L’État : définition, caractères, éléments constitutifs, formes

Les caractères, les éléments constitutifs et les formes de l’État

Dans ses Contributions à la théorie générale de l’État (1921), le juriste Carré de Malberg le définit comme une « communauté d’hommes, fixée sur un territoire propre et possédant une organisation d’où résulte pour le groupe envisagé dans ses rapports avec ses membres une puissance suprême d’action, de commandement et de coercition ».

A) Les figures de l’État

C’est l’aspect, la forme extérieure d’un objet. C’est aussi une représentation morale, car l’État renvoie à un ensemble de représentations intellectuelles, philosophiques, idéologiques, politiques, économiques, qui font apparaître l’État sous une pluralité de figures.

Kubicher : « L’État, c’est la dernière Révolution qui a réussi »
Bakounine (anarchiste) : « L’État est un immense cimetière où viennent s’enterrer les manifestations de la vie individuelle »
Mussolini (adorateur de l’État) :« L’État est l’absolu, devant lequel les individus et les groupes ne sont que le relatif »
Lénine :« Là où commence l’État, finit la Liberté »
Louis XIV : « L’État, c’est moi ! »
Proudhon : « L’État, c’est nous ! »


Toutes ces citations renvoient à des valeurs sociales et à des idéologies différentes. L’État s’accommode aussi bien de la dictature que de la démocratie, de la monarchie que de la République. C’est un caractère éminemment subjectif.

B) Les formes de l’État

Pour qu’il y ait un Etat, il faut un territoire, une population et un Gouvernement effectif, qui va exercer au nom de l’État sur son territoire : c’est la souveraineté de l’État. La première manifestation concrète de l’État, c’est la forme territoriale. S’il existe des territoires sans Etat, en revanche il n’existe pas d’État sans territoire.
Ex : – l’Antarctique
– l’État palestinien
La forme territoriale que prend l’État permet de distinguer l’État de la nation.

1 – L’État et la nation
Le texte de de Gaulle montre bien la distinction entre l’État et la nation.
La nation s’exprime à travers un groupement d’hommes unis entre eux, par des éléments communs, d’ordre objectif
Ex : la langue, le mode de vie, …
puis, du subjectif, c’est-à-dire à un sentiment d’appartenir à une même identité par renvoi à la civilisation, à l’histoire et à des traditions.
Ce groupement d’hommes unis est orienté vers l’avenir, par une volonté de vivre ensemble ; cela va les rendre solidaires et va en faire une entité distincte des autres communautés humaines et donc une nation.
L’État est une notion juridique, alors que la nation est culturelle. Par exemple, sur un Etat peuvent vivre plusieurs nations.
Ex : la Russie
L’État exprime la nation et il répond à ses besoins. Il va prendre des formes différentes en fonction de la nation dont il a la charge. On constate que dans les pays où la nation s’est constituée avant l’État, il a tendance à prendre la forme du fédéralisme.
Ex : – l’Allemagne
– les Etats-Unis
En revanche, dans les pays où la nation apparaît en même temps que l’État, il va prendre la forme de l’État unitaire.
Ex : – la France
– l’Angleterre

2 – L’État unitaire

Il ne comporte qu’un seul centre d’impulsion politique, un seul centre de Gouvernement. Le pouvoir n’est représenté que par un unique titulaire et les citoyens ne sont soumis qu’à un seul système juridique et donc à un unique système de Droit.
Cependant, un Etat unitaire peut être divisé en diverses collectivités territoriales, qui ne sont pas des Etats à part entière.
Ex : les régions, les départements, les communes, …
Dans la Constitution espagnole de 1978 on peut lire
2-1 : « « la Constitution reconnaît l’unité de la nation espagnole »
Art. 2-2 : « la nation espagnole reconnaît aussi et garantit l’autorité et le Droit aux différents nationalités »

En France, les collectivités voient leur autonomie grandir. L’État unitaire peut être centralisé, c’est-à-dire que l’essentiel des affaires est réglé par le pouvoir central, donc le Gouvernement. Une administration totalement concentrée sur le pouvoir central n’est plus praticable et devient contraire aux exigences d’un Etat moderne : les décisions tardent et sont inadaptés à la réalité locale.
Par conséquent, les nécessités de la vie administrative moderne ont conduit ces Etats à apporter des rectifications à cet excès de centralisation, par 2 moyens :

• la déconcentration : cela permet d’atténuer le principe même de la centralisation dans les Etats unitaires, en attribuant à des agents locaux, du pouvoir étatique, par la compétence d’agir au niveau local, au nom de l’État
Ex : – les préfets
– la Direction Départementale de l’Equipement
Elle ne constitue pas l’inverse de la centralisation, mais une modalité. Elle se justifie par des raisons techniques

• la décentralisation : elle s’explique par des modifications politiques ; on prend en compte les diversités locales et on les protège face à l’unité du pouvoir central, en respectant leurs libertés et leur démocratie locales.
C’est un mouvement de fond en France. En 2003, on a modifié l’Art. 1 de la Constitution, en ajoutant « son organisation est décentralisée ». On reconnaît un droit de libre administration des collectivités territoriales, elles aussi prévues par l’Art. 72-3 de la Constitution

Avec la décentralisation, l’État transfère des compétences aux collectivités territoriales, pas comme la déconcentration, où les transferts se font pas des personnes. Dans le dernier cas, c’est l’État qui est cause.

3 – Le fédéralisme

Le fédéralisme vise à renforcer la solidarité entre des collectivités politiques très proches, tout en respectant leur particularisme.
Ex : la SénéGambie formée du Sénégal et de la Gambien, mettant en commun leurs moyens militaires, leur diplomatie et leur économie mais sans fusionner
Mais on le retrouve souvent sous forme d’État fédéral.
Ex : Allemagne, Etats-Unis, Canada, Mexique, Brésil, Australie, Suisse, Inde, Autriche, Argentine, Venezuela, Malaisie, (Russie et Yougoslavie)



Dans le monde, le fédéralisme constitue une forte minorité ; on remarque en effet, que tous les Etats ayant adopté le fédéralisme ont un vaste territoire, à l’exception de la Suisse, qui prend sa source à travers l’histoire. La Chine est le seul grand Etat à ne pas l’avoir adopté, puisque c’est un Etat totalitaire et que le pouvoir doit donc être concentré.
Le fédéralisme permet une structuration efficace. Il repose sur 3 principes :

• la superposition : le fédéralisme institutionnel implique la superposition sur le territoire d’un même Etat, plusieurs ordres juridiques partiels, selon une répartition des pouvoirs assez complexes.
Par conséquent, alors que dans l’État unitaire le citoyen obéit à une seule Loi, le citoyen de l’État fédéral dépend pour partie d’une Loi commune et pour partie des lois particulières, qui diffèrent d’un Etat fédéré à l’autre
Ex : la législation sur la peine de mort aux Etats-Unis, car la législation pénale est au soin des Etats fédérés
Entre l’État fédéral et un Etat fédéré, c’est un rapport de subordination qui s’installe et entre les Etats fédérés, c’est un rapport de collaboration

• l’autonomie : ce principe protège celui de la superposition ; il postule dans les matières de leur compétence. Les autorités fédérées disposent d’un pouvoir de décision exclusif, sous réserve du respect de la Constitution fédérale.
En règle générale, la Constitution de l’État fédéral établit une liste des matières qui reviennent expressément aux Etats fédérés : ils disposent d’une compétence d’attribution. Toutes les autres matières reviennent à l’État fédéral, qui dispose de la compétence de Droit commun

• la participation : ce principe permet d’associer les collectivités fédérales à la politique fédérale, pour leur rappeler qu’ils forment un Etat commun. Cette participation est repérable à 2 niveaux :
 au niveau du pouvoir constituant : en principe, on ne peut pas modifier la Constitution sans l’accord des Etats fédérés, avec des variantes suivant le pays, soit à la majorité qualifiée, soit à l’unanimité
 au niveau du pouvoir législatif : les Parlements sont bicaméraux, c’est-à-dire constitués de deux chambres, dont l’une a vocation de représenter les Etats fédérés, alors que l’autre représente le peuple dans son ensemble
Ex : – aux Etats-Unis : Sénat + chambre des représentants
– en Allemagne : Bundestag + Bundesrat

4 – Quid de l’Union Européenne

La Communauté Européenne, désormais Union Européenne depuis 1992 lors du traité de Maastricht, incluse 25 Etats-membres de l’Europe occidentale. Elle connaît, depuis sa création, une évolution remarquable ce qui pourrait la conduire à la construction d’une fédération des Etats. Quand on a fait élire, en 1979, pour la première fois, les députés européens, on en a trouvé les prémices : c’est un phénomène d’externalisation du pouvoir politique.

Si le traité de Rome est un traité institutionnel, il est le traité constitutif de la Communauté Européenne. C’est de ce traité que découle la répartition des compétences entre la Communauté et les Etats-membres : il est au sommet de la hiérarchie des normes de Droit commun. Ce traité réalise un véritable transfert de compétence et donc un transfert de souveraineté : c’est une entité qu’on ne retrouve nulle part ailleurs, c’est le « sui generis ».
Ce traité a été accentué par le traité de Maastricht, en matière monétaire et diplomatique, de citoyenneté et de défense : ce sont des domaines qui touchent les fonctions régaliennes de la société.

Pour savoir si la Communauté Européenne est un Etat fédéré, il faut appliquer les 3 principes qui forment le fédéralisme :

• la superposition fonctionne : le citoyen français dépend du Droit français et européen

• l’autonomie est respectée : ce principe ne fonctionne que depuis le traité de Maastricht, qui a inséré, dans le traité de Rome, le principe de subsidiarité (Art. 3-b du traité de Maastricht) : la Communauté Européenne n’intervient que lorsque l’action envisagée a des chances d’être mieux réalisée à l’échelon communautaire qu’à l’échelon étatique.
Ce principe sous-entend, que ne doit remonter à l’échelon communautaire que ce qui est strictement nécessaire : on veut protéger l’autonomie des Etats-membres. Ce principe est exportable dans d’autres ordres juridiques : la Loi constitutionnelle de 2003, l’a inséré dans la Constitution française (Art. 72-2)

• la participation est appliquée : elle est présente à 2 niveaux :
 au niveau du pouvoir constituant : la modification des traités fondateurs de la Communauté Européenne suppose l’accord des Etats-membres
 au niveau du pouvoir législatif : les Etats sont directement impliqués, puisque ce sont eux qui font la Loi communautaire ; il y a des quotas en fonction de chaque pays

Puisque les trois principes sont réunis, on devrait dire que l’Union Européenne est un Etat fédéral. Cependant, ce n’est pas le cas, car il manque la volonté politique.
Ex : le vote pour la Constitution Européenne

L’idée de Constitution Européenne trouve son origine dans le conseil européen de Laeken, en 2001. A l’occasion de ce conseil, celui-ci constate que l’Union Européenne aborde un tournant décisif et décide de convoquer la convention européenne sur l’avenir de l’Europe. Il en confie la présidence à Valery Giscard d’Estaing qui a pour mission, de formuler des textes sur 3 sujets :
– comment rapprocher les citoyens du projet européen ?
– comment structurer la vie politique européenne et l’espace politique européen, dans une union élargie ?
– comment faire de l’Union Européenne, un facteur de stabilisation dans le Monde ?
En bref, la déclaration de Laeken pose le la question de savoir si la simplification et le réaménagement de l’institution communautaire, doit conduire à l’application d’un texte Constitutionnel.
Le projet de traité instituant une Constitution pour l’Europe, est né en 2003 au conseil européen de Thessalonique et a été posé en référendum.
Après 16 mois de négociations, quelques modifications au niveau des institutions européennes et de leur fonctionnement sont effectuées : cela doit permettre la bonne marche de l’Europe à 25 membres. La finalité de ce texte n’est donc pas la création d’institutions nouvelles, mais l’amélioration du fonctionnement des institutions existantes.

Le traité instituant une Constitution n’est pas un acte fondateur. De ce fait, il n’emprunte pas la première caractéristique de toute Constitution, qui est son caractère créateur. En effet, une Constitution a pour vocation de mettre en place une entité nouvelle. Le mot « Constitution » est donc abusif dans ce cas-là.
Une Constitution, c’est le statut juridique d’un Etat, mais l’Union Européenne n’en est pas un, malgré qu’il y ait le territoire, la population ; il manque une entité souveraine, dotée d’un Gouvernement, car en réalité, les pouvoirs de l’Union Européenne ne sont que des délégations de souveraineté confiées par les Etats-membres, aux institutions communautaires. Mais, une délégation peut se reprendre ; un Etat peut sortir de l’Europe s’il le souhaite.

L’Union Européenne n’a pas besoin d’une Constitution pour exister : ce projet reste un traité international, qui modifie le traité fondateur.
Cependant, le mot « Constitution » est problématique pour 2 raisons :
– il laisse supposer que ce qui se réalise est un Etat fédéral, or ce n’est pas le cas, puisqu’il manque une volonté politique européenne
– à force d’user et d’abuser des concepts, on finit par en perdre le sens et on oublie le caractère fondamental de toute Constitution, qui est d’être l’acte suprême, qui a pour vocation, dans les démocraties occidentales, de limiter les pouvoirs et non pas d’en faciliter l’exercice

Pour qu’il y ait État, il faut que certaines conditions soient remplies. Une fois ces conditions observées, on peut lui attribuer certains caractères.

C) Les éléments constitutifs de l’État


On admet généralement trois caractères nécessaires et suffisants à la définition d’un état : il faut qu’il aie une population, un territoire et un gouvernement.

a) La population

La population dont il est fait mention dans la définition d’un état doit nécessairement avoir un lien juridique avec l’institution. Ce lien, c’est la nationalité. C’est chaque état qui détermine en son domaine qui est national et qui ne l’est pas. À ce jour, il existe deux grands systèmes d’attribution de la nationalité : le droit du sol et le droit du sang. Le droit du sol consiste à attribuer la nationalité d’un état à tout enfant qui naît sur son territoire, tandis que le droit du sang consiste à attribuer la nationalité d’un état à tout enfant dont les deux parents ont la nationalité de ce même état.

Ces deux systèmes qui paraissent à première vue très simples peuvent en fait entraîner de nombreux problèmes et conflits. Par exemple, un enfant d’immigré dans un état pratiquant le droit du sang pourra grandir, étudier et s’intégrer parfaitement dans ce pays sans en obtenir la nationalité. De plus, comme chaque état, on l’a vu, détermine lui-même son régime de nationalité, des conflits de nationalités peuvent survenir : une personne peut ainsi avoir plusieurs nationalités. Cette situation a des avantages indéniables mais peut également se révéler problématique, par exemple avec le cumul de services militaires obligatoires. Mais le problème le plus grave lié à la nationalité demeure l’apatridie, c’est à dire le fait de n’avoir aucune nationalité. Cela peut être la conséquence d’une naissance compatible avec aucun régime de nationalité, de la disparition d’un état ou de la perte de nationalité appliquée comme punition pénale. Il a ainsi fallu une convention internationale en 1954 pour régler la multiplication des apatrides due aux changements géopolitiques profonds provoqués par la seconde guerre mondiale : les états signataires se sont accordés pour fournir aux personnes en situation d’apatridie, sinon une nationalité, des papiers d’identité.

L’autre procédé permettant l’obtention d’une nationalité est la naturalisation, procédé juridique permettant donc à l’intéressé d’acquérir une nationalité. Là encore, il n’y a pas de règle générale : chaque état détermine ses propres critères, ceux-ci témoignant en général à un attachement particulier à l’attachement de l’intéressé envers la nation, qu’il se manifeste sous la forme d’un service dans l’armée, d’une participation au patrimoine national…

Chaque état a également le pouvoir de règlementer l’entrée et le séjour des étrangers sur son territoire : c’est une des attributions de la souveraineté. Une fois cela défini, restent à fixer les droits des étrangers sur le territoire.

Le critère de la nationalité, quoi qu’il en soit, consiste en ce qu’il existe des individus liés à l’État par na nationalité. La quantité de ces individus ou autre nuance de ce critère ne changent rien à ce principe.

b) Le territoire

Pas d’État sans territoire, et là encore les nuances telles que la taille ou la continuité de ce territoire n’entrent pas en ligne de compte. Cependant, la notion de territoire, s’il évoque inévitablement la terre, à beaucoup évolué au cours des siècles : pour les états côtiers, son expansion passe également par les mers et océans. C’est l’idée de territoire maritime.

La première attribution de territoires de ce type est celle des eaux intérieures : on trace une ligne, la ligne de base, reliant les caps de la côte d’un pays, et tout ce qui est contenu à l’intérieur est attribué au pays comme eaux intérieures. Elles sont considérées juridiquement comme le territoire terrestre, à quelques exceptions prêt relevant du droit maritime : on ne peut notamment pas refuser l’accès d’un navire en difficulté à un port. Puis, le danger venant traditionnellement du large, on a inventé le concept de mer territoriale : celle-ci, prévue pour prévenir les attaques maritimes, s’étendait à trois milles nautiques (un mille nautique équivaut à 1852 mètres) de la ligne de base, distance supposée équivalente à la portée d’un canon. On admet aujourd’hui des mers territoriales s’étendant jusqu’à 12 milles nautiques, chaque état définissant lui-même le tracé et la largeur de sa propre mer territoriale dans cette limite. L’État a le pouvoir souverain sur ce territoire maritime, à l’exception encore une fois d’une notion de droit maritime, le « passage innocent » : on ne peut arraisonner un navire traversant une mer territoriale pour se rendre à destination s’il ne présente pas une menace, les navires de guerre étant bien entendu soumis à une autorisation préalable.

Si, à l’origine, le but de l’expansion maritime était la sécurité, des enjeux économiques se sont vite ajoutés à cet impératif : la souveraineté sur les territoires maritimes permet par exemple de délimiter des zones de pêche ou de forage strictement réservés aux nationaux. Cette raison économique a évolué avec le temps, prolongeant l’expansion maritime des territoires nationaux. Ainsi, le président américain Harry Truman déclara unilatéralement que les territoire maritime américain s’étend jusqu’aux limites du plateau continental américaine – l’intérêt étant les richesses biologique et souterraines de cette partie du monde sous-marin. Si cette proclamation souleva de nombreuses contestations, elle fut finalement émulée et le principe de la nationalisation des plateaux continentaux se généralisa.

Mais certains pays n’ont simplement pas de plateau continental. C’est le cas du Chili, qui par conséquent revendiqua une zone économique exclusive s’étendant à 200 milles des limites de sa mer territoriale. Encore une fois, cette revendication souleva une forte polémique et fut finalement émulée : la convention de Montego Bay (Jamaïque) de 1982 accepta et légitima cette pratique. Les états bénéficient donc, en plus de leurs eaux intérieures, d’une mer territoriale, des territoires maritimes correspondant à leurs plaques continentales et de cette zone économique exclusive qui se cumulent. La France est ainsi le quatrième état mondial en termes de superficie si on prend en compte les territoires maritimes, grâce aux territoires d’outre-mer. La minuscule de Clipperton, qu’elle revendique, lui fait à elle seule bénéficier d’une zone économique exclusive circulaire d’un rayon de 200 milles nautiques autour d’elle.

L’autre expansion territoriale distincte de la terre fut l’invention des espaces aériens à la suite de la première guerre mondiale, lorsque l’aviation commença à se développer : les états se virent attribuer en souveraineté la colonne d’air au-dessus de leurs territoires et ce jusqu’au commencement de la stratosphère. Là encore, c’est pour garantir la sécurité que cette attribution se fit : la convention de Paris de 1920 consacra le principe de la souveraineté aérienne. Le progrès amena rapidement les premières lignes aériennes qui étendirent progressivement leur portée, franchissant les frontières, et la création de l’aéropostale. La seconde guerre mondiale illustrera par la suite l’importance de l’aviation, et les progrès réalisés permirent le transport de passagers sur de grandes distances dès la fin du conflit. La convention de Paris devenue obsolète, la convention de Chicago fut organisée en 1950 pour régler la question du trafic aérien. Il en découle qu’un état peut interdire le survol de tout ou partie de son espace aérien, et que chaque pays a pour responsabilité de créer et d’administrer des couloirs aériens dans cet espace.

Le monde est aujourd’hui presque dépourvu de territoires sans maître, mais quelques uns subsistent tout de même. C’est le cas de la « haute mer », zone comprenant les eaux non revendiquées qui tend cependant à se rétrécir. Seules les lois internationales, qui protègent par exemple du trafic d’armes ou de la piraterie, y sont applicables mais cette responsabilité n’incombe à personne en particulier.

Autre terra nullius (territoire sans maître), la plaine abyssale. La présence de nodules polymétalliques constitués par la sédimentation de métaux rares en suspension dans l’eau des grands fonds rend leur exploitation potentiellement intéressante bien que très coûteuse. En 1967, Avid Pardo, ambassadeur de Malte, craignant que les grandes puissances ne s’approprient ces ressources, demanda devant l’assemblée générale de l’ONU de faire des fonds marins un patrimoine commun de l’humanité. Les états du tiers-monde étant majoritaires dans cette assemblée, la résolution fut adoptée. La convention de Montego Bay de 1982 baptise cette zone « Zone », la place sous l’autorité de l’« Autorité » et réserve son exploitation, dont les produits seront vendus sur le marché international pour financer le développement du tiers-monde, à l’« Entreprise ».

L’antarctique a également un statut particulier. Ce continent couvert de glace pourrait, dans l’hypothèse ou il s’agit de terres autrefois immergées, recéler d’importantes réserves d’hydrocarbures. Les états explorateurs en commencèrent le partage, source de conflits non encore réglés, mais acceptèrent de le geler tout en contrôlant son accès à la demande de la communauté scientifique, en 1956.

Le dernier espace sans maître de la planète en dehors des précédents est la stratosphère, et au-delà une convention de l’ONU interdit la revendication et la militarisation de « la lune et les autres corps célestes ».

c) Le gouvernement

L’état est une structure politique : une population sur un territoire, s’ils ne sont pas administrés, ne constituent pas un état. On a vu qu’en termes de population ou de territoire, certains facteurs ne rentrent pas en ligne de compte. C’est aussi le cas lorsqu’il s’agit du gouvernement : sa forme, démocratique ou dictatoriale par exemple, n’importe pas. Il suffit, pour qu’il y ait effectivement état, qu’un gouvernement soit en place; un interlocuteur vis à vis des autres états, des institutions politiques.



En l’absence d’un seul de ces trois facteurs – population, territoire ou gouvernement – on ne peut pas parler d’état. La situation réelle n’est cependant pas si statique que cette explication, nécessairement simplifiée : il existe ainsi des gouvernements en devenir, comme c’est le cas en Palestine : on y trouve un gouvernement (l’Autorité Palestinienne) et un peuple, mais pas de territoire défini.

D) Les caractères de l’état

Les caractères de l’état sont traditionnellement au nombre de deux, contenus dans cette définition : l’état est une personne morale souveraine.

a) La personne morale

En droit, une personne morale est un groupe de personnes physiques constituant une entité unique à la responsabilité propre : le groupe a une personnalité indépendante des personnalités de sens membres. Organisations non-gouvernementales, clubs sportifs, associations, sociétés commerciales… Sont autant de personnes morales, l’avantage principal dans ce concept étant la continuité, résidant dans la distinction entre les membres et l’entité qu’ils composent : ainsi, le décès du dirigeant d’une société n’entraîne pas la disparition de celle-ci. D’autre part, il existe une sorte d’« écran » placé entre les membres d’une personne morale et celle-ci qui les distingue juridiquement. Cela a par exemple pour conséquence, lors de la faillite d’une société commerciale, des ne pas condamner ses actionnaires au règlement de ses dettes sur leurs biens propres. Cet aspect abstrait et presque métaphysique rend l’idée de personne morale absurde et dangereuse aux yeux des positivistes : une personne morale n’a aucune existence concrète. De plus, la notion implique un certain risque d’impunité : on a ainsi longtemps considéré la séparation entre une personne morale et ses membres comme une totale indépendance juridique, qui fut invoquée jusqu’à la fin de la seconde guerre mondiale. C’est à partir du procès de Nuremberg lors duquel les hauts dignitaires nazis durent répondre des exactions commises par le Reich que l’« écran » commença à se craqueler, mettant en jeu la responsabilité des dirigeants. Les tribunaux mis en place pour l’ex-Yougoslavie et le Rwanda furent un pas de plus dans cette direction : il ne s’agissait plus du procès des vaincus par les vainqueurs. Inconvénient des ces tribunaux, ils ne furent mis en places que dans le cadres d’affaires certes vastes, mais spécifiques. Un pas de plus dut franchi avec la création de la cour pénale internationale en 1998 (qui fut effective en 2001). Celle-ci présente toutefois un inconvénient : l’anarchisme de la communauté internationale ne rendent ses jugements obligatoires qu’aux états signataires du traité qui la met en place. Ce point découle de la souveraineté des états.

b) La souveraineté

La notion de souveraineté, qui s’appliquait à l’origine aux monarques, est passée de ces personnes physiques aux personnes morales. Elle est aujourd’hui l’attribution des états, et des états uniquement : les autres personnes ne se constituent que parce qu’elles en ont le droit sous la souveraineté et à certaines conditions : par exemple, le dirigeant d’une association loi 1901 n’a le droit d’en tirer aucun bénéfice. L’état, lui, ne peut que s’autolimiter : la souveraineté, c’est le droit du dernier mot. Vis à vis des autres états, un état souverain n’est donc engagé que s’il y consent. Conséquence logique de la nature même de la souveraineté : un souverain ne l’est que s’il est seul à la détenir. Du fait de la multiplicité des états, il n’existe donc pas de souveraineté absolue. L’ONU est un début de réponse à cette situation : sa charte, en 1945, stipule que l’état n’a plus le droit à la guerre : seul le conseil de sécurité peut désormais recourir à la force pour contraindre un ou plusieurs états à respecter le droit international, cette attribution lui étant faite au chapitre VII de ladite charte. Une telle résolution fut prise en amont de la première guerre du golfe, suite à l’invasion du Koweït par l’Irak. En revanche, l’invasion de l’Irak par les États-Unis, qui déclencha la seconde guerre du golfe, fut lancée sans autorisation de l’ONU et n’entraîna aucune sanction de la part du conseil de sécurité…