L’effectivité normative du droit de l’Union Européenne

L’effectivité normative du droit de l’Union Européenne

             L’effectivité normative correspond à la garantie du respect de ces normes. Le célèbre arrêt du Tribunal de première instance du 10 juillet 1990 Tetra Pak c./ Commission est une illustration de ce principe.

 

            Il faudrait parler de juridictions de droit commun de l’application du droit de l’Union. Le fait que les juridictions des Etats membres soient les premières juridictions appelées à appliquer le droit de l’Union n’apparaît pas explicitement dans le texte des traités : ceux-ci n’évoquent explicitement que les juridictions établies par les traités. Mais cette effectivité des juridictions étatiques est sous-jacente aux traités eux-mêmes.

•  L’existence du renvoi préjudiciel qui permet ou oblige, selon le cas, les juridictions nationales à poser à la Cour de justice les questions relatives à l’appréciation de la validité des normes du droit de l’Union européenne qu’elles sont appelées à mettre en oeuvre dans les procès qui leurs sont soumis, en est une preuve.

•  Cette réalité est également sous-jacente à l’article 274 du TFUE qui précise que les litiges auxquels l’Union est partie ne sont pas de ce chef soustraits à la compétence des juridictions nationales. Ils pourront l’être par le juge national qui pourra, de ce fait, être amené à appliquer le droit de l’Union.

•  Cette réalité est enfin également sous-jacente à l’article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne qui consacre le droit pour tout justiciable à un recours effectif devant tout tribunal, c’est-à-dire n’importe lequel, y compris et en premier lieu les juridictions des Etats membres. La jurisprudence consacrée sur ce point par le traité de Lisbonne affirme que les Etats membres doivent établir les voies de recours nécessaires pour assurer la protection juridictionnelle effective des justiciables dans les domaines couverts par le droit de l’Union.

•Le juge interne n’est pas le juge de la seule application des normes nationales, mais aussi des normes de l’Union, et assure donc par là l’effectivité de ces normes.

 

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            Les juridictions nationales bénéficient donc du principe d’autonomie institutionnelle et surtout procédurale. En effet, pour la Cour de justice, cet office du juge national comme juge communautaire de droit commun est un office qui doit être rempli dans le cadre habituel des règles nationales de procédure contentieuse. En d’autres termes, le traité communautaire n’a pas entendu créer devant les juridictions nationales, en vue de la garantie communautaire, des voies de droit particulières autres que celles prévues de façon générale par le droit national. Le droit de l’Union voit sa garantie juridictionnelle assurée par les juridictions nationales selon les mêmes procédés et voies de recours que celles applicables pour la garantie du droit national.

Néanmoins, ce principe d’autonomie n’est pas absolu : la Cour de justice l’encadre, car si elle lui lassait libre cours, il y aurait un risque très sérieux que les disparités des droits processuels nationaux conduisent à une garantie du droit communautaire différente d’un Etat à l’autre, ce qui porterait atteinte à l’uniformité de l’application du droit de l’Union dans l’ensemble des Etats membres.

Le principe d’équivalence requiert que le droit de l’Union puisse bénéficier des mêmes conditions d’effectivité juridictionnelle que les normes nationales comparables, et le principe d’effectivité oblige à écarter les règles procésuelles nationales lorsque leur mise en oeuvre conduirait à rendre impossible ou excessivement difficile la garantie de l’effectivité par le juge du droit de l’Union :

•  ainsi, doit être écartée la disposition qui prévoit le dépôt d’une caution, ce qui est trop dissuasif aux yeux de l’Union ;

•  doit aussi être écartée toute règle nationale qui ferait peser trop lourdement la charge de la preuve sur le demandeur ;

•  doit être écartée, selon l’arrêt du 9 mars 1978 Simmenthal, les règles nationales qui obligent à saisir la Cour constitutionnelle de l’Etat avant de pouvoir obtenir la garantie juridictionnelle par le juge national de la règle invoquée du droit de l’Union, ce détour nécessaire étant apparu comme contraire à l’exigence d’effectivité du droit de l’Union par la Cour de justice.

 

            Cette question de l’encadrement de l’autonomie des juridictions nationales en leur qualité de juridictions européennes de droit commun soulève le problème de l’examen d’office par le juge des moyens tirés de la violation du droit de l’Union : lorsque les justiciables omettent de se prévaloir du droit de l’Union contre une norme nationale contraire, le juge a-t-il la faculté, l’obligation de soulever d’office cette question ? Les solutions retenues par le droit national sont variables d’un Etat à l’autre.

•  La jurisprudence judiciaire française consacre globalement l’obligation pour le juge de relever d’office les moyens relatifs au droit de l’Union, ce qui est le meilleur gage d’effectivité du droit de l’Union, même si les parties omettent de s’en prévaloir. Cette solution s’impose y compris dans les cas où le relevé d’office d’une norme nationale quelconque est exclu ou facultatif : ainsi, lorsqu’une norme européenne est en cause, elle bénéficiera du relevé d’office obligatoire par le juge.

•  Il en va différemment dans la jurisprudence administrative : le Conseil d’Etat, du moins lorsqu’il s‘agit de la mise en oeuvre et de l’invocation d’une directive, se refuse actuellement à astreindre le juge administratif au relevé d’office de conclusions tendant à l’application du droit de l’Union (c’est l’arrêt SA Morgan du 11 janvier 1991).

•Depuis 2006, il y a eu des avancées spectaculaires de la juridiction administrative dans la pleine prise en compte des exigences du droit de l’Union. Cette inflexion dépend de la pression exercée par la jurisprudence communautaire.

•Quelle est la position de la jurisprudence de la Cour de justice sur la question du relevé d’office ? À priori, elle rend une jurisprudence dont la ligne directrice est difficile à cerner.

 

Dans un premier temps, elle a paru hésiter entre deux attitudes :

            ■ imposer au juge national le relevé d’office pour la plus grande garantie, la plus grande effectivité juridictionnelle du droit de l’Union ; c’est ce qui ressort de l’arrêt du 14 décembre 1995 Peter Broeck ;

            ■ le problème, c’est que dans un arrêt du même jour, Van Schijndel, la Cour de justice a semblé adopter une autre attitude, qui consistait à s’en tenir au principe d’équivalence, c’est-à-dire à aligner au profit du droit communautaire les solutions prévues à propos de telles normes nationales comparables.

Ces deux attitudes semblaient incompatibles, et le fait qu’elles aient été adoptées le même jour prolongeait cette hésitation. Mais il semble que la ligne directrice de cette jurisprudence soit inspirée moins par l’exigence d’effectivité du droit de l’Union que par le souci de faire prévaloir en toute circonstance les intérêts du justiciable. Cette tendance est démontrée par deux arrêts tardifs :

            ■ un du 7 juin 2007 Van Der Weerd dans lequel la Cour de justice affirme que le droit de l’Union n’exige pas l’obligation du relevé d’office, et ce quelle que soit l’importance de la norme européenne en cause, dès lors que les justiciables ont une véritable possibilité d’invoquer le droit de l’Union, sous entendu, il n’y a pas lieu d’exiger du juge national qu’il pallie la carence argumentative des plaideurs ; la Cour de justice semble plus encline à se préoccuper de l’intérêt des parties ;

            ■ un du 25 novembre 2008 Heemskerk dans lequel la Cour de justice soutient qu’il est licite au regard du droit de l’Union d’interdire au juge national de relever d’office un moyen dès lors que l’application de la norme volontairement délaissée par les parties aurait pour effet de les placer dans une situation plus défavorable que si elles n’avaient pas eu recours au juge.

 

            La Cour de justice est manifestement entrée dans une période où elle est moins intégriste que par le passé, elle était beaucoup plus intransigeante auparavant. C’est le signe d’un possible assouplissement, marginal sans doute, mais quand même sans précédent, et révélateur des exigences relatives à la garantie de l’effectivité du droit de l’Union. Que sont ces exigences ? Ce sont deux principes essentiels que la Cour de justice a forgé elle-même en vue de la plus grande effectivité possible du droit de l’Union.

•  Le premier de ces principes est celui de l’effet direct, consacré en 1963.

•  Le second est le principe de primauté, consacré en 1964.

La chronologie et la logique ne font pas bon ménage ici, car seules quelques normes communautaires bénéficient de l’effet direct, alors que toutes les normes européennes bénéficient du principe de primauté.

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