L’offre ou « pollicitation » en droit des contrats

La rencontre des volontés : L’offre ou la pollicitation.

Pour qu’il y ait contrat, il faut qu’au moins deux volontés se rencontrent ; l’une va nécessairement précéder l’autre, même si c’est de très peu : l’offre va précéder l’autre manifestation, l’acceptation, qui suit presque immédiatement quand le contrat se réalise dans un trait de temps. Mais l’acceptation peut se produire bien postérieurement à l’offre : les contrats par correspondances sont une variété des contrats entre absents.

L’offre ou la pollicitation c’est la déclaration unilatérale de volonté par laquelle une personne, l’offrant, le pollicitant, propose à autrui la conclusion d’un contrat déterminé à des conditions déterminées.

1°/ Les conditions de l’offre.

  • a) La déclaration de l’offre.

La volonté de l’offrant doit être déclarée, manifestée, et adressée à l’autre partie, au destinataire de l’offre. Aucune forme particulière n’est exigée, de telle sorte que l’offre peut être expresse ou tacite.

Elle est expresse par toute action accomplie en vue de porter la proposition de contracter à la connaissance d’autrui : paroles, écrits, et toute manifestation qui remplit cette condition, telle que l’apposition d’une étiquette avec un prix sur un objet exposé en vue de sa vente ; la présence d’un taxi dans une station est une offre de contracter (Civ. 1, 2 décembre 1969, B. n° 381, RTDCiv. 1970 p589, note Cornu). Elle peut être tacite par toute attitude qui, sans être spécialement observée en vue de faire connaître la volonté du contractant, présuppose néanmoins cette volonté de contracter : dans le contrat de location (bail), le fait pour le preneur de rester dans le local à l’expiration du bail manifeste son intention de rester.

Le destinataire de l’offre peut être une ou plusieurs personnes : un commerçant envoie un courrier à des clients habituels ; le destinataire peut être le public : c’est la pollicitation collective (étiquettes, envoi de catalogue ou annonces). Dans l’un et l’autre cas, l’offre se traduit par la formation du contrat dès l’instant que le destinataire de l’offre l’aura acceptée.

  • b) La précision de l’offre.

L’offre doit être suffisamment précise dès lors que la seule acceptation entraîne la formation du contrat, elle doit contenir les éléments essentiels du contrat : les éléments essentiels à la détermination de la nature du contrat (vente/prêt/location), les conditions économiques (prix) du contrat

(la vente est parfaite entre les parties, et la propriété est acquise de droit à l’acheteur à l’égard du vendeur, dès qu’on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n’ait pas encore été livrée ni le prix payé: article 1583 du Code civil).

L’envoi d’un catalogue ne constitue une offre de contracter que si les prix sont indiqués ; à défaut, l’offre sera simplement une invitation à entrer en pourparlers.

  • c) La fermeté de l’offre.

L’offre n’existe que si elle manifeste la volonté ferme de son auteur de conclure le contrat proposé. La question des réserves se pose ici : c’est une restriction apportée par le pollicitant à sa volonté de contracter, qui peut porter sur la décision même de contracter, surtout dans un contrat passé intuitu personae, ou sur la décision de contracter aux conditions prévues dans l’offre (offre de vente de marchandise en quantité limitée).

Les réserves expresses sont formulées dans l’offre même. Les réserves tacites sont les réserves d’usage ou les réserves impliquées par la nature du contrat (réserves portant sur la personne du contractant) ; par exemple dans l’offre de contrat de travail faite au public par voie d’annonce, l’offrant peut toujours refuser la personne qui aura accepté si celle-ci ne lui convient pas.

L’offre assortie de réserves, quelqu’elles soient, ne perd-elle pas ipso facto son caractère d’offre pour n’être qu’une invitation à entrer en pourparlers ? La réponse affirmative appelle des nuances : lorsque la réserve permet au pollicitant de choisir son cocontractant, l’acceptation ne suffit pas à former le contrat, ce qui est exclusif de la notion même d’offre de contracter, par conséquent l’offre au public d’un contrat conclu intuitu personae ne constitue jamais une offre de contracter dans le sens strict ; dans l’hypothèse inverse, si un commerçant offre à la vente telle marchandise jusqu’à épuisement des stocks, tant qu’il y a la marchandise proposée à la vente, l’acceptation formera le contrat, l’épuisement du stock aura seulement pour effet de limiter la portée de l’offre.

La jurisprudence a tendance à affirmer le caractère obligatoire de l’offre en encadrant strictement les offres faites avec des réserves (Civ. 3, 1er juillet 1998, D. 1999 p170, note Boin : offre publique de vente par une commune portant sur un terrain à bâtir).

2°/ Les effets de l’offre.

Si aucun délai ne s’écoule entre l’offre et l’acceptation, le contrat se forme tout de suite ; en revanche, lorsque l’acceptation ne suit pas immédiatement l’offre, l’offrant est-il tenu de maintenir son offre pendant un certain temps, engage-t-il sa responsabilité s’il la retire ?

  • a) Le principe.

Dans le droit français classique, l’offre n’engage pas son auteur, une volonté ne peut pas se lier elle-même, seul un accord de deux volontés est susceptible de générer des obligations. En conséquence, l’auteur de l’offre peut toujours la retirer tant qu’elle n’a pas été acceptée, on peut toujours faire procéder au retrait de l’offre, par un moyen plus rapide, à une personne qui ne l’a pas encore reçue.

De plus, l’offre est rendue caduque lorsque l’offrant n’a pas prévu de délai, par son décès ou son incapacité survenue avant l’acceptation (Civ. 3, 10 mai 1989, B. n° 109, D. 1990 p365, note Virassali ; D. 1991, somm. p317, observation Aubert). Quant aux héritiers du destinataire de l’offre, ils ne peuvent pas l’accepter : les droits acquis passent aux héritiers, il n’en est pas ainsi des offres qui ne sont que des expressions de volonté.

  • b) Le tempérament : l’obligation de maintenir l’offre pendant un certain délai.

Il existe une source légale : le droit de la consommation. L’article 5 de la loi Scrivener n° 78-22 sur le crédit mobilier prévoit que la remise de l’offre oblige le prêteur à maintenir les conditions pendant une durée minimum de 15 jours à compter de son émission. L’article 7 de la troisième loi Scrivener, de 1979 sur le crédit immobilier, prévoit un délai de 30 jours à compter de la réception par le consommateur de l’offre d’emprunt.

En dehors de ces cas, de manière générale, la jurisprudence a tenu compte de la nécessité d’assurer un minimum de sécurité dans les relations contractuelles, de ne pas tromper la confiance légitime de celui à qui l’offre est adressée. L’offrant peut avoir fixé, expressément ou tacitement, un délai pendant lequel il entend maintenir son offre, il est alors obligé de la maintenir jusqu’à l’expiration de ce délai (Civ. 3, 30 mai 1968, B. n° 209), sauf à être dégagé auparavant par le refus de l’offre ; l’offre devient caduque à l’expiration du délai.

L’offrant peut ne pas avoir fixé de délai, la jurisprudence considère néanmoins que l’offre doit être maintenue pendant un délai raisonnable, surtout lorsque l’offre est faite à une personne déterminée. La durée relève de l’appréciation des juges du fond, elle varie en fonction des circonstances de l’émission de l’offre, de la nature du contrat, des usages applicables au contrat lorsqu’ils existent (Soc., 22 mars 1972, D. 1972 p768 : contrat de travail) : c’est «le délai raisonnablement nécessaire et suffisant pour examiner et apprécier l’offre qui a été reçue», si le pollicitant retire son offre avant l’expiration du délai «il commet une faute de nature à engager sa responsabilité» et s’expose à une condamnation à des dommages et intérêts (Civ. 1, 17 décembre 1958, D. 1959 p33 : offre de vente d’un immeuble, l’offrant a fixé au destinataire une date pour visiter l’immeuble).

Certains arrêts, anciens et isolés, ont même admis la possibilité pour le bénéficiaire d’exiger à titre de réparation l’exécution en nature de l’offre, c’est-à-dire la conclusion du contrat si cela est encore possible (CA Paris, 5 février 1910, D. périodique 1913 II p1 ; Req., 28 janvier 1924 p128).