L’erreur sur la substance et l’erreur sur la chose

LES ERREURS QUI ENTRAINENT LA NULLITE DU CONTRAT

Un contrat peut être vicié par l’erreur à condition que l’erreur porte sur la substance ou sur la personne. Dans ces cas, il y a nullité du contrat

Art. 1110 Code Civil qui évoque l’erreur sur la substance et erreur sur la personne. On admet l’erreur sur la personne, mais seulement dans les contrats intuitu personae.

A) L’erreur sur la substance de la chose.

a) La notion de substance de la chose.

La substance de la chose correspond aux qualités substantielles de la chose, 2 conceptions proposées par la doctrine :

  • Conception objective :

Conception la plus ancienne : la substance, c’est la matière dont la chose est faite (ex : achat d’un bijou en or alors que c’est du plaqué).

On a fait évoluer cette théorie. On considère que la qualité substantielle serait celle qui donne sa nature spécifique à la chose.

Aubry & Rau, pour faciliter, ont proposé de se référer à l’opinion commune. Serait substantielle, la qualité qui l’est pour la majorité des hommes (ex : pour une voiture : rouler).

Constat très objectif et suppose que la qualité substantielle sera la même pour tous les contractants.

  • Conception subjective :

Dans la conception subjective, on va rentrer dans la psychologie du contractant. La qualité substantielle est celle qui a déterminé le choix du contractant ex : achat d’un meuble Louis XVI, le contractant n’achète pas pour l’époque mais parce qu’il avait appartenu à Brigitte Bardot).

La jurisprudence a dû trancher et a retenu la conception subjective de la chose depuis un arrêt du 28 janvier 1913.

Cela devient alors du cas par cas, donc appréciation souveraine des juges du fond.

Cette recherche de qualité substantielle, revient à chercher la qualité qui a été déterminante pour le contractant. Qualité substantielle se confond avec qualité déterminante.

Cette qualité déterminante est toujours appréciée in concreto.

Caractère déterminant = qualité substantielle de la chose = apprécié in concreto

b) L’erreur sur une qualité convenue.

Le juge doit étudier la psychologie du contractant pour voir si l’erreur est déterminante. Problème : si on fait trop référence à la psychologie du contractant, cela conduira à annuler trop de contrats, et cela porterai atteinte à la sécurité juridique du contrat, marque de protection du contractant.

La jurisprudence a exigé que la qualité substantielle doit être convenue entre les parties. Le vendeur doit connaître la qualité substantielle qui a été déterminante pour son contractant. La qualité substantielle doit être connue par les 2 contractants au moment de la conclusion du contrat. Il est souvent fait état d’une erreur commune, mais le terme est impropre. Ce qui est commune, ce n’est pas l’erreur, mais le fait de considérer tel élément comme qualité substantielle. L’erreur doit être entrée dans le champ contractuel.

c) L’invocation de l’erreur.

C’est l’acheteur qui invoque l’erreur, on parle d’erreur sur la prestation reçue. Un vendeur peut-il invoquer l’erreur ? Erreur sur sa propre prestation. (Ex : pense vendre une croûte, mais c’est un Picasso).

Pendant un temps, la jurisprudence a refusé que le vendeur invoque l’erreur, car c’est le risque d’art. Finalement, en 1930, la cour de cassation a admis l’erreur du vendeur sur sa propre prestation.

  • En droit :le code civil prévoit la nullité du contrat pour erreur. La cour de cassation a estimé que : « il n’y a pas lieu de distinguer là où la loi ne distingue pas » vieille adage «Ubi Lex non distinguit … »
  • En équité: si on ne l’avait pas admis, ça aurait permis à un expert de dépouiller un profane.

d) L’aléa chasse l’erreur.

Je vous vends ce Renoir, mais ce n’est pas certain que ce soit lui : vente possible, mais prix – cher.

Impossible de demander la nullité si ensuite il y a certitude sur la provenance du tableau. Le doute est entré dans le champ contractuel l’aléa chasse l’erreur.

e) L’erreur en cas de doute sur la réalité.

Ici, il y a une certitude à l’authenticité au moment de la vente, mais c’est après expertise qu’il y a doute : « affaire Nicolas Poussin » arrêt du 22 février 1978, grands arrêts n°148.

Faits : Au moment de la vente : ce n’était pas un Poussin. Ensuite, il y a une expertise : c’est peut être un Poussin. Le vendeur attaque en nullité parce qu’il aurait vendu plus cher.

Peut-on admettre une erreur en cas de doute sur la réalité ?

La cour de cassation a répondu oui. Pour qu’il y ait erreur, il faut une différence entre la conviction de départ et la réalité, donc il y a une conviction erronée.

B) L’erreur sur la personne.

Article 1110 al 2. On ne retient que l’erreur sur la personne, sauf si la qualité de la personne était déterminante pour le contractant (contrat intuitu personae). Cela peut ressembler au dol.

C) Le régime commun aux 2 erreurs vice du consentement.

a) Les conditions de l’erreur.

2 conditions :

  • L’erreur doit être déterminante : pour l’erreur sur la chose, cette condition se confond avec l’exigence de la qualité substantielle. Pour l’erreur sur la personne, le contrat intuitu personae.
  • L’erreur doit être excusable : la jurisprudence va refuser d’annuler le contrat si l’erreur commise est trop grossière.

L’errans (= celui qui a commis l’erreur) doit pas avoir été crédule, il a le devoir de s’informer. Le juge a un pouvoir souverain sur ce caractère inexcusable, appréciation in concreto (prise en compte de l’âge de l’errans, des qualités du contractant).

La présence d’une réticence dolosive rend toujours excusable l’erreur.

b) La preuve de l’erreur de fait ou de l’erreur de droit.

2 sources d’erreur possibles, erreur sur la chose & sur la personne :

  • Erreur peut provenir d’une fausse représentation de la réalité (erreur de fait)
  • Erreur qui provient de la méconnaissance d’une règle de droit (erreur de droit)

Ex : une personne vend en priorité un bien à une autre pensant qu’il y avait droit de préemption, mais elle s’est trompée. Dans ce cas, la personne pourra demander la nullité de la vente.

Problème de preuve : Qui doit prouver l’erreur ?

Celui qui l’invoque doit prouver sa conviction erronée. Il faut d’abord prouver sa conviction, mais à quel moment se placer ? On peut se placer au moment de la conclusion du contrat, ou au moment où le juge statue. La jurisprudence a décidé qu’il fallait se placer au moment de la conclusion du contrat.

Il faut prouver que la conviction est erronée au moment où le juge statue. Utiliser des éléments postérieurs à la vente pour prouver l’erreur. Arrêt du 13 décembre 1983.

Preuve par tout moyen. Il devra prouver d’autres éléments : que l’erreur est excusable, déterminante et portée sur une qualité convenue).

c) La sanction de l’erreur.

Nullité car condition de formation, mais laquelle ?

  • La théorie classique : ici le contrat est malade car il y a un vice nullité relative.
  • La théorie moderne : ici on cherche à protéger l’intérêt de la personne lésée nullité relative.

Prescription de 5 ans, elle est susceptible de confirmation. Le délai court à compter de la connaissance du vice.

L’esprit de la sanction de l’erreur :

  • Il faut protéger le contractant qui s’est trompé
  • Il faut aussi protéger la sécurité juridique, il ne faut pas annuler n’importe quel contrat (protection avec caractère déterminant, caractère excusable de l’erreur, qualité convenue).