La naissance du régime Parlementaire (de la Restauration à la IIIè République)

L’Implantation du régime Parlementaire en France de la Restauration (1814) à la IIIème République, en passant par la monarchie de juillet

De 1814 à 1879, la France traverse des régimes fluctuants entre monarchie et république. La Restauration (1814-1830) et la Monarchie de Juillet (1830-1848) illustrent des tentatives de concilier autorité royale et aspirations libérales. Après la chute de Louis-Philippe en 1848, la IIIe République naît, marquée par des crises institutionnelles. La période révèle la difficulté d’équilibrer stabilité politique et revendications populaires dans une société en transformation

Évolution des régimes politiques en France (1814-1879)
Période/Régime Événements majeurs Principes clés Faiblesses
Restauration (1814-1830) Retour de Louis XVIII, Charte de 1814, succession de Charles X Souveraineté royale, bicamérisme, suffrage censitaire Conservatisme de Charles X, tensions libérales, Révolution de 1830
Monarchie de Juillet (1830-1848) Louis-Philippe proclamé roi, Charte de 1830 Souveraineté nationale, drapeau tricolore, élargissement censitaire Inégalités sociales, corruption, Révolution de 1848
Débuts de la IIIe République (1870-1879) Chute du Second Empire, lois de 1875, crise du 16 mai 1877 République parlementaire, bicamérisme, compromis monarchistes/républicains Faiblesse présidentielle, instabilité parlementaire

 

 

I) La Restauration 1814-1830

Après l’abdication de Napoléon le 6 avril 1814, les puissances étrangères rétablissent la monarchie en France. Louis XVIII, frère de Louis XVI, monte sur le trône. Soucieux de maintenir un équilibre entre l’héritage révolutionnaire et les principes monarchiques traditionnels, il octroie à la France la Charte du 4 juin 1814, inspirée du régime parlementaire britannique.

La Charte du 4 juin 1814

Le roi et les ministres

  • Le roi est le pivot des institutions :

    • Il est irresponsable et incarne la souveraineté nationale.
    • Il est chef des armées, responsable de la diplomatie et détenteur de l’initiative des lois.
    • Il dispose d’un droit de veto absolu sur les lois et peut édicter des ordonnances pour appliquer les textes législatifs.
    • Il peut dissoudre la Chambre des députés et convoquer de nouvelles élections.
  • Les ministres, nommés et révoqués par le roi, sont responsables pénalement devant les chambres. Cependant, leur responsabilité politique n’est pas clairement établie par la Charte.

Les Chambres

La Charte établit un système bicaméral :

  1. La Chambre des députés :
    • Élue pour 7 ans au suffrage censitaire, restreignant le droit de vote aux citoyens les plus aisés.
  2. La Chambre des pairs :
    • Composée d’aristocrates nommés à vie par le roi.

Les deux chambres exercent des prérogatives législatives similaires : elles votent les lois et le budget proposés par le roi.

  • La Chambre des députés peut mettre en accusation des ministres, et la Chambre des pairs se charge des procès pour les crimes politiques.

Évolution du régime

Des aspirations parlementaires

Bien que la Charte instaure un régime dominé par le roi, une évolution vers un régime parlementaire se dessine progressivement :

  • Certains députés, comme Chateaubriand, défendent l’idée que le roi doit nommer des ministres en accord avec la majorité de la Chambre des députés.
  • En cas de désaccord, la Chambre utilise des moyens indirects pour exprimer son hostilité :
    • L’adresse au roi, un acte symbolique de défiance.
    • Le refus de voter le budget, paralysant l’action gouvernementale.
    • Le droit de pétition, permettant aux citoyens de relayer leurs revendications via les députés.

Le tournant de Charles X

En 1824, Charles X succède à son frère Louis XVIII.

  • Plus conservateur et autoritaire, il s’oppose aux tendances libérales et favorise un retour à l’ancien régime.
  • En 1830, ses tentatives de restreindre les libertés politiques et de rétablir un régime absolutiste provoquent une confrontation avec la Chambre. Les libéraux républicains l’emportent, mais Charles X persiste à nommer un gouvernement royaliste, aggravant les tensions.

Cette intransigeance conduit à la Révolution de juillet 1830, qui met fin à la Restauration.

La Monarchie de Juillet (1830-1848)

La Charte du 14 août 1830

Suite à la Révolution de Juillet, Louis-Philippe d’Orléans devient roi sous le titre de « roi des Français », et une nouvelle Charte est adoptée. Ce texte apporte des modifications importantes :

  • Souveraineté nationale : La légitimité du pouvoir repose désormais sur la nation, non plus sur le droit divin.
  • Symboles républicains :
    • Adoption définitive du drapeau tricolore.
    • Le roi renonce au droit de veto et à la possibilité de suspendre ou disperser les lois (article 13).

Le Parlement

Le régime conserve un système bicaméral :

  1. La Chambre des députés reste élue au suffrage censitaire, mais le seuil de l’impôt requis pour voter est abaissé, élargissant l’électorat.
  2. La Chambre des pairs cesse d’être héréditaire ; ses membres sont nommés à vie.

Les chambres conservent des prérogatives similaires à celles de la Charte de 1814 : elles votent les lois et le budget.

Le fonctionnement du régime

Un régime parlementaire dualiste

Sous la Monarchie de Juillet, le régime évolue vers un véritable parlementarisme, bien qu’il reste dualiste :

  • Les gouvernements sont responsables à la fois devant :
    • Le roi, qui peut révoquer les ministres.
    • Le Parlement, grâce à l’outil de l’interpellation : la Chambre peut débattre des politiques ministérielles, et un vote négatif peut entraîner la chute du gouvernement.

Le rôle du roi

  • Louis-Philippe joue habilement le rôle d’arbitre, restant au-dessus des querelles politiques pour incarner la stabilité.
  • Il dispose d’un droit de dissolution de la Chambre des députés, utilisé pour contraindre le Parlement à éviter les conflits ouverts avec la Couronne.

Les limites et la chute du régime

Crise économique et corruption

La Monarchie de Juillet fonctionne correctement pendant plusieurs années, mais souffre de faiblesses structurelles :

  • Crises économiques aggravées par la montée des inégalités.
  • Corruption endémique, avec un système politique dominé par les élites financières et industrielles.

La montée de l’opposition républicaine

Les opposants au régime organisent la Campagne des Banquets (1847-1848), des rassemblements politiques dissimulés sous l’apparence de dîners, pour critiquer le suffrage censitaire et exiger des réformes démocratiques.

La Révolution de 1848:

La révolte populaire provoque la chute de Louis-Philippe en février 1848. La Monarchie de Juillet s’effondre, laissant place à la Deuxième République, fondée sur des principes démocratiques.

Conclusion : La période de la Restauration et de la Monarchie de Juillet illustre une transition délicate entre monarchie et démocratie :

  • La Charte de 1814 constitue une tentative d’équilibre entre autorité royale et libertés parlementaires, mais reste dominée par un roi puissant.
  • La Charte de 1830 marque une avancée significative vers un régime parlementaire, bien que limité par le maintien du suffrage censitaire.

 

II) La monarchie de juillet 1830-1840

La monarchie de Juillet s’installe après la Révolution de juillet 1830, qui renverse Charles X en raison de son autoritarisme et de son refus d’adopter les évolutions libérales portées par la société post-révolutionnaire. Louis-Philippe d’Orléans, appelé au pouvoir par les libéraux modérés, devient roi des Français en vertu de la Charte du 14 août 1830. Ce texte adapte la Charte de 1814 à un cadre plus libéral, tout en maintenant un régime monarchique constitutionnel.

La Charte du 14 août 1830

Principes fondamentaux

  • Souveraineté nationale : La légitimité du pouvoir repose désormais sur la nation, non plus sur le droit divin.
  • Le drapeau tricolore devient l’emblème officiel, symbolisant l’héritage révolutionnaire.

Pouvoirs du roi

  • Louis-Philippe conserve des pouvoirs importants, bien qu’amendés par rapport à ceux conférés à Louis XVIII :
    • Il est le chef de l’État et dispose d’un pouvoir exécutif fort.
    • Il nomme les ministres, qui sont responsables devant lui et devant les chambres.
    • Il peut dissoudre la Chambre des députés, mais ses ordonnances royales ne peuvent plus suspendre ni abroger les lois (article 13).
    • Le droit de veto royal est supprimé, limitant son influence sur le législatif.

Le Parlement

Le régime conserve un système bicaméral :

  1. La Chambre des députés :
    • Elle est élue au suffrage censitaire, mais le seuil d’imposition requis pour voter est abaissé, élargissant l’électorat à environ 200 000 électeurs.
  2. La Chambre des pairs :
    • Elle est désormais non héréditaire. Ses membres sont nommés à vie par le roi.

Les deux chambres conservent des prérogatives législatives équivalentes : elles votent les lois et le budget.

Courants politiques sous la monarchie

  • Un courant libéral défend un roi passif, limité à un rôle symbolique et arbitral.
  • Un autre, mené par Guizot, prône un roi actif, doté de pouvoirs équilibrés avec ceux du Parlement.

Le fonctionnement du régime

Vers un parlementarisme dualiste

Le régime évolue vers un parlementarisme dualiste, dans lequel le gouvernement est responsable à la fois devant le roi et devant les chambres.

  • Responsabilité politique : Les gouvernements doivent obtenir la confiance des chambres pour se maintenir au pouvoir. La technique de l’interpellation permet aux députés d’exiger des explications des ministres et de voter contre eux si les réponses sont insatisfaisantes.
  • Le roi reste cependant irresponsable politiquement : il incarne la stabilité et ne peut être contraint à démissionner.

Le droit de dissolution

Le roi conserve un droit de dissolution discrétionnaire sur la Chambre des députés. Cela incite le Parlement à éviter les conflits ouverts, par crainte d’être renvoyé devant les électeurs.

Un roi arbitre

Louis-Philippe s’efforce de se positionner comme un roi arbitre, au-dessus des rivalités politiques. Il s’entoure de ministres dévoués pour incarner la stabilité de l’État. Cependant, cette position est progressivement fragilisée par des divisions au sein des élites politiques et par une opposition croissante de la société.

Les crises et la chute du régime

Corruption et oligarchie

La monarchie de Juillet est marquée par une forte domination des élites bourgeoises et une absence de véritable renouvellement politique :

  • Les institutions sont perçues comme corrompues, favorisant les intérêts financiers et industriels.
  • L’absence de suffrage universel alimente le mécontentement des classes populaires, exclues du système.

Crise économique et sociale

Dans les années 1840, une crise économique aggrave les inégalités sociales, affaiblissant le régime. Les ouvriers et les classes moyennes réclament des réformes sociales et politiques.

L’opposition républicaine : la Campagne des Banquets

Face à l’interdiction de réunions politiques, les opposants organisent des banquets républicains à partir de 1847, dénonçant le suffrage censitaire et réclamant des réformes démocratiques.

La Révolution de 1848

En février 1848, une insurrection populaire, alimentée par le rejet de la monarchie censitaire et les inégalités sociales, entraîne la chute de Louis-Philippe. La Monarchie de Juillet laisse place à la Deuxième République.

 

Conclusion sur la monarchie de Juillet : elle constitue une tentative de compromis entre les aspirations libérales de la Révolution française et le maintien d’une monarchie constitutionnelle. Si elle pose les bases d’un régime parlementaire, elle échoue à répondre aux revendications démocratiques et sociales croissantes.
Sa chute illustre la difficulté d’équilibrer pouvoirs monarchiques et aspirations populaires dans une société en mutation.

 

III) Les Débuts de la IIIe République

A) Une Phase transitoire  (1870 – 1875) : de la chute de l’Empire à la construction républicaine

1. Contexte : la chute de l’Empire et l’incertitude politique

En septembre 1870, la défaite de Sedan et l’abdication de Napoléon III marquent la fin du Second Empire. Le 4 septembre 1870, la République est proclamée dans un climat d’urgence et de division nationale, mais sa pérennité est loin d’être assurée.

  • Le poids des divisions politiques : La France est fragmentée entre monarchistes et républicains. Aux élections de l’Assemblée constituante en février 1871, les monarchistes obtiennent une majorité écrasante (400 députés sur 675). Toutefois, ils sont divisés :
    • Les légitimistes, partisans des Bourbons, prônent un retour à une monarchie traditionnelle.
    • Les orléanistes, soutenant la branche des Orléans, privilégient une monarchie plus libérale, inspirée de la Charte de 1830.

2. Une solution provisoire : le « chef du pouvoir exécutif »

Face à l’impossible consensus sur le choix d’un roi, l’Assemblée opte pour une formule neutre et élit Adolphe Thiers comme chef du pouvoir exécutif le 17 février 1871. Thiers, républicain modéré, joue un rôle clé dans cette période de transition :

  • Paix avec la Prusse : Il négocie le traité de Francfort, signé en mai 1871, malgré les lourdes pertes territoriales (Alsace et Moselle).
  • Répression de la Commune de Paris : En mai 1871, il réprime durement l’insurrection parisienne, ce qui renforce son image auprès des conservateurs mais exacerbe les tensions sociales.

Cependant, Thiers commence à s’affirmer en faveur de la République, ce qui déplaît aux monarchistes. En réponse, ces derniers adoptent la loi de Broglie (13 mars 1873), qui limite ses interventions devant l’Assemblée, réduisant son rôle à celui d’un président protocolaire. Finalement, Thiers, isolé, est contraint de démissionner en mai 1873.

3. La monarchie impossible

Les monarchistes, toujours dominants, proposent le trône au comte de Chambord. Cependant, ce dernier refuse de gouverner sous le drapeau tricolore, conditionnant son retour au rétablissement du drapeau blanc des Bourbons. Ce refus provoque une impasse.

Face à l’échec de la restauration monarchique, l’Assemblée confie le pouvoir à un militaire monarchiste, le maréchal Mac-Mahon, élu président de la République en mai 1873. La République reste cependant perçue comme provisoire, en attente d’un consensus pour la restauration.

 

B)  Les Lois constitutionnelle de 1875

Il s’agit d’instaurer une république temporaire.  Ces lois de 1875 présentent l’intérêt d’instaurer la République en s’inspirant de la monarchie britannique.  Il s’agit de créer un régime acceptable par tous, pour plaire à la fois aux monarchistes et aux républicains.   

L’amendement de Vallon permet à une voix près de qualifier le régime de république, mais les monarchistes obtiennent en contrepartie avec la loi de juillet 1875 un parlement à deux chambres.  Ils créent un Sénat, une deuxième loi voté le 25 juillet et organise les pouvoirs publique et le 26, leur organisation.   

1) L’Organisation des pouvoirs publics

1. Une République acceptable par tous

Les lois constitutionnelles de 1875 sont conçues comme une solution de compromis pour plaire à la fois aux monarchistes et aux républicains. L’objectif est d’organiser un régime suffisamment neutre pour éviter de rouvrir les divisions politiques.

  • L’amendement Wallon (30 janvier 1875) : Voté à une voix près, cet amendement inscrit la République dans le cadre institutionnel en désignant le président comme le chef de l’État de la République française, institutionnalisant ainsi le régime.
2. Structure des institutions

Les lois de 1875 établissent un régime inspiré du modèle parlementaire britannique avec un bicamérisme équilibré et un pouvoir exécutif bicéphale.

Le Parlement

Composé de deux chambres, le Parlement exerce des pouvoirs législatifs et de contrôle sur l’exécutif :

  • La Chambre des députés :
    • 600 membres élus pour 4 ans au suffrage universel direct masculin, par un scrutin uninominal à deux tours.
    • Son rôle est de représenter directement la volonté populaire.
  • Le Sénat :
    • 300 membres, dont :
      • 225 élus au suffrage indirect par les élus locaux (maires, conseillers généraux).
      • 75 sénateurs inamovibles, choisis par l’Assemblée nationale constituante.
    • Renouvellement par tiers tous les 3 ans pour des mandats de 9 ans.
    • Le Sénat est conçu pour être un contrepoids conservateur, favorisant les intérêts des monarchistes.

L’exécutif

L’exécutif est bicéphale, avec un président de la République et un gouvernement dirigé par un président du Conseil :

  • Le président de la République :
    • Élu par l’Assemblée nationale (Chambre des députés et Sénat réunis) à la majorité absolue pour un mandat de 7 ans.
    • Détient des pouvoirs significatifs :
      • Chef des armées.
      • Nomination des ministres et des hauts fonctionnaires.
      • Partage de l’initiative législative avec le Parlement.
      • Droit de dissolution de la Chambre des députés, avec l’accord du Sénat.
  • Le gouvernement :
    • Composé de ministres responsables devant le Parlement.
    • Dirigé par un président du Conseil, non prévu par les textes mais progressivement institutionnalisé dans la pratique.

 

2) Les Relations entre les pouvoirs

1. Le contrôle du Parlement sur l’exécutif

Le Parlement dispose de moyens puissants pour exercer un contrôle sur l’exécutif :

  • La responsabilité ministérielle : Les ministres sont collectivement responsables devant les chambres et peuvent être contraints à la démission en cas de vote de défiance.
  • L’interpellation : Une pratique parlementaire permettant de questionner le gouvernement sur sa politique, souvent suivie d’un vote de confiance.

2. Le pouvoir de dissolution

Le président de la République peut dissoudre la Chambre des députés, avec l’accord du Sénat. Ce pouvoir est destiné à résoudre les blocages institutionnels, mais il est rarement utilisé : La seule dissolution de la Troisième République a lieu en 1877, sous Mac-Mahon, lors de la crise du 16 mai.

 

  1. C) Les Moyens d’action du président sur les chambres

1. Le pouvoir de dissolution (article 5 de la loi constitutionnelle du 25 février 1875)

Le pouvoir de dissolution constitue l’un des principaux leviers théoriques du président de la République pour agir sur les chambres. Il permet, en cas de conflit avec la Chambre des députés, de renvoyer cette dernière devant le corps électoral. Toutefois, dans toute l’histoire de la Troisième République, ce pouvoir n’a été utilisé qu’une seule fois, par le président Mac Mahon en 1877. L’échec de cette dissolution a considérablement affaibli la fonction présidentielle et a contribué à transformer la République en un régime d’assemblée, où le Parlement domine le système institutionnel.

2. Les autres moyens d’action présidentiels

Outre la dissolution, le président disposait d’autres prérogatives :

  • Droit de message : Le président pouvait adresser des messages aux chambres pour exposer sa politique ou ses points de vue. Ce pouvoir restait cependant purement formel.
  • Initiative des lois : Partagée avec les parlementaires, elle permettait au président de proposer des textes législatifs.
  • Promulgation des lois : Le président assurait la promulgation des lois votées par le Parlement.
  • Convocation et clôture des sessions parlementaires : Bien que ce pouvoir renforçât théoriquement son autorité, il était en pratique subordonné au bon vouloir des chambres.

 

  

D) L’Évolution du régime

1. La crise du 16 mai 1877

Contexte politique : En 1876, les élections législatives offrent une nette majorité républicaine à la Chambre des députés (360 républicains contre 150 monarchistes et bonapartistes), tandis que le Sénat reste monarchiste de justesse (154 contre 146). Cette situation place le président Mac Mahon, monarchiste convaincu, en position délicate face à une chambre basse dominée par les républicains.

Déroulement de la crise

  • Nomination de Jules Simon : En 1876, Mac Mahon nomme Jules Simon, républicain modéré, comme président du Conseil. Cependant, Simon est critiqué pour son manque de soutien au cléricalisme, ce qui conduit Mac Mahon à le renvoyer en mai 1877.
  • Nomination du duc de Broglie : Mac Mahon nomme un gouvernement dirigé par le monarchiste Broglie, provoquant l’opposition frontale de la Chambre des députés.
  • Dissolution de la Chambre : Face à l’impasse, Mac Mahon dissout la Chambre le 25 juin 1877, espérant qu’un nouveau corps législatif lui serait favorable. Cette dissolution, soutenue par le Sénat, déclenche une intense campagne électorale.
  • Les élections d’octobre 1877 : Malgré les efforts de Mac Mahon, les républicains conservent une large majorité (323 députés contre 208 conservateurs).

Conséquences

  • Mac Mahon refuse de démissionner immédiatement, mais il se soumet à la volonté parlementaire en nommant un gouvernement républicain dirigé par Dufaure le 13 décembre 1877.
  • Cette crise révèle l’affaiblissement structurel du pouvoir présidentiel. La tentative de dissolution ayant échoué, le président apparaît désormais subordonné au Parlement, notamment à la Chambre des députés.

2. La Constitution Grévy (1879)

Changement de majorité au Sénat

En janvier 1879, les élections sénatoriales donnent une majorité républicaine au Sénat (179 républicains contre 121 monarchistes). Mac Mahon, désormais isolé, démissionne le 30 janvier 1879. Jules Grévy, républicain modéré, est élu président de la République.

Renoncement au droit de dissolution

Dans son discours d’investiture, Jules Grévy déclare : « Je n’entrerai jamais en lutte contre la volonté nationale exprimée par ses organes constitutionnels. »

Cette déclaration marque une rupture fondamentale :

  • Abandon du droit de dissolution : Grévy s’engage à ne jamais utiliser cette prérogative. Ce renoncement devient une convention constitutionnelle tacitement acceptée par les acteurs politiques.
  • Affaiblissement du président : Le chef de l’État perd sa capacité d’intervention directe dans les conflits politiques. Il devient une figure symbolique, effacée derrière la suprématie des chambres parlementaires.

Conséquences pour le régime parlementaire

  • Passage d’un parlementarisme dualiste (où le gouvernement dépend à la fois du président et des chambres) à un parlementarisme moniste, où le gouvernement n’est responsable que devant les chambres.
  • Le président de la République ne dispose plus que de prérogatives formelles, tandis que le Parlement, et en particulier la Chambre des députés, exerce une domination totale sur le gouvernement.

3. Le régime d’assemblée (post-1879)

Avec l’effacement du président, la Troisième République bascule dans un régime d’assemblée, caractérisé par une suprématie quasi absolue du Parlement :

  • Le gouvernement devient l’instrument du Parlement : Les ministres sont responsables uniquement devant les chambres, et leur durée de vie dépend des aléas parlementaires.
  • Instabilité gouvernementale : L’absence de mécanisme efficace pour résoudre les conflits entre les chambres et l’exécutif entraîne une forte instabilité. Les gouvernements se succèdent à un rythme effréné (en moyenne un par an).

Bilan et perspectives

La Troisième République illustre les limites du parlementarisme pur :

  • Si la crise de 1877 marque une victoire pour les républicains, elle affaiblit durablement l’exécutif, le rendant incapable de répondre efficacement aux défis politiques.
  • Ce déséquilibre institutionnel, accentué par l’instabilité des gouvernements, contribuera à la chute de la Troisième République en 1940.
  • Il faudra attendre la Cinquième République pour rétablir un parlementarisme dualiste avec un président fort, tout en adaptant le régime aux exigences de la démocratie moderne.
Isa Germain

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