L’exécution de la loi de finance

L’EXÉCUTION DE LA LOI DE FINANCE

La loi de finance de l’année, ou la loi de finance rectificative, une fois adoptée, doit être exécutée. Il s’agit là évidemment du pouvoir exécutif du Gouvernement que de mettre en œuvre un texte législatif. Entre ce qui concerne les LFA et les LFR, on a cette mise en œuvre. Auparavant, et cela concerne aussi la loi de règlement, et toutes les catégories de loi de finances prévues à l’article 1 de la loi organique, cette loi de finance est déférée selon la procédure de l’article 61 de la Constitution devant le Conseil Constitutionnel. Le Conseil Constitutionnel apprécie si les dispositions qu’elle contient sont conformes. Les conditions de la saisine ont été élargies en 1974, et depuis 1974, à de rares exceptions près, toutes les lois de finance (de l’année, rectificatives, de règlement) ont été déférées. Depuis une trentaine d’années, on dispose d’une Jurisprudence assez importante permettant de bien préciser ce que sont les significations de nos termes budgétaires. Une fois la saisine opérée, les lois de finances quelles qu’elles soient sont promulguées. À partir de là, elles sont appliquées. Ce qui a été voté, ce sont des dispositions techniques (barème de l’impôt sur le revenu, assiette…), mais au niveau budgétaire, ce sont bien des crédits ventilés en missions, programmes, actions à titre indicatif. C’est l’approche macrobudgétaire, c’est à- dire des masses non exploitables par l’Administration. Il va donc falloir préciser comment se répartit cette masse dans une nomenclature beaucoup plus fine. C’est le passage de cette nomenclature parlementaire à une nomenclature administrative, à travers les BOP (Budget opérationnal de programme) et les UO. Juridiquement, cette ventilation s’opère par des décrets de répartition.

– 1/ Une fois le budget voté, le Gouvernement adopte ces décrets de répartition.

– 2/ Ensuite, les responsables de programme, de BOP (Budget opérationnel de programme), d’UO (unités opérationnelles), pour la gestion financière d’un côté, et les ordonnateurs (primaires, secondaires, délégués) au sens large pour ce qui concerne les procédures juridiques, mettent en œuvre le budget. Cela passe par l’accomplissement d’actes juridiques : actes d’engagements, ordonnancements, paiements. Mais, nos engagements, paiements, ordonnancements, sont circonscrits dans le cadre des BOP ((Budget opérationnel de programme)) et des UO (unités opérationnelles). Il convient d’adapter ce cadre d’exécution aux nouvelles situations. Cela signifie que le pouvoir réglementaire doit être en mesure de pouvoir modifier les mouvements de crédits. Pourquoi ? Les conditions de l’exécution ont changé, et qu’il faut augmenter les crédits par ex. 72 On organise juridiquement la possibilité pour le Gouvernement de modifier l’édifice voté par le Parlement ! La dépense, c’est le Parlement, or c’est le Gouvernement qui la met en oeuvre. Les décrets de répartition : Sous la IV République, le régime d’assemblée était si abouti que les commissions des finances étaient omnipotentes et avaient tous les pouvoirs. Une des expressions paradoxales de cette grande puissance des commissions des finances passe par ces décrets de répartition. À l’époque, elles étaient si puissantes, qu’elles ont confié la répartition des crédits (c’est-à-dire une tâche jugée très technique) au Gouvernement ! Avant la IV République, c’était le Parlement lui-même qui répartissait les crédits. Le Gouvernement peut mettre ensuite en œuvre cette procédure très technique, puisqu’il ne s’agit dans le fond que de transcrire dans des comptes ce qui a été déjà décidé par le Parlement. Pourtant, le Parlement conserve le pouvoir de vérification de ces décrets de répartition, de ce travail administratif sans intérêt. Cependant, cela aurait dû revenir au CE. Les commissions des finances émettaient donc un avis conforme sur ces décrets. À partir de l’ordonnance de 1959, le Parlement a perdu cette possibilité de vérifier les décrets de répartition. Evidemment, ce n’est pas une perte sèche. Du coup, le Gouvernement agit en situation de compétence liée. Cela signifie que la répartition des crédits par décrets doit impérativement correspondre à ce qui a été présenté aux parlementaires dans les bleus budgétaires, et intégrer évidemment les amendements adoptés. La loi organique reprend cet impératif à son art. 44. Les décrets de répartition ont acquis de longue date une valeur juridique et ne peuvent être modifiés que dans des conditions prévues par la loi organique. missions LEGISLATIF PLF Loi de finance De l’année programmes Rectificative EXECUTIF BOP BOP UO UO UO UO UO Des décrets de répartition viennent répartir cela en BOP et en UO. La question vient à partir du moment où, en restant dans ces limites, du pouvoir d’adaptation de l’exécutif dans cet édifice financier. Concrètement, à partir du 1er janvier, s’opère un grand nombre de modifications au niveau des BOP, des programmes, des missions, des UO. Ces modifications représentent théoriquement une atteinte au consentement de l’impôt, tel qu’il est entendu en 1814, et à son extension qu’est la définition des dépenses publiques. On modifie en effet par le biais réglementaire un texte de la compétence législative. On modifie une politique publique votée par le Parlement. Il y a une question de redéfinition d’une politique publique du pouvoir du Parlement. Il faut distinguer selon la nature des mouvements de crédits opérés par le pouvoir exécutif : – Il y a des mouvements de crédits techniques, dont l’atteinte n’est pas insurmontable. – Il existe des mouvements de crédits typiquement politiques, venant redéfinir le contenu des politiques publiques. Ils constituent une atteinte plus compliquée à justifier.

Les mouvements de crédits techniques : Ils visent à dépasser la règle de la non affectation des recettes. Cette règle technique incomberait que toutes les recettes du budget général soient attribuées à un compte de budget général et permettent de financer l’ensemble des dépenses. Ici, on 73 constate que même dans le budget général, il existe des affectations de recettes. Ces affectations de recettes prennent principalement 2 formes. Ce sont : – Les fonds de concours – Les rétablissements de crédits.

A) Les fonds de concours

Définis à l’article 17, 2°) de la loi organique, c’est une pratique ancienne.

Les dons (du vivant) et legs (après la mort) : ce sont des mutations à titre gratuit, un transfert de propriété sans compensation. Historiquement, c’est important, car c’est ce qui justifie les fonds de concours. Cette technique naît de cette volonté d’opérer des dons et legs à l’Etat. Il s’agit de garantir aux donateurs du début du XIX siècle que les sommes versées à l’Etat serviront bien à financer un orphelinat et non à acheter des armes, que leur volonté sera respectée. Elle conduit à créer des fonds de concours, pour éviter que juridiquement unité de caisse aidant, les sommes entrent dans le budget général sans être affectées. Cela va prendre d’autres significations pratiques.

L’affectation des subventions : Au-delà des dons et legs, on a compris qu’il existait au niveau du phénomène financier des dépenses de transfert, entre personnes publiques, ou vers des personnes physiques. Elles manifestent le fait que plusieurs personnes publiques peuvent intervenir dans le financement d’une activité d’intérêt général. Ex. construction d’une autoroute -> compétence nationale du ministère de l’équipement, mais plusieurs intérêts -> intérêt national permettant un désenclavement, ou régional de régions interconnectées (tourisme, transport, commerce), ou départemental, voire local. Toute une série de collectivités territoriales peuvent être intéressées à la réalisation d’un investissement qui doit être financé. Depuis 1982 et la décentralisation, les différentes collectivités territoriales intéressées à la réalisation d’une politique publique, en particulier d’un investissement, peuvent le ou les financer. Le maître d’ouvrage au niveau financier sera l’Etat, et des financeurs (les collectivités territoriales). Budgétairement, les sommes qui vont quitter les budgets des collectivités territoriales seront des subventions (d’investissement pour l’autoroute, par ex.). L’inscription de ces subventions dans le budget de l’Etat passe par un fonds de concours. Ce fonds de concours constitue une recette affectée (au ministère de l’équipement, et plus particulièrement au programme allant prendre en charge financièrement la construction de l’autoroute). Ces fonds de concours sont affectés au budget considéré : il en existe de toutes sortes (investissement en provenance des collectivités territoriales, mais aussi de l’UE (cf. PAC est inscrite dans le budget de l’Etat sous forme de fonds de concours)). L’intérêt de ces fonds de concours consiste à figer juridiquement la nature de la dépense. Cet argent là ira bien à la construction de l’autoroute. Le pouvoir d’intervention du Gouvernement au sujet de la mise en œuvre d’une loi est bien le pouvoir réglementaire. Il s’agit pour les ministres et le Gouvernement de mettre en œuvre le Budget, en opérant des mouvements techniques. Certaines sommes, sont les subventions viennent abonder un budget qui n’est pas le budget d’origine (budget des collectivités territoriales, budget européen). Cette entrée ne constitue pas une recette, mais une subvention offrant la particularité d’être affectée. Or, en théorie, tout ce qui entre dans le budget de l’Etat entre au titre de ressource et vient abonder une caisse unique. Les sommes qui entrent dans le budget de l’Etat ne sont pas affectables à une dépense particulière. Or, il y a une nécessité impérieuse de le faire, sinon les gens ne vont pas donner. En ce qui concerne les subventions, c’est la même chose. Il y a un impératif de pouvoir opérer cette affectation.

L’affectation des « redevances » : ce fonds de concours correspond au remboursement des services rendus par l’Etat. Il ne s’agit pas d’indemniser de manière unilatérale une dépense de l’Etat (pour une collectivité territoriale par ex.). Il s’agit ici de rémunérer une activité qui devrait être prise en charge par une personne morale, mais qui en réalité est effectuée pour son compte par l’Etat. Ex. typique : le recouvrement des impôts locaux pour le compte des collectivités territoriales. À l’origine, les impôts locaux étaient des impôts d’Etat (« les 4 vieilles »). En 1917, avec l’introduction de 74 l’impôt sur le revenu, ces 4 vieilles ont été progressivement transférées vers les collectivités (aujourd’hui territoriales). En 1982, avec la décentralisation, on a complètement officialisé ce transfert de fiscalité. On a un impôt d’Etat géré par l’Etat, puis par les collectivités territoriales, et l’officialisation de ce transfert. On a cette idée que cette fiscalité est une ressource propre des collectivités territoriales. Une fois que l’on dispose d’une ressource, on doit la calculer, envoyer l’avis d’imposition au contribuable, mettre en œuvre le recouvrement et éventuellement le contentieux (lié aux difficultés de calcul…). Autant, une commune comme Paris est capable de disposer d’un service fiscal/comptable lui permettant d’assumer ces tâches, mais des communes plus petites ne peuvent faire cela. La fiscalité locale est difficile à mettre en œuvre pour une petite commune. Or, le ministère des finances dispose des compétences nécessaires, pour 2 raisons. Il a en charge cette gestion de la fiscalité locale, et s’agissant d’une administration financière, elle dispose sur l’ensemble du territoire national, d’un réseau d’agents comptables, d’un réseau d’agents de vérification, et il lui est possible de mettre en œuvre cette fiscalité, à moindres coûts. Mais, ce n’est pas parce que cette mise en œuvre s’effectue à moindre coût qu’elle n’a pas de coût : cela s’effectue pour le compte des collectivités territoriales. On estime que sur l’impôt prélevé, une partie sera reversée au ministère des finances (au programme « gestion financière de l’Etat », sous forme d’un fonds de concours). Ce n’est pas ici une subvention, cette somme est versée au titre de frais de recouvrement de la fiscalité locale. Juridiquement, c’est un fonds de concours, qui correspond à ces frais de recouvrement. Cf. avis d’imposition local (en bas, une dernière ligne indique « frais de recouvrement »). Techniquement, c’est l’Etat qui met en œuvre ce recouvrement. Budgétairement, ces sommes sont inscrites du programme qui les a pris en charge, et viennent abonder ce programme. Pourquoi mettre en œuvre ces techniques de fonds de concours, sachant que ces sommes ont toujours été au sein des caisses de l’Etat ? Il s’agit d’informer de manière complète le Parlement sur la réalité des mouvements financiers. Il y a une volonté de transparence et de sincérité, de ce qui est la réalité du mouvement financier. On comprend que cette technique permet bien de préciser non seulement le montant de ce transfert mais aussi sa nature (ex. 100 Millions d’€ d’investissement pour les autoroutes). Cette information complète constitue en outre une forme de contrainte sur le pouvoir réglementaire, puisque le pouvoir réglementaire ne peut pas intervenir sur l’affectation de ces crédits.

B) Les rétablissements de crédits

« Rétablir » signifie qu’il y a eu un mouvement (le crédit a déjà été établi), et pour une raison technique (par opposition à politique), on souhaite rétablir ce crédit. Sur 1000, il reste 900, et l’on souhaite rétablir 100 pour bénéficier de ces 1000. Il faut se défaire de cette règle de non affectation des recettes. On voit quels sont les motifs qui permettent d’opérer ces rétablissements de crédits. Prévus à l’article 17 de la loi organique, on en trouve vraiment 2 types :

La correction d’erreurs comptables : Ce n’est pas au gestionnaire de programme de faire les frais d’une erreur comptable. Le comptable s’est trompé, n’a pas inscrit une erreur. Les dépenses inscrites viennent s’imputer sur les budgets du programme et les sommes ne sont plus disponibles. Lorsqu’une somme est inscrite, les sommes ne sont plus disponibles juridiquement. Le comptable s’est en fait trompé : il n’y a jamais eu de dépense, personne n’a été payé. L’ordonnateur voit son budget amputé de cette somme. En appliquant de manière trop stricte le principe de la non affectation des recettes, une fois que l’erreur a été fait, on voit la somme réinscrite dans le budget général. Le ministère en question perd cette somme de son crédit. Donc, en cas d’erreur comptable, les crédits seront rétablis dans leur programme d’origine. 75 La difficulté se présente quotidiennement, et particulièrement au niveau des crédits de personnel. La paye des personnels est évidemment automatisée, elle intervient en fin de mois, et c’est une procédure lourde et complexe (calcul des prix). La difficulté pratique vient de ce qu’on a à peu près 2 millions de fonctionnaires, qui sont des êtres humains (mort, déplacement, démission). Ces incidents de la vie peuvent tout à fait ne pas être intégrés instantanément dans le processus de paye des agents. L’unité opérationnelle se voit affectée d’une erreur. Lorsque le comptable se fera rembourser par la famille du défunt, les sommes perçues rentrent dans sa caisse, mais budgétairement c’est un rétablissement dans le budget du programme d’origine/ou l’unité opérationnelle.

La notion de cession entre services de l’Etat : on peut opérer une facturation entre personnes morales. Ici, au sein des services de l’Etat, entre administrations, il peut s’opérer des fournitures de biens ou des prestations de services. Le ministère des finances possède de nombreux immeubles dans le centre de Paris. Budgétairement, l’Administration d’origine en assume l’entretien. Or, ce n’est pas elle qui en bénéficie. Ici, on se demande comment cette Administration d’origine va pouvoir « facturer » cette prestation à l’Administration de destination (sachant qu’il s’agit d’une même personne morale). On opérera ici par la technique des rétablissements de crédits. Ce n’est pas un fonds de concours. On inscrira une recette dans le budget du ministère des finances.