L’État, cadre essentiel d’expression du pouvoir politique

L’État est souvent considéré comme le cadre principal dans lequel le pouvoir politique s’exprime. Il offre un espace institutionnalisé et structuré où s’organisent les relations entre gouvernants et gouvernés. Ce rôle central découle de plusieurs caractéristiques propres à l’État, notamment sa souveraineté, son monopole de la contrainte légitime et sa capacité à établir un ordre juridique.

Cependant, l’État n’est pas le seul cadre du pouvoir politique. Il coexiste avec d’autres entités politiques ou administratives qui exercent également des formes de pouvoir, bien que leur souveraineté soit limitée.
Exemples :

  • Les collectivités locales : communes, départements ou régions, qui disposent d’une autonomie relative pour gérer des compétences décentralisées.
  • L’Union Européenne : un cadre supranational où le pouvoir politique est partagé entre les États membres et les institutions européennes.

I) La relation gouvernants-gouvernés : une dynamique inégalitaire

Dans toute société, le pouvoir politique repose sur une relation fondamentalement asymétrique entre un petit nombre de gouvernants et la masse des gouvernés. Ce rapport de commandement et d’obéissance est à la base de l’exercice du pouvoir.

Le pouvoir comme commandement et obéissance

Le pouvoir politique constitue une relation de type inégalitaire, où les gouvernants imposent des règles ou des décisions, et où les gouvernés sont censés s’y conformer. Cette relation est universelle, bien qu’elle puisse prendre des formes variées selon les régimes politiques (démocratiques ou autoritaires).

  • En Occident, le droit joue un rôle clé pour tenter de rééquilibrer cette inégalité. Les mécanismes juridiques (comme les élections, la séparation des pouvoirs ou les droits fondamentaux) visent à limiter l’arbitraire et à garantir une certaine équité entre les gouvernants et les gouvernés.
  • Citation de Georges Chantebout :
    « C’est la capacité d’organiser la société en fonction des fins qu’on lui suppose. »
    Cela reflète la fonction du pouvoir politique comme outil pour structurer et orienter la société vers des objectifs considérés comme souhaitables.

 

II) Les caractéristiques essentielles de l’État

Par rapport à d’autres institutions génératrices de pouvoir (religieuses, économiques, sociales), le pouvoir politique se distingue par trois caractéristiques essentielles : la légitimité, la permanence et une situation de monopole. Ces éléments structurent la manière dont le pouvoir s’exerce au sein de l’État.

A) La légitimité

La légitimité désigne les fondements du pouvoir et son acceptation par les gouvernés. Elle repose sur l’idée que le pouvoir est exercé de manière conforme aux croyances ou valeurs d’une communauté, et donc reconnu comme juste et naturel. Ce transfert volontaire du pouvoir des gouvernés vers les gouvernants permet d’instaurer une obéissance non forcée, fondée sur la conviction plutôt que sur la contrainte.

Fonctionnement de la légitimité

  • Objectif : Créer un sentiment d’adhésion naturelle au pouvoir, où les gouvernés obéissent sans recours systématique à la force.
  • Résultat : Une autorité considérée comme légitime entraîne une obéissance spontanée et durable.

Les formes de légitimité

Selon les fondements du pouvoir, on distingue quatre formes principales de légitimité :

  1. La légitimité de droit divin
    Le pouvoir est perçu comme une délégation directe de Dieu, et le souverain est vu comme son représentant sur Terre.
    Exemple : La République islamique d’Iran, où les dirigeants religieux justifient leur autorité par des fondements théologiques.

  2. La légitimité historique
    L’autorité repose sur la tradition et la continuité historique, souvent incarnée par des dynasties ou des régimes anciens.
    Exemple : La dynastie des Carolingiens en Europe médiévale.

  3. La légitimité charismatique
    Ce type de légitimité repose sur les qualités personnelles d’un dirigeant qui inspire respect, admiration ou crainte.
    Exemples :

    • Charles de Gaulle, pour sa capacité à incarner l’unité nationale après la Seconde Guerre mondiale.
    • Adolf Hitler, dont l’autorité reposait sur un charisme manipulatoire.
    • Fidel Castro ou Josip Broz Tito, reconnus pour leur rôle dans des contextes révolutionnaires.
  4. La légitimité démocratique
    Fondée sur la souveraineté populaire, elle repose sur des élections libres où les citoyens choisissent leurs gouvernants. Ce modèle est aujourd’hui dominant dans les États démocratiques.
    Exemple : Les démocraties parlementaires et présidentielles modernes, telles que la France ou les États-Unis.

B) La permanence

La légitimité du pouvoir étant reconnue, les gouvernants cherchent à garantir la continuité et la stabilité de l’autorité politique. Cette permanence repose sur un processus de dépersonnalisation du pouvoir : l’autorité ne dépend pas d’une personne physique, mais d’une institution durable, l’État.

Dépersonnalisation et stabilité

Le concept d’État, dérivé du latin stare (« demeurer »), souligne cette idée de pérennité. Le pouvoir étatique est transmis selon des règles établies, indépendamment des individus qui l’exercent à un moment donné. Cela garantit une légitimité permanente, même en cas de changement de dirigeants ou de régimes.

Exemples de permanence :

  • Les monarchies constitutionnelles comme le Royaume-Uni, où le pouvoir royal est institutionnalisé au-delà de la personne du monarque.
  • Les républiques démocratiques, où les règles constitutionnelles assurent une alternance pacifique des gouvernants.

C) Une situation de monopole

Le pouvoir politique se caractérise également par son monopole sur la contrainte organisée, selon la célèbre définition de Max Weber :
« L’État et lui seul dispose du monopole de la contrainte organisée. »

Les manifestations du monopole étatique

  1. Édiction des règles de droit :
    L’État est la seule entité habilitée à produire des lois applicables sur son territoire. Les autres institutions (églises, entreprises) doivent se conformer à ce cadre juridique.

  2. Usage légitime de la force :
    L’État dispose du pouvoir exclusif de recourir à la contrainte physique, par l’intermédiaire :

    • Des forces de l’ordre (police) pour le maintien de l’ordre public à l’intérieur.
    • De l’armée pour défendre le territoire contre des agressions extérieures.

Les limites du monopole

Bien que théorique, ce monopole peut être contesté par :

  • Les groupes non étatiques (milices, organisations terroristes).
  • Les institutions internationales (comme l’ONU), qui peuvent imposer des règles aux États en matière de guerre ou de droits de l’homme.

 

 

 

Isa Germain

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