L’évolution du code pénal

L’HISTOIRE DU CODE PÉNAL

Depuis la seconde moitié du 20ème siècle l’évolution du droit pénal n’est plus guidé par des idéologies comme à la Révolution, pas plus que par des analyses criminologiques, mais par l’apparition de nouveaux facteurs de natures politiques. Cette influence récente est assez caractéristique de l’évolution du droit pénal contemporain.

  1. A) La réforme du Code pénal en 1994

Au fil des modifications apportées, l’esprit du code pénal de 1810 n’avait plus rien à voir avec les préoccupations de cette fin de 20ème siècle. Cette remarque pouvait être faite dans plusieurs domaines. En Droit pénal général, le Code était incomplet car nombre de principes appliqués en jurisprudence n’apparaissaient pas dans le Code. Et en Droit pénal spécial, certaines infractions subsistaient depuis 1810 mais étaient devenues obsolètes.

1) La genèse de la réforme :

Rappelons que dès le début du 20ème siècle la nécessite de réformer le Code pénal se faisait déjà sentir. CF influence du courant pragmatique. A l’époque, un projet de réforme voit le jour. On est en 1934 et on a appelé ça le Code pénal MATTER, ce projet restera lettre mort en raison de la deuxième Guerre Mondiale.

Quelques dizaines d’années plus tard, la réforme est à nouveau d’actualité mais en raison des alternances politiques, il faudra près de 20 ans pour la faire aboutir.

  • Année 50/60 :

Ces années sont marquées par une hausse de la délinquance (les enfants du « baby boom ») mais celle-ci est liée au contexte politico historique de l’époque et notamment à la survenance de certains évènements (Guerre d’Indochine, Guerre d’Algérie, et Mai 68). De nombreuses exactions sont perpétrées auxquelles nos textes s’efforcent de remédier mais sur le plan social, mai 68 va marquer en quelque sorte un tournant car à compter de cette date on va assister à une généralisation de la délinquance.

  • Années 70 :

A l’époque l’inquiétude des politiques est bien réelle, en raison de cette bague de généralisation de la délinquance dont on prend conscience. On va mandater une commission d’enquête, mais les conclusions avancées par celles-ci ne sont pas retenues car prônent une politique pénale trop préventive. On va donc préférer une politique plus répressive, notamment à destination de certains types d’infractions, c’est pourquoi de nouvelles incriminations apparaissent, et c’est pourquoi le barème de nombreuses infractions existantes est revu à la hausse. Cette politique répressive se ressent en matière pénitentiaire puisque le régime d’incarcération est durci. Création des maisons centrales et des quartiers de haute sécurité. La loi de sécurité liberté qui limite les pouvoirs du juge pénal. Une commission est alors créée : celle-ci décide de 3 réflexions majeures : la loi pénale, la personne pénale et la sanction pénale. Or le problème de ce système, c’est qu’il ne tient pas compte des idées de la Défense sociale NOUVELLE.

  • Années 80 :

Le contexte général va être posé pendant une première période : de 1981 à 1986, suite au changement de majorité présidentielle, à tel point que la politique criminelle va prendre une toute nouvelle orientation, la mesure PHARE ou symbolique c’est l’abolition de la peine de mort en 1981, laquelle s’accompagne d’autres décisions toutes aussi emblématiques.

Par exemple la suppression de juridictions d’exception, la pratique du droit de grâce du président de la république.

C’est dans ce contexte qu’un nouveau projet de réforme du Code pénal revient sur les bancs de l’actualité, il est conduit par Badinter. Le projet va être remis en sommeil de 86 à 88 en raison de la cohabitation. Pendant ces deux années on en revient à une politique de fermeté. Le contexte le justifie car la France est frappée par des attentats terroristes.

  • Fin des années 80, Début 90 :

Avec la réélection de Mitterrand, la tendance à l’humanisation de la justice pénale se poursuit, elle va principalement se concrétiser par un courant de dépénalisation qui intéresse surtout certaines infractions, mais, au niveau du droit de la peine on va désormais privilégier le recours aux peines de substitution pour tenter d’endiguer la surpopulation carcérale. Le projet de Badinter est donc remisau goût du jour, mais devant l’ampleur de la réforme, on va élaborer non pas un mais plusieurs projets de lois distincts.

Au final la discussion parlementaire va durer 3 ans de 1989 à 1992, mais au final il faudra environ 12 textes pour finaliser cette discussion parlementaire. La date d’entrée en vigueur pose également difficulté et va donc être reportée à plusieurs reprises pour enfin être fixées au 1er Mars 1994. En 1994 nous sommes à nouveau en pleine cohabitation. Ce qui signifie que le nouveau Code pénal illustre un savant COMPROMIS politique.

2) Les apports de la réforme

Par commodité on parle couramment du Nouveau Code Pénal entré e vigueur le 1er Mars 1994 mais cela reste un abus langage dans la mesure où ce Code n’a pas changé de nom avec la réforme.

La réforme du Code Pénal a nécessité pas moins de 12 textes pour pouvoir aboutir et de manière générale on peut dire que le Code pénal de 1994 renferme un paradoxe car il s’inscrit à la fois dans la continuité de l’Ancien Code avec lequel pourtant il va marquer une nette rupture.

  • La continuité :

Le Code reprend certains principes déjà consacrés en 1810 par exemple la règle de la classification tripartite des infractions pénales. Deuxième chose c’est la corrélation entre la responsabilité pénale engagée et la sanction pénale prononcée. De même le nouveau texte reprend à son compte toutes les évolutions jurisprudentielles antérieures issues de l’Ancien Code Pénal surtout n matière d’irresponsabilité pénale pour les cas de nécessité.

  • Une rupture :

Le nouveau code marque une rupture avec le précédent car la totalité des dispositions de l’Ancien code sont abrogées. Désormais le nouveau texte se veut à la fois plus simple et plus précis et cela se remarque notamment au niveau de nouveaux principes juridiques consacrés en 1994. Ex : la responsabilité pénale des personnes morales qui est reconnue pour la 1ère fois en droit français. Ou encore la notion de faute non intentionnelle. En 1994 le législateur a aussi renoncé à encadrer lé barème de la sanction pénale entre un plafond et un plancher car il supprime les peines planchers pour ne conserver que les peines plafonds. Le législateur privilégie aussi le retour aux peines de substitution.

En 1994 la numérotation du Code a changé. Avant on avait un ordre comme le Code Civil. Maintenant : Livre Titre Chapitre TIRET Numéro (Comme le Code Commercial)

  1. B) Les retouches du Code pénal depuis 1994

Dans la continuité de la réforme du Code pénal de 1994 la politique pénale va progressivement répondre à de nouvelles orientations. Si celles-ci se dessinent au début elles vont se confirmer par la suite.

1) Une évolution amorcée :

  • De 1995 à 2002, sous le 1er mandat de Chirac :

A l’époque la préoccupation sécuritaire est déjà bien présente ce qui explique l’adoption d’un certain nombre de textes rigoureux qui vont avoir des répercussions dans toutes les branches du droit pénal.

En Droit pénal général, à côté de l’infraction pénale traditionnelle qui est une infraction intentionnelle, on prend en compte l’infraction pénale non intentionnelle dont les éléments constitutifs différent et dont le barème des peines est adapté.

En Droit pénal spécial nos autorités s’en prennent à certaines formes de délinquance bien spécifiques, comme par ex les manifs qui dégénèrent, le trafic de stups et le blanchiment d’argent, sans oublier une répression accrue du terrorisme national, la délinquance routière, les infractions racistes ou xénophobes, antisémites.

En procédure, on s’est attaché à des textes à des orientations contradictoires. La 1ère orientation on la doit à la loi Guigou de 2000 relative à la présomption d’innocence qui apportent de profondes modifications à la procédure pénale, la plupart d’entre elles allant dans une répression accrue des droits de la défense. L’autre orientation puisse sa source dans les attentats du 11 septembre 2001 c’est pourquoi dans les mois qui vont suivre que les autorités françaises vont mettre en place différents outils juridiques afin de protéger la France contre ce fléau qu’est le terrorisme et c’est le cas de la loi du 15 novembre 2001 sur la sécurité quotidienne (Vigipirate, caméras dans les lieux et établissements publics).

  • Le 2ème mandat de Chirac de 2002 à 2007 :Après la cohabitation de 2000 2002, et bien Chirac veut nettement réformer la matière pénale.

En 2002, en procédure pénale on a un texte qui annonce une réforme future c’est la loi d’orientation et de programmation pour la justice. C’est la loi Perben 1.

Pourtant au passage ce texte en profite pour retoucher 2 domaines du droit pénal, le 1er c’est l’organisation juridictionnelle puisqu’il crée une nouvelle juridiction pénale : la juridiction de proximité. Et à côté de ça ce texte retouche également le droit pénal des mineurs puisqu’il revient sur l’ordonnance de 1945 en reconnaissant le mineur pénalement responsable.

Cette loi Perben 1 va se concrétiser en 2004 par l’adoption de la loi d’adaptation de la justice aux nouvelles formes de criminalité. Plus communément on l’appelle la loi Perben 2 ou la loi criminalité organisée. Ce texte renferme une réforme de grande ampleur car il part du postulat que la délinquance est en pleine mutation. Aujourd’hui elle correspond à des réseaux de criminalité savamment organisés c’est pourquoi il faut adapter la réponse pénale à cette évolution en conférant de nouveaux moyens à la justice pénale. D’où de nombreuses mesures phares introduites en procédure pénale, comme par ex la généralisation du statut de repenti italien. Ensuite d’autresmesures intéressent ce que l’on pourrait appeler l’entraide judiciaire internationale car vont permettre aux Etats de l’Union Européenne de s’entraider pour lutter efficacement contre certaines formes de délinquance. Par exemple, la réforme de la procédure d’extradition. La tendance du moment c’est les rapports de force ou de coopération entre les Etats.

Pour ce qui concerne le Droit pénal général la loi Perben 2 consacre également des modifications importantes, comme le cas de la responsabilité pénale des personnes morales qui est devenue une règle de droit générale. L’autre point c’est qu’elle retouche en profondeur la phase de l’application des peines qui est désormais juridictionnalisée dans sa totalité. C’est le dernier texte qui modernise autant la procédure pénale.

Par la suite nos autorités vont s’attaquer à la lutte contre la récidive et pour se faire, plusieurs textes vont être successivement adoptés :

Le 1er date du 12 décembre 2005 c’est la loi relative aux traitements de la récidive des infractions pénales. Là aussi on l’appelle récidive 1. Ce texte prévoit des peines plafonds plus élevées pour les récidivistes. Un violeur primaire encoure 15 ans. Un violeur récidiviste encoure 30.

La loi du 10 aout 2007 la loi Dati qui renforce la lutte contre la récidive. Ce texte renferme une disposition originale puisque réintroduit des peines planchers dans le Code pénal mais celles-ci restent exclusivement réservées aux délinquants récidivistes. On réintroduit un plancher minimum de 3 ans pour un violeur, c’est-à- dire que le juge s’il exige une peine, cette peine devra être d’au moins 3 ans jusqu’à 5 ans, mais il ne peut aller en dessous de 3 ans dans la peine. S’il estime que 3 ans c’est beaucoup trop, il proclame l’acquittement.

En 2008 et 2010 le législateur va prévoir non pas des mesures répressives mais préventives à l’égard des récidivistes, en mettant en place de nouveaux dispositifs de surveillance voire de neutralisation et on pense à la rétention de sûreté.

En 2007 la tendance amorcée va se confirmer notamment avec une loi du 5 mars 2007 sur la prévention de la délinquance qui prévoit un certain nombre de dispositions à l’égard des mineurs délinquants et qui instaure de nouvelles infractions pénales. En 2007 un texte important vient retoucher la procédure pénale sachant que ce texte fait suite à une affaire très médiatisée l’affaire d’Outreau et c’est le texte sur le rééquilibrage de la procédure pénale. Suite au fiasco judiciaire fortement médiatisé et bien deux commissions ont été mandatées pour réfléchir sur le traitement judiciaire réservé à ce dossier et les conclusions convergent puisque l’une comme l’autre suggère de ne pas modifier substantiellement la phase préparatoire du procès confiée au juge d’instruction. En revanche il est conseillé de remédier à la solitude pour ne pas dire à l’isolement de ce magistrat et pour se faire diverses mesures sont adoptes par la loi de 2007 sachant qu’à moyen terme l’objectif est de faire du juge d’instruction une juridiction collégiale. Faute de moyens tant matériels qu’humains, ce projet est sans cesse reporté dans le temps. Taubira veut en faire une juridiction collégiale mais exceptionnelle.

2) Une évolution confirmée

Pour ce qui intéresse la dernière période 2007 2012 et bien elle correspond au mandat de Nicolas Sarkozy pendant lequel la tendance à la sévérité ne cesse de se confirmer. En 2009 il y a un texte important c’est la loi du 24 novembre 2009 c’est la réforme pénitentiaire. Ce texte reste essentiel car rappelle que le détenu a des devoirs mais aussi des droits, et que même incarcéré il reste un citoyen comme les autres. La difficulté c’est de savoir comment garantir ces droits derrière un mur de prison. Ce texte s’exerce à remédier au out carcéral et prône l’aménagement quasi systématique des courtes peines de prison : celles de moins de 2 ans. Cela concerne les gens qui ont eu 2 ans d’incarcération ou qui sont à 2 ans de leur libération.

En 2011 plusieurs textes importants sont à saluer, le premier intéresse le droit pénal spécial et il permet au législateur de poursuivre la politique sécuritaire initiée précédemment. C’est la loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure. La LOPPSI. Le 2ème texte concerne la procédure pénale c’est la réforme de la garde à vue du 15 avril 2011.

Le 3ème texte affecte cette fois l’organisation juridictionnelle c’est la loi du 10 août de 2011 sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice. Ce texte est perçu comme une marque de défiance à l’égard de l’autorité judiciaire. En effet une nouvelle catégorie de jurés, que l’on appelle les citoyens assesseurs qui statuent au tribunal correctionnel citoyen pour les délits encourant 5 à 10 ans d’emprisonnement. Ce tribunal correctionnel citoyen est une variante du tribunal correctionnel.

Fin 2011 un autre texte retouche l’organisation juridictionnelle, la loi du 13 décembre 2011 sur la répartition des contentieux qui pour sa part annonce la fin de la juridiction de proximité. Déjà retouché par Taubira.

Début 2012, à la veille des présidentielles on tente plus ou moins maladroitement de poser les jalons de la politique pénale future à venir. Ce qui ne va pas manquer de générer de vifs débats une fois l’alternance politique confirmée.

Conclusion : Des évolutions remises en cause

  • Avec l’alternance politique, certains projets de réformes annoncées ne vont pas aboutir ou dans une moindre mesure, ils vont faire l’objet de modifications sommaires. Le 1er domaine qui devait être retouché c’est la réforme du droit des affaires avec le rapport Coulon qui n’a pas été retenu et qui a juste permis une dépénalisation très restreinte de certains comportements. Le 2ème domaine c’est celui du droit pénal des mineurs avec le rapport qu’on appelle Varinard qui voulait abroger l’ordonnance de 1945 et créer un code spécifique de la justice des mineurs. Mais l’essentiel de ces modifications intéressaient le droit pénal du fond et était jugé beaucoup trop sévère. Devant le flot de critiques dont il a fait l’objet, le précédent gouvernement a préféré changer de stratégie en instaurant une nouvelle juridiction pénale pour juger les délinquants juvéniles violents.

L’autre réforme qui avait été énoncée sous Sarkozy, c’est la réforme de l’instruction qui propose de réformer la phase préparatoire du procès en supprimant le juge d’instruction et l’instruction. Ce projet est oublié

  • D’autres modifications plus substantielles viennent d’être adoptées ou le seront prochainement. Elles traduisent sans équivoque une remise en question de la politique pénale conduite antérieurement. On fait marche arrière.Le juge de proximité dont la suppression était annoncée devrait survivre. Taubira a d’ailleurs mandaté deux commissions pour réfléchir sur l’office du juge au 21ème siècle. Pour ce qu’il s’agit des citoyens assesseurs, les juridictions dans lesquels ils siégeaient n’en était qu’au stage expérimental car cela ne concernait pas tout le territoire français et cette expérimentation a été définitivement abandonnée par un décret de mars 2013 dernier. Le tribunal correctionnel citoyen n’existe PLUS.
  • Au niveau de la politique pénitentiaire, sans pour autant réformer en profondeur le droit de la peine, un projet de lois est actuellement à l’étude. Il a été déposé le 9 octobre 2013, il y a deux semaines. Il intéresse l’individualisation des peines te la prévention de la récidive. Il faut créer une peine de probation qu’on appellerait la contrainte pénale, l’objectif étant d’éviter l’incarcération, il est proposé de rendre la libération conditionnelle automatique, il a même été question d’un numerus clausus dans les prisons.