L’obligation de bonne foi pendant les pourparlers – Arrêt manoukian

DEVOIR DE BONNE FOI DANS LA PHASE DES POURPARLERS

Le code civil ne prévoit la bonne foi que dans le cadre de l’exécution du contrat: article 1134 alinéa 3 du code civil.

Cette bonne foi dans le code civil n’est pas visée dans le stade des pourparlers.

Mais la doctrine et la jurisprudence reconnaissance l’existence d’un principe général de bonne foi, ou devoir de loyauté qui a vocation à s’appliquer tant au stade de l’exécution de la convention que préalablement, c’est à dire pendant la phase de négociation.

Ce principe de bonne foi génère un certains nombre d’obligation à respecter :

*Chaque négociateur est tenu d’un devoir de sincérité qui l’oblige à renseigner son partenaire, qui l’oblige à se renseigner sur les objectifs de ces partenaires.

*Les parties doivent faire des propositions sincères, chaque partenaire doit mener les négociations avec sérieux, en respectant les intérêts de l’autre partie.

Les parties ne doivent pas retarder inutilement les discussions.

Toutes ces obligations sont dégagées par la jurisprudence de façon à imposer une certaine loyauté qu’il faut concilier avec le principe de liberté contractuelle.

*La bonne foi et la loyauté permette également de sanctionner celui qui engage une négociation alors qu’il n’a pas l’intention véritable de contracter.

*Est sanctionné celui qui engage une négociation pour dissuader son partenaire d’entreprendre une négociation avec un tiers.

*Est sanctionné celui qui laisse trainer une négociation et qui rompt ensuite cette discussion.

La bonne foi est utilisée dans la manière de conduire les négociations mais aussi en matière de rupture des négociations.

Quelle justification invoquer pour rompre la discussion : la jurisprudence considère que la négociation peut être rompue s’il est justifié d’un motif légitime.

L’appréciation de ce motif légitime sera fonction des circonstances de l’espèce: le juge aura à tenir compte de l’ancienneté des relations de négociation.

Exemple: cour d’appel de Toulon: 10 juin 1992: « si la liberté est le principe dans le domaine des relations précontractuelles y compris la volonté de rompre a tout moment les pourparlers, il n’en est pas moins vrai que lorsque ces derniers ont atteint en durée et en intensité un degré suffisant pour faire croire légitimement a une partie que l’autre est sur le point de conclure et partant pour l’inciter a certaines dépenses la rupture est alors fautive, cause un préjudice et donne lieu a réparation ».

Cette responsabilité est alors de nature délictuelle car aucun contrat n’a été conclut.

Dans ces hypothèses, la mise en œuvre de la responsabilité délictuelle suppose donc la preuve de la mauvaise foi du négociateur qui peut être constitué par une légèreté blâmable sans forcément qu’il y ait eu d’intention de nuire de sa part.

Arrêt de la chambre commerciale de la cour de cassation 26 novembre 2003:

Société Manoukian opposait a des actionnaires d’une société.

Les parties entreprennent des pourparlers en vue d’une cession d’action et a l’issu de différentes rencontres intervient l’établissement d’un projet d’accord qui comportait plusieurs conditions suspensives et la date de réalisation avait été repoussé plusieurs fois.

La société Manoukian accepte encore les demandes de modification et propose de repousser encore la date de réalisation des conditions suspensives.

On a un nouveau projet de cession par la société Manoukian.

Quelques jours après la société apprend que les cédants viennent de consentir à un tiers une promesse de cession d’action.

La cour d’appel de paris considère que les cédants ont engagés leur responsabilité délictuelle en rompant de manière unilatérale et brutale les pourparlers alors qu’il n’avait jamais manifesté leur volonté de mettre fin à ces discussions.

Pourvoi en cassation : les cédants affirment que le principe de liberté contractuelle permet de rompre les pourparlers et indique que selon eux cette liberté n’est limité que par un éventuel abus du droit de rompre, abus qui doit correspondre a une faute caractérisée par le fait de tromper la confiance du partenaire , les cédants reprochent a la cour d’appel de ne pas avoir caractérisé cet éventuel abus.

La cour de cassation répond que la cour d’appel avait relevé que les parties étaient parvenus a un projet d’accord que donc l’acquéreur était en droit de penser que la cession pouvait avoir lieu et que les cédants avaient menés des négociations parallèles avec un tiers, qu’ils avaient conclus avec ce tiers et qu’ils n’avaient informés la société Manoukian de cette conclusion qu’une quinzaine de jours après en lui laissant croire que la discussion se poursuivait.

La cour de cassation dit que la cour d’appel a motivé sa décision.

Les cédants estime que celui qui prend l’initiative des pourparlers et qui établit une proposition d’achat soumise a une condition suspensive et qui ne fait aucune diligence pour la réalisation de cette condition ne peut reprocher a son partenaire la rupture des dites discussions.

La cour de cassation rejette ce moyen, les juges du fonds avaient constatés que le report de la date de réalisation de la condition suspensive avait été validé par les deux parties.