Du 27 juin 1789, jour où les états généraux se proclament assemblée nationale constituante, au 4 octobre 1958, jour où la V° République a été adoptée, 16 Constitutions vont régir la France ; face à ce constat, on en déduit que la durée moyenne de vie d’une Constitution est de 11 ans.
Ici nous étudions la période juste après la Révolution : De 1789 à l’An X, la France révolutionnaire forge la base du droit public moderne. La Constitution de 1791 établit une monarchie constitutionnelle avec souveraineté nationale, mais les dérives du Comité de salut public mènent à la réaction thermidorienne et à la Constitution de 1795, instaurant un Directoire fragile. En 1799, le coup d’État de Bonaparte marque le début d’un régime autoritaire, évoluant du Consulat à l’Empire.
L’histoire constitutionnelle française est marquée par une profonde instabilité, caractérisée par des changements fréquents de régimes et une succession de Constitutions. Depuis la Révolution française, le pays a traversé des phases de bouleversements institutionnels, souvent accompagnées de régimes provisoires sans cadre constitutionnel établi. Cette situation a conduit à des interprétations contrastées :
Cette perspective expérimentale a été théorisée par Maurice Hauriou, qui propose une lecture cyclique des mouvements constitutionnels en France.
Hauriou distingue deux grands cycles constitutionnels dans l’histoire de France avant la stabilisation de 1875 avec la IIIᵉ République :
Chaque cycle suit un schéma en trois mouvements :
Confiscation du pouvoir par le législatif
Dictature d’un homme
Régime parlementaire
La France a tenté d’instaurer un régime parlementaire équilibré, mais sans parvenir à imiter l’efficacité du modèle britannique :
Le parlementarisme français a tenté à plusieurs reprises de rééquilibrer les pouvoirs :
La Révolution française (1789-1799) marque une phase de fondation constitutionnelle en France :
Les régimes ultérieurs se définissent souvent par rapport aux modèles révolutionnaires :
La IIIᵉ République marque la fin de cette longue période d’instabilité constitutionnelle :
Institutionnalisation des principes républicains
Stabilité relative
Si la théorie des cycles de Hauriou éclaire les évolutions constitutionnelles de 1789 à 1875, elle ne s’applique pas de manière rigoureuse aux périodes ultérieures :
Les Constitutions de cette époque vont composer la grammaire du droit public français. Mais, ce droit constitutionnel révolutionnaire n’est pas un Droit homogène : c’est le reflet des convulsions politiques du moment. La Constitution de 1791 pose la matrice démocratique et libérale du régime français.
Mais, très vite, le régime va dériver, avec la période du comité de salut public, qui va entraîner une réaction, qu’est la Constitution de 1795, qui met en place le Directoire. Ce Directoire va s’effacer pour laisser place à la dictature de Napoléon, avec le Consulat, puis l’Empire : c’est l’expérience autoritaire du césarisme.
La Constitution de 1791 marque une rupture fondamentale avec l’Ancien Régime et tente d’établir un équilibre entre les idéaux révolutionnaires et les vestiges de la monarchie. C’est un texte pivot qui inaugure un régime de monarchie constitutionnelle, plaçant la souveraineté nationale au centre de l’ordre juridique tout en maintenant la figure royale comme symbole institutionnel.
La Déclaration des Droits de l’Homme comme préambule
La Constitution s’ouvre sur la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, affirmant des principes fondamentaux tels que :
Ce préambule universaliste fixe les bases de l’État de droit et symbolise la transition vers un ordre politique fondé sur des droits naturels et imprescriptibles.
La souveraineté nationale : un transfert de légitimité
L’article 1er du titre III de la Constitution consacre la souveraineté nationale :
« La souveraineté appartient à la nation. Aucune section du peuple, ni aucun individu, ne peut s’en attribuer l’exercice. »
Cela représente un basculement majeur :
Une monarchie constitutionnalisée
La monarchie est conservée mais entièrement redéfinie :
Les prérogatives de l’Assemblée législative
La Constitution de 1791 accorde une place centrale à l’Assemblée législative, instituant un régime monocaméral avec des pouvoirs étendus :
L’Assemblée est conçue pour être un contrepoids au roi, avec des caractéristiques distinctes des régimes parlementaires classiques :
Opposition au modèle britannique
Le fonctionnement de l’Assemblée contraste fortement avec le régime parlementaire anglais :
Cette prédominance de l’Assemblée législative reflète une méfiance envers l’exécutif, jugé historiquement responsable des abus de pouvoir.
Un compromis ambigu entre monarchie et démocratie
Bien que la Constitution tente de concilier monarchie et souveraineté populaire, ce compromis reste fragile et source de conflits :
Une monarchie affaiblie
Le roi, désormais subordonné à la nation, se retrouve dans une position paradoxale :
Le déséquilibre institutionnel
La concentration des pouvoirs dans l’Assemblée législative finit par créer un nouveau déséquilibre :
Les tensions entre l’Assemblée et le roi culminent avec l’abolition de la monarchie en août 1792 et l’exécution de Louis XVI en janvier 1793. Ces événements marquent la fin de la Constitution de 1791, remplacée par un régime provisoire dominé par la Convention nationale.
Sous la Convention, le pouvoir est rapidement confisqué par le Comité de salut public, dirigé par Robespierre. Ce régime, fondé sur une dictature législative, s’accompagne de la Terreur, jusqu’à la chute de Robespierre en juillet 1794.
En réaction, les Thermidoriens adoptent la Constitution de 1795 (Directoire), qui rétablit un équilibre plus marqué entre les pouvoirs, tout en rejetant les excès révolutionnaires.
La Constitution de 1791 laisse un héritage ambivalent, à la fois expérimental et fondateur :
Fondation d’un régime démo-libéral
Un modèle imparfait mais novateur
Influence sur les Constitutions ultérieures
Conclusion : La Constitution de 1791, bien qu’éphémère, constitue une matrice démo-libérale pour l’histoire constitutionnelle française. Elle marque une étape clé dans l’émancipation de la souveraineté nationale et l’établissement des droits fondamentaux, tout en révélant les limites d’un compromis fragile entre monarchie et révolution.
La Constitution de 1795, appelée aussi Constitution thermidorienne, est rédigée dans un contexte de réaction face aux excès de la période montagnarde et de la Terreur. Ce texte, adopté après la chute de Robespierre en 1794, reflète une volonté de modération et de compromis. Les Thermidoriens cherchent à éviter les débordements de l’ultra-démocratie et à contrer la domination législative, tout en instaurant des institutions qui limitent la concentration du pouvoir.
Contre l’ultra-démocratie
La Constitution de 1795 rejette les principes de la Constitution de 1793, notamment le suffrage universel direct et l’omnipotence populaire. Elle instaure des mécanismes visant à filtrer et à encadrer la participation politique :
Le suffrage à deux degrés
Le suffrage censitaire
Ces dispositions traduisent une méfiance envers la démocratie directe et visent à stabiliser le régime en limitant l’influence des masses.
Contre la dictature d’assemblée
La Constitution de 1795 s’oppose à la concentration des pouvoirs dans une seule assemblée, caractéristique de la Convention nationale et des régimes révolutionnaires précédents. Elle instaure un bicamérisme, destiné à équilibrer les pouvoirs législatifs :
Le Conseil des 500
Le Conseil des Anciens
La procédure législative ainsi conçue établit une séparation stricte des pouvoirs au sein même du législatif, reflétant une volonté de limiter les abus tout en évitant la centralisation.
Structure et fonctionnement
La méfiance envers le pouvoir exécutif, exacerbé sous la monarchie puis sous Robespierre, conduit à l’instauration d’un exécutif collégial :
Le Directoire
Présidence tournante
Ces mécanismes expriment une méfiance persistante à l’égard de l’exécutif, considéré comme une menace potentielle pour la liberté.
Une subordination excessive à l’Assemblée
L’article 132 de la Constitution de 1795 affirme la subordination de l’exécutif au législatif :
« Le pouvoir exécutif est délégué à un Directoire nommé par le corps législatif. »
Cela réduit considérablement l’autonomie de l’exécutif, rendant le Directoire dépendant des décisions des assemblées. L’exécutif devient un simple instrument, incapable de mener une politique indépendante.
La Constitution de 1795 pousse à l’extrême le principe de séparation des pouvoirs, au point de créer une absence totale de moyens de collaboration entre les branches exécutive et législative.
L’instabilité et l’impuissance institutionnelle
La rigidité de la Constitution de 1795 engendre des crises institutionnelles récurrentes :
Dans ce contexte, les coups d’État deviennent le seul moyen de surmonter les blocages. Entre 1795 et 1799, plusieurs crises majeures affaiblissent le régime, créant un climat de méfiance et d’instabilité.
Le coup d’État du 18 brumaire (9 novembre 1799)
Face à l’inefficacité du système, le général Napoléon Bonaparte organise le coup d’État du 18 brumaire An VIII, mettant fin au Directoire.
Un texte réactif mais imparfait
La Constitution thermidorienne exprime une double réaction :
Cependant, ces mesures vont trop loin, créant un régime paralysé par l’absence de mécanismes de coopération entre les pouvoirs. Cette séparation absolue des pouvoirs, mal interprétée, rend le régime instable et inefficace.
Une étape clé dans l’histoire constitutionnelle française
Malgré son échec, la Constitution de 1795 marque une étape importante :
L’expérience thermidorienne, bien qu’éphémère, prépare le terrain pour une refonte des institutions sous Napoléon, qui privilégiera un autoritarisme encadré plutôt qu’une séparation stricte des pouvoirs.
L’œuvre constitutionnelle de Napoléon Bonaparte est marquée par une continuité malgré les transformations de forme qu’elle subit entre le Consulat et l’Empire. Les Constitutions de l’An VIII, de l’An X et de l’An XII visent à rétablir un pouvoir exécutif fort, tout en intégrant certains principes révolutionnaires. Napoléon parvient ainsi à clore la Révolution française sur le plan institutionnel, au prix d’une centralisation autoritaire et d’un détournement de la souveraineté populaire.
La Constitution de l’An VIII (15 décembre 1799) : le Consulat collégial
Adoptée après le coup d’État du 18 Brumaire (9 novembre 1799), cette Constitution met en place un Consulat collégial. Officiellement, le pouvoir exécutif est partagé entre trois consuls, mais Napoléon Bonaparte, premier consul, concentre l’essentiel des prérogatives.
Caractéristiques principales :
Renforcement de l’exécutif
Un pouvoir législatif éclaté
Ce système crée une séparation rigide des pouvoirs, tout en subordonnant les organes législatifs au pouvoir exécutif.
La Constitution de l’An X (4 août 1802) : le Consulat à vie
Face à son succès militaire et à l’affermissement de son pouvoir, Napoléon devient consul à vie, consolidant son autorité :
Cette évolution marque une rupture avec les principes révolutionnaires, notamment le refus de toute hérédité ou concentration excessive du pouvoir.
La Constitution de l’An XII (18 mai 1804) : l’Empire
Avec cette Constitution, Bonaparte devient empereur des Français, consacrant le passage à un régime monarchique d’apparence démocratique.
Caractéristiques principales :
Hérédité dynastique
Renforcement de l’autorité impériale
Le rôle central du plébiscite
Napoléon légitime ses transformations constitutionnelles par des plébiscites, présentés comme l’expression de la souveraineté populaire. Cependant, cette démocratie plébiscitaire repose sur deux mécanismes qui en limitent la portée :
Adhésion sans choix
Absence de libertés locales
Un pouvoir centralisé et personnifié
Napoléon détourne l’idée de souveraineté populaire pour la subordonner à sa personne :
« Le peuple français nomme et le Sénat proclame Napoléon Bonaparte, premier consul à vie. »
Ce processus marque une appropriation de la confiance populaire, où le peuple est réduit à valider les décisions du chef.
L’affaiblissement des autres pouvoirs
Sous Napoléon, les autres branches du pouvoir sont largement subordonnées :
Un exécutif tout-puissant
La réalité du pouvoir repose sur une dictature de l’exécutif, où Napoléon concentre l’administration, l’armée et la diplomatie :
Le Sénat conservateur, conçu comme un organe de régulation, joue un rôle ambivalent :
Un instrument du pouvoir
Un acteur de la chute de Napoléon
Une rupture avec les idéaux révolutionnaires
Si Napoléon maintient l’idée de souveraineté populaire, il la détourne au profit d’un régime autoritaire. Les principes de représentation démocratique sont sacrifiés sur l’autel de la stabilité et de l’efficacité.
Une matrice pour les régimes ultérieurs
Malgré ses dérives autoritaires, le césarisme napoléonien laisse un héritage constitutionnel qui influencera les régimes postérieurs :
Conclusion : L’expérience constitutionnelle de Napoléon Bonaparte incarne une tentative de stabilisation autoritaire après les tumultes révolutionnaires. Si elle réussit à mettre fin au chaos institutionnel de la période précédente, elle le fait au prix d’un abandon des idéaux révolutionnaires de séparation des pouvoirs et de démocratie délibérative. Cette période, qualifiée de césarisme démocratique, devient un modèle ambigu pour les Constitutions ultérieures, oscillant entre démocratie plébiscitaire et concentration autoritaire des pouvoirs.
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