L’utilisation du domaine public
Le domaine public peut être utilisé soit par l’administration elle-même, soit par les usagers.
- Quand c’est l’administration qui utilise le domaine public, c’est quand elle y affecte un service public, soit pour que celui-ci soit utilisé directement par les usagers, soit pour y faire des bureaux pour y placer son personnel.
- Il peut aussi être utilisé par les usagers, et dans ce cas, il faut distinguer l’utilisation collective de l’utilisation privative.
Première section : l’utilisation collective du domaine public par le public
L’utilisation collective du domaine public correspond à une utilisation anonyme et par l’ensemble de tous du domaine public. Elle est gouvernée par deux principes très importants :
- le principe de la liberté d’utilisation, qui signifie que l’utilisation collective n’a pas besoin d’une autorisation préalable ;
- le principe de gratuité.
Cela étant, ces deux principes peuvent légalement faire l’objet d’un aménagement. Peut-on totalement affirmer que la voirie publique fait l’objet d’une utilisation collective ? Est-elle totalement libre d’autorisation ? Non, car il peut y avoir une règlementation du stationnement. Est-elle totalement gratuite ? Non, car elle peut faire l’objet de droits de stationnement.
- Droit administratif des biens
- Les dommages de travaux publics
- L’ouvrage public : définition, critères, intangibilité
- La notion de travaux publics
- La phase judiciaire de l’expropriation
- L’arrêté de cessibilité
- L’acte déclaratif d’utilité publique
Deuxième section : l’utilisation privative du domaine public par le public
L’utilisation privative correspond à l’utilisation du domaine public par un usager identifié. Il n’y a pas de liberté d’usage privatif du domaine public, ce qui signifie qu’à contrario, pour toute utilisation privative, il faut une autorisation préalable ; par ailleurs, il y a le principe de non-gratuité privative, ce qui signifie que pour toute utilisation privative, il faut payer une redevance.
II – Les simples occupations privatives du domaine public
A) La forme de l’autorisation d’occupation du domaine public
L’article L.2122 du Code général de la propriété des personnes publiques rappelle l’obligation d‘avoir un titre pour toute utilisation privative du domaine, et notamment, il ne peut pas y avoir d’autorisation tacite à occuper le domaine public. Ce titre peut prendre deux formes :
- soit celle d’une autorisation unilatérale à occuper le domaine public ; généralement, elle peut prendre deux formes :
- soit celle d’une permission de voirie lorsque l’occupation se fait avec emprise au sol (ex : un poste de distribution d’essence) ; elle ne peut être délivrée que par la personne publique propriétaire du domaine ;
- soit celle d’un permis de stationnement qui est délivré lorsque l’occupation ne suppose pas une emprise au sol (ex : terrasse d’un café) ; il peut être délivré par l’autorité de Police ;
- soit celle d’un contrat, et dans ce cas, on parle soit de concession de voirie, soit de convention domaniale. Ce contrat est nécessairement un contrat administratif.
Qu’il s’agisse d’une autorisation unilatérale ou contractuelle, seul le juge administratif est compétent selon l’article L.2331-1 du Code général de la propriété des personnes publiques.
Les autorisations d’occuper le domaine public ont un caractère strictement personnel et, de ce fait, elles ne peuvent en principe être cédées. C’est l’arrêt du Conseil d’Etat du 31 juillet 2009 Société de loisirs Jonathan.
B) L’octroi de l’autorisation
- Le pouvoir discrétionnaire de l’administration dans l’octroi de l’autorisation
L’administration a une totale liberté d’appréciation pour décider ou refuser l’octroi d’une autorisation d’occuper le domaine public. Autrement dit, la personne privée n’a aucun droit à l’obtention d’une autorisation d’occuper le domaine public : c’est l’arrêt du Conseil d’Etat du 5 novembre 1937 Société industrielle des schistes et dérivés.
Néanmoins, l’administration devra quand même motiver son refus d’accorder un titre : c’est l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Bordeaux du 27 octobre 2009 France Telecom.
- La question de la mise en concurrence des autorisations d’occuper le domaine public
Il y a certains contrats passés par des personnes publiques qu’elles ne peuvent librement attribuer et pour lesquels elles doivent organiser une publicité préalable et une mise en concurrence pour pouvoir choisir leur cocontractant. C’est le cas notamment des marchés publics et des délégations de service public.
L’objectif de ce type de procédures est de protéger les deniers publics, mais aussi de préserver la concurrence entre les entreprises.
Pour attribuer un contrat d’occupation du domaine public, la personne publique doit-elle organiser une mise en concurrence préalable, ou au contraire, peut-elle attribuer le contrat librement à la personne de son choix ? Le Code général de la propriété des personnes publiques n’impose aucunement une telle procédure.
Au niveau communautaire, la directive du 31 mars 2004 qui fixe les règles applicables en matière de publicité et de mise en concurrence ne vise pas les contrats d’occupation du domaine public.
Une telle obligation n’existe donc pas selon ces deux sources textuelles.
Des juges sont allés au delà des textes :
- le Conseil de la concurrence (maintenant Autorité de la concurrence) a pris une telle position dans un avis du 21 octobre 2004 par rapport à la distribution de journaux gratuits dans les rues ; étant sur la voirie, l’entreprise doit avoir une autorisation d’utilisation du domaine public ; la commune peut-elle choisir librement l’entreprise de presse qui bénéficiera de cette autorisation ? Le Conseil de la concurrence a considéré qu’il fallait respecter le principe communautaire de transparence, lequel impose une publicité préalable avant l’attribution du contrat ;
- le Conseil d’Etat, pour l’instant, s’en tient au fait que le Code général de la propriété des personnes publiques n’impose pas une telle obligation, mais deux tribunaux administratifs ont franchi le pas et imposé une publicité préalable et une mise en concurrence avant l’attribution de ces contrats :
■ le tribunal administratif de Nîmes, dans un jugement du 24 janvier 2008 Société des trains Eisenreich, a été le premier à retenir une solution positive en la matière à propos de l’exploitation de trains touristiques ;
■ le tribunal administratif de Versailles a retenu une telle procédure pour un bail emphytéotique administratif dans un jugement du 5 janvier 2010 Guyart.
Aujourd’hui, les collectivités ont pris conscience de ce droit et respectent d’elles-mêmes une telle procédure avant d’attribuer leurs contrats. Le Code général de la propriété des personnes publiques ne va-t-il pas finalement être modifié en ce sens ? C’est très probable.
Conseils bibliographiques
- Dreyfus, La soumission des conventions d’occupation du domaine public aux règles du traité de Rome, note sur l’arrêt du TA de Nîmes du 24 janvier 2008 , AJDA 2008, p.2172
- Sorin, Règles de concurrence appliquées aux baux emphytéotiques administratifs, note sur l’arrêt du TA de Versailles du 5 janvier 2010, AJDA 2010, p. 1196
C) Le paiement d’une redevance
L’occupant privatif doit obligatoirement payer une redevance pour occupation du domaine public. Il n’y a que trois dérogations prévues par le Code général de la propriété des personnes publiques lui-même :
- dans l’hypothèse où l’utilisation est la condition forcée d’exécution de travaux ou d’un ouvrage ;
- si l’utilisation contribue directement à assurer la conservation du domaine public lui-même ;
- pour les associations à but non lucratif qui concourent à la satisfaction d’un intérêt général (stands Croix rouge sur le domaine public).
Comment évalue-t-on le montant de la redevance ? Elle doit tenir compte des avantages de toute nature procurés au titulaire de l’autorisation. Elle va évidemment compter la valeur locative du bien, mais également le chiffre d’affaires et les bénéfices escomptés.
L’Etat est un propriétaire comme un autre : le propriétaire privé doit tenir compte de la valeur locative du marché, mais aussi de certaines spécificités qui permettent au locataire d’en tirer certains avantages ; il va donc faire de même car il a une obligation de bonne exploitation et de valorisation de ses biens. Il ne serait pas normal que l’Etat se contente de la seule valeur locative du marché alors qu’il pourrait en obtenir bien plus. Cette sous-location serait une forme de cession à vil-prix.
D) La situation précaire de l’occupant privatif
L’occupant privatif n’a aucun droit au renouvellement de son titre ; ce titre peut lui être retiré à tout moment pour tout motif d’intérêt général.
En revanche, une résiliation ou un retrait motivé uniquement par un motif budgétaire est illégal selon un arrêt de la Cour administrative d’appel de Paris du 2 avril 2009 Véolia Eau.
II – Les autorisations d’occuper le domaine public constitutives de droits réels
Conseils bibliographiques
- Gaudemet, Les droits réels sur le domaine public, AJDA 2006, p.1094
Le risque est que les investisseurs privés ne puissent pas venir sur le domaine public car ils n’ont aucune garantie à présenter aux banques. C’est pour cette raison qu’il est apparu nécessaire d’instituer des titres d’occupation du domaine public qui soient constitutifs de droits réels pour l’occupant : l’occupant disposera d’un droit réel pendant la durée de son contrat sur la dépendance et sur les ouvrages construits, ce qui lui permettra de pouvoir constituer des garanties sur ces biens (c’est l’hypothèse type du prêt hypothécaire).
Le législateur a agi de façon désordonnée en créant, au gré des besoins, des dispositifs attributifs de droits réels. Le système actuel n’est pas du tout satisfaisant car trop de titres constitutifs de droits réels ont été créés, pour lesquels les lois souvent se contredisent, qui aboutissent à une non-utilisation de ces techniques par les collectivités.
A) Les droits réels sur le domaine public des collectivités territoriales
Il y a deux types de mécanismes :
- la loi du 5 janvier 1988 permet aux collectivités de conclure un bail emphytéotique administratif sur leur domaine public ; cela porte sur toutes les dépendances du domaine public, sauf la voirie ; la durée de ce bail doit être comprise entre dix-huit et quatre-vingt-dix-neuf ans ; il ne peut être accordé que si la société assure une mission de service public ou une activité d’intérêt général en rapport avec les compétences de la collectivité ;
- l’ordonnance du 21 avril 2006 instituant le Code général de la propriété des personnes publiques permet aux collectivités de prévoir une autorisation d’occuper le domaine public constitutive de droits réels ; elle ne peut être accordée que pour l’exercice d’une mission de service public ou d’intérêt général ; en revanche, cela concerne tout le domaine public artificiel, y compris la voirie, mais pas le domaine public naturel ; le législateur a ici calqué le dispositif existant pour l’Etat.
Les collectivités ont donc le choix entre deux mécanismes très proches mais pour lesquels le champ territorial n’a rien à voir.
B) Les droits réels sur le domaine public de l’Etat
Il y a trois mécanismes :
- la loi du 25 juillet 1994 permet à l’Etat d’accorder des autorisations constitutives de droits réels sur son domaine public ; tout le domaine public artificiel, y compris la voirie, est concerné, mais pas le domaine public naturel ; il n’y a aucune limitation de durée ; il n’y a aucune condition liée à l’activité de l’occupant.
- Cette différence sur la question de l’activité exploitée par l’occupant s’explique par une méfiance de l’Etat envers les collectivités car le législateur a eu peur que celles-ci laissent massivement s’implanter des entreprises privées sur le domaine public, alors que pour l’Etat, on n’a pas fait les mêmes réserves ;
- la loi du 17 février 2009 qui permet à l’Etat d’instituer un bail emphytéotique administratif pour réaliser des opérations de logement social ;
- la loi du 25 juillet 2010 qui permet à l’Etat d’instituer un bail emphytéotique administratif pour le domaine public des chambres consulaires, c’est-à-dire des chambres de commerce et d’industrie ; elle créé une nouvelle disposition et une nouvelle partie dans le code sur la valorisation du domaine.
À l’évidence, les collectivités et l’Etat ont besoin de ces titres ; mais aujourd’hui, il serait nécessaire de simplifier tous ces titres pour en faire une seule et unique formule.