L’exercice des recours en contentieux administratif
— Lorsque le juge administratif est saisi d’un recours, il est tenu de respecter un ordre précis d’examen des questions. Il doit d’abord vérifier sa compétence, question qui se dédouble en compétence du juge administratif en général, puis compétence de la juridiction saisie. Le juge doit ensuite examiner la recevabilité du recours. Ces règles de compétence et de recevabilité sont dîtes d’ordre public.
Le justiciable peut, à tout moment de la procédure, invoquer la violation de l’une d’entre elles. Le juge est tenu de soulever d’office ces deux questions ; cela signifie qu’il doit le faire même si aucune des parties n’y a pensé. Il doit systématiquement s’interroger sur sa compétence et sur la recevabilité du recours. On passe ensuite à l’examen du bien-fondé du recours, c’est-à-dire à l’examen du fond.
— Mais parfois le juge administratif rejette au fond un recours sans avoir vérifié sa recevabilité : « Sans qu’il soit besoin de statuer sur la recevabilité du recours ». Cela ne peut se rencontrer que si le recours est rejeté au fond, car pour donner raison à un demandeur, il faut que le recours soit recevable. Il vaut mieux donner tort sur le fond pour des raisons de pédagogie. Cela arrive aussi lorsque la question de la recevabilité est complexe, alors si le fond ne va pas, le juge ne s’embête pas.
— Il existe aussi des règles de recevabilité formelles : Les recours pour saisir le juge administratif doivent être rédigés en français (Ordonnance de Villers-Cotterêts 1539), il faut un énoncé précis de conclusions, que les conclusions soient accompagnée de moyens, que des documents soient produits (La décision contestée etc.).
Section 1 : La recevabilité ratione personae
— La nécessité de la capacité à agir ne présente aucune originalité puisqu’elle est présente dans le Code civil. Mais la nécessité de l’intérêt à agir est importante.
§1 : L’intérêt à agir
— Pour saisir le juge administratif il faut justifier d’un intérêt à agir. Le juge va vérifier systématiquement ce moyen d’ordre public. Mais le juge administratif est assez conciliant pour cela. Il n’admet néanmoins pas l’action populaire, c’est-à-dire que n’importe qui puisse attaquer n’importe quoi.
A) L’intérêt collectif
— Cela ne se conçoit qu’en présence de recours déposés par des personnes morales. Il est admis depuis CE 28 décembre 1906 Syndicat des PATRONS COIFFEURS DE LIMOGES.
— L’intérêt collectif s’oppose à l’intérêt individuel, mais ne s’oppose pas à l’intérêt personnel. Une personne morale a un intérêt collectif, mais aussi un intérêt personnel.
— L’intérêt à agir des syndicats : Le juge administratif distingue lorsqu’un syndicat veut contester une décision qui concerne un membre de la profession, selon la portée de la décision. La mesure favorable va porter atteinte à l’intérêt collectif de la profession (Si l’un a une augmentation, les autres ne l’auront pas) ; le syndicat a alors un intérêt à agir. Si la mesure est défavorable, on considère que cela ne nuit pas aux intérêts des autres. Le syndicat ne pourra pas alors attaquer la sanction prononcée. On admettra tout de même que le syndicat appuie la demande de l’individu.
B) L’appréciation de l’intérêt à agir
— Dans le contentieux des personnes, la détermination de l’intérêt à agir ne soulève aucune difficulté car on voit l’intérêt en observant la situation personnelle de l’individu. L’appréciation est plus difficile dans le contentieux objectif (Plein contentieux objectif ou surtout pour le recours pour excès de pouvoir). Mais le juge administratif est conciliant : Il a admis que certaines personnes, en vue de leur qualité, disposent ipso facto d’un intérêt à agir (Ex : Le contribuable local a intérêt à agir contre toute décision prise par la collectivité locale qui augmente les dépenses)
Il faut que l’intérêt à agir soit :
- Réel et non pas inexistant
- Présent et non pas simplement futur
- Adapté à la décision attaquée (Un commerçant n’a pas en tant que tel un intérêt à agir contre le permis de construire d’une grande surface, mais il aura un intérêt à agir contre la décision qui autorise l’ouverture de la grande surface. En revanche sa qualité de voisin peut peut-être lui donner un intérêt à agir contre le permis de construire)
- Suffisant (Le juge administratif admet qu’il puisse être un peu indirect, dès lors qu’il ne l’est pas exagérément)
§2 : La représentation
Il y a deux hypothèses dans lesquelles il va y avoir recours à un représentant :
- Les personnes morales ne peuvent pas agir par elles-mêmes, elles doivent agir par l’intermédiaire d’une personne physique mandatée.
- Il y a obligation d’avoir recours à un avocat pour exercer un recours administratif. En 1ère instance, le recours pour excès de pouvoir est dispensé du ministère d’avocat, mais celui-ci est obligatoire en appel. Le principe en plein contentieux est l’obligation du ministère d’avocat, qu’il s’agisse du premier ressort ou d’appel (En 1ère instance il y a des dispenses dans le CJA)
§3 : La limitation des recours des personnes publiques
— Une personne publique ne peut pas demander au juge administratif de prononcer une mesure qu’elle a le pouvoir de prendre elle-même. C’est une contrepartie du privilège du préalable (Possibilité pour une personne publique de prendre unilatéralement une décision qui s’impose aux tiers). Cette interdiction a été posée par CE 30 mai 1913 PREFET DE L’EURE.
— Il existe néanmoins des hypothèses dans lesquelles ce sera toléré. Elles correspondent à des situations dans lesquelles on peut comprendre que l’administration ne veut pas apparaitre sous le jour d’une personne publique (Relations contractuelles etc.)
Section 2 : La recevabilité ratione materiae
— Le grand principe en contentieux administratif c’est que le juge doit être saisi d’un recours contre une décision. Ce principe n’a qu’une exception, c’est le contentieux de la répression (Car c’est lui qui prend dès lors la décision). Cette contrainte est un héritage de la période où les ministres étaient les juges de droit commun en premier ressort (Jusqu’à l’arrêt CADOT de 1898), donc le CE était toujours saisi d’un recours contre une décision. Le CE a voulu conserver ce principe par la suite.
Intérêts :
- S’il n’y a pas de décision préalable, le particulier va saisir le juge mais ça n’est pas forcément utile car l’administration n’aurait pas forcément donné une réponse négative.
- On sait exactement ce que veut l’individu, et pourquoi ça lui a été refusé, donc ça fixe les bornes du litige.
§1 : La nécessité d’une décision
— Cette règle vaut aussi bien dans le contentieux de l’excès de pouvoir que dans le contentieux de la répression.
A) L’identification d’une décision
1- L’existence d’une décision
— Lorsque le litige est relatif aux droits subjectifs d’une personne, il arrive que l’administration n’ait rien fait. Il faut donc que l’individu demande à l’administration de prendre une décision sur sa situation. En fonction de sa réponse, l’individu peut saisir le juge d’un recours sur cette décision.
— Une décision formelle n’est pas nécessaire, car l’absence de décision vaut aussi bien. C’est la règle de la décision implicite de refus qui fait en sorte que passé un certain délai, l’autorité administrative est supposée avoir dit non à la demande. Cette règle valait au début pour 4 mois de silence. Mais en 2000 le législateur a diminué ce délai de 2 mois. Cet absence de décision se prouve par la présentation d’une lettre recommandée avec accusé de réception. — Cette règle est susceptible d’aménagements (Par décrets ou autres) :
- Changement quant à la durée de la décision implicite de refus
- Il arrive que l’on renverse le système et que le silence de l’administration soit considéré comme une décision implicite d’acceptation.
2- La qualité de décision
— La qualité de décision est donnée à des actes qui affectent l’ordonnancement juridique par une manifestation unilatérale de volonté impérative. C’est un acte qui va par exemple intervenir pour en retirer un autre qui existait déjà. Il arrive que soit considéré comme une décision un acte qui va confirmer le maintient en vigueur d’un autre acte.
— Certains actes administratifs ne rentrent pas dans cette décision :
⃠Les circulaires sont des documents d’usage interne à l’administration dans lesquels le supérieur hiérarchique va expliquer la signification d’une loi à ses subordonnées. Mais elles n’affectent pas l’ordonnancement juridique, donc elles n’ont pas la qualité de décision. (Il arrive parfois qu’elles le soient car elles affectèrent l’ordonnancement juridique)
⃠Les vœux adressés à un supérieur ne le sont pas non plus.
⃠Les avis non plus, à quelques rares exceptions près
— Les directives administratives sont des actes hybrides : Actes nationaux pris par des autorités administratives.
B) Les hypothèses dérogatoires
1- Les recours dirigés contre des actes administratifs non décisoires
— Il s’agit de recours qui visent des contrats administratifs qui ne sont donc pas des actes unilatéraux, bien qu’ils soient des actes de l’administration. Mais il faut que le recours puisse tout de même être exercé, d’où l’exception.
— Le juge administratif peut être saisi de litiges au sujet de contrats : Au sujet de l’exécution d’un contrat, ou même parfois au sujet de l’annulation d’un contrat.
— Cette possibilité a été étendue en 2007 aux tiers évincés, ce sont les personnes qui avaient souhaité être le partenaire de l’administration dans ce contrat et qui n’ont pas été retenus. Ils peuvent saisir le juge du contrat (Juge du plein contentieux) : CE assemblée 16 juillet 2007
TROPIC TRAVAUX SIGNALISATION.
— Il est possible que le recours pour excès de pouvoir soit aussi possible contre un contrat, mais c’est exceptionnel :
- Le déféré préfectoral que le préfet peut exercer contre des contrats locaux qu’il estime illégaux
- On admet qu’un tiers puisse attaquer le contrat de recrutement d’un agent public (CE section 30 octobre 1998 VILLE DE LISIEUX)
— Il y a des procédures de référé spécifiques aux contrats : Le référé précontractuel (Le contrat est en cours de négociations) et le référé contractuel (Contrat qui vient d’être conclu)
2– Les recours dirigés contre aucun acte administratif
- Litiges en matière de travaux publics : De façon très souple, dès lors qu’un recours concerne une opération de travaux publics, la personne qui y a intérêt pourra saisir le juge d’emblée, sans décision préalable.
- Il arrive que l’administration soit exceptionnellement autorisée à saisir le juge administratif : Elle saisit le juge d’un recours dirigé contre un particulier, ou dans le cadre d’un litige entre personnes publiques.
- Concernant les procédures de référé : On dispense le justiciable d’une décision préalable car il faut aller vite.
§2 : L’insuffisance d’une décision
— Cela ne concerne pas les cas dans lequel le juge est saisi d’un recours contre une décision alors qu’il est incompétent. Il s’agit bien d’une décision administratif, mais ça n’est pas suffisant.
A) Les actes préparatoires
— Il s’agit d’actes qui sont pris au cours du processus d’élaboration d’une décision qui sera prise plus tard. Ils préparent à la décision finale et sont nombreux lorsque la procédure est lourde. Il y en a souvent dans la procédure d’expropriation pour motif d’utilité publique, ainsi que dans les concours de recrutement de la fonction publique.
— Certains actes préparatoires n’ont pas la nature de décision : Lorsqu’il faut consulter un organe et lui demander son avis, cet avis est un acte préparatoire non décisoire. Idem pour les enquêtes, les rapports, les études etc.
— Mais parfois il y a des actes préparatoires décisoires : Dans la procédure d’expropriation, le préfet doit par exemple doit prendre un arrêté préfectoral ouvrant
- Ces actes préparatoires, même s’ils ont la nature de décision, n’ont pas d’effet sur les administrés (Ils les préparent à la décision finale et c’est tout)
- Le juge administratif ne sait pas ce qu’il se passera après l’acte préparatoire. Alors pourquoi attaquer ces actes ? Peut-être que la personne sera favorable à la décision finale. On ne sait pas.
— Ces considérations justifient l’irrecevabilité du recours direct contre des actes préparatoires. Mais il est admis qu’à l’occasion du recours contre la décision ultime, on puisse faire valoir, par voie d’exception, l’illégalité des actes préparatoires.
— Exceptions : Lorsqu’il s’agit d’un refus d’acte préparatoire, le recours est possible. La préfet peut exercer un déféré préfectoral contre des actes locaux qui ne seraient que des actes préparatoires car le législateur l’a prévu. (Il pourra contester la forme, la procédure ou l’incompétence de l’autorité dont émane l’acte. Le Conseil d’Etat l’a affirmé dans CE 15 avril 1996 Syndicat Général des HOSPITALIERS DE BEDARIEUX)
B) Les mesures d’ordre intérieur
— Ce sont des actes administratifs unilatéraux qui sont pris pour le fonctionnement interne des services publics. On rencontre ici trois types de services publics dans lesquels les relations entre administration et usages sont intenses : L’école, l’armée et la prison.
— Les mesures d’ordre intérieur ont un caractère systématiquement décisoire. Ce sont donc bien des actes administratifs unilatéraux décisoires. Néanmoins le juge trouve que ce sont des actes infimes et ne veut pas en être saisi.
— Ce point de vue évolue depuis quelques années. Le juge administratif réduit la catégorie des mesures d’ordre intérieur, donc de plus en plus de décisions sont susceptibles de recours. Ça se fait sous la pression du principe constitutionnel du droit d’exercer des recours (CC° 1996), ainsi que de l’ARTICLE 6 §1 CEDH qui pose le droit à un procès équitable.
— CE assemblée 17 février 1995 HARDOUIN et MARIE : Un militaire s’était vu infligé des jours d’arrêt ainsi qu’un détenu qui avait eu droit à un séjour de punition. Ces mesures étaient considéré comme des mesures d’ordre intérieure, mais dès cet arrêt les recours ont été recevables. L’arrêt a été déclencheur de la réduction des mesures d’ordre intérieur. Ca s’est particulièrement traduit par l’élargissement des recours ouverts aux détenus.
— Il faut que la décision fasse grief à l’intéressé.
Section 3 : La recevabilité ratione temporis
— Il faut qu’un système juridique soit stable, mais il y a également une exigence de contrôle du respect des normes juridiques. Il faut donc trouver un équilibre entre ces deux exigences.
— On instaure donc des délais de recours, c’est-à-dire des périodes durant lesquelles on va autoriser le déclanchement d’une procédure de contrôle du respect du droit, et à la fin desquelles le recours ne sera plus possible.
§1 : Le délai
— Le délai de droit commun est beaucoup plus bref qu’en droit civil, il ne dure que 2 mois. Il est suffisamment bref pour que la stabilité soit assez rapide à s’installer, mais suffisamment long pour que les personnes qui y ont un intérêt se décident à agir et décident comment ils vont agir.
— C’est un délai de droit commun, donc il connait des dérogations. Il est parfois beaucoup plus long (Installations classées pour la protection de l’environnement : 4 ans), ou même beaucoup plus bref (Matière électorale : 5 jours)
— Le délai est un délai franc, c’est-à-dire qu’il n’inclu pas le jour du déclenchement, ni le dernier jour. On repousse la fin du délai si le dernier jour est un jour férié.
— Il y a une règle de prescription quinquennale des dettes des personnes publiques. C’est une règle de fond et non de procédure. On peut toujours faire un recours, mais si elle le veut elle peut invoquer ce délai d’extinction de la dette publique.
A) Le déclanchement du délai de recours
— On ne peut pas attaquer une décision sans la connaitre. Le déclenchement du délai de recours est lié à la publicité de l’acte. C’est à partir de cette publication que le délai de recours commence.
1- Le type de publicité
— La publicité doit être adaptée à la porté de l’acte. La mesure de publicité doit être générale et impersonnelle. Pour un acte règlementaire de l’Etat, on l’insère au JO pour le porter à la connaissance du public. Pour les actes des collectivités locales, ce sera dans le recueil des actes administratifs (A la maire, CG ou CR). Pour les plus petites communes (Moins de 3.000 habitants), on a des panneaux d’affichage.
Les actes non règlementaires se divisent en deux catégories :
- Les actes individuels : Ils concernent une ou plusieurs personnes dénommées dans l’acte. Il faut donc les notifier aux personnes concernées.
- Les décisions de l’espèce / actes particuliers : C’est une catégorie hybride. Ils ont une portée impersonnelle mais particulière (Ex. Déclaration d’Utilité Publique). On ne notifie pas car des individus ne sont pas désignés. Tout dépend des textes qui organisent cette décision de l’espèce (Affichage, publication etc.)
— Parfois, le juge administratif estime que le délai de recours a commencé à une date antérieure à la déclaration de publicité. Cette théorie de la connaissance acquise se justifie compte tenu des hypothèses : L’individu avait connu la mesure ou devrait l’avoir connue. Dès que le juge en a la certitude, il déclenche le délai de recours.
- Hypothèse dans laquelle il y a une décision ultérieure qui suppose la prise d’une décision antérieure non rendue publique. A la date de la décision ultérieure, le délai du recours contre la décision antérieure court.
- Hypothèse dans laquelle le requérant a montré qu’il connaissait la décision.
2- Les caractères de la publicité
— Il faut que les informations soient suffisantes pour que les personnes concernées connaissent la substance de la mesure. Il y a parfois une obligation de motivation.
— Le Code de l’urbanisme donne par exemple des détails précis sur la publicité d’un permis de construire (Exigences de lisibilité etc.)
— Si l’administration ne rend publics que certains éléments d’une décision, le délai de recours commence à des moments différents pour ce qui a été publié et ce qui ne l’a pas été. — Si c’est un acte individuel lacunaire qui est notifié de manière incomplète, c’est à l’individu concerné d’agir dans les deux mois.
B) La prorogation
— Le délai de recours expire en principe au bout de deux mois et un jour après la publication de la décision. Il est possible d’exiger un recours en obtenant la prorogation du délai : Evénement qui va interrompre le délai puis le faire recourir intégralement à la fin de cet événement perturbateur.
— Le procédé le plus simple est d’exercer un recours administratif préalable. C’est une demande à l’administration tendant au retrait pure et simple ou à la modification de la décision. On peut adresser ce recours à l’autorité qui a pris la décision (Recours gracieux), ou à l’autorité supérieure (Recours hiérarchique) Seul un délai encore valable peut être prorogé. Le délai repartira pour deux mois à compter du jour où la décision est rendue. Le plus souvent le recours administratif préalable est une faculté (On a, sauf texte contraire, toujours le droit d’en faire un. On attaque la décision initiale et la décision suite au recours), mais parfois c’est une obligation : On doit obligatoirement porter la décision devant l’autorité désignée par le texte. Si on attaque directement devant le juge, on est irrecevable (On n’attaque que la seconde décision qui se substitue à la première).
— Une autre cause de prorogation ne jour qu’à l’égard des actes des collectivités locales : On peut demander au préfet d’exercer un déféré préfectoral. Même si le préfet refuse, cela proroge le délai de recours.
C) La dispense
— Parfois il n’y a pas de délai pour agir. Ex. Recours en déclaration d’inexistence qui consiste pour le juge à constater qu’un acte est tellement grave qu’il n’a pas pu exister, mais c’est rare. En matière de travaux publics il n’y a pas de délai de recours car il n’y a pas de règle de décision préalable. – Mais ça ne vaut que pour le recours pour excès de pouvoir.
— Idem pour les recours dirigés contre les décisions implicites de rejet en matière de plein contentieux, ou contre les décisions implicites de rejet émanant d’organismes collégiaux (Mais que pour un recours pour excès de pouvoir ici).
— Loi du 12 avril 2000 : Deux nouveaux cas de dispense. L’autorité administrative est obligée, lorsqu’elle notifie une décision individuelle à y indiquer les délais et voies de recours contre elle. Si elle néglige d’inscrire cette mention, il n’y a pas de délai. Par ailleurs, cette loi impose à l’administration d’accuser réception des demandes qui lui sont formulées. Si elle ne le fait pas la conséquence est identique : Pas de délai de recours.
- 2 : L’expiration du délai
A) Les conséquences sur les recours par voir d’action
— C’est un recours dirigé contre l’acte en question.
1- L’irrecevabilité des recours déposés hors délai
— Si un recours est organisé pour contester un acte, et que le délai est terminé, cela emporte de plein droit l’irrecevabilité du recours. C’est un moyen d’ordre public que le juge doit vérifier d’office.
— Il est possible de rouvrir le délai de recours, en demandant à l’administration de confirmer et de rendre une nouvelle fois la même décision. C’est la décision confirmative, mais elle n’est pas susceptible de recours pour éviter les abus. Un recours peut être ouvert contre elles si entre le moment de la première décision et la décision confirmative il y a eu un changement de droit ou de fait. Dans ce cas on ne la considère pas comme confirmant la première, elle sera susceptible de recours.
2- La cristallisation des recours déposés dans les délais
— Elle a des conséquences, même sur un recours déposé dans le délai de recours. Le recours va se figer au moment où le délai de recours expire. Désormais le recours sera cristallisé.
a) La cristallisation de la nature du recours
— Cette nature du recours (Pour excès de pouvoir ou de plein contentieux) est définitivement acquise lors de la cristallisation. Elle sera dès lors inchangeable.
— Ce qui est en réalité impossible c’est l’élargissement du recours (Demander plus après l’expiration du délai). Ex : Impossibilité de demander des dommages-intérêts alors qu’on n’avait demandé que l’annulation au début. Cette impossibilité se manifeste aussi au sein de chaque type de recours (Ex : Recours pour excès de pouvoir contre un article d’un arrêté municipal. Puis le requérant souhaite élargir le recours à un second article. Ça n’est pas possible / Idem dans le plein contentieux si on ne demande au départ que des dommagesintérêts pour une blessure et qu’après l’expiration du délai on souhaite demander l’indemnisation de l’achat d’un nouvel ordinateur qui est cassé. On est irrecevable dans ce cas). La portée du recours est cristallisée.
b) La cristallisation de la cause juridique du recours
— L’expiration du délai de recours va cristalliser aussi les moyens qu’on avance à l’appui du recours.
Les moyens susceptibles d’être avancés dans un recours sont regroupés dans des catégories, les «causes juridiques ». Dans le contentieux de l’excès de pouvoir il y a deux causes juridiques : Illégalités externes (Façon dont la décision a été prise, régularité de la décision Vice de forme, de procédure et incompétence de l’auteur de l’acte) et illégalités internes (Objet même de la décision Erreur de fait, erreur de droit, qualification juridique des faits, détournement de pouvoir – motif)
— Postérieurement à l’expiration du délai, on ne peut pas invoquer un moyen juridique relevant de l’autre cause, si on s’était centré sur une des deux causes au début (Ex : On conteste la compétence de l’autorité ayant pris la décision, et on se rend ensuite compte qu’il y avait une erreur de fait). Dans la requête introductive d’instance, il faut donc soulever un moyen de chaque cause, qu’on pourra ensuite compléter même une fois le délai terminé. Si on ne le fait pas, on est limité par la suite. Cette solution de séparation des causes est contestée ; elle résulte de CE 20 février 1953 SOCIETE INTERCOPIE : Cette jurisprudence vaut pour le recours pour excès de pouvoir (Même raisonnement dans le plein contentieux mais les causes sont différentes). Comme on l’a vu, elle peut être aisément contournée. Des moyens ne sont pas soumis à cette jurisprudence ; ce sont les moyens d’ordre public.
B) La contestation par voie d’exception
— Il s’agit de recours de contestation, qui portent de manière incidente sur un autre acte que celui attaqué par voie d’action (Ex : A l’occasion d’un recours contre un acte individuel on invoque l’illégalité d’un acte règlementaire qui est le fondement de l’acte individuel contesté). Cette contestation par voie d’exception peut encore être formée une fois le délai de recours expiré. Elle est possible à toute époque contre les actes règlementaires (Actes administratifs unilatéraux ayant une portée générale et abstraite). En revanche, lorsque l’acte invoqué par voie d’exception n’est pas un acte règlementaire, il y a une limite temporaire (Tant que ces actes ne sont pas définitifs, le recours par voie d’exception est possible, c’est-à dire tant que le recours par voie d’action est encore possible).
— Deux dérogations :
- Lorsqu’on fait valoir cette exception d’illégalité à l’appui d’un recours de plein contentieux tendant à faire réparer le dommage causé par cette illégalité (Un acte individuel a été pris, mais il n’a pas été attaqué dans les délais. Mais un préjudice a néanmoins été subi, et l’Etat refuse de l’indemniser. On peut attaquer le refus et, pour prouver le préjudice, démontrer par voie d’exception l’illégalité de l’acte individuel ayant causé le préjudice)
- Lorsqu’il existe entre ces deux actes une opération complexe. On considère que peu importe que le premier soit devenu définitif, comme ils forment un tout, on peut encore contester le premier par voie exception lors d’un recours contre le second (Ex : Procédure d’expropriation d’utilité publique. A l’occasion d’un recours contre un arrêté de cessibilité, les personnes visées peuvent par voie d’exception contester l’illégalité de la déclaration d’utilité publique à l’origine de ces arrêtés, même si elle est devenue définitive)