L’autorité des traités internationaux en droit administratif

Les traités internationaux, sources du droit administratif

Les traités internationaux ont pris une place croissante parmi les sources du droit administratif, et bien sur les progrès de la construction européenne ne cessent d’en augmenter l’importance. Au point qu’on va faire un cas particulier pour les règles propres aux Traités Européens.

Ces règles sont de quatre types. Elle concerne l’autorité respective des traités et de la constitution, puis des traités et de la loi, puis va traiter de l’interprétation des traité, et enfin la question de la vérification de la clause de réciprocité.

A) autorité respective des traités et de la Constitution

L’article 54 de la Constitution. de 1958 il vise à éviter de façon préventive toute contradiction entre un traité et la Constitution. Cet article prévoit que si le conseil constitutionnel a déclaré qu’un engagement international comporte une clause contraire à la Constitution il ne peut être ratifié ou approuvé qu’après révision de celle-ci. Ici on remarque la différence entre une ratification ou une approbation est peu importante mais la ratification se fait par décret du président de la République et que c’est une procédure qui concerne que les traités de la Constitution à savoir les engagements internationaux les plus importants. Alors que l’approbation d’un traité est faite par le gouvernement et c’est une procédure qui ne concerne que les accords internationaux les moins importants. Dans les deux cas, pour qu’un traité rentre en vigueur il nécessite l’autorisation du Parlement. Et puis le traité pour rentrer en vigueur doit être publié au Journal officiel de la République française.

On remarque de plus que le droit de saisir le conseil constitutionnel en application de cette disposition (article 54) était réservé à l’origine au Président de la République, au 1er ministre et au président de chacune des deux assemblées mais ce droit a ensuite été étendu à 60 députés ou 60 sénateurs (extension de la saisine du Conseil constitutionnel datant d’une décision du Conseil de 1992).

On remarque de surcroit que cet article 54 a été utilisé à plusieurs reprises, et c’est en particulier en application de l’article 54 que le Conseil constitutionnel avait déclaré non conforme à la Constitution certaines dispositions du traité de Maastricht et plus tard du traité d’Amsterdam. Autrement dit, avant que la France puisse ratifier le traité de Maastricht et d’Amsterdam il fallait modifier la Constitution.

En revanche, pendant l’été 2012, le Conseil constitutionnel a décidé qu’il n’était pas nécessaire de réviser la constitution pour ratifier le Pacte budgétaire européen. Ce pacte budgétaire a été signé e mars dernier, et il prévoit la fameuse règle d’or c’est-à-dire la règle de l’équilibre budgétaire des administrations publiques. La décision n° 653 DC du 9 aout dernier : Traité sur la stabilité, la coopération et la gouvernance au sein de l’union économique et monétaire. Cet article 54 n’est pourtant pas explicite que la place qu’occupe respectivement la Constitution et les traités dans la hiérarchie des normes. Pour le Conseil d’Etat et le Conseil constitutionnel, les règles internationales de ces deux hautes juridictions, se situent à un niveau inférieur à celui des règles constitutionnelles. Arrêt d’Assemblée du 30 octobre 2008 SARRAN, c’est la décision n°505 DC du 19 novembre 2004 à propos du traité établissant une Constitution pour l’Europe. Cette solution a été discutée mais ne convient pas aux juristes internationaux.

B) L’autorité respective des traités et de la loi

L’article 55 de la Constitution dispose « Les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont dès leur publication une autorité supérieure à celle des lois sous réserve pour chaque traités ou accords de son application par l’autre partie ».

Clause de réciprocité. Les traités entrés en vigueur s’imposent donc aux lois, et pas voie de conséquence à l’ensemble des actes administratifs. Ça veut dire qu’un acte administratif qui violerait un traité, serait annulé par le juge même s’il est conforme à une loi nationale. Décision classique du Conseil d’Etat du 30 mai 1952 Dame KIRKWOOD. Le problème c’est que le juge administratif a longtemps retenu une interprétation restrictive de l’article 55 C. puisqu’il ne faisait prévaloir un traité sur loi que si cette dernière était antérieure au traité. En effet, en cas de conflit entre un traité et une loi qui lui est postérieure le Conseil d’Etat estimait que se trouvait poser un problème de constitutionnalité de la loi. C’est alors le législateur lui-même qui avait méconnu la hiérarchie de normes posée par l’article 55 C. C’est un arrêt de section du 1er mars 1958 Syndicat général des fabricants de semoule de France. Ce cas de figure correspond donc à une application de la théorie de la loi écran, c’est la loi qui viole le traité donc le juge administratif ne peut pas annuler un acte administratif conforme à cette loi, car cela reviendrait pour lui a exercer un contrôle de constitutionnalité de la loi.

Dans ces conditions la portée de l’article 55 se trouvait minimisée puisque la suprématie des traités n’étaient pas assurée dans la totalité des cas de figure. En pratique, le Conseil d’Etat s’est forcé d’interpréter la loi de façon à la rendre compatible avec le traité. Toujours est-il que la position du Conseil d’Etat est devenue plus difficile à défendre après 1975. Car en 1975 est intervenue une décision du Conseil constitutionnel dans laquelle ce dernier habilite le juge ordinaire à contrôler le respect des conventions internationales, des traités par la loi. C’est la décision du n° 54 DC 15 janvier 1975 sur l’IVG. Dans cette décision très importante le Conseil constitutionnel affirme qu’une loi contraire à un traité peut ne pas être pour autant contraire à la Constitution. EX : en cas de non-respect de la clause de non réciprocité pour l’autre partie. Autrement dit, le juge constitutionnel affirme que contrôler la conformité de la loi à un traité ce n’est pas contrôler la conformité de la loi à la Constitution. Contrairement à la position que défendait le Conseil d’Etat. On doit donc distinguer le contrôle de conventionalité des lois, relevant des juridictions ordinaires, et le contrôle de constitutionnalité des lois qui incombe en effet au seul juge constitutionnel.

Il faudra attendre 1989, 14ans pour que le Conseil d’Etat s’incline. C’était un arrêt d’Assemblée important du 20 octobre 1989 NICOLO. Le conseil d’Etat accepte implicitement de vérifier la compatibilité d’une loi avec un traité antérieur. Le juge judiciaire quant à lui avait immédiatement suivit le conseil constitutionnel après la décision IVG. Arrêt de la chambre mixe de la Cour de cassation du 24 mai 1975, Société des cafés Jacques VABRE. Il reste que la portée de l’article 55 demeure limitée par 3 éléments différents. Le 1er facteur est contenu dans l’article 55 lui-même, c’est cette fameuse clause de réciprocité, qui créé une exception au principe de la suprématie des traités sur la loi. Le 2ème élément est que la supériorité des traités sur la loi interne ne joue en pratique que pour les traités directement invocables par les particuliers devant le juge. Car le juge effectue une distinction entre les traités qui ne créaient d’obligation qu’entre les Etats et ceux qui créaient des droits ou des obligations pour les particuliers. Seuls les traités qui créaient des droits ou des obligations pour les particuliers sont invocables devant le juge. Arrêt d’Assemblée du Conseil d’Etat du 5 mars 1999, ROUQUETTE. Pour le deuxième cas, c’est un avis du Conseil d’Etat du 15 avril 1996, DOUKOURE[é]. Arrêt d’assemblée du 11 avril 2012 GISTL.

Le 3ème élément qui vient limiter la portée de l’article 55 : cette supériorité consacrée par l’article 55 ne profite qu’aux traités ou accords et non aux règles coutumières. Arrêt d’Assemble du 6 juin 1997, AQUARONE. Reconnait la coutume comme source du droit international, mais on ne peut pas pour autant la faire primer sur une loi française car ce n’est ni un traité ni un accord.

L’interprétation des traités

Evolution de la jurisprudence puisque traditionnellement le juge administratif ne se reconnaissait pas le pouvoir d’interpréter lui-même un traité lorsque ces dispositions n’étaient pas claires (arrêt du 3 sept. 1823 ROUGEMONT). Il considérait que cela relevait de la souveraineté de l’Etat. Le conseil d’Etat renvoyait systématiquement le problème de l’interprétation au ministre des affaires étrangères et il appliquait ensuite l’interprétation officielle (arrêt d’Assemblée du 29 juin 1990 GISTI, groupe d’information et de soutien des immigrés, figurant dans le GAJA). Désormais le juge administratif interprète lui-même les clauses des traités. Les traités communautaires (droit de l’UE) obéissent à des règles d’interprétation spécifique. Car la solution antérieure plaçait l’administration en position de juge et de partie. Cette interprétation donnée par l’administration elle-même est contraire aux exigences du droit à un procès équitable, qui découle de l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme. Le même revirement s’est produit dans la jurisprudence judiciaire (arrêt de la chambre sociale de la cour de cassation du 29 avril 1993, Caisse autonome mutuelle de retraite des agents de chemin de fer).

La vérification du respect de la clause de réciprocité

La problématique est de savoir qui est compétent pour vérifier le respect de cette clause de réciprocité de notre constitution. La position traditionnelle du Conseil d’Etat était de renvoyer cette question à l’appréciation du Ministre des affaires étrangères.

La France a été condamné par la Cour européenne des droits de l’homme (siège à Strasbourg) pour cette pratique du renvoi au ministre qui prive les requérants de leur droit à un tribunal (arrêt du 13 février 2003 Madame CHEVROL-BENKEDDACH contre France.

Aujourd’hui la pratique est la suivante : le juge peut consulter le ministre mais le juge ne doit pas s’estimer lier par la position officielle. La cour dit qu’il doit y avoir appréciation critique et débat contradictoire. Le Conseil d’Etat a tout récemment adopté cette position-là, dans un arrêt d’Assemblée du 9 juillet 2010, madame CHERIET-BENSEGHIR.

Certains traités échappent à la condition de réciprocité, pour deux catégories de traités : d’une part ceux dont les dispositions visent à garantir les dispositions de la personne humaine échappent à la clause de réciprocité. D’autre part c’est le cas pour les traités communautaire car ils constituent un ordre juridique spécifique et intégré.