L’obligation d’exécuter de bonne foi un contrat

La force obligatoire du contrat.

L’article 1134 du Code civil dispose : «Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi». Le texte exprime de façon énergique que le contrat est obligatoire entre les parties.

L’article 1134 du Code civil consacre trois principes : le principe de la force obligatoire du contrat, le principe de l’exécution de bonne foi du contrat, et le principe de l’irrévocabilité du contrat.

&1. L’obligation d’exécuter (alinéa 1).

A condition qu’il soit légalement formé (qu’il réponde à toutes les conditions requises pour la validité de sa formation), le contrat constitue une véritable loi particulière régissant le cercle des contractants, mais uniquement ceux-ci (les conventions n’ont d’effet qu’entre les parties contractantes ; elles ne nuisent point au tiers, et elles ne lui profitent que dans le cas prévu par l’article 1121 : article 1165 du Code civil).

Cette loi contractuelle rencontre certaines limites ; en 1er lieu, la loi peut venir ajouter des obligations à celles prévues par les parties dans le contrat, l’article 1135 dispose : « les conventions obligent non seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les suites que l’équité, l’usage ou la loi donnent à l’obligation d’après sa nature» ; en 2e lieu, le juge dispose parfois d’un pouvoir modérateur qui lui permet de modifier des dispositions contractuelles excessives ou abusives (lorsque la convention porte que celui qui manquera de l’exécuter payera une certaine somme à titre de dommages-intérêts, il ne peut être alloué à l’autre partie une somme plus forte, ni moindre. Néanmoins, le juge peut, même d’office, modérer ou augmenter la peine qui avait été convenue, si elle est manifestement excessive ou dérisoire. Toute stipulation contraire sera réputée non écrite : article 1152 du Code civil) ; en 3e lieu, en cas de procédure collective (redressement, liquidation judiciaire), les tribunaux disposent d’un certain pouvoir pour modifier les contrats en cours.

&2. L’exécution de bonne foi. (alinéa 3).

La bonne foi est une notion qui a pris une importance considérable aujourd’hui ; dans l’esprit des rédacteurs du Code napoléon, ce n’était qu’une disposition technique qui annonçait l’article 1135 du Code civil, parce qu’ils n’ont pas retenu une distinction que connaissait le droit romain entre le contrat de droit strict et le contrat de bonne foi.

Une très importante tendance de la jurisprudence rattache à l’exécution de bonne foi du contrat deux devoirs : un devoir d’honnêteté entre les contractants (obligation de loyauté), chaque partie doit s’efforcer de faciliter l’exécution des engagements de son cocontractant et doit s’interdire de la placer délibérément en mauvaise posture ; un devoir de coopération pour donner la plus grande efficacité possible aux prestations prévues par le contrat (obligation de renseignement, de conseil) de plus en plus souvent consacré par le législateur moderne (Droit des assurances : L..13 juillet 1930 ; l’article L. 113-4 du Code des Assurances impose à l’assuré d’informer l’assureur des circonstances de nature à aggraver le risque).

&3. L’irrévocabilité du contrat (alinéa 2).

A) Le principe.

Le principe de l’irrévocabilité est que la volonté unilatérale de l’un des contractants ne peut pas mettre fin au contrat. La possibilité de révoquer le contrat d’un commun accord est une simple application de l’alinéa 1er, c’est une convention nouvelle par laquelle les parties défont ce qu’elles avaient précédemment fait (mutuus dicensus).

La révocation par consentement mutuel n’opère que pour l’avenir, il serait préférable de parler de résiliation. Si le contrat a déjà été exécuté, les effets déjà produits par le contrat ne seront pas effacés. Dans le contrat de vente, il y aura un nouveau contrat translatif de propriété sans rétroactivité ; si des droits de mutation étaient dus initialement, il faudra de nouveau acquitter ces droits dans le second contrat. Des droits réels éventuellement consentis sur la chose seraient maintenus.

B) Les limites.

Elles résultent de la faculté, dans certaines hypothèses, de rompre unilatéralement le contrat, on parle de résiliation.

1°/ La faculté de résiliation unilatérale d’origine légale.

  • a) Pour le contrat à durée indéterminée.

Des textes propres à certains contrats reconnaissent cette faculté à l’une ou l’autre des parties : contrat de travail (art. L. 122-4 s du Code du Travail), société civile (Sans préjudice des droits des tiers, un associé peut se retirer totalement ou partiellement de la société, dans les conditions prévues par les statuts ou, à défaut, après autorisation donnée par une décision unanime des autres associés : article 1869 du Code civil), contrat d’assurance (art. L. 113-12s du Code des Assurances).

Mais cette faculté existe même en l’absence de tout texte, même lorsque la loi ne l’a pas expressément prévue, sans quoi les parties seraient liées pour la durée de leur vie, ce qui heurterait le principe de la liberté individuelle. Mais cette faculté n’est pas discrétionnaire, un délai de préavis doit être respecté. L’exercice de ce droit peut donner lieu à indemnisation s’il est fait brutalement.

  • b) Pour le contrat à durée déterminée.

La faculté de rompre unilatéralement le contrat pour l’avenir est exceptionnelle en matière de contrat à durée déterminée ; elle est prévue dans les contrats conclus intuitu personae, ainsi que dans les contrats dont la conclusion résultait de la confiance (contrat de mandat : article 2003s cc ; dépôt au bénéfice du déposant : article 1944 du Code civil ; bail d’habitation, au profit du locataire : article 12 de la loi du 6 juillet 1989).

Le droit de repentir peut être rapproché de ces hypothèses de résiliation unilatérale, ce droit est reconnu par le législateur à certaines catégories de contractants ; c’est la possibilité de revenir a posteriori sur l’acceptation qui a pourtant été donnée.

2°/ La faculté de résiliation unilatérale d’origine conventionnelle.

Une partie, ou chacune d’entre elles, peut se réserver dans le contrat la faculté d’y mettre un terme par sa seule volonté. Cette faculté est très souvent subordonnée au paiement par son utilisateur d’une indemnité (vente avec faculté de dédit : si la promesse de vendre a été faite avec des arrhes, chacun des contractants est maître de s’en départir, celui qui les a données en les perdant, et celui qui les a reçues en restituant le double: article 1590 du Code civil). Il n’y a pas ici de dérogation au principe d’irrévocabilité, car la résiliation unilatérale résulte ici de l’exercice d’une faculté expressément prévue au contrat.