Le fait personnel
L’Article 1240 du Code Civil (l’ancien article 1382) pose le principe de la responsabilité du fait personnel : “Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer”.
Le fait personnel est le fait d’une personne. Il est synonyme de responsabilité pour faute ; Puisque ce régime de responsabilité repose sur la faute d’une personne. La responsabilité pour faute à des origines très anciennes,
- on la retrouve dans la loi Aquilia. La responsabilité pour faute est considérée comme la contrepartie de la liberté individuelle.
- Le fait qu’une faute engage la responsabilité de son auteur n’est pas qu’un principe à valeur législative, c’est aussi un principe à valeur constitutionnelle (22/1/1982, Conseil Constitutionnel consacre un principe de responsabilité fondé sur la faute. Il ne se rattache à aucun texte.
- le principe édicté à l’article 1240 du code civil français répond à l’exigence constitutionnelle posée à l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen selon lequel nul n’a le droit de nuire à autrui. Dans la décision du 09/11/1999, le conseil constitutionnel à rattaché la responsabilité pour faute à l’article 4 de la DDHC. . La formulation « nul n’a le droit de nuire à autrui » est reprise lors des questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) posées devant le Conseil constitutionnel.c const. 11 juin 2010.
- La constitutionnalisation de la responsabilité pour faute ne signifie pas que le législateur ne peut pas aménager les conditions dans lesquelles la responsabilité ne peut être aménagée. Un individu ne doit pas pouvoir échapper à sa responsabilité lorsqu’il commet une faute, la loi peut prévoir des conditions particulières mais ne peut soustraire une personne à toutes formes de responsabilités dès lors qu’elle a commis une faute. Le conseil constitutionnel va vérifier qu’il n’en résulte pas une atteinte disproportionné au droit des victimes d’actes fautifs ainsi qu’au droit à un recours juridictionnel effectif 22/07/2005.
A partir de quand une personne engage sa responsabilité par son propre fait ? Comment sait-on comment qualifier un fait de faute ?
- Le Code civil ne définit pas la faute.
- L’avant-projet de loi portant réforme de la responsabilité, envisage de définir la faute comme une violation d’une règle de conduite imposée par la loi ou le manquement au devoir général de prudence ou de diligence (article 1242 du code civil)
Section I : Identification de la faute
- 1°) Les éléments constitutifs de la faute
La faute est traditionnellement composée de trois éléments, un élément légal, matériel, et moral. L’élément moral à cependant disparu. On a plus une conception subjective de la faute mais bel et bien objective.
A – L’élément légal
L’article 1240 du Code civil dispose « Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ». Le terme « tout faits quelconque (…) » implique qu’il n’y a pas de délimitations légales sur les comportements fautifs et ceux qui ne le sont pas, ici c’est le juge qui appréciera.
L’élément légal renvoie à l’opération de qualification. C’est le juge qui va déterminer s’ils doivent être qualifiés de fautes. Dire que tel fait, tel acte est une faute serait de passer sur le terrain du fait au droit, c’est donc en ceci qu’est la qualification.
La qualification est une question de droit, la cour de cassation va contrôler cette qualification. Elle à très tôt affirmer que la qualification juridique de la faute relève de son contrôle (15/04/1873).
Sur quelle source juridique le juge va t-il prendre appui pour déterminer le comportement fautif ?
En droit civil, pas d’équivalent du principe de délit et des peines, la faute civile peut tout à fait provenir :
– d’un manquement à un devoir posé par la loi ou d’une méconnaissance d’une obligation légale. Référentiels d’application = loi, règlements, règles déontologiques qui pourra constituer une faute civile en cas de manquement mais pas nécessairement.
– d’un manquement à un devoir général de prudence et de diligence. le référentiel est le devoir général de prudence et de diligence est donc plus souple qu’en droit pénal où la faute est le manquement à un devoir légal.
- Pour déterminer la faute d’un individu, on compare son comportement avec celui du standard de l’homme normalement prudent et diligent dans les mêmes circonstances.
- On dit qu’on apprécie un comportement in abstracto (par rapport à un référentiel (l’homme prudent). Prise en considération des circonstances, sur un terrain de sport un comportement individuel ne s’appréciera pas de la même manière qu’a l’extérieur du terrain.
Les circonstances du comportement jouent un rôle extrêmement important.
B – L’élément matériel
- C’est le comportement humain, la faute décrite à l’article 1240 et 1240 s’incarne dans le comportement, c’est lui qui matérialise la faute.
- La faute peut être extériorisée par une action comme par une inaction, une abstention. Donc la faute peut être tend une action qu’une inaction.
- La preuve du comportement pourra être rapportée par tout moyen.
C – L’élément moral (élément intentionnel)
Est-ce que pour qu’il y ait faute, l’individu doit avoir eu conscience de la commettre ? L’intention de l’acte c’est la conscience de le commettre. Dans le délit le résultat est intentionnel au contraire du quasi délit.
Peut-on commettre une faute sans en avoir conscience ?
- Une personne morale peut commettre une faute bien qu’elle n’ait pas de conscience.
- Concernant les personnes physiques. Cela renvoie à la conception même que l’on va se faire de la faute, deux possibilités :
- Soit on considère qu’une personne dénuée de conscience peut commettre une faute : cela veut dire que l’imputabilité n’est pas un élément constitutif de la faute, ainsi on ne conçoit pas la faute comme quelque chose que l’on peut subjectivement reprocher à un individu. Dans ce cas nous sommes face à une appréciation objective de la faute.
- En revanche, si l’imputabilité est un élément constitutif de la faute, alors les personnes dénuées de conscience ne pourraient pas commettre de faute, nous aurions alors une appréciation subjective de la faute. Pour qu’il y ait une faute il faut que la personne soit consciente de la commettre.
S’il manque l’élément moral, le champs de l’article 1240 n’est pas le même selon l’approche objective ou subjective. Qu’a retenu la jurisprudence ? appréciation subjecif ou objective ? En jurisprudence et sous l’influence du législateur, la conception retenue de la faute à évoluée.
1°) Le dément
Le dément est la personne dénuée de conscience :
Concernant la jurisprudence, des évolutions
- pendant longtemps, la jurisprudence a eu une approche subjective: la jurisprudence à considéré qu’il ne pouvait commettre de faute, puisque n’ayant pas conscience de ses actes. 2 remarques :
- ça correspond à la double fonction traditionnelle de la Responsabilité pour: réparatrice et normative. On ne peut poursuivre que la finalité réparatrice en cas de faute du dément.
- In Defavorem pour les victimes puisque si le dément ne peut commettre des fautes, on ne peut appliquer 1240.
- La jurisprudence a peu à peu eu une approche un peu plus objective, elle a commencé à limiter le champs de l’irresponsabilité du dément en considérant que les personnes ayant des intervalles de lucidité pouvait être responsable. In Favorem pour la victime car il appartient au dément de prouver que lorsque l’acte à été commis il était sous l’empire de la démence et que donc il n’avait pas conscience de ses actes.
Concernant la doctrine, des débats entre conception objective ou subjective de la faute
- Avant 1968, la doctrine majoritaire est favorable à une conception subjective de la faute.
- La doctrine minoritaire prône une conception objective de la faute, elle réduit la faute à la violation d’une règle de conduite. Favorable à la victime, conception objective, dépourvue de l’élément moral.
- Cette thèse minoritaire est devenu prédominante en 1968 et à certainement influencée le législateur.
Concernant la loi : Par une loi du 03/01/1968, le législateur à instauré l’article 414-3 dans le code civil, il dispose que celui qui a causé un dommage à autrui alors qu’il était sous l’empire d’un trouble mental, n’en est pas moins obligé à réparation. La cour de cassation a considéré que l’article 414-3 n’est pas autonome mais que sa responsabilité s’appliquera à 1240 et suivants. Dans tout les cas le dément est tenu de réparer le dommage. Généralement, cet article s’applique aux mineurs aliénés. Ce dernier pouvait être condamné à réparer les dommages causés par ses fautes.
En 1968 rien ne laisse entendre que le législateur condamne la notion subjective de la faute. Cette conception subjective va ainsi perdurer pour les infans.
2°) L’infans (enfant n’ayant pas l’âge de raison)
L’infans est l’enfant privé de raison. A l’image du dément, on a considéré que retenir une faute pour l’infans n’aurait pas de sens car toujours la seule finalité réparatrice poursuivie. Pas de visée punitive ni dissuasive.
- Pendant longtemps la jurisprudence exigeait que l’enfant soit doué de discernement pour retenir la faute à son encontre.
- La loi de 1968 mais également le mouvement de la responsabilité civile tendant à se tourner davantage vers la victime, à inciter la jurisprudence à évoluer quand à la conception de la faute pour qu’elle retienne la faute objective.
- Deux arrêts ont adopté une conception objective: 09/05/1984 arrêt Lemaire et derguini Assemblée plénière. Dans ces arrêts, la cour de cassation à retenu une faute dépourvue de l’élément moral (conception objective). Désormais responsabilité pour faute sans prendre en compte la question du discernement. Extension du domaine de l’article 1240 Code civil. Ainsi, l’infans et le dément peuvent commettre des fautes.
- Cette jurisprudence à ses limites, elle peut se retourner contre l’enfant qui peut être et auteur, et victime. Hypothèse de l’enfant qui subi un dommage mais qui y a contribué. Civ 2 28/02/1996. Confiée au demandeur pour la soirée, la victime, une petite fille de 8 ans, alors qu’elle jouait sous une table, s’est brusquement mise à courir dans la direction du fils du demandeur et l’a bousculé alors qu’il portait une casserole d’eau bouillante. Suite au préjudice corporel subit par la victime, sa mère, en son nom, assigne le demandeur et son assureur en réparation. La cour d’appel ne retient pas de faute au motif que l’enfant était d’un jeune âge.
- Selon la cour de cassation, conception objective: la faute d’un mineur peut être retenue à son encontre même s’il n’est pas capable de discerner les conséquences de son acte. Selon la Cour de Cassation, dès lors que l’enfant, par son comportement, a concouru à la réalisation du dommage, sa responsabilité civile est engagée, et ce quel que soit son âge. Peu importe ici que ce comportement fut prévisible et naturel dans le contexte dans lequel s’est produit le dommage. L’enfant a objectivement concouru à la réalisation de son propre dommage. Dès lors que l’élément matériel de la responsabilité est effectivement présent, la responsabilité est engagée, sans considération de l’élément moral.
La doctrine a critiqué cette conception objective de la faute, contradiction dans les termes, peut on être fautif sans conscience de ses actes ? Conscience intrinsèque à la faute ?
Le développement de l’assurance à permis à la responsabilité civile de se tourner vers la victime. Cependant effet pervers puisqu’il peut se retourner contre l’enfant victime.
L’avant-projet de réforme y revient, l’article 1255 avant projet prévoit que la faute de la victime privée de discernement n’as pas d’effet exonératoire. Si cette disposition est intégré, cela ne revient néanmoins pas à réintégré l’élément moral. La faut n’aura pas d’effet exonératoire, on en tiendra pas compte pour réduire son droit à l’indemnisation.
- 2°) Les différents types de fautes
Les études concernant les différents types de faute (faute intentionnelle, faute non intentionnelle, faute de commission, faute d’abstention… ) sont traitées dans le lien ci-dessous :
https://www.cours-de-droit.net/la-diversite-des-fautes-de-l-article-1240-du-code-civil-a148585912
Section II : La faute excusée
- 1°) Le commandement de l’autorité légitime
Une question se pose, un ordre donné par une autorité légitime peut il justifier une faute commise ? Cette autorité légitime ne peut être qu’une autorité publique. Si l’ordre donné est légitime alors on considère qu’il y à un fait justificatif. Les autorisations administratives d’exercer une activité n’ont pas d’effets justificatifs (jurisprudence).
- 2°) Légitime défense
La 2nde Chambre civile du 22/04/1992 a expressément énoncée que la légitime défense reconnue par le juge pénal ne peut donner lieu devant la juridiction civile à une action en dommages et intérêts de la part de celui qui l’a rendue nécessaire. Autrement dit lorsque le juge pénal a reconnu la légitime défense, la victime de légitime défense ne peut pas intenter une action en responsabilité.
- 3°) L’état de nécessité
C’est la Question de l’influence de la nécessité sur la légitimité du comportement qui se pose. Le juge va admettre plus facilement l’état de nécessité lorsque le comportement adopté face à l’urgence, a permis d’éviter un mal plus grand.
- 4°) L’acceptation des risques
Une personne va accepter les risques de dommages éventuels dans un certains nombres d’activités, et donc éventuellement d’être blessé. On prend en compte l’acceptation pour reculer le seuil d’acceptation de la faute. Sur le terrain de la responsabilité, lorsqu’on accepte de participer à une activité dangereuse, on accepte le recul du seuil. L’acceptation des risques joue un rôle important en matière de Faute. Sur le terrain de la responsabilité du fait des choses, on ne peut plus invoquer la responsabilité des risques.