L’hypothèque conventionnelle : caractères, conditions, effets
L’article 2393 du code civil définit l’hypothèque comme un droit réel sur les immeubles affectés à l’acquittement d’une obligation.
A cette définition, il faut ajouter qu’il s’agit d’une sureté réelle qui n’entraine pas le dessaisissement du propriétaire et qui confère à son bénéficiaire le droit de faire saisir et vendre le bien hypothéqué en quelque mains qu’il se trouve pour être payé par préférence sur le prix. Cette hypothèque porte en principe sur des immeubles. Il existe néanmoins des hypothèques portant sur des meubles.
Pourquoi l’hypothèque immobilière est la reine des suretés ? Cette sureté permet au débiteur de conserver l’immeuble affecté en garantie, il peut même vendre le bien. De plus, l’immeuble peut servir de garantie pour plusieurs dettes différentes, ce qui permet d’augmenter le crédit du débiteur. Le créancier va disposer d’un droit sur un bien, que le débiteur ne peut pas dissimuler. Ce bien bénéficie du fait que sa valeur augmente avec le temps et dure. L’assurance vient remplacer en valeur le bien perdu. Cette sureté assure pour les tiers en raison de la publicité qui est organisée.
Il y a des défauts : La constitution de cette sureté n’est pas simple : en outre la mise en place de cette sureté a un cout économique certain. De plus le prix de l’immobilier peut s’écrouler très rapidement.
- A) Les caractères de l’hypothèque
L’hypothèque est un droit réel, mais c’est un « droit réel au second degré », parce que ce n’est pas un droit qui porte sur le bien dans sa matérialité mais qui porte sur la valeur du bien.
L’hypothèque comme toute sureté est accessoire, cela suppose que l’hypothèque vienne garantir une créance, cela exclue de constituer une sureté sur un mode abstrait. Cela interdit aussi de constituer une hypothèque sur soi même. Ce caractère accessoire exclu qu’il existe des hypothèques volantes, qui garantiraient n’importe quelle créance en fonction des souhaits du constituants. Les parties ne peuvent déroger à ce caractère accessoire essentiel à l’hypothèque. Ce principe n’exclut pas la possibilité de constituer une hypothèque en vue de garantir une créance en germe ou une créance future. Le sort de l’hypothèque dépend du sort de la créance garantie, tout ce qui affectera la créance garanti va s’étendre à l’hypothèque.
L’hypothèque est indivisible, ce caractère se retrouve pour certaines suretés réelles. Cela suppose qu’elle demeure entière malgré la division de l’immeuble ou de la créance garantie. Ces deux caractéristiques singularisent l’hypothèque.
- B) L’hypothèque conventionnelle classique
1) La constituons de l’hypothèque
a) règles de forme de l’hypothèque conventionnelle
Il y en a deux :
_ L’exigence d’un acte notarié.
_ La publicité de l’hypothèque
i) L’acte notarié
Article 2416 du code civil « l’hypothèque conventionnelle ne peut être consentie que par acte notarié », l’article 2417 dispose « l’acte d’hypothèque portant sur un immeuble situé en France en peut en principe être établit que par un notaire français ». En effet, les contrats passés en pays étranger ne peuvent donner hypothèque sur des biens de France.
L’hypothèque est donc une convention solennelle, l’acte notarié est une forme exigée à titre de validité.
Cette exigence formelle s’explique en raison de la gravité de l’acte d’hypothèque qui engage les biens du constituant pour l’avenir. Il y a eu protection traditionnelle qui existe lors de la conclusion d’opération immobilière. Le notaire est indispensable pour l’inscription de l’hypothèque, en tant que professionnel il est tenu d’assurer la validité et la sécurité des actes qu’il rédige. En tout état, la méconnaissance de l’article 2416 entraine la nullité absolue et donc il n’y a aucune ratification possible. La forme notariée vise à protéger le débiteur, c’est donc le consentement du débiteur qui doit emprunter cette forme. Pour le créancier, ce formalisme ne s’impose pas.
La promesse d’hypothèques est elle possible ? A quoi sert-elle ?
Cette promesse d’hypothèque est envisageable et peut prendre la forme d’un acte sous seing privé. Cependant cette promesse ne vaut pas hypothèque et son effet juridique sera de créer une obligation à la charge du commettant : une obligation de faire, c’est-à-dire établir une hypothèque par acte notarié.
Que faire si le promettant manque à la parole donnée ?
La jurisprudence décide que l’inexécution d’une promesse d’hypothèque ne peut être sanctionnée que par l’attribution de dommages et intérêts. L’exigence d’un acte notarié solennel soulève une autre question : Quelle forme doit emprunter le mandat d’hypothèque ?
Si on applique la règle du parallélisme des formes, l’idée est que quand la loi exige une forme pour l’accomplissement d’un acte juridique, le pouvoir donné pour accomplir cet acte juridique doit revêtir les mêmes formes. Il s’en suit que le mandat d’hypothéqué doit également emprunté la forme notariée.
ii) La publicité de l’hypothèque
Ce n’est pas une condition de validité de la sureté : c’est une condition d’opposabilité. Cela ne signifie pas qu’elle n’a pas d’importance, car cette exigence est essentielle car c’est à son respect qu’est subordonné le rayonnement de l’hypothèque à l’égard des tiers. En outre, c’est cette publicité qui va organiser le classement des créanciers hypothécaires. Cette publicité a lieu à la Conservation des hypothèques, à sa tête on trouvait un conservateur.
La règlementation des inscriptions
Cette réglementation concerne les formalités de l’inscription qui doivent être demandées par le titulaire de la créance garantie. Il faut déposer deux exemplaires à la conservation des hypothèques du lieu de situation de l’immeuble, l’article 2428 énonce les mentions devant nécessairement être indiquées dans les bordereaux destiné à être déposés. Cette inscription doit remplir les exigences de spécialités : quant à la créance, spécialité quant à l’immeuble affecté à la garantie. Cette inscription ne peut, en principe, être requise avant la naissance de l’hypothèque. Mais après la constitution de l’hypothèque, il n’existe aucun délai pour réaliser l’inscription. La seule limite est l’extinction de la créance. Simplement, le créancier a tout intérêt à publier assez rapidement. C’est la date d’inscription qui va fixer le rang de l’hypothèque. En outre, il a intérêt à agir rapidement pour éviter d’être confronté aux évènements qui arrêtent le cours des inscriptions.
Les évènements arrêtant les inscriptions
Il s’agit de l’ouverture d’une procédure collective. La publication de l’aliénation de l’immeuble: un créancier hypothécaire ne peut pas prendre une inscription utile sur un immeuble pour une créance contre le précédent propriétaire. Cela signifie que cette hypothèque est inopposable à l’acquéreur qui a été plus prompt à agir que le créancier hypothécaire. Il y a également la publication d’une saisie immobilière.
Les effets de l’inscription
L’effet essentiel est de rendre la sureté opposable aux tiers. Cela signifie qu’une hypothèque non publiée n’a quasiment pas d’effet juridique, car le titulaire de ce droit réel ne pourra pas exercer son droit de suite. Qui sont ces tiers qui rendent l’hypothèque inopposable ? Ce sont les personnes qui ont un droit réel sur l’immeuble et ce droit réel est également soumis à publicité. Ces tiers ont un intérêt à se prévaloir d’une publicité antérieure ou d’un défaut de publicité d’un créancier hypothécaire. Cela regroupe deux catégories : les ayants droits du débiteur et ce se sont aussi les créanciers hypothécaires du même débiteur.
Est-ce qu’un créancier chirographaire peut se prévaloir du défaut de publicité ? L’intérêt est d’éviter de se voir opposer un droit de préférence. La réponse est oui, il peut se prévaloir de ce défaut de publicité.
Cette inscription s’inscrit dans la durée, l’article 2334 du code civil indique que l’inscription conserve l’hypothèque jusqu’à la date que fixe le créancier. Lorsque l’échéance de l’inscription survient, il y a un intérêt à renouveler l’inscription. Mais inversement, lorsque l’hypothèque ne présente plus d’utilité on peut en demander la radiation. Celle-ci doit s’obtenir par le biais du juge. La radiation peut aussi venir de la volonté du créancier : on parle alors de « main levée volontaire » qui est un acte unilatéral nécessairement authentique.
Identiquement, on peut imaginer qu’il puisse y avoir une réduction de l’inscription : une radiation partielle. Elle peut être d’origine volontaire mais aussi être ordonnée par le juge.
b) Conditions de fond de l’hypothèque conventionnelle
L’hypothèque peut être constituée par le débiteur, mais rien n’interdit que les qualités de débiteur et de constituant de l’hypothèque soient dissociées. Ca sera un tiers qui affectera un de ses immeubles en garantie de la dette du débiteur : Il s’agira d’un cautionnement hypothécaire. Que ce soit le débiteur ou un constituant, il est essentiel que le constituant soit propriétaire de l’immeuble. Ainsi, l’hypothèque sur la chose d’autrui est nulle. Il en résulte aussi qu’est nulle l’hypothèque constituée sur un immeuble pour le cas où le constituant deviendrait propriétaire, car il ne s’agirait pas d’une hypothèque conventionnelle.
Cela ne signifie pas que le défaut de qualité de propriétaire aboutisse invariablement à l’invalidité de l’hypothèque. En ce domaine on fait jouer la théorie de l’apparence. L’idée est qu’une personne n’est pas propriétaire d’un bien mais en présente toutes les apparences. Le tiers de bonne foi pourra se prévaloir de cette apparence qui aura créé chez lui une erreur invincible et dans ce cas il demandera au juge de valider cette hypothèque. Ici, la source de l’hypothèque n’est pas la volonté mais la loi qui octroie cette faveur au créancier de bonne foi.
La deuxième condition est relative à l’assiette de l’hypothèque : L’hypothèque ne porte pas sur des biens mais sur des droits. Cela signifie que le plus souvent, la constitution d’une hypothèque a pour objet un droit de propriété sur un immeuble. Mais elle peut être constitué sur les autres droits immobiliers : usufruit, mais l’intérêt est moindre car s’éteint avec l’usufruitier.
La troisième condition est relative à la créance garantie : Ici, s’applique le principe de spécialité : l’hypothèque garantit nécessairement une créance connue. L’article 2421 du code civil précise que l’hypothèque peut être consentie pour plusieurs créances. Cet article précise que la ou les créances garanties peuvent être futures. Néanmoins pour respecter l’exigence de spécialité, les créances garanties doivent être déterminables.
Cette exigence aboutit à ce que le montant de la créance doit être indiqué par l’acte constitutif. S’il s’agit d’une créance dont le montant est indéterminé au moment de la constitution, il faut que l’acte notarié, mentionne une estimation de la créance garantie. L’acte notarié doit mentionner la cause de la créance garantie : On veut éviter un contournement, une fraude du principe de spécialité. C’est pour éviter qu’un débiteur ne constitue une hypothèque pour garantir une créance autre que celle envisagée dans l’acte notarié.
Pour la constitution de l’hypothèque il y a des conditions de capacité et de pouvoirs : L’hypothèque est un acte grave et envisagé comme un acte équivalent à une aliénation de l’immeuble. Il s’en suit qu’il s’agit d’un acte de disposition. Par l’acte d’hypothèque, le constituant va disposer d’une partie de ses prérogatives sur l’immeuble, tout simplement parce qu’il va lui affecter la valeur de l’immeuble même s’il conserve l’usage et la jouissance du bien. Le législateur soumet la constitution d’une hypothèque aux mêmes règles que la vente d’un immeuble.
→ Il en résulte que l’incapable ne peut pas constituer seul une hypothèque, il doit obtenir l’autorisation de son administrateur ou encore l’administrateur qui puisse seulement réaliser cet acte. Cette règle s’applique aux mineurs mais aussi aux majeurs, même si derniers bénéficient du régime de la curatelle. Ils devront donc nécessairement obtenir l’assistance de leur curateur pour faire cet acte. Pour les époux, on retrouve les restrictions pour la protection des biens communs. Il faut rappeler l’existence de l’article 215 du code civil qui vise à protéger le logement familial « les époux en peuvent, l’un sans l’autre, disposer de droit par lesquels est assuré le logement de la famille ». Cette règle joue quand le bien est commun mais également quand il s’agit d’un bien propre. Lorsque le bien est commun, les règles du régime légal interdisent à un époux de constituer une hypothèque sur un tel bien commun sans l’accord de l’autre époux : cogestion obligatoire : article 1422. Cet article prévoit aussi que les époux ne peuvent l’un sans l’autre affecter un immeuble à la garantie de la dette d’un tiers.
2) Les effets de l’hypothèque conventionnelle
Cette hypothèque conventionnelle a deux effets :
- . Les effets quant aux prérogatives du constituant et le droit de suite
- . L’extinction de l’hypothèque
a) Les effets sur les prérogatives du constituant
L’hypothèque est une sureté réelle sans dépossession, l’idée est que le constituant va conserver la maitrise de l’immeuble, mais il ne faut pas que cette maitrise affecte les droits du créancier hypothécaire.
Le constituant reste propriétaire de l’immeuble, il conserve le droit d’en jouir, de l’administrer et le droit d’en disposer. L’exercice de ces prérogatives de propriétaire en tant que telle ne diminue pas la valeur de l’immeuble. C’est ce critère qui va permettre de cerner les limites au pouvoir du constituant.
Le constituant peut par exemple le donner à bail, mais il ne faut pas que la durée de ce bail soit trop longue au point de compromettre la valeur de l’immeuble. C’est le cas quand les baux excèdent une durée fixée par le législateur à plus de douze ans. De même, le constituant dispose du droit d’aliéner l’immeuble. Cela signifie que l’inscription d’une hypothèque n’a pas pour effet de rendre l’immeuble inaliénable.
Le créancier hypothécaire est protégé par le fait que son droit réel continuera à grever l’immeuble, nonobstant le fait que le constituant n’en soit plus le propriétaire : c’est le droit de suite du créancier hypothécaire. Il est formellement consacré dans l’article 2461 du code civil : ce droit de suite est indispensable dans la structure de l’hypothèque pour laisser la libre administration de son patrimoine au constituant. C’est donc le droit d’exercer sa prérogative sur le bien, même s’il n’et plus entre les mains de son débiteur. Ce droit de suite est subordonné à des conditions :
- Il faut d’abord que le créancier bénéficiaire ait une créance exigible
- Il faut que les conditions d’efficacité de l’hypothèque soient réunies. Cela signifie que l’hypothèque ait été publiée avant le titre d’acquisition du tiers détenteur.
Le tiers détenteur dispose d’une option envers le créancier :
- Payer le créancier hypothécaire.
- Abandonner le bien : c’est ce qu’on appelle le « délaissement ». Cela est possible car le tiers détenteur n’est débiteur qu’en raison de la détention du bien, il n’est pas personnellement débiteur de la dette.
b) La transmission et l’extinction de l’hypothèque
La transmission de l’hypothèque peut se faire à titre accessoire : l’hypothèque sera transmise avec la créance qu’elle garantie. L’accessoire suit le principal. L’essentiel est que la modification du titulaire de la créance soit mentionnée en marge de la publicité de l’hypothèque. Il s’agit d’une pure mesure informative qui n’est pas une condition d’opposabilité de la transmission de la créance. Le changement de créancier n’aggrave pas la situation du débiteur et n’affecte donc pas le droit des tiers. L’hypothèque peut être transmise à titre principal : cette transmission n’est pas parfaite, l’hypothèque est une sureté et en tant que telle, elle est accessoire à une créance. Ce lien d’accessoire subsiste même dans l’hypothèque d’une transmission à titre principal. Cette transmission à titre principal est opérée par le biais d’une « cession d’antériorité » : un créancier de meilleur rang va céder sa place à un autre créancier postérieur. L’hypothèque initiale conserve son lien avec la créance à l’égard de laquelle elle a été constituée.
En ce qui concerne l’extinction : Elle peut être à titre principal ou à titre accessoire.
- Par voie accessoire : C’est le fait que l’extinction de la créance entraine l’extinction de la sureté.
- Par voie principale : Un créancier va pouvoir renoncer à sa sureté, ou en cas de destruction de l’immeuble objet de la sureté. Il ya un report sur l’indemnité d’assurance, mais l’hypothèque sur l’immeuble est éteinte.