L’organisation de l’Europe au lendemain de la seconde guerre mondiale

L’organisation de l’Europe au lendemain de la seconde guerre mondiale

 Cette volonté de construire l’Europe à la suite de la seconde guerre mondiale vient de la nécessité de s’organiser et de s’unir, avec l’instauration progressive de la terreur de la guerre froide.

Par la suite, se mettent en places diverses institutions européennes dans différents domaines. Elles sont toutes internationales et ont ainsi des caractéristiques communes. Mais il existe une différence fondamentale entre elles, selon qu’elles sont dites d’intégration ou de coopération. Or à la fin de la seconde guerre mondiale, toutes les tensions entre les pro-européens se sont cristallisées autour de ces deux notions.

  • 1. Les caractéristiques communes des organisations européennes apparues au lendemain de la seconde guerre mondiale

 D’une manière générale, les institutions européennes peuvent être définies comme « des organes et structures mises en place par les Etats du continent européen en vue de réaliser des objectifs d’intérêt commun ». Autrement dit, ses institutions sont des organisations internationales, et sont donc dotées de la personnalité juridique internationale ainsi que d’organes permanents.

 Composition des organisations internationales :

Comme toute organisation internationale, les organisations européennes sont formées de sujets de droit international qui acquièrent la qualité de membre. Les sujets de droit international sont les Etats et les organisations internationales (il n’y a que ces deux là). À ce titre, les organisations internationales ne peuvent être composées que d’États ou d’autres organisations internationales.

Une organisation internationale est créée par ses membres fondateurs qui concluent à cette fin apprêtée. Pour organisations internationales, ce traité est appelé acte constitutif de l’organisation internationale. Il définit la compétence, la structure, et le fonctionnement de l’organisation. Une fois que ce traité est rédigé et signé, il doit être ratifié par chacun des Etats membres. Tant qu’il n’est pas ratifié, l’organisation ne peut être créée.

 Compétence des organisations internationales :

Les organisations internationales sont gouvernées par le principe de spécialité. C’est-à-dire qu’elles n’exercent leur activité que dans le cadre des compétences qui leurs sont attribuées par des traités fondateurs.

Ces organisations peuvent aussi exercer des compétences implicites, c’est-à-dire des compétences qui, sans être explicitement prévues par le traité fondateur, s’avèrent être nécessaires pour réaliser les objectifs assignés à cette organisation.

 Capacité juridique internationale :

Dès l’instant où elles sont créées, les organisations internationales acquièrent une personnalité juridique internationale propre, qui fait d’elles des sujets de droit international distincts des membres qui les composent. De cette capacité de sujet découlent des droits (elles ont le droit de conclure des traités dans la parenthèse et des obligations (elles doivent engager leur responsabilité internationale).

La structure institutionnelle est définie dans le traité constitutif qui décrit les organes principaux des institutions, leur composition, leurs pouvoirs, ainsi que les différents types d’actes qui pourront être adoptés, ainsi que la force juridique qui y sera attachée.

 En règle générale, on trouve toujours un organe interne gouvernemental, composé des représentants des Etats membres, auxquels il confie l’essentiel du pouvoir de décision.

Autour de cette instance centrale gravitent divers organes dont les pouvoirs sont le plus souvent consultatifs. Parmi ces instances, on retrouve une assemblée représentant les Etats membres.

Il arrive qu’il y ait un conseil économique et social.

Il y a aussi un secrétariat, qui est chargé de la gestion courante. Il est dirigé par un secrétaire général, habilité à représenter l’organisation à l’extérieur.

  • 2. La cristallisation des tensions autour de deux grandes conceptions de l’Europe : intégration ou coopération

 Si la nécessité de construire l’Europe est apparue comme un moyen d’unification de l’Europe, la forme que cette unification devait revêtir a posé plusieurs problèmes : intégration ou coopération ?

Lors du congrès de La Haye en 1948, les partisans et adversaires de l’intégration et de la coopération se sont affrontés.

  1. Le congrès de La Haye de 1948

 Il a eu lieu du 7 au 10 mai 1948. Lors de ce congrès, les différents mouvements pour l’unification européenne se sont donnés rendez-vous à La Haye, où 17 pays européens étaient représentés. Y ont participé de grandes personnalités comme Léon Blum, Jean Monnet, François Mitterrand pour la France, Winston Churchill pour l’Angleterre, Spinelli pour l’Italie, ou encore Adenauer pour l’Allemagne. Pendant toute la durée du congrès, les délégués du congrès vont se diviser en deux grands courants, ayant des visions bien différentes de l’avenir de l’Europe : fédéralistes et confédéralistes.

 Le courant fédéraliste, qui existe toujours aujourd’hui, constitue une force de pensée vive et opérationnelle dans les débats sur l’avenir de l’Europe. Il défend l’idée d’une fédération des peuples européens qui remplaceraient les états nationaux. L’idée est que ces Etats nationaux, en raison de leur égoïsme et de leur visée hégémonique, ont amené la guerre à différentes reprises. L’Europe ayant été entraînée dans de grandes guerres mondiales, l’objectif était d’en éviter une troisième. L’organe moteur serait le peuple européen qui devrait élire un congrès constituant doté de pouvoirs politiques souverains qui remplaceraient à terme le pouvoir des Etats nationaux.

Parmi les défenseurs du courant fédéraliste, on retrouve Léon Blum (France), Spinelli (Italie), Raymond Aron, De Rougemet, …

 Le courant confédéraliste propose que les Etats européens instaurent des formes de coopération intergouvernementale dont le contenu et le rayon d’action seront décidés au cas par cas par les Etats membres de la confédération. On ne peut observer aucune cession de pouvoirs à la confédération. Parmi les défenseurs de ce courant, on retrouve Winston Churchill pour l’Angleterre, ou le général De Gaulle pour la France.

 La résolution finale adoptée lors du congrès ne suit aucun des deux courants de pensée. Elle se contente tout juste de proposer la création d’une assemblée européenne à convoquer immédiatement, ouverte à tous les pays démocratiques européens et élus par les parlements qui participeront. Ce congrès a permis de mettre en avant deux visions antagonistes de l’Europe.

  1. L’incidence de la conception retenue sur les pouvoirs de l’organisation

 Ainsi que le laissait entrevoir le congrès de La Haye, les courants fédéraliste et confédéraliste privilégient deux stratégies différentes : intégration et coopération.

 La coopération : elle tend à rapprocher et coordonner les politiques menées par les Etats dans le respect de leurs souverainetés respectives. Autrement dit, elle repose sur des mécanismes de concertation intergouvernementale diplomatique dans un rapport d’État à État, ayant pour caractéristique majeure de conserver la souveraineté des Etats. La conséquence de ce choix est que les organes principaux de l’organisation créée sont composés de représentants des Etats membres, tandis que les actes adoptés n’ont généralement pas d’effet juridique obligatoire. Et lorsqu’ils le sont, ils doivent être en principe acceptés par tous. Cela signifie que dans le cadre de la coopération, on reste dans le système de l’unanimité.

Lorsque cette organisation est mise en place, les Etats membres gardent la maîtrise du fonctionnement et de l’évolution de l’organisation. Cela est particulièrement vrai dans le domaine financier dans la mesure où le budget de l’organisation est financé par les contributions nationales décidées annuellement.

 L’intégration : elle correspond au modèle fédéral. Cette stratégie vise à réaliser l’union économique et politique de l’Europe en transférant certaines compétences relevant de la souveraineté nationale à des instances supranationales. Ce transfert de compétence entraîne plusieurs conséquences :

            – la structure de l’organisation comprend des organes indépendants des gouvernements des Etats membres dont certains disposent de pouvoirs normatifs (possibilité de prendre des actes juridiques, des normes de droit).

            – certaines décisions sont adoptées par l’organe intergouvernemental à la majorité, c’est-à-dire, malgré une opposition de certains (ce qui constitue une opposition à la souveraineté de ces derniers).

            – les normes adoptées sont directement applicables dans l’ordre juridique des Etats membres sans nécessité de mesures nationales de réception, et surtout, elles peuvent créer au bénéfice des particuliers des droits qui pourront être invoqués devant les juridictions nationales.

Mais en raison des intérêts nationaux en jeu, l’intégration suscite des réticences. L’histoire des communautés européennes reflète cette opposition entre les visions confédéraliste et fédéraliste. Cependant l’Union Européenne est la seule organisation européenne à être bâtie sur le modèle d’intégration car toutes les autres sont organisées sur le modèle de la coopération. Il en résulte une césure très nette dans les pouvoirs de ces organisations.

Bilan :l’Europe de la coopération après la seconde guerre mondiale

  En 1945, l’Europe qui a subi trois guerres en 70 ans, est toujours dévastée et divisée.

Les États-Unis, dont la générosité n’est pas parvenue à redresser les économies européennes, n’entendent pas poursuivre leurs tentatives bilatérales de sauvetage. C’est eux qui vont inciter les Etats de l’Europe à s’unifier. Ils sont d’accord pour payer mais à condition d’avoir un seul interlocuteur : une organisation.

La coopération européenne va se développer en trois étapes et sur trois plans différents puisqu’elle va se développer au niveau économique, avec le plan Marshall puis la naissance de l’organisation européenne de coopération économique (OECE) ; au niveau politique et parlementaire, avec le conseil de l’Europe ; et au niveau militaire et diplomatique avec le pacte de Bruxelles et le pacte atlantique.

Isa Germain

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