L’objet et la cause du contrat de cautionnement

Le cautionnement : objet et cause

Le cautionnement est défini par le code civil à l’article 2288. Ce texte dispose que celui qui se rend caution d’une obligation se soumet envers le créancier à satisfaire à cette obligation si le débiteur n’y satisfait pas lui même. Nous étudions ici les conditions de formation du contrat. Classiquement, le cautionnement, comme tout contrat doit être un contrat exempt de vice de consentement et un contrat dont l’objet ou la cause est licite.

  • Concernant l’objet : Il faut distinguer l’objet du contrat de cautionnement et l’objet de l’obligation de la caution. L’objet du contrat de cautionnement est d’apporter une garantie. En revanche, l’objet de l’obligation est le paiement éventuel d’une dette.
  • Concernant la cause, en droit des contrats, il existe deux conceptions de la cause : la cause subjective et la cause objective.
  • La cause subjective est le motif impulsif et déterminant de la caution. Il peut s’agir de l’intention de la caution de rendre service à un enfant débiteur, ou encore faire quelque chose en contrepartie d’une rémunération. L’intérêt de la cause subjective est de vérifier que le contrat, et plus précisément, le cautionnement n’est pas contraire à l’ordre public ou aux bonnes mœurs.
  • Concernant la cause objective, dans un arrêt du 8 novembre 1972 de la Chambre Commerciale, arrêt l’empereur, la Cour a considéré que la cause objective de l’obligation de la caution est la considération prise corrélativement par le créancier.

A) La cause du contrat

Le contrat est unilatéral. La cause répond à la question « pourquoi ? ». Ici on s’intéresse à la cause d’objective. Dans un contrat synallagmatique la cause est l’obligation de l’autre partie or dans un contrat unilatéral ce ne peut-être cela. Si on s’attache au cautionnement quelle peut être sa cause ? La cause peut se trouver dans les rapports entre la caution et le débiteur = rendre service ; attendre un avantage indirect de ce débiteur. Mais la cause peut aussi se situer dans les rapports entre le débiteur et le créancier, le pourquoi du contrat sera alors la fourniture du crédit au débiteur principal.

La jurisprudence, arrêt Lempereur, « il faut chercher dans la relation créancier-débiteur, la cause du cautionnement ». Quel est l’enjeu ? Il est assez limité, il consiste à savoir ici quelle erreur sur la cause la caution peut invoquer.

B) L’objet de l’obligation

1) Identification de l’obligation cautionnée

Le cautionnement est une sûreté accessoire, il est encore plus accessoire que les autres sûretés car l’objet de l’obligation de la caution est l’obligation du débiteur principal. C’est un lien de dépendance. De ce fait l’existence d’une obligation principale est nécessaire à la formation d’un cautionnement. Or pour qu’il y ait obligation principale, il faut qu’elle ait un objet « s’engager à faire quelque chose… à payer une certaine somme… » ; il n’est pas nécessaire que l’objet soit déterminé mais il doit être déterminable.

Il faut d’autre part qu’il y ait un débiteur. Il ne faut pas nécessairement de créancier, il n’est pas nécessaire qu’il soit connu au moment de l’engagement de la caution elle peut s’engager à garantir toutes les dettes du débiteur principal dues en vertu du contrat.

Le cautionnement peut porter sur une dette présente ou future. Pour le cautionnement de la dette présente il n’y a pas de difficulté particulière, il en est autrement pour le cautionnement de dette future. On admet la validité d’un tel cautionnement en ayant recours au droit commun et à l’article 1130 du Code Civil. Dès lors qu’un contrat puisse porter sur une chose future rien ne l’interdit pour le cautionnement. Le cautionnement d’une dette future présente une structure singulière. Dans le cautionnement de la dette présente, la caution va s’obliger à régler une dette d’ores et déjà connue. Pour le cautionnement de dettes futures, l’engagement de la caution est double il y a deux obligations qui vont naître, complémentaires ; Dès la conclusion du contrat naît une obligation de couverture qui va fixer le cadre de la garantie offerte par la caution au créancier. Ensuite va naitre une seconde obligation, celle de règlement, visant à payer une dette déterminée du débiteur dès lors que cette dette est née dans le cadre définie par l’obligation de couverture.

C’est la doctrine qui a d’abord exprimé cette distinction, mais la jurisprudence l’a consacré le 05 novembre 2009. Société donne à bail à une autre entreprise un bail commercial, conclu le 17 octobre 1997 pour 9 ans, s’achevant le 31 octobre 2006. Un cautionnement est fourni pour assurer le paiement des loyers. A l’échéance les parties vont reconduire tacitement le contrat de bail mais en mars 2007 le bailleur se prévaut d’ne clause résolutoire en raison du non paiement des loyers. Le bailleur poursuit la caution et demande le paiement des loyers dus du 1er novembre 1997 au 21 décembre 2007. Les juges du fond accueillent sa demande mais ont commis une erreur ; lorsqu’un bail est reconduit il s’agit de la conclusion d’un nouveau contrat. Or la conclusion ne s’était engagée que jusqu’au 31 octobre 2006 ; elle était tenue d’une obligation de couverture pour toutes les dettes entre le 17 octobre 1997 au 31 octobre 2006 ; au-delà elle n’était pas tenue. La Cour d’appel a donc méconnu l’étendue de l’obligation de couverture de la caution.

Le cautionnement omnibus = cautionnement de toutes les dettes du débiteur présentes et futures. Un tel engagement est particulièrement dangereux puisque la caution lie son destin patrimonial à celui du débiteur sans avoir de maîtrise sur ce dernier. Néanmoins on admet la validité d’un tel cautionnement. La jurisprudence regarde cet engagement avec soupçon et ceci se manifeste de deux manières : Sur le terrain probatoire en vertu de l’article 1326 du Code Civil que l’engagement soit particulièrement clair en second lieu la jurisprudence interprète restrictivement l’engagement de la caution. Enfin la loi impose dans de multiples hypothèses que l’engagement de la caution personne physique soit limité à un certain montant sous peine de sanctions diverses. Néanmoins on peut s’interroger aux raisons pour lesquelles on a recours au cautionnement omnibus ; l’hypothèse la plus fréquente est le dirigeant d’une entreprise qui va fournir cette garantie à un fournisseur de crédit, établissement bancaire, on va voir en quoi ce type de cautionnement et son utilisation large modifie la nature du cautionnement.

Dans le Code Civil le cautionnement était analysé comme un moyen de développer les relations commerciales permettant l’intégration de nouvelles entreprises. Dans cette perspective on peut comprendre que le cautionnement soit un service d’ami. Avec le cautionnement omnibus on change de perspective, se manifestant tant à la durée de l’opération que sa finalité. Le cautionnement dans la conception du Code Civil est un état transitoire, l’entreprise qui obtient un financement grâce à ce cautionnement va grandir, son crédit va augmenter, elle n’aura plus besoin d’une garantie. Dans le cautionnement omnibus, la garantie a vocation à ne jamais s’interrompre, l’engagement de la caution ne va pas s’effacer ici au profit d’un lien direct entre l’entreprise et le fournisseur de crédit. Il y a une permanence de la caution, et elle s’explique en raison de la finalité du cautionnement omnibus, le cautionnement vise ici à prévenir la réalisation de deux risques : Le plus évident est celui de la dette, la banque grâce au cautionnement du dirigeant va partager ce risque avec le dirigeant. Le débiteur qui est caution aura en raison de son engagement personnel tout intérêt à choisir l’option économique la plus efficace tout en étant la moins risqué. Or c’est précisément ce que veut la banque, elle veut que l’entreprise fonctionne pour être remboursée. Le cautionnement permet une poursuite d’intérêts identiques pour le dirigeant et la banque ; ce contrôle indirect par le biais du cautionnement a ceci de magnifique qu’il est très peu onéreux.

2) La nature de l’obligation principale

La caution s’engage à assumer l’obligation du débiteur principal. Elle ne peut pas s’engager plus que l’obligation du débiteur principal, article 2290 du Code Civil. D’autre part, la caution peut s’obliger dans les mêmes termes que le débiteur principal, l’article 2293 nous dit que l’on est alors en présence d’un cautionnement indéfini d’une obligation principale ; l’obligation de la caution épouse celle du débiteur principal ; il en résulte que l’obligation de la caution porte non seulement sur le principal mais aussi sur les accessoires de la dette du débiteur principal. Il n’est pas besoin ici d’un engagement expresse de la caution pour ces accessoires il suffit que la caution ait dit qu’elle s’engageait à assumer les mêmes obligations que le débiteur principal

Quels sont ces accessoires ? On admet les intérêts moratoires, les DI contractuels mais l’indemnité d’occupation due par le locataire qui se maintient dans les lieux après l’expiration du bail n’est pas un accessoire. Pour la clause pénale, il y a une incertitude, la clause pénale à une double nature : Il s’agit d’une fixation forfaitaire de DI dus en cas d’inexécution dans ce cas il s’agit d’un accessoire mais la clause pénale peut-être comminatoire, peine infligée pour inciter à l’exécution. Il ne s’agit plus d’un accessoire de la dette. En tout état, l’article 2293 du Code Civil n’est pas d’ordre public et les parties peuvent bien évidemment exclure les accessoires de la dette garantie par la caution. En outre, la loi impose de plus en plus que le cautionnement soit défini en ce sens qu’il doit être au moins limité quant à son montant. Cette limitation se fait au principal et en accessoire. C’est le cas pour le cautionnement fourni pour garantir un crédit à un consommateur, du cautionnement donné par une personne physique à un créancier professionnel et c’est aussi le cas du cautionnement solidaire d’un entrepreneur individuel.