L’établissement de la filiation par la possession d’état
L’ordonnance du 4 juillet 2005 avait gardé la possession d’état dans son rôle de mode d’établissement de la filiation, article 311-1 et 316 alinéa 2. La possession d état s’établit toujours par une « réunion suffisante de faits », « ces faits révèlent les liens de filiation et de parenté entre une personne et la famille à laquelle elle est dite appartenir ».(Article 311 alinéa 1°).Le droit nouveau enferme la possession d’état dans des exigences plus strictes. La possession d’état ne saurait produire des effets et établir la filiation de plein droit.
Plusieurs articles sont modifiés par la loi de 2009 :
- Article 317 la délivrance de l’acte de notoriété constatant la possession d’état l’acte ne peut être demandée que dans un délai de 5 ans à compter de la cessation de la possession d’état alléguée ou dans les 5 ans du décès du parent prétendu.
- Article 330 la constatation judiciaire de la possession d’état : l’action peut être exercée dans les 10 ans à compter de la cessation de la possession d’état ou bien dans les 10 ans de la mort du parent prétendu.
Pour revêtir une portée juridique, la possession d’état d’enfant devra avoir été constatée d’une des deux façons suivantes :
- Le droit de la filiation
- La contribution à l’entretien et à l’éducation des enfants
- La gestion du patrimoine du mineur
- Le nom de famille : attribution et modification
- L’autorité parentale
- Comment est attribué l’exercice de l’autorité parentale ?
- Le recours à une mère porteuse (gestation pour autrui)
Section I – la possession d’état constatée par un acte de notoriété
C’est le moyen le plus simple d’établir et de prouver la possession d’état : article 317 : On demande au juge du tribunal d’instance (du lieu de naissance ou du domicile) la délivrance d’un acte de notoriété. Cet acte peut être demandé au juge par chacun des parents ou par l’enfant. Ou quand le parent prétendu est décédé avant la déclaration de la naissance de l’enfant (article 317 alinéas 2) l’acte de notoriété peut être délivré en prouvant une réunion suffisante de faits au sens de l’article 311-1).Quant à ses conditions, article 317alinéas 3 nouveau du Code Civil: la délivrance de l’acte de notoriété constatant la possession d’état l’acte ne peut être demandé que dans un délai de 5 ans à compter de la cessation de la possession d’état alléguée ou dans les 5 ans du décès du parent prétendu. (= manifestation de la volonté de la réforme de stabiliser aussi rapidement que possible les liens de filiation).Article 317 réécrit par la loi du 28 mars 2011.Quant à ses effets, l’acte de notoriété fait foi de la possession d’état jusqu’à preuve contraire (article 317 in fine).
- Si le juge admet l’existence de la possession d’état revendiquée, il délivre l’acte de notoriété et le lien de filiation établi par la possession d’état. Il est mentionné en marge de l’acte de naissance de l’enfant (article 317 alinéas 4), cette rectification de l’acte de naissance est alors de droit. Toute personne intéressée a durant 5 ans la possibilité de saisir le juge d’une action en contestation de la possession d’état lorsque celle-ci est elle-même établie par un acte de notoriété afin de détruire le lien de filiation ainsi établi (article 335).
- Si le juge refuse de délivrer l’acte de notoriété ou si le délai de 5 ans pendant lequel on peut demander l’acte de notoriété est écoulé, l’enfant ou les parents peuvent intenter une action en constatation par jugement de la possession d’état de l’enfant.
L’acte de notoriété est la seule preuve a priori. Il est même devenu nécessaire à l’établissement de la filiation par la possession d’état. La question, discutée en doctrine, a été tranchée par la jurisprudence. Sa mention en marge de l’acte de naissance, rapproche la possession d’état du titre (article 317 alinéas 4) et confère à la filiation ainsi constatée une visibilité utile sur le plan pratique. Mais la loi du 16 janvier 2009 limita à un délai de 5 ans la possibilité d’obtenir la délivrance d’un acte de notoriété, afin de couper court aux demandes tardives. La preuve contraire à l’acte pouvant être rapportée, l’acte de notoriété mentionné à l’état-civil n’équivaut pourtant pas à un titre dont la contestation ne peut se faire que dans les conditions légales des actions relatives à la filiation.
Section II – La possession d’état établie par un jugement
C’est une action qui apparaît comme supplétive à la délivrance d’un acte de notoriété. (Article 310-1 et 310-3). La jurisprudence avait déjà prévu cela mais elle l’est désormais explicitement ouverte par la loi. L’article 330 consacre la possibilité de faire constater la possession d’état à la demande de toute personne qui a intérêt à défendre ses intérêts. Du point de vue du droit antérieur, la notion d’intérêt légitime est exigée, comme les solutions jurisprudentielles antérieures le prévoyaient.
JURISPRUDENCE première chambre civile le 23 novembre 2011 où la Cour a jugé qu’il suffisait que l’action en constatation de la possession d’état soit exercée dans les dix ans qui suivent la date du décès du prétendu père pour qu’elle soit recevable. Cette action est désormais ouverte durant le délai de 10 ans prévu par l’article 321 à compter du jour où le demandeur aura été privé de l’état qu’il réclame, = du jour de la cessation de la possession d’état ou bien dans les 10 ans de la mort du parent prétendu..
Les cas concernés : l’hypothèse où l’enfant veut établir sa filiation à l’égard d’une personne décédée sans l’avoir reconnu ou encore quand les délais pour agir en recherche de maternité ou de paternité sont expirés ou pour établir la filiation paternelle nonobstant l’accouchement sous X de la mère. Il faut rapporter la preuve de la possession d’état, l’expertise biologique est possible mais pas de droit dans ce cas. La difficulté est de savoir à partir de quel moment la possession d’état à l’égard du parent prétendu a cessé. S’il y a rupture entre les parents, le père n’ayant pas reconnu l’enfant, hypothèse rare en pratique, la cessation de la communauté de vie n’est pas forcément significative d’une cessation de la possession d’état à l’égard de l’enfant. En cas de décès du père prétendu, on avait pu avancer que le seul fait du décès n’est pas non plus significatif d’une cessation certaine de la possession d’état ; la loi du 16 janvier 2009 est venue résoudre cette question en faisant courir dans cette hypothèse le délai « à compter du décès du parent prétendu ». Au-delà du délai de cinq ans, l’intéressé pourra encore, cette fois par une action en justice devant le tribunal de grande instance (article 318-1), demander à constater la possession d’état, dans les conditions de l’article 330 du code civil, soit dans le délai de dix ans à compter de sa cessation ou du décès du parent prétendu.
Droit transitoire : application du nouvel article 317 du code civil vaut également pour les enfants nés avant l’entrée en vigueur de l’ordonnance de 2005, le 1er juillet 2006 (article 201). Auparavant, il n’y avait pas de délai pour demander au juge la délivrance d’un acte de notoriété. La circulaire du 30 juin 2006 préconise de faire courir le délai créé à compter du 1er juillet 2006 pour éviter tout effet rétroactif suivant ainsi une proposition doctrinale. La loi du 16 janvier 2009 n’ayant pas de caractère interprétatif, les nouvelles dispositions de l’article 317 sont applicables à compter du 19 janvier 2009.