L’INDIVISION SUCCESSORALE
On a plusieurs successeurs qui reçoivent une même succession comme ayant cause à titre universel et il faut un partage pour définir l’assiette des droits de chacun. Tant qu’ils sont en indivision, les successeurs n’ont pas un droit de propriété sur tel ou tel bien de la succession : ils ont un droit idéal, une quote-part de la succession. La division n’interviendra qu’à l’issue du partage.
Section 1 : Durée et composition de l’indivision
I : Durée
Article 815 du Code civil « nul ne peut être contraint de demeurer en indivision et le partage peut toujours être provoqué ». En pratique, bien que destinée à disparaître, les indivisions durent souvent longtemps soit par la volonté de l’indivisaire, soit à cause de difficultés. Cela peut être du à une bonne entente entre les indivisaires : ils souhaitent maintenir l’état d’indivision. Il peut se trouver que ce n’est pas le bon moment pour vendre les biens successoraux. La loi permet donc de prolonger la durée de l’indivision soit par un maintien conventionnel dans l’indivision (article 1873-2 du Code civil : possibilité si les indivisaires y consentent tous à rester dans l’indivision soit fixée pour une durée de 5 ans renouvelables soit à durée indéterminée) soit judiciaire (le juge n’est pas tenu de prononcer le maintien judiciaire :
- Droit des Successions et des libéralités
- Les conditions de la donation
- Le testament (olographe, authentique, mystique…)
- La dévolution légale ou dévolution ab intestat
- Les successions anomales
- La dévolution successorale volontaire ou mixte
- L’option successorale : définition et effets
– il peut proposer un sursis de 2 ans selon l’article 820 du Code civil,
– en vertu de l’article 824 du Code civil si un indivisaire veut sortir et les autres rester : ils peuvent saisir le Tribunal pour attribuer sa part à celui qui veut sortir (allotissement en nature ou en argent) et les autres sont maintenus : on appelle cela une attribution éliminatoire.
– Sursis de 5 ans prévus aux articles 821 et 821-1 du Code civil : hypothèse où se trouve en indivision soit une entreprise familiale dont la mise en valeur était assurée soit par son défunt ou par son conjoint, soit le local d’habitation ou d’usage professionnel.
II : Composition de la masse indivise
Dans la masse indivise, on trouve des biens qualifiés de biens existant à l’ouverture de la succession. A ces biens existants, on ajoute les biens qui leurs sont subrogés : la créance du prix de vente entre dans l’actif à partager, elle est indivise comme l’aurait été l’immeuble qu’elle remplace. Cette subrogation réelle résulte de l’arrêt Chollet contre Dumoulin, 5 décembre 1907 : article 815-10 du Code civil.
On trouve également dans la masse indivise les fruits et les revenus dans les biens indivis. Ils apparaissent au fur et à mesure de la vie de l’indivision et ils accroissent la taille de l’indivision. L’article 815-11 du Code civil prévoit que tout indivisaire peut demander sa part dans les bénéfices chaque année. Chaque indivisaire a un droit qui lui est propre et les autres ne peuvent pas s’y opposer. On entend par bénéficie, les fruits et les revenus diminués des charges.
Pour la masse indivise, il y a une difficulté spécifique pour les créances et les dettes du de cujus. Normalement elles ne devraient pas être dans l’indivision : article 1220 alinéa 2 du Code civil : les créances et les dettes se divisent de plein droit entre les successeurs. Il en va de même pour les dettes successorales. Le créancier successoral ne devra pouvoir réclamer qu’une partie de la créance correspondant à la quote-part de l’indivisaire.
Pour les créances, cette règle tombe en cas d’inertie des autres indivisaires lorsque la saisine produit ses effets. La deuxième exception est lorsque la créance est elle-même indivisible. L’indivisibilité peut être conventionnelle, légale ou elle peut résulter de la nature des choses. La troisième hypothèse où la règle va être écartée : hypothèse où l’on veut céder une créance successorale : il faut l’accord unanime des indivisaires pour pouvoir céder la créance successorale. La règle de division de la créance ne vaut que pour les actes de règlement de la créance (pour en réclamer le paiement) ; pour les actes de disposition, la règle ne joue pas.
Pour les dettes, normalement elles se divisent. Cette règle va être écartée dans le cas où le de cujus a prévu que l’exécution de la dette était à la charge d’un héritier particulier. La règle de division est également écartée lorsque la dette est indivisible. La règle de division est écartée mais seulement jusqu’au partage sur les biens indivis au profit des créanciers successoraux pour qu’il n’ait pas à diviser leur recours. Les créanciers successoraux peuvent se faire payer sans attendre le partage. S’il n’y pas de liquidité dans la succession, ils vont saisir et vendre les biens indivis et se faire payer sur le prix. Les créanciers qui peuvent se faire payer sur les biens sans attendre le partage sont ceux dont la créance vient de la réparation ou de la gestion des biens indivis.
Section 2 : L’organisation de l’indivision
Il y a un principe qui a évolué avec la loi de 2006 : principe de l’unanimité.
I : Le principe de l’unanimité et celui de majorité
La règle de départ est que puisque les biens ne sont pas affectés à tel ou tel indivisaire, l’organisation passe par l’unanimité. L’unanimité reste exigée pour les actes les plus graves. Avant la loi de 2006, on ne pouvait rien faire dans l’indivision sans accord unanime. Il fallait toujours tenir compte des autres indivisaires. Si on ne respecte pas ce principe, la sanction est l’inopposabilité aux autres indivisaires de l’acte passé sans leur accord. Ce n’est pas la nullité de l’acte : l’acte n’est pas anéanti, il pourra retrouver son efficacité à l’issue du partage si le partage attribue le bien sur lequel l’acte a été fait à l’indivisaire qui avait fait l’acte. Jusqu’à 2006, l’unanimité visait les actes de disposition et les actes d’administration. Nouvel article 815-3 du Code civil : la majorité des deux tiers va suffire pour certains actes : c’est deux tiers des droits indivis (et non par tête), ils peuvent :
– effectuer les actes d’administration relatifs au bien indivis
– donner à l’un ou plusieurs indivisaires ou à un tiers, un mandat général d’administration
– vendre les meubles indivis pour payer les dettes et charges de l’indivision : avant la loi de 2006, un article 826 du Code civil n’exigeait qu’une majorité.
– conclure ou renouveler les baux autres que ceux portant sur un immeuble à usage agricole, commercial, industriel ou artisanal.
Les conditions pour la majorité des deux tiers :
– informer les autres indivisaires
– l’acte en question doit relever de l’exploitation normale des biens indivis
– aucun acte de disposition, hors ceux prévus au troisième cas, ne peut être effectué sans l’unanimité.
Avant la loi de 2006, selon la jurisprudence, les mesures conservatoires que pouvaient passer un indivisaire seul étaient des mesures urgentes et ayant pour objet de soustraire un bien indivis à un péril imminent sans compromettre le droit des indivisaires. L’article 815-2 du Code civil brise cette jurisprudence « les mesures conservatoires peuvent être prises par l’indivisaire même si elle ne présente pas un caractère d’urgence ».
II : Aménagements et exceptions
Les trois techniques d’aménagement possibles sont :
– le mandat : général pour les actes d’administration ou spécial pour tout acte qui ne relève pas de la gestion normal du bien indivis. Le Code civil assimile la conclusion et le renouvellement des baux. Le mandat peut même être tacite s’agissant des actes courants.
– l’habilitation judiciaire : un indivisaire va pouvoir agir en représentation d’un autre après s’être fait habilité en justice lorsque le représenté se trouve hors d’état de manifester sa volonté.
– la gestion d’affaire
Les exceptions sont :
– l’autorisation judiciaire : quand l’intérêt commun est en péril ou qu’il y a une urgence. Le juge peut donner une autorisation qui va être spéciale de faire tel ou tel acte qui est nécessaire. Cette autorisation judiciaire est prévue à l’article 815-5 alinéa 1 et 815-6 ?
– les conventions d’indivision : par une convention, les indivisaires peuvent désigner un gérant qui sera chargé de les représenter. La loi pose une limite maximum aux pouvoirs du gérant : il peut faire les actes conservatoire, il peut s’occuper de l’administration de l’indivision (articles 1421 et suivants du Code civil sur les pouvoirs de époux en régime de communauté). A ces pouvoirs, la loi ajoute quelques actes de disposition permis à ce gérant à titre onéreux sur les meubles corporels mais seulement pour les besoins d’une exploitation normale des biens indivis ou encore s’il s’agit de choses difficiles à conserver ou sujettes à dépérissement. La règle de l’unanimité ou de la majorité des deux tiers va refaire surface. A l’article 1873-8 alinéa 2, il est possible de prévoir que certaines décisions soient prises à la majorité des deux tiers. Cet aménagement conventionnel possible ne vaut pas pour l’aliénation des immeubles indivis : il est impossible d’échapper à la règle de l’unanimité.
Il y a parfois une difficulté à concilier les règles de l’indivision et les règles de la saisine. Les deux institutions concernent la même période chronologique. La saisine a des règles plus larges que l’indivision. L’indivisaire seul ne peut faire que les actes conservatoires sauf s’il y un mandat pour certains actes : le successeur saisit peuvent faire certains actes d’administration. Il peut représenter le défunt dans toutes les actions en justice. Il peut recouvrer une créance dans son entier. Lorsque sont invoquées les règles de la saisine et de l’indivision, la jurisprudence a tendance à faire prévaloir le droit du à la saisine. Le droit individuel du saisi, en cas de carence des autres, va souvent prévaloir sur les règles égalitaires de l’indivision.
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LA MASSE PARTAGEABLE
C’est le patrimoine successoral. Il faut évaluer les biens : c’est la liquidation. Cette opération, il faudra même la faire lorsqu’il y a un seul héritier pour savoir combien il doit à l’Etat : on parle plutôt de calcul de la masse partageable.
I : Le contenu de la masse partageable
C’est la jurisprudence qui la définissait. La loi de 2006 a repris la jurisprudence : article 825 du Code civil : on trouve :
– les biens existants : existent dans le patrimoine du de cujus au moment de son décès. Mécanisme de subrogation : si certains biens ont été vendus et que d’autres ont été achetés en remplacement ou s’ils ont été remplacés par une indemnité.
– Les biens légués ou objet d’une institution contractuelle ne sont pas dans la masse : article 825 du Code civil. Cela ne concerne pas les legs universel ou à titre universel car on ne sait pas sur quel bien cela va jouer.
– On enlève les biens que les héritiers auraient été amenés à vendre pour régler des dettes successorales ou des charges de l’indivision.
– On ajoute les fruits produits par les biens existants. On ajoute la valeur des biens rapportés.
– Il se peut que le cohéritier ait une dette envers le de cujus ou envers l’indivision ; il doit la rapporter à la masse successorale qui se trouve grossit d’une créance qu’elle a envers ce cohéritier : on parle du rapport des dettes.
– La valeur de la part réduite des libéralités excessives : si on a une libéralité qui a été faîte à une successible ou à non successible empêche d’honorer la réserve, on réduit la libéralité et l’excédent vient dans la masse partageable.
II : L’évaluation de la masse partageable
Tous les biens sont évalués au moment du partage. En pratique, l’estimation doit être faite avant que le partage ne soit parfait : on retient comme date, celle où on évalue les biens indivis : on appelle cette date, la date de la jouissance divise. C’est le moment à partir desquels les revenus des biens, au lieu de tomber dans la masse indivise, sont perçus individuellement par la tributaire de chacun. L’idéal est que cette date soit fixée par les parties ou à défaut, c’est le juge qui interviendra si personne n’arrive à se mettre d’accord.