L’expropriation pour cause d’utilité publique

L’expropriation pour cause d’utilité publique : la phase administrative 

             Les personnes publiques ont à leur disposition plusieurs moyens pour acquérir des biens, notamment les moyens normaux d’acquisition des biens, tels qu’acheter à l’amiable un bien à une personne privée.

             Le privilège des personnes publiques réside dans le fait d’avoir un pouvoir de contrainte sur les particuliers qui leur permet de bénéficier d’une cession forcée de biens : parmi ces techniques, la principale est l’expropriation pour cause d’utilité publique.

L’expropriation est une opération administrative par laquelle l’administration oblige un particulier à lui céder la propriété d’un bien immeuble dans un but d’utilité publique et moyennant une indemnisation préalable.

 Ne pas confondre :

  •   expropriation et réquisition : dans les deux cas, c’est un moyen de cession forcée d’un bien d’une personne publique sur une personne privée ; en matière d’expropriation, le transfert de propriété vers la personne publique est définitif, alors qu’en matière de réquisition, il s’agit seulement d’un usage temporaire, provisoire du bien ;
  •   expropriation et droit de préemption : ce dernier est simplement un droit de la personne publique de se porter acquéreur par priorité d’un bien vendu ; le bien est ici librement vendu.

 

Première section : les fondements textuels du droit de l’expropriation 

             C’est une technique très ancienne : on a toujours constaté, dès l’Ancien régime, que les souverains avaient ce droit de déposséder les particuliers de leur propriété ; on parlait de droit de retrait, censé être compensé par une indemnité.

En revanche, sous l’Ancien régime, ce droit de retrait n’était encadré par aucun texte, notamment à propos des conditions de ce droit : cela était laissé à l’entière appréciation du souverain.

             Elle a été réglementée pour la première fois à partir de la Révolution, notamment par une disposition très précise, l’article 17 de la DDHC qui dispose que «la propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé si ce n’est lorsque la nécessité publique légalement constatée l’exige évidemment et sous la condition d’une juste et préalable indemnité».

Cette disposition est fondamentale car c’est la première fois qu’étaient posées en France les deux conditions à l’expropriation :

  •   un motif d’intérêt public ;
  •   une indemnisation préalable du propriétaire.

 

            Ce cumul des deux conditions a été repris à l’article 545 du Code civil.

 

            En droit administratif, le premier texte a avoir repris l’expropriation est l’ordonnance du 8 mars 1810. Il y a aussi l’ordonnance du 23 octobre 1958, et le Code de l’expropriation, édicté pour la première fois par le décret du 28 mars 1977.

Depuis 2004, le Gouvernement a été habilité par le législateur pour procéder à l’adoption d’un nouveau Code de l’expropriation, lequel n’a pas encore été adopté et depuis, l’habilitation a expiré : ce projet reste en suspens, on ne sait pas pour l’heure si le projet est définitivement abandonné ou si l’habilitation va être prorogée.

 

            Le droit de l’expropriation est également profondément affecté par le droit de la CESDH, notamment parce que l’article 1er du premier protocole additionnel dispose du droit au respect de ses biens ; cette disposition ne s’oppose pas par principe à l’expropriation pour cause d’utilité publique, simplement, il y a de nombreuses procédures en France qui ont été censurés par la CEDH sur ce fondement.

 

Conseils bibliographiques

  •   Haustiou, Le droit de l’expropriation au regard du droit au procès équitable, AJDA 2003, p. 2123
  •   Haustiou, , AJDA 2007, p.180

 

Deuxième section : les titulaires du pouvoir d’exproprier 

  I ) La faculté de mise en oeuvre de la procédure d’expropriation

          La personne compétente pour initier une telle procédure est l’expropriant. La qualité d’expropriant est un attribut de la puissance publique : toute personne publique a nécessairement la qualité d’expropriant, à savoir l’Etat, les collectivités territoriales, les établissements publics et les personnes publiques sui generis.

             En principe, le bénéficiaire de l’expropriation est l’expropriant, mais il est tout à fait possible qu’une personne publique expropriante mène cette procédure non pas pour son bénéfice mais pour le bénéfice d’une personne privée, à la condition que cette dernière poursuive un but d’intérêt général. C’est l’arrêt du Conseil d’Etat du 20 décembre 1935 Etablissement Vézia.

             Une personne privée peut-elle avoir la qualité d’expropriant ? C’est possible à la condition que cette qualité lui soit donnée par la loi : c’est le cas typique des concessionnaires d’aménagement urbain. Il est soumis aux mêmes règles que la personne publique et fera l’objet d’un contrôle.

 

II – Le rôle exclusif de l’Etat dans la conduite de la procédure d’expropriation

             Il faut différencier l’expropriant, celui qui initie la procédure, et celui qui mène la procédure d’expropriation. L’Etat a un monopole dans la conduite de la procédure d’expropriation ; cela signifie qu’en tant qu’expropriant, on peut trouver des personnes publiques et des personnes privées, mais une fois initiée, seul l’Etat peut conduire l’opération.

Cela s’explique par le fait que l’expropriation est un procédé exorbitant de droit commun qui porte l’atteinte la plus grave qui soit à la propriété privée. L’acteur principal est d’ailleurs le Préfet, qui agit au nom de l’Etat, et c’est également pour cette raison que, lorsqu’un particulier veut obtenir réparation du préjudice causé par une procédure d’expropriation, c’est la responsabilité de l’Etat qui sera engagée, et non pas celle de l’expropriant.

Laisser un commentaire