L’éloignement des étrangers (expulsion, reconduite à la frontière…)

L’éloignement  Des  Étrangers  Hors  du  Territoire  Français

Les  textes  actuels  distinguent  3  sortes  de  mesures  administratives  d’éloignement : 

  • obligation de quitter le territoire français
  • la reconduite à la frontière
  • l’expulsion

 

 L’obligation   de   quitter   le   territoire   français est de nature différente par rapport aux deux autres mesures : C’est  la  constatation  par  l’administration  de  l’irrégularité  de  la  présence  de  l’étranger  sur  la  territoire français et l’injonction qui lui est faite de quitter la territoire français dans un délai déterminé. Si  l’étranger  satisfait  à  cette  injonction,  il  n’y  a  pas  lieu  de  mesures  particulières  

 S’il  ne  quitte  pas  volontairement  le  territoire  français,  il  peut  être  l’objet  d’une  reconduite à la frontière, qui  est  une  mesure  d’exécution  forcée  de  l’obligation  de  quitter  le  territoire  français.

 L’expulsion est   une   mesure   d’exécution   forcée   mais   cette mesure peut être prononcée alors que l’étranger  est  en  situation  régulière.

 Le CESEDA   reconnait   à   l’administration   la   faculté   de   procéder   à   l’exécution   d’office   des   arrêtés   de  reconduite  à  la  frontière  ou  d’expulsion.

Pendant  le  temps  nécessaire  à  l’exécution  des  arrêtés,  l’étranger  peut  être  retenu  sur  décision  écrite  et  motivée du Préfet   dans   des   locaux   qui   ne   relèvent   pas   de   l’administration   pénitentiaire :   c’est   une  rétention administrative.  Cette  possibilité  de  rétention  fait  l’objet  de  textes  précis  et  du  double  contrôle  du Procureur de la République et du juge de la liberté et de la détention.  Pour  autant,  l’actualité  révèle  de  graves problèmes concernant les conditions de cette détention.

 

&1) L’obligation  de  quitter  le  territoire  français

 Dès  que  l’administration  refuse  à  l’étranger  un  titre  de  séjour  ou  lui  en  refuse  le renouvellement, elle peut assortir  sa  décision  d’une  obligation de quitter le territoire français dans le délai de 1 mois. Si au bout de ce   délai,   l’étranger   ne   s’est   pas   conformé   à   cette   obligation,   l’obligation   de   quitter   le   territoire   sera  exécutée  d’office  par  l’administration.

 L’étranger  peut  demander  l’annulation  de  dette  décision  au  tribunal  administratif  et  son  recours  devant  ce  Tribunal Administratif  suspend  l’exécution  de  l’obligation  de  quitter  le  territoire  français,  sans  pour  autant  faire  obstacle  à  un éventuel placement  de  l’étranger  en  rétention  administrative.  Le  tribunal  a  un  délai  de  3  mois  pour  se  prononcer mais ce délai passe à 72h si  l’étranger  est  placé  en rétention administrative.

 

&2) La reconduite à la frontière

 Il y a lieu à la reconduite à la frontière, prononcée par le Préfet, lorsque   l’étranger   est   en   situation  irrégulière  et  qu’il  ne  s’est  pas  conformé  à  l’obligation  de  quitter  le  territoire  français. 

 

Mais plusieurs catégories   d’étrangers   ne   peuvent   pas   faire   l’objet   d’une   telle   mesure de reconduite forcée à la frontière :

          Il  s’agit  de  tous  les  étrangers  mineurs,  

          des étrangers qui résident régulièrement en France depuis au moins 10ans, 

          de   l’étranger   parent   d’un   enfant   mineur   français   à   condition   qu’il   en   assume   l’entretien   et  l’éducation, 

          de  l’étranger  marié  depuis  au  moins  2ans  avec  un  français  à  condition  que  le  communauté  de  vie  continue, 

          de  l’étranger  dont  le  renvoi  dans  son  pays  aurait  des  conséquences  d’une  exceptionnelle  gravité  pour  son  état  de  santé  notamment  lorsqu’il  fait  l’objet  en  France  d’un  traitement  médical  qui  ne  pourrait pas lui être administré dans son pays.  

          La  mesure  d’éloignement  du  territoire  français  ne  doit  pas  porter  une  atteinte  disproportionnée  aux  droits  de  l’étranger,  au  respect  de  sa  vie  privée  et  familiale. 

 Il  s’agit  ici  du  respect  de  l’article  8  de  la  CEDH  de  1950.  Cette  protection  est  rappelée  aussi  bien  par  la 

Cour EDH que par les juridictions administratives françaises. Cela ne signifie pas que la mesure d’éloignement  ne  doit  porter  aucun  préjudice à la vie privée et familiale mais que ce préjudice ne doit pas être excessif ou disproportionné. 

 La décision de reconduite à la frontière est prononcée par arrêté préfectoral motivé. Elle peut faire l’objet  d’un  recours  devant  le  Tribunal Administratif  du  domicile  de l’étranger  qui  doit  rendre  son  jugement  dans  les  72h.

 

&2) L’expulsion

 Elle est prononcée par un arrêté  du  Ministre  de  l’intérieur si  la  présence  de  l’étranger  constitue  « une menace  grave  pour  l’Ordre Public » : article L521-1 CESEDA. 

Il ne faut pas confondre  l’expulsion  avec  la  reconduite  à  la  frontière  car  l’expulsion  frappe  généralement  des étrangers en situation régulière mais ils se sont livrées sur le territoire national à des comportements ou à des activités que le gouvernement français estime qu’il  constitue  une  menace  grave  pour  l’Ordre Public.

  Le  droit  de  l’expulsion  est  un  droit  complexe  qui  peut  connaitre  deux  procédures  différentes :

          selon  que  l’on  est  dans  la  procédure  de  droit  commun,  assez  protectrice,  

          dans  la  procédure  dite  d’urgence  absolue ou de nécessité impérieuse dans lesquelles les garanties de  celui  menacé  d’expulsion  deviennent  illusoires.

 De plus, plusieurs catégories   d’étrangers   sont   protégées   de   toute   mesure   d’expulsion   sauf circonstances particulières :

          Un mineur étranger ne peut jamais être expulsé : article L521-4 CESEDA.

          De plus aux articles L521-2 et 3 du CESEDA :  

o   le   parent   d’un   enfant   mineur   qui   réside   en   France   et   qui   contribue   à   son  entretien —> éducation,  

o   l’étranger  marié  avec  un  français  mais  il  faut  que  le  mariage  est  au   moins 3ans et que la communauté de vie continue,  

o   l’étranger  résidant  régulièrement  en  France  depuis  au  moins  10ans.  Ils  sont  protégés  de  l’expulsion  que  s’il  n’y  a  pas  nécessité impérieuse de  les  expulse  et  que  s’ils  n’ont  pas  été  condamnés   à   une   peine   d’emprisonnement   ferme   d’au   moins   5 ans   pour   des   actes   à  caractères terroristes, discriminations ou incitation à la haine raciale. 

 –          Article L521-3 CESEDA : 

o   protection plus forte des étrangers qui résident en France depuis plus de 20ans,  o l’étranger   parent   d’un enfant français mineur et qui réside en France depuis plus de 10ans…   L’expulsion   est   possible   si   personne   concernée   porte   atteinte   aux   intérêts  fondamentaux   de   l’Etat   en   France   ou   si   elle   s’est   compromise   dans   des   activités   à  caractère terroriste, haine ou  de  violence  contre  d’autres  personnes  ou  d’autres  catégories  de personnes. 

 La  mesure  d’expulsion  peut  n’être  pas  légale  si  elle  porte  une  atteinte  disproportionnée  au  droit  au  respect de la vie privée et familiale de l’intéressé  tel  qui  résulte  de  l’article 8 de la CEDH.

 La  procédure  d’expulsion  est  protectrice  des  intérêts  de  la  personne  concernée  s’il  s’agit  de  la  procédure  normale. 

          La personne a droit à être entendue préalablement par une commission composée de 3 magistrats : le président du TGI, un  juge  de  l’ordre  judiciaire et un conseiller du TA. La convocation devant  cette  commission  doit  être  remise  à  l’étranger  15  jours  avant  la  date  de  réunion  de  cette  commission  et  l’étranger  peut  se  faire  assister  de  toute  personne  de  son  choix,  puis  demander le bénéfice  de  l’aide  juridictionnelle.

          Devant la Commission, l’étranger   pourra   faire   valoir   toute   les   raisons   qui   militent   contre   son  expulsion.  La  commission  rend  un  avis  motivé  qui  est  communiqué  eu  ministre  et  à  l’intéressé.  Cet  avis ne lie pas le ministre  mais  il  est  fréquent  que  le  ministre  renonce  au  projet  d’expulsion  si  l’avis  de la commission est défavorable. Cette mesure peut cependant être écartée soit en cas d’urgence   absolue,   soit   en   cas   de   nécessités   impérieuses   pour   la   sureté   de   l’Etat   ou pour la sécurité publique.  

 C’est  un  régime  dérogatoire  ou  plus  exactement  de  3  régimes  dérogatoires  distincts :

 —>  au  cas  d’urgence  absolue :  si  le  ministre  estime  que  l’expulsion  est  justifiée  par  un  cas  d’urgence 

absolu, il peut prononcer cette expulsion  en  privant  l’étranger  de  garanties  de  procédure  et  spécialement  de  l’audition  devant  la  commission.    —>  si  le  ministre  estime  que  l’expulsion  forme  une  nécessité  impérieuse  pour  la  sureté  de  l’Etat  ou  pour la sécurité publique, tous les étrangers deviennent expulsables,  à  l’exception  des  mineurs  de  18ans  et de certaines autres catégories très limitées.

 —>  si  le  ministre  estime  qu’il  y  a  urgence absolu et nécessité impérieuse pour la sureté de  l’Etat  ou  la

sécurité publique,   il   n’y   a   plus ni garantie de procédure,   ni   catégorie   d’étrangers   non   expulsable   à  l’exception  des  mineurs  de  18ans  et  de  certaines  catégories  d’étrangers  très  limitées.  S’il  y  a  ce  cumul  de  situation,  il  n’y  a  pratiquement  plus  de  garanties,  ni  de  procédure,  ni  quant  aux  catégories  de  non  expulsable.

 Néanmoins,   il   est   possible   de   plaider   devant   le   Conseil   d’Etat   l’erreur   manifeste   d’appréciation ou le détournement de pouvoir mais ce recours contentieux est très aléatoire et il faut espérer que ces régimes dérogatoires restent exceptionnels. Cela semble être le cas car les régimes dérogatoires paraissent limités aux affaires de terrorisme mais   la   coexistence   d’un   régime   de   droit   commun  protecteur et de régimes dérogatoires très expéditif posent un problème d’équilibre   du   droit  d’expulsion.

 Quel qu’en  soit  le  motif  et  que  l’on  soit  dans  la  procédure  de  droit  commun  ou  dans  celles  dérogatoires,  l’arrêté  d’expulsion  est   pris   à   destination   du   pays   étranger   sauf   si   l’étranger   établi   que   sa   vie   ou   sa  liberté peuvent y être menacées. Dans  ce  cas,  l’étranger  est  expulsé  à  destination  d’un  autre  pays  si  ce  pays   l’accepte.   Si   aucun   n’accepte   l’étranger   expulsé,   l’étranger   est   assigné à résidence en un lieu déterminé du territoire français.

  —>  Les  conséquences  d’un  arrêté  exécuté : 

 –          si   l’étranger   revient   en   France   malgré   l’arrêté   d’expulsion,   il   est   passible   de   lourdes   sanctions  pénales  et  d’une  peine  complémentaire  d’interdiction  du  territoire  français,  qui  peut  aller  jusqu’à  10ans. 

 –          Si  l’étranger  se  conforme  à  l’arrêté  d’expulsion,  il  peut  demander  l’abrogation de cet arrêté après un  délai  de  5ans  et  il  a  droit  à  un  réexamen  par  le  ministre  de  sa  situation.  L’expulsion  n’est  pas  nécessairement définitive.

 Il  faut  bien  distinguer  la  reconduite  à  la  frontière  et  l’expulsion  car  le  reconduite  concerne  des  étrangers en situation irrégulière mais ces étrangers ne constituent pas une menace particulière contrairement à l’expulsion  qui  concerne  des  étrangers  en  situation  régulière  mais  qui  sont  estimés  menaçant  pour  l’Ordre Public  sur le territoire français. 

 Statistiquement, les reconduites à la frontière sont plus nombreuses par rapport aux expulsions qui sont des   cas   marginaux.   Mais   dans   les   médias,   on   parle   d’expulsion   à   tout   propos   notamment   pour   la  reconduite à la frontière.

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