à la justice déléguée.
— La loi du 24 mai 1872 confère définitivement la justice déléguée au Conseil d’Etat. Au moins en appel, la justice administrative est détachée de l’administration. A partir de cette date, c’est l’âge d’or de la jurisprudence administrative.
— CE 13 décembre 1889 CADOT : Le CE abandonne la théorie du ministre-juge. Il a donc récupéré la compétence de juge de droit commun au premier ressort.
— Le décret-loi de 1926 a établit que les Conseils de préfectures n’étaient plus présidés par le préfet. C’était le dernier échelon à séparer de l’administration. Le juge administratif est donc définitivement et totalement indépendant.
— Initialement la juridiction administrative était un ensemble d’organes placés auprès des organes administratifs pour les conseiller, dans le cadre des litiges ou non. Les juges administratifs ont conservé certaines qualités de conseils, qu’ils cumulent avec leur qualité de juge administratif.
— Ce dédoublement fonctionnel est très net pour le Conseil d’Etat, organe de conseil du
Gouvernement au travers de 6 sections administratives (Intérieur, Administration, Finances, Travaux Publics, Sociale et du Rapport et des Etudes) Il est obligatoirement consulté par le Gouvernement sur les projets de lois et ordonnances (ARTICLE 38 et 39 de la Constitution), sur la délégalisation de lois antérieures à 1958 (ARTICLE 37 al.2 de la Constitution), et lorsqu’une disposition légale ou règlementaire l’exige. Un décret en Conseil d’Etat est un décret pris après avis obligatoire du Conseil d’Etat . Il se prononce sur tous les aspectes juridiques des projets qui lui sont soumis. Il peut se prononcer sur la légalité, la constitutionnalité etc., mais aussi sur l’opportunité du projet qui lui est soumis. Lorsque le Conseil d’Etat est juge, il ne peut pas se prononcer à l’opportunité. En revanche, l’avis que le Conseil d’Etat va émettre n’est pas un avis conforme, il ne va pas lier le Gouvernement. Le décret pris sans l’avis du Conseil d’Etat est entaché d’incompétence, ce qui est un moyen d’ordre public, et que le juge peut donc soulever d’office. En dehors de ça, le Gouvernement peut soumettre n’importe quelle question au Conseil d’Etat . — Ex. L’interdiction du port du voile dans les lieux publics a donné lieu à un avis du Conseil d’Etat qui a été négatif, mais ça n’a rien changé.
— Au niveau local, seuls les préfets ont la possibilité de consulter le Tribunal Administratif dans le ressort duquel ils ont leur siège, mais ils ne les saisissent que très rarement.
— La tendance est à la juridictionnalisation des autorités administratives. Tel est le cas notamment pour les organes disciplinaires dans la fonction publique, ou plus généralement de toutes les autorités ayant le pouvoir de prononcer des sanctions administratives. Cela aboutit à une certaine assimilation procédurale ; la procédure est calquée sur la procédure pénale. Le pouvoir de sanction des autorités administratives est conditionné aux grands principes de la procédure pénale : Respect des droits de la défense, du principe de légalité des délités et des peines, du principe de rétroactivité de la loi pénale plus douce etc.
— L’ARTICLE 6 §1 CEDH (Procès équitable) a été appliqué aux autorités administratives pouvant prononcer des sanctions pécuniaires. On doit être en présence d’un tribunal qui se prononce sur des questions d’obligation civile ou des accusation en matière pénale. Le Conseil d’Etat a estimé que certaines autorités administratives françaises devaient être qualifiées de Tribunal au sens de l’ARTICLE 6 §1. En droit français ce ne sont pas des tribunaux mais on fait comme si pour pouvoir appliquer la CEDH. Cela concerne notamment les AAI et l’administration fiscale lorsqu’elle prononce des sanctions fiscales. On fait également respecter le principe d’impartialité.
— CE section 3 décembre 1999 DIDIER : Extension de ce principe aux AAI.
— Il faut donc définir des juridictions administratives puisque les autorités administratives s’y apparentent parfois.
— La plupart des grandes juridictions administratives sont clairement identifiées comme tel. Mais les juridictions administratives spécialisées sont très nombreuses, et la qualité de juridiction administrative soulève parfois des difficultés les concernant car le texte fondateur de ces institutions ne dit rien.
— Cette qualification va être opérée par le juge administratif lui-même puisqu’elle ne l’est pas par les textes. La voie de recours dépend de la qualité de l’organe : Si la décision contesté émane d’une autorité administrative il faut exercer un recours pour excès de pouvoir, mais si elle émane d’une juridiction administrative, il faut donc faire appel ou se pourvoir en cassation selon le cas.
— CE assemblée 12 décembre 1953 DE BAYO : C’est un critère fonctionnel qui est posé, il repose sur la mission de l’organe. S’il a pour mission de résoudre des litiges en appliquant des règles de droit, on le considère comme une juridiction.
— Mais parfois les autorités administratives ont également ce rôle de trancher des litiges en utilisant des règles de droit, donc la jurisprudence Bayo est incomplète. La jurisprudence a admis qu’on utilise d’autres critères formels ou procéduraux ; on regarde comment est composé l’organe (Collégial = Plutôt juridiction, mais ça ne suffit pas), qui en est membre, le statut des membres (Magistrats = Plutôt juridiction mais pas forcément), quelle est la méthode d’examen des dossiers (Procédure contradictoire = Plutôt juridiction mais pas tout le temps), si les décisions doivent être motivées etc. Mais ces critères ne sont pas satisfaisants car le régime découle de la qualification et non l’inverse ; on confond cause et conséquence.
— L’état de droit n’est pas plus satisfaisant en ce qui concerne la qualité administrative de la juridiction en cause. Ici est mis en œuvre un critère matériel : Est une juridiction administrative, une juridiction saisie de questions de droit public. Mais c’est très vague.
— CE 7 février 1947 D’AILLIERES : L’analyse est complétée en cas de silence du législateur par des critères formels ou procéduraux (Si les principes respectés sont identiques aux juridictions administratives, si les membres de la juridiction sont les membres classiques d’une juridiction administrative etc. On penchera plutôt en faveur d’une juridiction administrative)
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