L’application de la loi pénale dans l’espace

L’APPLICATION DE LA LOI PÉNALE DANS L’ESPACE

Le phénomène de mondialisation emporte une certaine tentation à vouloir que chaque loi pénale de chaque pays puisse punir toute les infractions de la terre. Nous sommes parfois face à une certaine tentation de la compétence universelle. Et pourtant il faut se faire une raison, ni la loi française ni la justice française n’ont vocation à tout juger !!

 

Et c’est pourquoi il existe d’ailleurs une procédure, l’extradition, par laquelle un état souverain, l’état requis, peut accepter de livrer un individu qui se trouve sur son territoire à un autre état souverain, l’état requérant, pour qu’il soit jugé ou qu’il purge une peine à laquelle il a été condamné. Je ne pense pas que nous aurons le temps d’en parler : elle relève d’ailleurs davantage de l’étude de la procédure pénale que du droit pénal général.

 

En matière civile et commerciale, il arrive fréquemment que les juridictions aient à appliquer le droit d’un autre pays. On dit en droit international privé que la question des conflits de lois ne se confond pas avec la question des conflits de juridiction. Une juridiction peut être reconnue compétente mais la loi française ne s’appliquera pas.

 

En droit pénal, par contre traditionnellement, on lie les deux questions : on dit qu’il y a solidarité ou encore unité des compétences législatives et juridictionnelles. C’est la position constante de la cour de cassation. Qui dit compétence des juridictions françaises dit application de la loi française et vice versa.

 

Il peut bien arriver que la loi française amène le juge français à prendre en compte la loi étrangère par exemple quand la loi française nous dit que tel type de fait commis à l’étranger ne pourra être poursuivi en France que si ce fait est aussi punissable dans le pays en cause, mais pour autant le juge français n’aura pas à appliquer cette loi.

 

 

 

Le juge pénal français n’applique jamais la loi pénale étrangère.

 

Voilà une limite sérieuse à la mise en œuvre de la collaboration internationale que ce dogme de l’unité des compétences législatives et jurisprudentielles.

 

Jusqu’au nouveau code pénal, la matière de l’application de la loi pénale dans l’espace était traitée dans le code de procédure pénale. On y traitait de la compétence des juridictions pénales et par voie de conséquence de la compétence législative. Je veux souligner là que la compétence de la loi pénale se déduisait de la compétence juridictionnelle en application du principe jurisprudentiel de l’unité des compétences juridictionnelles et législatives.

 

Le syllogisme était le suivant : la juridiction française est compétente en vertu de telle disposition du code de procédure pénale, or la jurisprudence pose le principe de solidarité des compétences juridictionnelles et législatives, donc la loi pénale française va s’appliquer.

 

La matière se trouve aujourd’hui presque toute entière dans le nouveau code pénal et elle est présentée tout autre ment car l’article 689 du Code de Procédure Pénale pose le principe que les auteurs d’infractions commises hors du territoire de la République peuvent être jugés par les juridictions françaises lorsque la loi pénale est applicable en vertu du code pénal ou d’un autre texte législatif.

 

Est-ce là une modification de présentation des règles, purement formelle, ou une modification plus profonde, un principe un peu différent qui ouvrirait la voie à l’application de la loi étrangère ? Car après tout disent certains auteurs (M. Desportes et Le Gunehec), le législateur n’a consacré ainsi qu’une moitié du principe de solidarité : il a dit à l’article 689 du Code de Procédure Pénale que la compétence de la loi française emporte la compétence de la juridiction française, mais il n’a pas dit l’inverse.

 

Or notre droit connaît aussi des cas de compétence universelle des juridictions françaises que nous verrons et qui eux sont prévus non pas par le code pénal auquel l’article 689 du Code de Procédure Pénale renvoie, mais par le code de procédure pénale aux articles 689-1 et suivants. Dans ces cas là, disent M. Desportes et Le Gunehec, rien n’interdit au plan légal que l’on applique la loi étrangère. Cependant, rien n’incite le juge pénal français à l e faire.

 

 

Avant d’entrer dans la description de ce qu’est le droit français aujourd’hui, il convient dans l’introduction de ce chapitre de présenter les différents systèmes concevables pour délimiter le champ d’application de la loi pénale.

 

 

Quatre systèmes sont possibles :

 

1) le système de la territorialité

 

Il occupe une place centrale et les autres systèmes viennent le compléter. Ici la loi pénale d’un état s’applique à toutes les infractions commises sur son territoire quelle que soit la nationalité du coupable ou de sa victime. Mais, inversement, la loi pénale ne s’applique pas aux infractions commises à l’extérieur de son territoire même si les coupables ou les victimes sont ses ressortissants. Le défaut du système est évident chaque: état devient le refuge de ses ressortissants qui ont commis une infraction à l’étranger, puisque de nombreux pays comme la France n’extradent pas ses nationaux.

 

 

2) le système de la personnalité ou de la compétence personnelle.

 

La loi pénale d’un état doit s’appliquer à tous ses nationaux y compris pour les infractions qu’ils ont pu commettre à l’étranger (système dit de la personnalité active) voire aussi pour protéger ses nationaux victimes d’infractions à l’étranger (personnalité passive). Le système exclut, par contre, dans la pureté de ses principes, de poursuivre les infractions commises sur le territoire d’un état lorsque les auteurs et les victimes sont étrangers. Ce qui le rend inconcevable sous cette forme car les états ne peuvent plus accepter de laisser se commettre de graves troubles à l’ordre public sur leur territoire sans réagir au motif que les protagonistes sont étrangers. Le système ne se retrouve plus sous sa forme pure depuis le moyen-âge.

 

 

3) le système de la compétence réelle

 

Ici la loi pénale va s’appliquer en fonction de la nature même de l’infraction, c’est à dire à toutes les infractions qui portent atteinte à ses intérêts supérieurs y compris pour celles commises à l’étranger.

 

 

4) enfin le système de la compétence universelle.

 

Il permet de juger et condamner le coupable d’une infraction là où il est arrêté quelle que soit la nationalité de l’auteur ou de la victime, le lieu de commission de l’infraction, ou la nature de celle-ci.

 

Dans ce système, si l’état du lieu d’arrestation ne retient pas, pour quelque raison que ce soit sa compétence, il est tenu d’extrader l’auteur présumé vers le pays susceptible de le juger et qui le réclame ; le système est résumé dans une maxime « aut dedere, aut punire », soit donner, soit juger. Chaque état devient dans ce système le protecteur de l’ordre public de tous les autres.

 

Le droit français combine tous ces systèmes. Le nouveau code pénal a été l’occasion d’une relative poussée de la compétence personnelle passive, qui correspond bien au souci grandissant des victimes dans notre droit.

 

Ceci étant, l’ensemble de la doctrine continue de présenter la matière autour de la distinction classique tirée au fond du caractère historiquement central du système de compétence territoriale : les infractions commises sur le territoire de la république et hors de ce territoire.

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