L’origine et la naissance de la Cinquième République

La nécessaire adaptation des règles constitutionnelles aux exigences de l’État moderne : la naissance de la 5ème République

Le discours du 4 septembre 1958 de Charles de Gaulle marque un moment décisif de l’histoire politique française. Ce jour-là, place de la République à Paris, De Gaulle plaide pour l’adoption de la Constitution de la Ve République. Son discours, structuré en deux temps, inscrit le projet de réforme dans la continuité historique tout en posant les bases d’un État modernisé.

Points-clés du discours de De Gaulle :

  • Attachement au patrimoine républicain français : De Gaulle rassure les citoyens en soulignant la continuité républicaine et en garantissant que le nouveau régime ne rompra pas avec les idéaux républicains de liberté et d’égalité.
  • Modernisation de l’État : En tirant les leçons des instabilités de la IIIe et IVe Républiques, De Gaulle souligne la nécessité d’un exécutif fort, capable d’agir dans un contexte politique mondial en mutation.

La Ve République se distingue alors par son volonté d’équilibre : le régime doit tirer les leçons de l’histoire et des échecs de l’après-guerre (1946-1958), tout en intégrant les défis contemporains. La France entre dans une ère de réformes qui visent à concilier l’efficacité de l’exécutif avec la représentativité du Parlement.

 

I – Le tournant « politico-économique » de 1945

Le contexte de après-guerre

Avec la montée de l’instabilité sous la IVe République et l’échec du modèle parlementaire traditionnel, la réforme constitutionnelle apparaît nécessaire pour aligner l’organisation politique sur les exigences de l’État moderne :

  1. Rejet du parlementarisme classique
    De Gaulle, dès son discours de Bayeux en 1946, avait identifié la nécessité de doter la France d’un exécutif fort, capable de faire face aux crises. La Ve République répond à cet impératif en créant un système présidentiel-parlementaire où l’exécutif est renforcé, réduisant ainsi les risques d’instabilité ministérielle.

  2. Modernisation des institutions pour une France souveraine en Europe
    Avec le Traité de Rome (1957) et la création de la CEE, De Gaulle comprend que la France doit être forte pour dialoguer avec ses partenaires européens et promouvoir ses intérêts. La réforme institutionnelle devient ainsi aussi une question de souveraineté nationale dans un cadre européen émergent.

  3. Stabilité et efficacité de l’action publique
    La réforme institutionnelle vise à créer un équilibre entre le Parlement et l’exécutif, afin d’éviter les blocages et d’assurer une gouvernance efficace et cohérente, capable de faire face aux crises intérieures et extérieures.

La modernisation constitutionnelle : vers la Ve République

Avec la montée de l’instabilité sous la IVe République et l’échec du modèle parlementaire traditionnel, la réforme constitutionnelle apparaît nécessaire pour aligner l’organisation politique sur les exigences de l’État moderne :

  1. Rejet du parlementarisme classique
    De Gaulle, dès son discours de Bayeux en 1946, avait identifié la nécessité de doter la France d’un exécutif fort, capable de faire face aux crises. La Ve République répond à cet impératif en créant un système présidentiel-parlementaire où l’exécutif est renforcé, réduisant ainsi les risques d’instabilité ministérielle.

  2. Modernisation des institutions pour une France souveraine en Europe
    Avec le Traité de Rome (1957) et la création de la CEE, De Gaulle comprend que la France doit être forte pour dialoguer avec ses partenaires européens et promouvoir ses intérêts. La réforme institutionnelle devient ainsi aussi une question de souveraineté nationale dans un cadre européen émergent.

  3. Stabilité et efficacité de l’action publique
    La réforme institutionnelle vise à créer un équilibre entre le Parlement et l’exécutif, afin d’éviter les blocages et d’assurer une gouvernance efficace et cohérente, capable de faire face aux crises intérieures et extérieures.

II – Le discours de Bayeux (1946), comme pré constitution de la Ve

La conception de la Ve République repose avant tout sur les principes formulés par le général Charles de Gaulle, qui aspirait à un État stable et fort. Ce modèle de gouvernance s’inspire directement de sa vision de l’État et de la nécessaire restructuration institutionnelle de la France, secouée par l’instabilité de l’entre-deux-guerres et de la IVe République. Son discours de Bayeux, prononcé en juin 1946, constitue le premier jalon de cette orientation politique, bien avant la rédaction de la Constitution de 1958, en établissant les bases d’une conception innovante des institutions françaises.

A. Le contexte du discours et principes directeurs

Après l’échec du premier référendum en 1946 sur un projet de Constitution porté par l’Assemblée constituante, le général de Gaulle s’oppose publiquement à ce texte. Dans son discours de Bayeux, il formule une critique des institutions proposées, considérant que celles-ci manquent d’une réelle capacité à assurer la stabilité gouvernementale et le pouvoir exécutif fort qu’il juge indispensable. Il propose alors un modèle alternatif, en contraste marqué avec le projet de la Constituante, qui débouchera néanmoins sur la Constitution de la IVe République. Ce régime, mis en place dès octobre 1946, est rapidement marqué par une instabilité ministérielle qui conforte de Gaulle dans sa conviction de la nécessité d’une profonde réforme institutionnelle.

Les principes directeurs : une inspiration pour 1958

C’est seulement en 1958, avec le retour de de Gaulle au pouvoir, que ses idées sur le pouvoir exécutif et la place du Président seront inscrites dans la Constitution de la Ve République. De Gaulle prévoyait un exécutif renforcé où le Président de la République occuperait un rôle central, doté de compétences plus étendues pour garantir la stabilité du pays. Toutefois, certains compromis seront intégrés dans le texte final, notamment en ce qui concerne le Sénat. De Gaulle, sceptique quant à l’utilité d’une seconde chambre législative, propose un modèle monocaméral ou au moins une chambre haute réduite dans ses pouvoirs. Malgré ce point de divergence, le Sénat est maintenu, bien qu’avec des attributions moins étendues que sous la IIIe République.

Une pensée politique ancrée dans la continuité républicaine

Dans son discours de Bayeux, de Gaulle ne propose pas seulement un plan constitutionnel novateur ; il cherche à le légitimer et à le contextualiser dans le patrimoine politique français. En effet, de Gaulle insiste sur le respect des valeurs républicaines, assurant ainsi une continuité démocratique qui ne rompt pas avec le passé républicain du pays. Le modèle proposé accorde une grande importance au rôle de chef de l’État, mais il veille également à préserver les institutions républicaines et le suffrage universel, marquant ainsi une rupture avec le parlementarisme exacerbé de la IVe République tout en restant attaché aux principes démocratiques.

Un projet qui dépasse la simple réforme institutionnelle

En réaffirmant le rôle du Président, de Gaulle entend faire de cette fonction un pivot central de l’autorité politique en France, capable d’incarner l’État, tout en étant au-dessus des querelles partisanes. Le discours de Bayeux cherche ainsi à rétablir une relation de confiance entre le peuple français et son gouvernement, dans un contexte où le régime parlementaire de la IVe République était perçu comme fragile et inadapté aux enjeux de l’époque. Pour de Gaulle, le chef de l’État doit posséder une autorité indiscutable tout en étant légitimé par des principes démocratiques, incarnant à la fois l’unité et la continuité de la nation.

Le discours de Bayeux, préfiguration d’une nouvelle ère institutionnelle

En somme, le discours de Bayeux de 1946 constitue une prémisse essentielle à la rédaction de la Constitution de 1958. Si d’autres courants ont également influencé le texte final de la Constitution, le discours de Bayeux reste un pilier de la pensée constitutionnelle de la Ve République.


B. La légitimation, par De Gaulle, du schéma institutionnel qu’il propose

1. Une légitimation enracinée dans l’histoire nationale

Dans son discours de Bayeux, le général De Gaulle établit la légitimité de sa vision des institutions en s’appuyant sur l’histoire récente de la France, et particulièrement sur les événements de la Seconde Guerre mondiale et le régime de Vichy. Ce dernier, selon lui, incarne l’absence de légitimité du pouvoir en ayant accepté l’armistice avec l’ennemi et en compromettant ainsi l’intégrité nationale.

  • Le régime de Vichy est devenu illégitime, non par son origine, mais par son manque d’alignement avec l’intérêt supérieur du pays.
  • De Gaulle propose une double conception de la légitimité :
    • celle des institutions elles-mêmes,
    • et celle des acteurs politiques qui incarnent et servent ces institutions.

Pour De Gaulle, la légitimité repose sur les actions orientées vers la défense de la souveraineté et de l’intégrité de la nation. Cette vision se reflète dans l’article 5, alinéa 2 de la Constitution de 1958, conférant au Président un rôle d’arbitre supérieur, chargé de garantir l’intérêt supérieur de la nation.

2. Une prise en compte du “tempérament national”

De Gaulle cherche à adapter ses propositions aux particularités de la culture politique française, caractérisée par un multipartisme exacerbé qui a rendu les IIIe et IVe Républiques instables. Ce pluralisme empêche, selon lui, la formation de majorités stables et nuit à l’efficacité de l’État. Il propose ainsi un renforcement du rôle du Président de la République comme autorité au-dessus des rivalités politiques, pour garantir la stabilité de l’État.

  • Multiplicité des partis : source d’instabilité et d’inefficacité.
  • Président comme figure supérieure : une institution au-dessus des partis pour maintenir l’unité.

En cela, De Gaulle s’inscrit dans une tradition républicaine en adaptant le rôle présidentiel à la réalité politique française sans rompre avec les valeurs de la République et de la démocratie.


C. Un schéma original mais dans la continuité démocratique

Le modèle institutionnel de De Gaulle pour la Ve République se distingue par son originalité, mais reste ancré dans une logique de continuité républicaine, en respectant les valeurs démocratiques tout en innovant.

1. La continuité des principes démocratiques

La Ve République conserve les principes démocratiques majeurs, notamment la participation citoyenne et la limitation du pouvoir. Ces notions sont centrales dans la vision de De Gaulle et se traduisent par l’usage de l’élection et du référendum comme outils de consultation directe des citoyens, ainsi que par le maintien de la séparation des pouvoirs.

  • Participation citoyenne : importance des élections et du référendum.
  • Fait majoritaire : l’existence d’une majorité stable qui soutient le Président facilite la présidentialisation du régime.

Sous ce régime, le Président, soutenu par une majorité parlementaire, peut exercer un rôle actif en orientant les actions de l’État, ce qui renforce sa position au sein des institutions.

2. Une discontinuité dans la conception du pouvoir exécutif

L’innovation principale réside dans le renforcement du pouvoir exécutif. De Gaulle imagine un exécutif bicéphale où le Président et le gouvernement jouent des rôles complémentaires mais distincts.

  • Président comme arbitre national : selon l’article 5 de la Constitution de 1958, le Président incarne la « clé de voûte » des institutions et assure la stabilité et l’unité de la nation.
  • Bicéphalisme exécutif : le Président est le représentant de la nation, tandis que le gouvernement, dirigé par le Premier ministre, bénéficie d’une majorité parlementaire.

De Gaulle conçoit aussi le modèle institutionnel en prévoyant deux types de périodes de fonctionnement : la période normale, où le Président et le gouvernement travaillent en harmonie, et la période de cohabitation, dans laquelle le Président cohabite avec un gouvernement de majorité opposée.

Ce modèle confère à la Ve République une capacité d’adaptation à des situations politiques variées, tout en assurant une stabilité et une continuité démocratique qui répondent aux spécificités de la culture politique française.

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