L’adoption simple
La filiation adoptive est une construction juridique qui ne repose sur aucune donnée biologique. Elle découle exclusivement d’un acte de volonté, permettant à des personnes privées d’établir un lien juridique analogue, mais non identique, à celui qui résulte de la filiation charnelle. Cependant, l’intensité de cette analogie varie selon le type d’adoption. Ainsi, l’adoption plénière assimile totalement l’adopté à un enfant biologique, tandis que l’adoption simple conserve une connexion partielle entre l’adopté et sa famille biologique.
I) La distinction entre adoption simple et adoption plénière
L’adoption simple et l’adoption plénière constituent deux régimes juridiques distincts, chacun conférant des effets spécifiques à l’adopté et à sa famille biologique ou adoptive. Leur différence fondamentale réside dans la rupture ou le maintien des liens avec la famille biologique.
1. Lien avec la famille d’origine
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Adoption simple : L’adopté conserve ses liens juridiques avec sa famille d’origine. Cela inclut les droits successoraux, les empêchements au mariage, ainsi que l’obligation alimentaire subsidiaire des parents biologiques. La filiation biologique reste intacte, et l’adopté appartient simultanément aux deux familles.
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Adoption plénière : L’adopté acquiert une nouvelle filiation qui remplace totalement celle d’origine. Les liens juridiques avec la famille biologique sont définitivement rompus, à l’exception des empêchements au mariage.
2. Autorité parentale
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Adoption simple : L’autorité parentale est intégralement transférée à l’adoptant. Toutefois, dans le cas de l’adoption de l’enfant du conjoint, celui-ci conserve seul l’autorité parentale, sauf si une déclaration conjointe est faite devant le tribunal pour l’exercer ensemble.
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Adoption plénière : L’autorité parentale est exclusivement attribuée aux parents adoptifs. Dans le cas de l’enfant du conjoint, l’autorité parentale est automatiquement exercée en commun.
3. Obligation alimentaire
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Adoption simple : L’obligation alimentaire est réciproque entre l’adoptant et l’adopté. Les parents biologiques conservent une obligation alimentaire subsidiaire, applicable uniquement si l’adoptant est dans l’incapacité de subvenir aux besoins de l’adopté.
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Adoption plénière : L’obligation alimentaire est uniquement réciproque entre l’adoptant et l’adopté. Les parents biologiques n’ont plus aucun devoir à cet égard.
4. Conditions liées à l’adopté
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Adoption simple : Elle est accessible à tout âge, y compris aux majeurs. Aucun placement préalable n’est requis, contrairement à l’adoption plénière. Le consentement de l’adopté est nécessaire s’il a plus de 13 ans.
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Adoption plénière : Elle concerne principalement les enfants de moins de 15 ans, bien qu’une dérogation puisse être accordée jusqu’à 20 ans. Un placement préalable est obligatoire pour les enfants recueillis par l’Aide sociale à l’enfance ou confiés par un organisme autorisé pour l’adoption (OAA).
5. Effets juridiques
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Adoption simple : L’acte de naissance original de l’adopté est conservé, avec une mention en marge de l’adoption. L’adopté peut conserver son nom d’origine, auquel le nom de l’adoptant s’ajoute, sauf décision contraire du tribunal. L’adoption est révocable pour motifs graves, mais les effets de la révocation ne sont pas rétroactifs.
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Adoption plénière : L’acte de naissance d’origine est annulé et remplacé par un nouvel acte mentionnant uniquement les parents adoptifs. L’adoption est irrévocable. L’adopté acquiert automatiquement la nationalité française si l’un des adoptants est français.
6. Adoption dans des cas particuliers
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Enfant du conjoint : Dans les deux régimes, l’adoption est possible sans condition d’âge de l’adoptant ou de durée de recueil. Toutefois, en adoption plénière, l’enfant ne doit pas avoir d’autre parent exerçant l’autorité parentale, tandis qu’en adoption simple, ce lien peut subsister avec consentement.
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Décès de l’adopté ou de l’adoptant : Les deux formes d’adoption peuvent être demandées postérieurement au décès de l’adopté ou de l’adoptant dans certaines conditions, avec des effets limités.
L’adoption simple et l’adoption plénière répondent à des objectifs et situations spécifiques. La première est souvent privilégiée lorsqu’une rupture totale avec la famille biologique n’est pas souhaitée, tandis que la seconde crée une nouvelle filiation exclusive et irrévocable.
7. Différences sociologiques
- L’adoption plénière est souvent choisie par des couples souhaitant élever un enfant et fonder une famille.
- L’adoption simple est fréquemment utilisée pour des motifs patrimoniaux, comme transmettre un héritage à des conditions fiscales avantageuses. Cependant, l’adopté simple ne bénéficie pas des mêmes avantages fiscaux qu’un enfant biologique.
8. Transformation de l’adoption simple en adoption plénière
Une adoption simple peut être convertie en adoption plénière si l’adopté avait moins de 15 ans au moment de l’adoption simple et si toutes les conditions de l’adoption plénière sont remplies (sauf celle relative à l’âge).
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- L’adoption simple : définition, conditions, effets
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II) Les conditions de l’adoption simple
Les conditions requises pour l’adoption simple sont nettement plus souples que celles de l’adoption plénière, bien que certaines exigences communes subsistent.
A) Conditions relatives à l’adoptant
Les règles sont identiques à celles de l’adoption plénière. Ainsi :
- Les adoptants doivent être âgés de 28 ans ou plus, ou justifier d’au moins deux années de mariage s’il s’agit d’un couple marié.
- L’adoption simple n’est pas accessible aux couples non mariés.
- Une différence d’âge de 15 ans minimum entre l’adoptant et l’adopté est exigée, sauf dérogation judiciaire en cas de circonstances exceptionnelles.
B) Conditions relatives à l’adopté
Les critères diffèrent sensiblement de ceux de l’adoption plénière, offrant une plus grande flexibilité :
- Âge de l’adopté : Aucune limite d’âge n’est imposée. Un mineur ou un majeur peut être adopté.
- Catégorie des adoptés : Contrairement à l’adoption plénière, il n’existe pas de catégorie d’enfants spécifiquement adoptables. Toute personne, mineure ou majeure, peut être adoptée, sans considération de sa situation familiale antérieure.
- Consentement :
- Pour les enfants de plus de 13 ans, leur consentement personnel est indispensable.
- Pour les plus jeunes, seul le consentement de leur famille biologique est requis, mais l’enfant doit être entendu s’il est jugé capable de discernement.
- Adoption après une adoption plénière : L’adoption simple est permise pour un enfant ayant déjà fait l’objet d’une adoption plénière, mais uniquement pour motif grave.
C) Absence de condition de placement ou d’accueil
L’adoption simple ne nécessite aucun placement préalable de l’enfant chez l’adoptant, ni d’évaluation sur sa capacité à accueillir l’enfant. Ces conditions, exigées pour l’adoption plénière, sont ici absentes.
III) La procédure de l’adoption simple
La procédure de l’adoption simple est essentiellement judiciaire, contrairement à l’adoption plénière qui comprend une phase préalable de placement.
Phase judiciaire
Le tribunal judiciaire est saisi par une requête déposée par l’adoptant. Le rôle du juge est double :
- Contrôle de la légalité : Le juge vérifie que toutes les conditions légales sont remplies (âge, consentements, différence d’âge, etc.).
- Contrôle de l’opportunité : L’adoption doit être conforme à l’intérêt supérieur de l’adopté. Le juge examine si le lien adopté-adoptant répond aux objectifs d’un véritable projet familial.
Absence de phase de placement
Contrairement à l’adoption plénière, aucune phase de placement préalable n’est requise pour tester la capacité des adoptants à prendre en charge l’enfant. Cette simplification de la procédure reflète la flexibilité propre à l’adoption simple.
IV) Les effets de l’adoption simple
L’adoption simple se distingue de l’adoption plénière par son absence de rupture avec la famille biologique. Elle instaure une double appartenance familiale, où la famille adoptive s’ajoute à la famille d’origine. L’effet d’intégration dans la famille adoptive est ainsi modéré par le maintien des liens avec la famille par le sang.
A) Les effets d’intégration
À l’égard de l’adoptant
Sur le plan des rapports pécuniaires, l’adopté bénéficie d’une obligation alimentaire réciproque avec l’adoptant, identique à celle instaurée par l’adoption plénière. Il hérite également dans la succession de l’adoptant, avec les mêmes droits que les enfants biologiques. Toutefois, l’adopté n’acquiert pas le statut d’héritier réservataire des ascendants de l’adoptant, et il peut en être exclu par testament.
Sur le plan personnel, si l’adopté est mineur, l’autorité parentale est intégralement exercée par l’adoptant, conformément au principe de l’intégration familiale. Cependant, l’adopté conserve son nom d’origine, auquel le nom de l’adoptant est ajouté. La substitution totale du nom peut être autorisée par le tribunal, mais seulement sur demande expresse de l’adoptant. L’acte de naissance d’origine de l’adopté n’est pas annulé mais complété par une mention en marge, assurant la transparence de l’état civil.
À l’égard de la famille de l’adoptant
Depuis la loi de 1966, l’adoption simple crée des liens juridiques entre l’adopté et la famille de l’adoptant. Ces liens, bien que réels, sont moins puissants que ceux résultant d’une adoption plénière :
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Empêchements au mariage :
L’adopté est soumis à des prohibitions au mariage avec certains membres de la famille de l’adoptant, mais ces empêchements sont moins étendus que dans l’adoption plénière. Une dispense peut être accordée. -
Droits successoraux :
L’adopté a des droits successoraux dans la famille de l’adoptant, mais il ne bénéficie pas de la qualité d’héritier réservataire vis-à-vis des ascendants ou collatéraux de l’adoptant. -
Obligation alimentaire :
Contrairement à l’adoption plénière, aucune obligation alimentaire n’existe entre l’adopté et les membres de la famille de l’adoptant, autres que l’adoptant lui-même.
B) L’absence d’effet de rupture
L’un des traits fondamentaux de l’adoption simple est qu’elle maintient les liens juridiques entre l’adopté et sa famille biologique, contrairement à l’adoption plénière qui les rompt définitivement.
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Conservation des droits dans la famille d’origine :
L’adopté conserve ses droits successoraux et ses empêchements au mariage dans sa famille biologique. En cas de décès sans descendance, sa succession est divisée entre ses deux familles, adoptive et biologique. Par ailleurs, l’adoption simple ne fait pas obstacle à l’établissement ultérieur d’une filiation biologique, si elle est découverte ou reconnue. -
Obligation alimentaire subsidiaire :
Les parents biologiques restent tenus à une obligation alimentaire envers l’adopté, mais cette obligation devient subsidiaire, c’est-à-dire qu’elle ne s’applique que si l’adoptant est dans l’incapacité de remplir cette obligation. -
Perte de l’autorité parentale :
L’autorité parentale est entièrement transférée à l’adoptant, affaiblissant ainsi les liens de dépendance entre l’adopté et ses parents biologiques. -
Conservation du nom d’origine :
L’adopté conserve son nom de famille d’origine, auquel le nom de l’adoptant est ajouté. Cette absence de substitution totale du nom symbolise l’idée de continuité des liens avec la famille biologique.
V) La révocation de l’adoption simple
Instituée par la loi de 1923, la révocation de l’adoption simple est une mesure exceptionnelle, strictement encadrée par la loi. Elle met fin à la filiation adoptive pour l’avenir, tout en maintenant les effets juridiques produits pendant la durée de l’adoption.
A) Conditions de la révocation
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Décision judiciaire obligatoire :
La révocation de l’adoption simple ne peut être prononcée que par un tribunal, à la demande :- De l’adoptant, sous réserve que l’adopté soit âgé de plus de 15 ans.
- De l’adopté, à condition qu’il soit majeur.
- Du ministère public, ou des parents biologiques, si l’adopté est mineur. Les autres membres de la famille d’origine peuvent également formuler une telle demande.
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Justification d’un motif grave :
La demande doit être fondée sur des faits sérieux :- L’adopté peut invoquer le manque de soins, la négligence de l’adoptant dans l’exercice de l’autorité parentale ou une attitude injurieuse.
- L’adoptant peut invoquer l’ingratitude de l’adopté ou son comportement incompatible avec le maintien de la filiation.
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Absence de révocation par consentement mutuel :
La révocation ne peut résulter d’un simple accord entre l’adoptant et l’adopté, même si les deux parties le souhaitent.
B) Effets de la révocation
Conformément à l’article 370-2 du Code civil, les effets de la révocation sont les suivants :
- Cessation des effets pour l’avenir :
L’adopté n’appartient plus juridiquement à la famille adoptive et retourne exclusivement à sa famille d’origine. - Maintien des effets passés :
La révocation n’a pas d’effet rétroactif. Les droits et obligations découlant de l’adoption avant la révocation restent valables, notamment en matière de succession et de changements d’état civil.