L’option procédurale de la victime : condition, mécanisme

La mise en œuvre de l’action civile : les conditions et le mécanisme de l’option procédurale offerte aux victime

Évoquer la mise en œuvre de l’action civile, c’est se tourner vers les parties civiles. Aux termes des articles 3 et 4 du Code de Procédure Pénale, ces parties se voient offrir une option qui consiste à porter cette action civile devant la juridiction civile ou accessoirement à l’action publique devant les juridictions répressives. On parle de l’option procédurale ouverte aux victimes.

La personne qui souhaite demander réparation du dommage causé par l’infraction possède une option qui lui permet d’agir soit devant les juridictions civiles soit devant les juridictions pénales.U ne fois que la victime s’est engagée dans une voie, elle ne peut plus se rétracter en principe et décider d’agir devant l’autre juridiction. Cette règle contenue à l’article 5 du Code de procédure pénale se traduit par la maxime Electa una via, non datur recursus ad alteram.

Source : C. Ginestet, Th. Garé, Droit pénal, Procédure pénale, Dalloz, coll. « Hypercours », 2014.

Chapitre 1. Les conditions de l’option procédurale

Pour que cette option existe, il faut un minimum de conditions. Il faut évidemment que l’action civile existe. Il faut également que l’action publique puisse encore être exercée, ceci car l’action publique est le support de l’action civile. Les conditions de l’option procédurale tiennent à l’existence de l’action civile et publique.

Section 1 : L’existence de l’action civile

Il existe une grande variété de causes d’extinction de l’action civile. Examiner cela se rapporte à examiner les cas dans lesquels l’action civile n’existe pas. L’existence de l’action civile n’est jamais subordonnée à l’existence de l’action publique. Ainsi, l’amnistie est une cause d’extinction de l’action publique mais réserve les droits des tiers.

  • 1. L’action civile non prescrite

Pour que l’option dont on parle se présente, il faut que l’action civile existe et qu’elle ne soit pas prescrite. Comment se prescrit-elle ? Pendant longtemps, elle s’est prescrite dans les mêmes délais que l’action publique. L’action publique d’une contravention se prescrivait par un an. Cela valait donc pour l’action civile, même si la victime exerçait son action civile au civil. Comment expliquer cette solidarité ? Pour éviter que le procès civil soit l’occasion de découvrir une infraction prescrite, on a du établir cette règle de solidarité.

Cette explication a priori séduisante, était aussi choquante. Elle signifiait l’instauration dedeux catégories de victimes : les victimes d’un comportement non constitutif d’une infraction qui leur permettait de demander réparation aussi longtemps que le droit civil le leur permettait, tandis que celles d’un comportement délictueux ne pouvaient plus agir après extinction de l’action publique.

En raison de la fragilité de la solidarité des prescriptions, elle a été supprimée en 1980 où l’on a opéré une désolidarisation des prescriptions. Selon l’article 10 du Code civil, l’action civile se prescrit selon les règles du Code civil. Ainsi, la victime d’un délit prescrit par trois ans, n’avait initialement que trois ans pour demander réparation. Maintenant, si la victime exerce son action civile au civil, cette action se prescrira selon les règles du droit civil (cinq ou dix ans) et non selon les règles qui gouvernent l’action publique. L’action civile exercée au pénal sera forcément l’accessoire de l’action publique.

En conséquent, désolidarisation ou pas, si la victime exerce son action civile au pénal, elle devra le faire à un moment où l’action publique n’est pas prescrite.

Par exemple, en matière d’infraction de presse, la victime ne peut obtenir réparation que pour la durée de l’action publique, qui est de trois mois. Indépendamment de ceci, l’action civile peut connaître de multiples causes d’extinction.

  • 2. L’action civile non éteinte pour une autre cause

Indépendamment de la prescription, l’action civile peut connaître des causes d’extinction. Par exemple, elle peut s’éteindre par la disparition de la créance à laquelle elle s’attache, c’est-à-dire à la suite du paiement qui a été effectué. Elle est en outre directement affectée par des causes d’extinction qui lui sont propres.

L’action civile disparaît en cas de renonciation civile. I l ne faut pas la confondre avec le désistement de l’instance pénale. Cela signifie que la victime a demandé l’action civile au pénal, mais se désiste pour l’exercer devant la juridiction civile. Cela n’est pas une cause de l’extinction de l’action civile .

L’action civile est aussi éteinte par l’effet de la chose jugée. Si c’est le cas, l’option disparaît.

Pour que l’option existe, il faut aussi vérifier l’existence de l’action publique.

Section 2 : L’existence de l’action publique

Ces causes d’extinction de l’action publique ne seront pas détaillées ici, il s’agit de voir la répercussion possible de l’extinction de l’action publique sur l’option ouverte à la partie civile. Il est évident que si la partie civile veut exercer l’action civile alors que l’action publique est éteinte, son option disparaît donc elle peut le faire seulement devant les juridictions civiles. Mais il y a parfois des exceptions.

L’ordonnance pénale est une procédure de jugement simplifiée qui est utilisable pour toutes les contraventions et certains délits. Elle a un caractère très sommaire puisque c’est une procédure qui n’est pas contradictoire. La juridiction de jugement statue uniquement en voyant le dossier. Il n’y a pas d’audience avec un débat contradictoire. N’étant pas motivée, elle n’a pas autorité de la chose jugée au civil. Lorsque cette procédure d’ordonnance pénale a été utilisée, elle n’interdit pas à la victime de citer la personne qui a été poursuivie, devant une juridiction pénale qui statuera uniquement sur l’action civile.

De la même manière, il y a un mécanisme comparable avec la composition pénale ; procédure dans laquelle le procureur de la république décide de ne pas enclencher l’action publique si l’auteur des faits, étant reconnu comme tel, accepte certaines mesures. S’il accepte ces mesures, l’action publique est éteinte. Néanmoins, la partie civile mise à l’écart de cette procédure conserve la possibilité de citer la personne visée par la composition pénale, devant une juridiction de jugement pénal qui statuera uniquement sur l’action civile.

C’est la même chose avec la procédure de comparution avec reconnaissance préalable de culpabilité : lorsque la partie civile n’a pas été présente à cette procédure, elle a la possibilité de demander réparation de l’infraction à la juridiction répressive qui statuera exclusivement sur l’action civile là encore.

Il y a un cas particulier, qui est celui où la partie civile exerce l’action civile au pénal et l’action publique existe toujours mais voilà que, dans le cours de la procédure, l’action publique est éteinte. Qu’advient-il alors de l’action civile ? P.ex, l’action publique est exercée contre une personne et voilà que devant la juridiction de jugement, la personne poursuivie décède. La jurisprudence considère que la juridiction répressive reste saisie de l’action civile.

Chapitre 2. Le mécanisme de l’option procédurale

Cette option procédurale est placée sous le signe de la liberté. La partie civile est libre de porter son action civile au pénal ou au civil. Cette liberté a une contrepartie : si le choix est libre, une fois effectué, il est irrévocable.

Section 1 : La liberté du choix

En vertu de cette liberté, la partie civile décide comme elle l’entend de porter son action civile au civil ou au pénal. En réalité, ce principe est intéressant uniquement quant à ses exceptions. Par exemple, il arrive que parfois, la partie civile ait une voie imposée. Tantôt elle doit agir au civil, tantôt elle doit agir au pénal.

  • 1. L’action civile au civil

Il arrive que la partie civile n’ait pas d’autre possibilité que d’agir devant une juridiction civile. Cela arrive lorsque la juridiction pénale est exclusivement compétente sur l’action publique. Il existe en effet des juridictions qui ne peuvent connaître que de l’action publique. Ce sont des juridictions d’exceptions comme la Cour de justice de la République qui ne connaît que de l’action publique quand à la responsabilité des ministres et secrétaires d’État.

  • 2. L’action civile au pénal

Il arrive parfois que la partie civile ait l’obligation d’exercer l’action civile au pénal. Cela concerne les cas de diffamation et en matière de presse notamment, où la victime ne peut demander réparation que devant la juridiction répressive. C’est le cas si un élu est diffamé en raison de son mandat électif.

Section 2 : L’irrévocabilité du choix

Cette irrévocabilité se comprend aisément. La victime ne peut plus se raviser une fois le choix effectué. Cette irrévocabilité subit des entorses parfois à l’initiative du législateur ou de la jurisprudence. Le législateur est loin d’accorder à ce principe une valeur intangible. Il lui a donné une formulation unilatérale. Ce qui est interdit par l’article 5 du Code de Procédure Pénale est le fait pour une partie d’opter pour une juridiction civile puis se raviser vers la juridiction répressive. Et encore, c’est interdit sous certaines conditions. Ce passage est possible si la juridiction saisie était incompétente.

(« La partie qui a exercé son action devant la juridiction civile compétente ne peut la porter devant la juridiction répressive. Il n’en est autrement que si celle-ci a été saisie par le ministère public avant qu’un jugement sur le fond ait été rendu par la juridiction civile. »)

On a aussi une limite qui tend au fait que, si le ministère public déclenche des poursuites après que la victime ait agi au civil, la partie civile peut se raviser et se joindre à l’action publique. Le passage inverse est donc possible.

C’est ainsi que le Code de Procédure Pénale autorise une partie civile à se désister de son action civile au pénal . À cela s’ajoute que, quel qu’ait été le choix de la partie civile, cela ne lui interdit pas d’agir en référé devant un juge auquel cette partie civile a la possibilité de demander de prendre des mesures provisoires relatives à l’infraction dès lors que les droits de la partie civile ne sont pas contestables.

La jurisprudence a encore amenuisé le caractère irrévocable du choix. Elle a considéré que le choix n’était pas irrévocable lorsqu’il était dû à une erreur de la partie civile. Il se peut que la partie civile ne sache pas qu’il y ait infraction et qu’elle aille devant le civil. Il lui est alors permis de se tourner vers le prétoire pénal. Cette règle d’irrévocabilité du choix ne serait pas d’ordre public selon la jurisprudence, donc ce sont les parties qui doivent s’en plaindre, et seulement au tout début du procès.

La jurisprudence considère enfin que la règle de l’irrévocabilité du choix suppose que l’action que la partie civile exerce au civil et qu’elle voudrait exercer au pénal, soit exactement la même, en vertu de la règle «una via electa». Si ces deux actions sont différentes, la règle ne s’applique plus.

Par exemple : la victime d’une escroquerie, en application de la jurisprudence, peut introduire deux actions. Au pénal, elle peut demander réparation du préjudice. Au civil, elle peut demander la nullité du contrat que lui a arraché l’escroc.