Le pouvoir politique : définition, encadrement, typologie

L’encadrement juridique du pouvoir politique

Le pouvoir politique est défini comme un pouvoir suprême, qui organise et dirige l’ensemble de la société. Par son exercice, il instaure le pouvoir public constitutionnel, établissant ainsi une relation asymétrique entre les gouvernants, qui détiennent l’autorité, et les gouvernés, soumis à des rapports de commandement et d’obéissance.

L’objectif du droit constitutionnel : juridiciser le pouvoir politique

Selon Jean Gicquel, le droit constitutionnel incarne une transformation essentielle :

« Avec le droit constitutionnel, le règne de la Loi, le régime de la règle de droit, doit se substituer à la domination de l’homme par l’homme ».

Cela signifie que le pouvoir politique ne doit pas reposer sur l’arbitraire d’individus ou de groupes, mais doit être encadré par des règles prédéfinies. L’objectif principal du droit constitutionnel est de réglementer l’activité politique en établissant un cadre juridique clair. Ces règles structurent et organisent le jeu politique, garantissant ainsi la légitimité et la prévisibilité des décisions publiques.

Cependant, cette mission est empreinte d’une certaine ambiguïté.

Une vocation ambivalente du droit constitutionnel

1. Limiter le pouvoir au profit des gouvernés

Le droit constitutionnel a pour but de limiter les abus du pouvoir politique et de garantir les droits fondamentaux des citoyens. À travers des principes comme la séparation des pouvoirs, la garantie des droits et la suprématie de la Constitution, il impose des bornes au pouvoir politique, favorisant ainsi un équilibre entre liberté et autorité. Exemples :

  • Contrôle de constitutionnalité : vérification que les lois respectent les normes constitutionnelles.
  • Séparation des pouvoirs : éviter la concentration excessive du pouvoir dans une seule institution.

2. Faciliter l’exercice du pouvoir par les gouvernants

En parallèle, le droit constitutionnel est aussi un outil au service des gouvernants. Il structure leur action et leur confère une légitimité, tout en leur fournissant les moyens nécessaires pour diriger efficacement la société. Exemples :

  • Les règles encadrant les élections permettent de désigner les responsables politiques.
  • Les mécanismes juridiques, comme les décrets ou les lois, assurent la mise en œuvre des politiques publiques.


I – Problématique de l’encadrement juridique du pouvoir politique


Même dans les démocraties occidentales libérales, l’individu reste dépendant du pouvoir politique. La théorie des droits de l’Homme, bien qu’elle vise à protéger l’individu, ne suffit pas toujours à compenser cette dépendance. Le droit, en général, et le droit constitutionnel, en particulier, se trouvent donc pris dans une ambivalence : d’une part, ils cherchent à limiter le pouvoir au profit des individus, mais d’autre part, ils servent aussi à faciliter l’exercice du pouvoir politique.


A)    Le rapport personne et le pouvoir : les « droits de l’Homme »

Dans Les droits de l’Homme (Que sais-je ?), Jacques Mourgeon reprend une célèbre phrase de Rousseau :

« L’Homme est né libre et partout il est dans les fers ».

Cette citation souligne une contradiction centrale : malgré les multiples proclamations en faveur des droits de l’Homme, comme dans la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789, l’Homme reste soumis au pouvoir.

1. Définition des droits de l’Homme

Les droits de l’Homme représentent des prérogatives naturelles de l’individu, régulées par le Droit.

  • Prérogatives : ce sont des facultés naturelles d’agir ou de s’abstenir.
    Exemples :

    • Dire la vérité ou mentir.
    • Gifler quelqu’un ou ne pas le faire.
  • Droits de l’Homme : ce sont des prérogatives encadrées par des règles juridiques, reconnues comme légitimes dans les relations entre individus ou avec le pouvoir.
    Exemple :

    • Gifler quelqu’un n’est pas un droit.
    • Voter est un droit.

2. Origine des droits

Les prérogatives ne deviennent des droits que si elles obtiennent un statut juridique, ce qui dépend du pouvoir politique en place. En d’autres termes, le pouvoir détermine les droits de l’Homme.
Exemple :

  • La reconnaissance du droit à l’IVG en France en 1975, décision prise par les institutions.

3. Contrôle des droits

Le pouvoir surveille les droits qu’il a lui-même reconnus. Ainsi, le Droit n’est pas une garantie absolue pour protéger les individus contre le pouvoir, mais plutôt un outil façonné par le pouvoir pour organiser les libertés.
Exemple : Le contrôle des libertés fondamentales par les institutions judiciaires ou administratives.


B)    L’objectif et le rôle du droit constitutionnel diffèrent selon les régimes politiques.

Le droit constitutionnel est un outil juridique permettant d’encadrer le pouvoir politique. Cependant, son objectif et son rôle diffèrent selon les régimes politiques.

1. Le droit constitutionnel dans les États totalitaires

Dans un régime totalitaire, comme celui de la Chine, le droit constitutionnel est subordonné au pouvoir. Il ne cherche pas à limiter le pouvoir, mais à le renforcer pour servir l’idéologie dominante.
Exemple :

  • Sous l’idéologie marxiste-léniniste, le droit constitutionnel est mobilisé pour faciliter les actions du gouvernement.

Dans ce contexte, le droit constitutionnel devient un instrument au service de l’État et de son idéal politique, éliminant toute possibilité de contestation.

2. Le droit constitutionnel dans les démocraties libérales

Dans les États démocratiques comme la France, le droit constitutionnel a une double mission :

  1. Garantir la liberté des citoyens.
  2. Organiser et encadrer l’autorité des gouvernants.

Cette dualité engendre une ambivalence : le droit constitutionnel doit équilibrer la protection des droits individuels et l’efficacité du pouvoir politique.

 

II. Les divers types de pouvoirs politiques :

Les différents types de pouvoirs politiques sont les suivants :

  • L’État libéral valorise l’individu et limite l’État pour garantir les libertés.
  • L’État marxiste-léniniste vise à une société sans classes, bien que son application ait souvent dérivé vers le totalitarisme.
  • L’État totalitaire impose une idéologie unique et contrôle tous les aspects de la vie, annihilant les libertés individuelles.

1) L’État libéral

L’État libéral place l’individu au centre du système. Dans cette conception, l’État est vu comme un mal nécessaire, dont la fonction première est de protéger les libertés individuelles et les droits fondamentaux.

  • Origine et développement :

    • En Angleterre, l’Habeas Corpus de 1679 garantit la protection contre les détentions arbitraires.
    • Aux États-Unis, la Déclaration d’Indépendance de 1776 et la Constitution de 1787 posent les bases des droits individuels.
    • En France, la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 affirme une conception universelle des droits, aujourd’hui intégrée dans le bloc de constitutionnalité (depuis 1971).
  • Organisation politique :

    • Les citoyens confient temporairement le pouvoir aux dirigeants, par le biais d’élections périodiques.
      Exemples : Élections présidentielles de 2007, municipales de 2008.
    • Participation citoyenne : En plus des élections, les référendums permettent une expression directe.
      Exemple : Référendum du 29 mai 2005 sur le projet de Constitution européenne.

2) L’État marxiste-léniniste

L’État marxiste-léniniste s’inscrit dans une analyse des luttes des classes, où l’État est vu comme un instrument de domination d’une classe sur une autre. L’objectif ultime est la disparition de l’État.

  • Marx et l’État :

    • L’État est l’outil de domination de la bourgeoisie sur le prolétariat.
    • Étapes de transformation :
      1. Dictature du prolétariat : Le pouvoir est confié à la classe ouvrière pour renverser l’ordre établi.
      2. Dépérissement de l’État : L’État, devenu inutile, disparaît au profit d’une société sans classes, où les moyens de production sont collectivisés.
  • Lénine et la Russie soviétique :

    • En 1917, Lénine adapte les théories de Marx au contexte russe.
    • Approche pragmatique : Le pouvoir est centralisé au sein du Parti communiste, et non du prolétariat.
    • Le parti devient le véritable détenteur du pouvoir, un système d’État-parti.
  • Staline et le totalitarisme :

    • Sous Staline, l’État devient totalitaire, s’éloignant des idéaux marxistes. L’appareil d’État contrôle tous les aspects de la vie sociale et politique.
  • L’anarchisme, un rejet total de l’État :

    • Contrairement aux marxistes, les anarchistes prônent la disparition immédiate de l’État, qu’ils considèrent comme un obstacle à la liberté.
    • Bakounine, dans Dieu et l’État (1871), critique l’État comme une institution oppressive, imposant ses règles par la force.

3) L’État totalitaire

L’État totalitaire est caractérisé par une absorption totale de l’individu au profit de l’État, avec une soumission absolue à une idéologie.

  • Principes fondamentaux :

    • Mussolini : « Rien en dehors de l’État, rien contre l’État, tout dans l’État. »
    • L’État totalitaire détruit l’individualité, soumet les citoyens et mobilise toute la société au service de son idéologie.
  • Analyse de Raymond Aron (1965) : Dans Démocratie et Totalitarisme, Aron identifie cinq caractéristiques principales :

    1. Parti unique disposant du monopole politique.
    2. Idéologie d’État, imposée comme vérité absolue.
    3. Monopole de la persuasion et de la terreur, avec un contrôle total des médias et des moyens de répression.
    4. Contrôle total de l’économie, intégrée à l’appareil d’État.
    5. Répression des dissidents, toute erreur ou opposition étant considérée comme une violation idéologique pouvant entraîner des sanctions extrêmes (exécutions, déportations).
  • Hannah Arendt et l’isolement des individus : Dans Les origines du totalitarisme, Arendt souligne que :

    • Le totalitarisme détruit les structures sociales traditionnelles (famille, religion) pour isoler les individus.
    • Il mobilise dès l’enfance, en embrigadant les jeunes dans des organisations d’État.
  • Exemples historiques :

    • Stalinisme en Union soviétique : Répression de masse, goulag, collectivisation forcée.
    • Nazisme en Allemagne : Idéologie raciale, propagande, contrôle total des esprits et extermination des opposants.

 

 

Le cours de droit constitutionnel est divisé en plusieurs fiches

Isa Germain

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