L’incompétence de l’auteur d’un acte (recours en excès de pouvoir)

L’incompétence de l’auteur de l’acte, un cas de recours en excès de pouvoir

Attention : quand on relève des irrégularités dans un acte, ce sont des illégalités externes

L’incompétence de l’auteur de l’acte

Il s’agit de l’incompétence de l‘auteur de l’acte attaqué. A la demande du requérant le juge va examiner si les règles de compétence prévues par les textes ont été respectées par l’administration. Le juge va vérifier que l’auteur de l’acte attaqué détenait bien la compétence à la fois matérielle ( : compétence ratione materiae) et temporelle ( : compétence ratione temporis). En effet il faut vérifier que l’autorité administrative qui a pris l’acte était compétente pour le prendre mais aussi compétente dans le temps pour la prendre et donc le juge va examiner que l’autorité administrative était bien en fonction au moment où il a pris l’acte. 

 

Le juge va examiner ce que prévoient les textes quant à la compétence. Les textes sont toujours précis concernant la répartition des compétences entre les différentes juridictions administratives. Le moyen d’incompétence présente au moins 3 difficultés : 

 

  • Premièrement le cas des délégations de compétence. Une autorité administrative titulaire d’une compétence confie à une autre autorité administrative peut confier une partie de ses compétences pour se décharger. On distingue 2 types de délégation :  

 

Les délégations de pouvoir ou de compétence : c’est la forme de délégation la plus extrême. L’autorité administrative qui détient une compétence de par les textes va la transférer à une autre autorité administrative qui sera le délégataire. La personne qui délègue s’appelle le déléguant et la personne qui reçoit la compétence s’appelle le délégataire. Le délégataire va être considéré comme le véritable auteur de l’acte. Ces délégations sont insérées dans des conditions strictes. D’abord il faut qu’elle soit prévue par un texte. Ensuite il faut qu’elle soit précise quant au domaine de compétence déléguée, quant à la personne du délégataire, et sur l’étendue de la délégation. 

 

Les délégations de signature : elle n’a pas pour conséquence de conférer la compétence au délégataire. C’est toujours le déléguant qui est titulaire de la compétence et qui est considéré comme l’auteur de l’acte, ce qui explique que le déléguant peut toujours évoquer la matière déléguée. La délégation de signature permet simplement au délégataire de signer à la place du déléguant un certain nombre d’acte mais la compétence est toujours censée être exercée par le déléguant. Et donc quand il y a un changement de titulaire la délégation de signature tombe d’elle-même, elle devient obsolète. Par exemple le président de l‘université délègue sa signature aux directeurs des UFR qui composent les universités, le président endosse cependant tous les actes pris. Et lorsque le directeur des UFR change, il y a de nouvelles délégations de signature au profit du directeur de l’UFR. 

 

  • Deuxièmement, la théorie des fonctionnaires de fait. Cette théorie a été élaborée par le juge dans des circonstances exceptionnelles et notamment les circonstances de guerre. Cette théorie consiste à rendre légale des décisions administratives qui ont été prises par des personnes qui n’avaient pas compétence légale pour les prendre mais qui sont intervenus dans l’intérêt général, poussé par les circonstances et qui du coup ont œuvrés pour le bien commun, si bien que le juge va considérer que ces décisions prises par des fonctionnaires qui n’étaient pas légitimes, sont bien des décisions administratives susceptibles de Recours en  Excès de Pouvoir alors qu’elles n’ont pas été prises par des autorités administratives compétentes en application des textes. 

 

Arrêt du 7 janvier 1944 le Coq : un maire, autorité légitime, avait prescrit la réouverture des commerces et avait institué une taxe sur les ventes. le Conseil d’Etat a considéré que le maire avait pris une décision administrative susceptible de recours bien que ne relevant pas légitimement de la compétence des autorités légitimes, le maire avait agit à la place du parlement. Il y avait des circonstances exceptionnelles de guerre. 

 

Arrêt du 5 mars 1948 Marion : cet arrêt ne met en cause aucune autorité administrative. On avait un comité de citoyens qui s’étaient organisés et avaient décidé de pourvoir au ravitaillement de la population en réquisitionnant les denrées stockés par les commerçants. Le juge administratif a considéré que ce comité avait la qualité de fonctionnaire de fait, qui avaient pris des actes administratifs et qui plus est ces actes administratifs ont été considérés comme légaux, étant donné leur caractère de nécessité et d’urgence. Ca va jusqu’à considéré comme fonctionnaire ou agent public une autorité de fait. Si une autorité est de par les textes, totalement incompétente, en cas de circonstances exceptionnelles et selon cette théorie, elle peut être considérée comme compétente. 

 

  • Troisièmement, l’incompétence pour le juge administratif est un moyen d’ordre public que l’on désigne par le signe MOP. Un MOP est un moyen que le juge administratif soulève d’office même si les parties au litige n’ont pas pensé à invoquer ce moyen. Et donc dans tous les cas, le juge administratif vérifiera la compétence de l’auteur de l’acte attaqué. Et si le juge trouve une incompétence, il devra relever ce moyen d’office et donc il devra annuler l’acte pour motif d’incompétence. Le critère organique est considéré comme le critère essentiel de l’acte administratif.  

 

Depuis un décret du 22 janvier 1992, le juge administratif quand il a l’intention de relever un MOP, doit en informer les parties au litige et les inviter à présenter leurs observations dans un délai qu’il prescrit. Le pouvoir réglementaire en 1992 s’est dit que pour les MOP il fallait aussi respecter le principe du contradictoire, puisque les MOP sont des moyens que les parties n’ont pas souhaités il faut que le juge leur demande leurs avis. Est-ce que l’incompétence est le seul MOP ? Non ! Il y a un autre MOP qui est tout aussi important que l’incompétence, c’est la violation de la loi. C’est donc le respect des textes et de leurs dispositions relatives aux règles de compétence ou aux règles de fond qui sont les plus importantes et qui peuvent donner lieu à un moyen d’annulation pour MOP. Le MOP est celui que le juge qualifie comme tel et on n’a pas de critères ou d’élément de définition à donner, on n’a qu’une liste. Les MOP n’intéressent pas seulement le juge de l’excès de pouvoir, il y en a aussi en plein contentieux : la responsabilité sans faute est un MOP. 

Aprés avoir étudier l’incompétence de l’auteur de l’acte, nous nous demanderons ce Qu’est un recours en excès de pouvoir ? Le recours en excès de pouvoir est, selon le juriste Édouard Laferrière, « un procès fait à un acte ».   Pour former un recours en excès de pouvoir, les conditions sont les suivantes :

  •           Les conditions d’exercice du recours pour excès de pouvoir tiennent d’une part à la nature de l’acte attaqué, d’autre part à l’intérêt à agir du requérant.
  •           Le recours pour excès de pouvoir n’est ouvert que pendant un certain laps de temps, après lequel il sera impossible de former un tel recours. Il faut agir dans le délai de deux mois à compter de la publication (lorsqu’il s’agit d’un règlement) ou de la notification (lorsqu’il s’agit alors d’une décision individuelle) de l’acte
  •           Un recours pour excès de pouvoir ne peut être formé qu’à condition que l’acte attaqué ait un caractère décisoire, c’est-à-dire qu’il modifie l’ordonnancement juridique..

Les moyens susceptibles d’être invoqués à l’appui d’un recours pour excès de pouvoir sont :

 

Moyens d’illégalité externe :   Les moyens d’illégalité externe (ou « moyen de légalité externe » s’il est pris par la négative) sont des moyens tirés de la mise en œuvre de l’acte :

  • incompétence de l’auteur de l’acte : moyen d’ordre public qui peut être soulevé d’office par le juge. L’incompétence peut être matérielle, territoriale ou temporelle.  étudié dans ce chapitre
  • vice de forme (ex ; le défaut de motivation) 
  • vice de procédure
  • vice dans la composition d’un organisme dont l’avis à recueillir est obligatoire.

 

Moyens d’illégalité interne : Les moyens de légalité interne sont tirés de vices liés au contenu, à la substance de l’acte :

 

  • violation directe de la règle de droit:
  • erreur de fait: pour qu’un acte soit légal il faut que les faits sur lesquels il est fondé existent. Ce contrôle date de la décision du CE, 14 janvier 1916 CAMINO
  • erreur sur la qualification juridique des faits: contrôle consacré par la décision du CE, 4 avril 1914 GOMEL
  • erreur de droit: substitution des moyens par la décision Madame Hallal 6 février 2004
  • le détournement de pouvoir: CE 26 novembre 1875 Pariset et Laumonnier-Carriol

 

Laisser un commentaire