L’établissement judiciaire de la filiation
Pendant longtemps, les actions judiciaires en matière de filiation ont été accueillies avec méfiance, notamment en raison de la difficulté de garantir que la filiation revendiquée correspondait à la réalité biologique. L’absence de moyens fiables pour prouver la filiation, combinée à des conceptions sociales rigides sur la famille et la légitimité, a longtemps restreint ces actions.
Avec les progrès scientifiques, comme les tests ADN, et une évolution des mentalités, la reconnaissance des droits de l’enfant et de l’importance de la vérité biologique a permis une banalisation progressive de ces actions. Cependant, cette banalisation reste encadrée : le souci de préserver la paix des familles et la stabilité de l’état des personnes demeure essentiel. Ainsi, les mécanismes juridiques en matière de filiation continuent de chercher un équilibre entre la recherche de la vérité biologique et la protection des relations familiales existantes.
Section 1 : L’établissement judiciaire de la maternité
L’action en recherche de maternité permet à un enfant de faire établir un lien de filiation avec une femme qu’il prétend être sa mère. Ces actions restent rares, car la filiation maternelle est généralement établie par l’effet de la loi, notamment par la mention de la mère dans l’acte de naissance. Depuis l’ordonnance de 2005, une seule action en recherche de maternité existe, fusionnant les distinctions antérieures entre maternité naturelle et légitime.
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- L’établissement judiciaire de la maternité ou de la paternité
- La reconnaissance de la filiation
- L’établissement de la filiation par la loi
- Les présomptions et preuves en matière de filiation
I. Le régime de l’action en recherche de maternité
A) Les conditions de l’action
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Titularité de l’action
- L’enfant est le seul titulaire de l’action, conformément à l’article 325 alinéa 2 du Code civil.
- Pendant la minorité de l’enfant, l’action peut être exercée par le parent dont la filiation est établie, généralement le père.
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Prescription
- La loi ne fixe pas de délai particulier pour cette action, qui est soumise au droit commun (article 321 du Code civil).
- L’action se prescrit par 10 ans à compter du jour où l’enfant est privé de l’état qu’il réclame, mais ce délai est suspendu pendant sa minorité.
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Preuve de la maternité
- La preuve est libre, et tous moyens peuvent être utilisés pour démontrer que la femme prétendue est la mère biologique de l’enfant.
B) Les obstacles à l’action
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Accouchement sous X
- Avant la loi de 2009, l’accouchement sous X constituait un obstacle majeur. Depuis cette réforme, cet obstacle est levé, bien que des contraintes pratiques subsistent.
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Filiation incestueuse
- Une action en recherche de maternité est interdite si elle aboutirait à l’établissement d’une filiation incestueuse.
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Filiation maternelle préexistante
- Si l’enfant dispose déjà d’une filiation maternelle légalement établie, une action en recherche de maternité est impossible.
- Selon l’article 320 du Code civil, une filiation déjà établie fait obstacle à l’établissement d’une autre filiation contradictoire, sauf si la première filiation est contestée avec succès.
- Une contestation est impossible si l’enfant dispose d’un titre et d’une possession d’état conforme, ayant duré au moins 5 ans.
II. Les conséquences de l’action
A) Reconnaissance du lien maternel
L’action permet de reconnaître juridiquement la filiation maternelle. Ce lien confère à l’enfant tous les droits découlant de la filiation, notamment :
- Droits successoraux.
- Droits liés au nom de famille.
- Droits à l’entretien et à l’éducation.
B) Interaction avec la présomption de paternité
Si la mère était mariée au moment de la naissance, la présomption de paternité (article 312 du Code civil) peut s’appliquer, rattachant automatiquement l’enfant au mari.
- Pour rétablir cette présomption si elle a été écartée, une action en rétablissement judiciaire doit être intentée (article 327).
- Si une autre filiation paternelle a été établie entre-temps, il est nécessaire de contester cette filiation avant d’agir pour rétablir la présomption.
En résumé : L’action en recherche de maternité est une procédure permettant à un enfant de faire reconnaître sa mère biologique lorsqu’aucun lien juridique n’est établi. Soumise à des délais de droit commun, elle reste rare en raison des mécanismes légaux qui établissent la maternité automatiquement. Elle est interdite dans certains cas, notamment en cas de filiation préexistante ou d’inceste. Ses conséquences incluent la reconnaissance officielle de la filiation maternelle et, si nécessaire, l’examen des interactions avec la présomption de paternité.
Section 2 : L’établissement judiciaire de la paternité
L’action en recherche de paternité est une procédure contentieuse qui permet d’établir un lien de filiation entre un enfant et son père biologique lorsqu’aucune présomption de paternité ne s’applique. Cette action concerne exclusivement les situations hors mariage et est strictement encadrée par le Code civil.
I. Cadre général de l’action en recherche de paternité
A) Une action réservée à la paternité hors mariage
- La présomption de paternité (article 312 du Code civil) rattache l’enfant né ou conçu pendant le mariage au mari de la mère.
- Si la présomption de paternité est écartée (articles 313 et 314), il est possible d’agir en rétablissement de la présomption de paternité, à condition de prouver que le mari est le père biologique.
B) Évolution historique
L’action en recherche de paternité a longtemps été controversée, reflétant l’évolution des conceptions sociales et juridiques :
- Ancien droit : La paternité hors mariage ne conférait aucun droit ni obligation ; l’établissement de la filiation était librement prouvé.
- Droit révolutionnaire : Des droits successoraux furent accordés aux enfants naturels, mais aucune action en justice n’était permise pour établir la paternité.
- Code Napoléon : L’action en recherche de paternité fut interdite.
- Loi de 1912 : Une action fut enfin introduite, mais elle était soumise à des conditions strictes.
- Loi de 1972 : Peu d’assouplissements furent apportés, limitant encore les droits de l’enfant.
- Loi de 1993 : Les conditions d’ouverture furent supprimées, marquant une avancée significative.
- Ordonnance de 2005 : Cette réforme a simplifié et modernisé le régime de l’action, mettant l’accent sur les droits de l’enfant et les avancées scientifiques.
II. Le régime juridique de l’action en recherche de paternité
A) Conditions de l’action
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Dispositions légales :
L’article 327 du Code civil prévoit que la paternité hors mariage peut être judiciairement déclarée.- Absence de conditions restrictives : L’enfant ou son représentant n’a qu’à prouver la paternité par tout moyen.
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Caractère personnel de l’action :
- L’action est réservée à l’enfant (article 327 alinéa 2).
- Pendant la minorité de l’enfant, la mère peut exercer cette action en son nom.
B) Obstacles à l’action
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Filiation incestueuse :
L’action est interdite si elle vise à établir une filiation incestueuse, en raison de l’interdiction légale de tels liens. -
Filiation préexistante :
L’action est impossible si l’enfant a déjà une filiation établie avec un autre homme. Dans ce cas, il est nécessaire de :- Contester la filiation préexistante.
- Faire annuler cette filiation avant d’intenter une action en recherche de paternité.
C) Preuve de la paternité
La preuve de la paternité peut être apportée par tout moyen.
- Expertise biologique : L’enfant ou son représentant peut demander une expertise génétique, qui est de droit sauf si des motifs légitimes s’y opposent.
- D’autres éléments de preuve, comme des témoignages ou des documents, peuvent également être utilisés.
III. Les conséquences de l’action
A) Établissement de la filiation paternelle
L’action aboutit à l’établissement judiciaire du lien de filiation paternelle.
- Ce lien confère à l’enfant des droits, notamment en matière de succession, de pension alimentaire, et de nom.
B) Statut de l’autorité parentale
Une fois la filiation paternelle établie, le tribunal peut statuer sur l’exercice de l’autorité parentale.
- Il peut attribuer la garde, fixer un droit de visite et d’hébergement, ou encore organiser la contribution aux charges liées à l’enfant.
En résumé : L’action en recherche de paternité, exclusivement applicable hors mariage, permet d’établir un lien juridique entre un enfant et son père biologique en prouvant la paternité par tout moyen, y compris une expertise biologique. Si elle n’est possible que lorsque l’enfant n’a pas de filiation paternelle préexistante, elle garantit à l’enfant des droits fondamentaux, tels que l’accès à la vérité sur sa filiation et les avantages juridiques qui en découlent.