L’exécution provisoire du jugement civil

L’exécution provisoire de la décision de justice

Il est possible d’obtenir l’exécution du jugement avant que celui-ci soit devenu définitif. Si l’exécution provisoire est prononcée, la décision est exécutée immédiatement, sans attendre l’expiration des délais de recours. L’exécution provisoire peut porter sur tout ou partie de la décision. L’exécution provisoire est prononcée en même temps que le jugement.

En théorie, il s’agit d’une dérogation à l’exécution normale d’une décision de justice puisque cette exécution provisoire permet au gagnant du procès de faire exécuter la décision dès la signification malgré l’effet suspensif du délai des voies de recours ou malgré l’exercice même de l’une de ces voies de recours ordinaires. Cette exécution provisoire présente de nombreux intérêts, elle permet de déjouer, une éventuelle manœuvre dilatoire du perdant qui ne fait appel que dans le but de retarder le moment où l’adversaire pourra obtenir satisfaction. Deuxième intérêt, dû à la lenteur de la justice, entre le prononcé et le temps où le jugement devient exécutoire, un temps plus ou moins long peut s’écouler et cette durée lorsqu’elle est excessive est nuisible aux intérêts du gagnant. Donc on accepte de neutraliser l’effet suspensif du jugement en prononçant l’exécution provisoire. Mais cette exécution se fait aux risques et périls de celui qui la demande. Elle a une portée limitée puisqu’elle ne s’effectue qu’à titre provisoire.

  • 1 Le domaine de l’exécution provisoire :

Ce domaine est extrêmement vaste, à tel point qu’en pratique, l’exécution provisoire a fini par absorber le principe de l’effet suspensif auquel il est sensé déroger. En pratique, la majorité des décisions de justice bénéficient d’une exécution provisoire. A un point tel que lors du rapport Coulomb, des voix se sont fait entendre pour renverser la tendance, le rapport tendance a compte tenu de la pratique, a préconisé d’admettre un principe d’exécution immédiate des décisions de première instance quel que soit le recours ouvert. Ce rapport visait à mettre en harmonie la théorie et la pratique. On avait un souci de renforcer l’effectivité des décisions de justice, ce rapport a prospéré puisque le gouvernement a posé un principe d’exécution immédiate du jugement en l’assortissant de limites protectrices. Mais ce projet a suscité un débat tellement vif qu’il a été enterré.

Ce principe est prévu aux articles 514 à 526 du nouveau code de procédure civile et on distingue trois situations. L’exécution de droit ou légale, l’exécution provisoire est attachée automatiquement à la décision par le seul effet de la loi, autrement dit, la partie qui en bénéficie n’a pas à la demander et le juge n’a pas à l’ordonner. Certains jugements comportent la mention « jugement exécutoire de plein droit » mais cela n’a aucune portée. Les ordonnances de référé, les jugements de mise en état accordant une provision ou encore les jugements du conseil des prud’hommes sont dans ce cas.

L’exécution peut également être interdite. Il arrive en effet que la loi interdise expressément l’exécution provisoire pour que le juge ne puisse pas la prononcer. On a commerciale premier exemple l’article 515 alinéa 2 du code à propos de la condamnation aux dépens.

L’exécution peut également être provisoire ordonnée par le juge, on parle alors d’exécution judiciaire ou facultative. Ce sont tous les cas qui ne relèvent pas des cas précédents dans lesquels le juge a le pouvoir d’accorder cette exécution provisoire à deux conditions. L’exécution provisoire doit être compatible avec la nature de l’affaire et elle ne peut être prononcée que si elle est nécessaire (article 516 du nouveau code de procédure civile). L’article 516 précise en outre que la mesure nécessaire ne peut être ordonnée que par la décision qu’elle est destinée à rendre exécutoire, on doit donc respecter la règle de la simultanéité, c’est en rendant sa décision que le juge ordonne l’exécution provisoire mais par dérogation expresse à cette règle de la simultanéité, le juge d’appel peut ordonner après coup l’exécution provisoire dans trois cas :

– Lorsque l’exécution provisoire a été refusée par le premier juge, le gagnant peut alors demander au premier président statuant en référé de lui accorder l’exécution provisoire à condition de former appel et à condition qu’il y ait urgence (article 525).

– Si le premier juge n’a pas statué sur l’exécution provisoire car elle ne lui a pas été demandée.

– Si le premier juge n’a pas statué sur l’exécution provisoire alors même qu’elle lui avait été demandée.

  • 2 Les effets de l’exécution provisoire :

La question des effets de l’exécution provisoire n’a d’intérêt que si la voie de recours suspensive ouverte a été formée. Dans ces conditions, l’exécution provisoire a pour effet immédiat de fournir un titre exécutoire au créancier nonobstant l’appel ou l’opposition. Le créancier bénéficiaire de l’exécution provisoire peut recourir à l’exécution forcée avec toutes les conséquences qui s’y attachent sous réserve de quelques limites. On retrouve par exemple le fait que l’exécution forcée immédiate ne peut entrer en vigueur qu’après notification du jugement qui l’ordonne. Mais il convient aussi de savoir ce qu’il adviendra de l’exécution provisoire à l’issue de l’instance d’appel ou d’opposition. Et là, les effets sot radicalement différents selon que le jugement qui bénéficie de l’exécution provisoire ait confirmé ou bien au contraire modifié suite à une réformation ou à une rétractation. La première hypothèse est la plus simple, lorsque le jugement est confirmé sur l’appel ou l’opposition effectuée par le débiteur, l’exécution définitive se substitue tout simplement à l’exécution provisoire. Autrement dit, le créancier conserve le bénéfice de l’exécution initialement poursuivie et s’il avait du fournir des garanties, celles-ci deviennent sans objet désormais. Lorsque le jugement exécuté à titre provisoire est infirmé ou rétracté, les risques que le créancier a accepté de courir se réalisent et il devra en supporter toutes les conséquences. Il doit tout d’abord restituer tout ce qu’il a obtenu du débiteur de manière à ce que l’on revienne au statu quo. Se pose donc la délicate question des restitutions à effectuer. Si l’exécution a porté su une somme d’argent, il devra restituer au perdant de première instance cette somme d’argent mais aussi tous les intérêts légaux de cette somme qui auront couru à compter de la signification de l’arrêt infirmatif. Il y a des cas où une restitution est difficile ou carrément impossible. Le gagnant en premier instance ayant obtenu un meuble corporel, bénéficiant de l’exécution provisoire a vendu ce meuble à un tiers qui va se prévaloir après la signification du jugement d’appel de l’article 2279 du code civil. Autre conséquence encourue par le créancier, c’est qu’il devra aussi réparer le préjudice subi par le perdant en première instance du seul fait de l’exécution forcée qui a été poursuivie contre lui. Ce système de réparation ne vaut que pour l’exécution provisoire facultative, celle qui est autorisée par le juge et sans que cette autorisation d’exécution provisoire donnée par le juge ne soit une cause d’exonération de responsabilité.

Indépendamment de ces désagréments, lorsque l’exécution provisoire est confirmée, elle est pleinement utile. Dans cette situation, le débiteur est placé dans une situation délicate et dans la mesure où il ignore ce que l’avenir lui réserve, la loi lui offre tout de même la possibilité d’obtenir l’arrêt de l’exécution provisoire et au moins l’aménagement de cette exécution provisoire.

3) l’arrêt de l’exécution provisoire :

Cela implique que l’effet suspensif de l’effet de l’appel ou de l’opposition est tout simplement restauré et l’exécution forcée ne peut plus être engagée. Mais la loi a adopté une conception restrictive des moyens ouverts aux juridictions compétentes pour arrêter l’exécution provisoire. En ce qui concerne la compétence, l’article 524du nouveau code de procédure civile dispose que cette compétence appartient aux premiers présidents des cours d’appel et qu’elle est subordonnée à un appel préalable. Le plaideur condamné avec exécution provisoire commence par faire appel du jugement et immédiatement après, il assigne son adversaire en référé devant le premier président de la cour d’appel aux fins d’arrêt de l’exécution provisoire. L’arrêt 524 investit expressément en cas d’opposition l’auteur de la décision d’un pouvoir identique à celui du premier président pour arrêter l’exécution provisoire. Il faut aussi envisager en réalité la compétence indirecte d’autres juges, par exemple, le juge de l’exécution (JEX) est incompétent en principe pour arrêter l’exécution provisoire mais l’exécution forcée relève de sa compétence exclusive et il est tout à fait compétent pour trancher les difficultés touchant à l’exécution forcée résultant d’une décision exécutoire à titre définitif ou provisoire.

Les moyens de restaurer l’effet suspensif sont limités en cas d’exécution provisoire judiciaire et exceptionnel en cas d’exécution provisoire de droit. En ce qui concerne, l’exécution provisoire judiciaire, l’article 524 alinéa1° ne permet aux juges d’arrêter l’exécution que dans deux cas. Si elle est interdite par la loi, si elle risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives. Le premier cas ne soulève pas de difficultés mais le deuxième dans sa référence aux circonstances manifestement excessive soulève quelques interrogations, la Cour de Cassation a du trancher que le premier président ne peut arrêter l’exécution provisoire que si elle implique pour la partie condamnée des conséquences manifestement excessives compte tenu de ses facultés de paiement et des facultés de remboursement de l’adversaire.

En matière d’exécution provisoire de droit, le principe est simple, tout arrêt par le premier président de cette exécution est exclu quel que soit les critiques encourus par la décision attaquée. Dans la pratique, certains premiers résidents confrontés à des décisions exécutoires de droit contenant des erreurs grossières et de nature à voiler des droits de la défense n’ont pas hésité à arrêter l’exécution provisoire de droit. Ce comportement a été sanctionné par la Cour de Cassation qui systématiquement casse leur décision mais il n’empêche que les premiers présidents ont en quelque sorte réussi leur coup car leur ordonnance est valable jusqu’à ce qu’elle soit cassée…

4) L’aménagement de l’exécution provisoire :

Il permet au juge de limiter au juge les risques pour le débiteur en prescrivant des mesures qui vont le garantir contre la future insolvabilité éventuelle des créanciers. Si l’aménagement de l’exécution judiciaire est assez largement ouvert alors que ceux de l’exécution provisoire de droit n’est possible qu’à titre exceptionnel.

L’article 517 du nouveau code de procédure civile permet au juge de subordonner l’exécution provisoire à la constitution d’une garantie réelle ou personnelle suffisante pour répondre de toute restitution ou réparation. Lorsque cette garantie est ordonnée par le juge qui a accordé l’exécution provisoire, elle prend souvent la forme d’un cautionnement bancaire. Cette garantie est minutieusement réglementée par les articles 518 à523 du nouveau code de procédure civile. Permet au juge la substitution à la garantie primitive d’une garantie équivalente. Autre texte important, l’article 521 du nouveau code de procédure civile aux termes duquel il est prévu que la partie condamnée au paiement de sommes autres que des aliments. Des rentes indemnitaires ou des provisions peut éviter que l’exécution provisoire soit poursuivie par le biais d’une consignation. Autrement dit, sr autorisation du juge, la partie condamnée va concéder les espèces ou valeurs suffisantes pour garantir en principal le montant de la condamnation. Les biens devant être consignés sont déterminés par le juge. En cas de versement d’un captal en réparation d’un dommage corporel, le juge peut ordonner que ce capital soit versé à un séquestre qui versera au fur et à mesure une part que le juge déterminera.

L’aménagement de l’exécution provisoire de droit n’est possible que dans deux circonstances. L’article 489 qui concerne les ordonnances de référé qui prévoit que les ordonnances de référé peuvent être subordonnées à la constitution d’une garantie et qu’une consignation est possible sauf lorsqu’il s’agit d’une décision accordant une provision

Les articles 521 et 522 relatifs aux garanties affirment qu’il est possible de prendre des garanties à l’exclusion de la consignation.