La recherche et la constatation judiciaire du lien biologique
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L’action en recherche de paternité ou de maternité : Seul l’enfant peut la lancer, représenté par l’autre parent pendant sa minorité, et ce jusqu’à ses 28 ans.
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L’action en rétablissement de la présomption de paternité : Elle est possible lorsque la présomption de paternité a été écartée. Cette action peut être introduite par l’un des époux durant la minorité de l’enfant ou par l’enfant lui-même jusqu’à l’âge de 28 ans.
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L’action en constatation de la possession d’état : Elle peut être engagée par toute personne intéressée (comme les grands-parents, frères ou sœurs) dans un délai de 10 ans, avec nécessité de prouver la possession d’état, c’est-à-dire le lien affectif et vécu.
Chapitre 1 : L’établissement de la filiation par la constatation judiciaire du lien biologique
L’établissement de la filiation par voie judiciaire repose sur la preuve de la réalité biologique du lien entre l’enfant et ses parents prétendus. Ce mécanisme est encadré par des règles communes applicables à toutes les actions en matière de filiation, mais également par des dispositions spécifiques selon qu’il s’agit d’une action en recherche de maternité ou de paternité.
Section 1 : Les règles communes régissant les actions relatives à la recherche de la filiation
I) Les conditions d’ouverture de l’action
L’article 320 du Code civil pose une règle fondamentale :
« Tant qu’elle n’a pas été contestée en justice, la filiation légalement établie fait obstacle à l’établissement d’une autre filiation qui la contredirait. »
Ce texte vise à prévenir les conflits de filiation en interdisant l’existence simultanée de deux filiations contradictoires à l’égard d’un même parent. Ainsi, pour ouvrir une action en recherche de filiation (paternité ou maternité), tout lien de filiation préexistant doit d’abord être contesté et détruit, même si ce dernier ne correspond pas à la vérité biologique.
Limite légale : le lien incestueux
- Le droit de la filiation
- La contribution à l’entretien et à l’éducation des enfants
- La gestion du patrimoine du mineur
- Le nom de famille : attribution et modification
- L’autorité parentale : définition, attributs…
- Comment est attribué l’exercice de l’autorité parentale ?
- Le recours à une mère porteuse (gestation pour autrui)
L’article 310-2 du Code civil prévoit que l’action est irrecevable lorsqu’elle tend à établir un lien de filiation incestueux (par exemple, entre ascendant et descendant ou entre frère et sœur). Cela reflète la volonté du législateur de prohiber l’établissement de tels liens pour des raisons d’ordre public.
II) La preuve
La recherche de filiation repose sur la démonstration de la réalité biologique du lien. Conformément à l’article 310-3 alinéa 2, la preuve peut être apportée par tous moyens, notamment :
- Expertise biologique : La jurisprudence considère que cette expertise est de droit en matière de filiation, sauf motif légitime de ne pas y recourir (par exemple, en cas de refus justifié par des considérations éthiques ou pratiques).
- Autres preuves indirectes : Témoignages, correspondances, documents, etc.
Les juges conservent une liberté totale pour apprécier la force probante des preuves rapportées, ce qui leur permet de trancher au cas par cas en fonction des circonstances.
III) Le délai pour agir
Les actions relatives à la filiation sont régies par un délai de droit commun fixé à 10 ans (article 321 du Code civil). Ce délai :
- Commence à courir à partir du jour où l’enfant a été privé de l’état qu’il réclame ou à partir du jour où il a commencé à jouir de l’état qui lui est contesté.
- Est suspendu pendant la minorité de l’enfant, lui permettant d’agir jusqu’à ses 28 ans (10 ans après sa majorité).
Cette règle offre un équilibre entre la nécessité de préserver la stabilité des liens juridiques et le droit de l’enfant à connaître ses origines.
IV) Le demandeur à l’action
1. L’enfant
L’action en recherche de filiation ne peut être exercée que par l’enfant.
- Si l’enfant est mineur, l’action peut être intentée en son nom par :
- Le parent avec lequel un lien de filiation est établi (article 328 alinéa 1).
- Un tuteur autorisé par le conseil de famille, si aucun parent ne peut agir.
2. Les héritiers
Les héritiers de l’enfant peuvent engager ou poursuivre une action en recherche de filiation si celle-ci avait été initiée ou était encore possible avant son décès.
V) Les défendeurs à l’action
L’action est intentée contre :
- Le parent prétendu.
- Ses héritiers, si ce parent est décédé.
- L’État, à défaut de parents ou d’héritiers identifiables (article 328 alinéa 3).
VI) Les pouvoirs de la juridiction saisie
Le juge saisi d’une action en recherche de filiation dispose d’une liberté totale dans l’appréciation des preuves rapportées. Ses décisions sont de nature déclarative : elles constatent ou détruisent le lien de filiation depuis l’origine.
En cas d’établissement de la filiation, le juge peut également statuer sur :
- L’exercice de l’autorité parentale.
- La contribution à l’entretien et à l’éducation de l’enfant.
- L’attribution du nom.
Ces effets rétroagissent à la date de naissance de l’enfant, comme si la filiation avait toujours existé (article 331 du Code civil).
Section 2 : Les règles spéciales régissant les actions relatives à l’établissement de la filiation
I) L’action en recherche de maternité
L’action en recherche de maternité, prévue à l’article 325 du Code civil, permet d’établir un lien de filiation maternelle en l’absence de titre ou de possession d’état.
Preuve et procédure
L’enfant doit prouver que la mère prétendue est celle qui a accouché de lui. Cette preuve peut être apportée :
- Par tous moyens, notamment par une expertise biologique.
- En cas d’accouchement sous X, la fin de non-recevoir a été supprimée par la loi du 16 janvier 2009.
La constitutionnalité de ce dispositif a été confirmée par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 16 mai 2012 (n° 2012-248 QPC). Si l’action aboutit :
- La filiation maternelle est inscrite rétroactivement sur les actes d’état civil de l’enfant.
- L’enfant acquiert le nom de sa mère et les droits liés à cette filiation.
II) L’action en recherche de paternité
L’action en recherche de paternité est ouverte à l’enfant dépourvu de filiation paternelle en l’absence de possession d’état ou de reconnaissance paternelle.
Conditions et recevabilité
L’article 327 du Code civil prévoit que cette action ne peut être intentée que pour établir une paternité hors mariage. Elle reste irrecevable :
- À l’encontre d’un homme marié, par l’enfant issu de son mariage.
Effets de l’action
Si l’action aboutit, la filiation est établie rétroactivement, et le juge peut également statuer sur :
- L’exercice de l’autorité parentale.
- La contribution à l’entretien et à l’éducation de l’enfant.
- L’attribution du nom (article 331).
Conclusion/ résumé : Les actions en recherche de filiation permettent d’établir un lien juridique entre l’enfant et ses parents biologiques, dans le respect des règles légales et procédurales. Elles offrent un cadre équilibré pour préserver les droits de l’enfant tout en assurant la stabilité des liens familiaux et juridiques.
Chapitre 2 : La contestation de la filiation
Le droit de la filiation a connu une simplification importante avec l’introduction d’une action unique de droit commun visant à démontrer l’inexactitude d’un lien de filiation juridiquement établi. Cette action, focalisée sur la recherche de la vérité biologique, a été clarifiée par les réformes successives et la jurisprudence récente. Ainsi, toute action abusive, perturbant l’intérêt supérieur de l’enfant, peut être sanctionnée, comme l’a illustré l’arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation en date du 25 avril 2007, qui a reconnu un droit à indemnisation pour l’enfant.
Section 1 : Les 2 hypothèses de la contestation de la filiation
L’action en contestation de la filiation est régie par les articles 333 et 334 du Code civil. Les règles applicables varient selon qu’il y a concordance ou discordance entre le titre de filiation (acte de naissance ou reconnaissance) et la possession d’état (les faits qui traduisent une relation effective entre le parent et l’enfant). Ces hypothèses déterminent les délais, les conditions et les personnes pouvant agir.
1) Concordance entre le titre et la possession d’état
A) Règle générale
Lorsque le titre de filiation est corroboré par une possession d’état conforme (relation parent-enfant visible et continue), la filiation bénéficie d’une forte présomption d’exactitude. Pour protéger cette stabilité, la loi impose des conditions très restrictives pour contester la filiation.
B) Prescription et irrecevabilité
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Possession d’état conforme pendant au moins 5 ans :
- Une fois cette durée écoulée (depuis la naissance ou une reconnaissance ultérieure), la filiation ne peut plus être contestée, sauf par le ministère public (article 333 alinéa 2).
- Cette règle constitue une fin de non-recevoir opposable à toute autre personne.
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Possession d’état interrompue ou cessée :
- Si la possession d’état cesse, l’action en contestation peut être intentée dans un délai de 5 ans à compter de cette cessation (article 333 alinéa 1).
- En cas de décès du parent dont la filiation est contestée, le délai court également à partir de ce décès.
C) Harmonisation des règles
Avant l’ordonnance de 2005, les règles divergeaient selon la nature de la filiation (légitime ou naturelle). Désormais, la filiation bénéficie d’une protection uniforme, qu’il s’agisse d’un enfant né de parents mariés ou non.
D) Titulaires de l’action
Lorsque la contestation est permise, elle ne peut être exercée que par :
- L’enfant,
- Un des parents,
- Celui qui prétend être le véritable parent.
2) Discordance entre le titre et la possession d’état
A) Règle générale
Lorsque la possession d’état n’est pas conforme au titre, le lien de filiation est fragilisé. L’absence d’une relation effective entre l’enfant et le parent désigné par le titre suscite des doutes sur la véracité du lien. Dans ce cas, la contestation est plus accessible.
B) Prescription
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Délai de droit commun :
- L’action peut être intentée dans un délai de 10 ans (articles 334 et 321).
- Le délai commence à courir :
- À partir du jour où la personne a été privée de l’état qu’elle revendique.
- Ou à partir du jour où elle commence à jouir de l’état contesté (par exemple, à partir de l’établissement du titre).
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Suspension pour les mineurs :
- À l’égard de l’enfant, ce délai est suspendu pendant sa minorité.
C) Titulaires de l’action
Lorsque le titre et la possession d’état sont discordants, toute personne ayant un intérêt légitime peut agir. Cela inclut :
- L’enfant lui-même,
- Les parents,
- Toute autre personne ayant un intérêt à agir, par exemple un héritier ou un tiers prétendant être le parent biologique.
En résumé : Les actions en contestation de la filiation varient selon l’existence ou non d’une possession d’état conforme :
- En cas de concordance : La filiation est fortement protégée ; elle est inattaquable après 5 ans de possession d’état, sauf par le ministère public.
- En cas de discordance : La filiation est fragilisée et plus facilement contestable dans un délai de 10 ans. Ces règles garantissent un équilibre entre la stabilité des relations familiales et la recherche de la vérité biologique.
Section 2 : Les règles communes à la contestation de la filiation
L’article 322 du Code civil distingue les exigences de preuve selon la nature de la filiation contestée :
- Filiation maternelle : Il convient de prouver que la femme n’a pas accouché.
- Filiation paternelle : La preuve doit établir que l’homme désigné comme père (mari ou auteur de la reconnaissance) n’est pas le père biologique.
Ces preuves peuvent être apportées par tous moyens, notamment par une expertise biologique (article 310-3 alinéa 1). La vérité biologique reste le critère déterminant pour anéantir un lien de filiation établi.
Section 3 : Les actions spécifiques en contestation de la filiation
1) L’action en contestation de la filiation dévolue au ministère public
Le ministère public dispose d’un pouvoir général de contestation de la filiation dans deux cas principaux :
- Indices tirés des actes eux-mêmes rendant la filiation invraisemblable.
- Fraude à la loi.
L’article 336-1 prévoit, par exemple, une hypothèse où une reconnaissance prénatale serait contredite par des déclarations divergentes lors de la déclaration à l’état civil. Dans ce cas, l’officier d’état civil établit l’acte de naissance au nom du mari de la mère, mais le ministère public doit porter le conflit devant le juge pour déterminer le véritable père.
Prescription
L’action intentée par le ministère public est soumise au délai de droit commun de 10 ans à compter du jour où la personne concernée a commencé à jouir de l’état qui lui est contesté.
2) L’action en contestation de la filiation fondée sur la possession d’état
La possession d’état constatée par un acte de notoriété peut être contestée dans des conditions spécifiques :
- Article 335 du Code civil : Toute personne ayant un intérêt peut contester la filiation en rapportant la preuve contraire.
- Délai de 10 ans : Depuis la loi du 16 janvier 2009, le délai de contestation a été allongé à 10 ans à compter de la délivrance de l’acte de notoriété.
En revanche, la possession d’état constatée par un jugement n’est pas susceptible de contestation.