La cause réelle et sérieuse du licenciement : définition, preuve

  • &1 – Qu’est-ce que la cause réelle et sérieuse?

L122-14-3 : le juge doit apprécier le caractère réel et séreux des motifs invoqués par l’employeur.

A – Ce contrôle judiciaire de la cause réelle et sérieuse a un caractère d’Ordre public

Seul le juge peut apprécier l’existence d’une cause réelle et sérieuse. Les parties ne peuvent pas écarter le contrôle du juge en stipulant des clauses prévoyant la rupture automatique du contrat si tel élément survient (permettrait d’invoquer le contrat pour dire qu’il y a cause réelle et sérieuse) : soc 24 juin 2003.

== Ex : les clauses d’objectif :

Elle fixe les objectifs que le salarié doit remplir, à défaut, rupture automatique. Cass : l’insuffisance de résultat ne constitue pas en soi une cause réelle et sérieuse de licenciement. Elle ne constitue une cause réelle et sérieuse que si elle est le résultat soit de l’insuffisance professionnelle du salarié, soit d’une faute de la part de celui-ci : soc 3 avril 2001.

Le juge doit regarder si l’insuffisance de résultat est imputable au salarié et il regarde si les résultats étaient réalisables.

Cette clause n’est pas nulle mais elle est insuffisante à elle seule pour justifier le licenciement.

== Ex : les clauses d’indivisibilité :

On embauche un couple de salarié et dans leur contrat, on met qu’en cas de rupture du contrat de travail d’un époux, le contrat de l’autre époux sera rompu automatiquement. Cette clause a-t-elle un effet automatique ?

Soc 12 juil. 2005 : le juge doit rechercher dans tous les cas si la clause était justifiée par la nature de la tache à accomplir et si la poursuite du second contrat était rendue impossible par la rupture du premier. On regarde les fonctions concrètes des époux (ex : époux concierges : le travail de l’un est difficile sans l’autre).

B – La notion de cause réelle et sérieuse

  1. Cause « réelle »

C’est une cause objective et c’est la cause exacte du licenciement :

  1. Cause objective

Le motif doit pouvoir être vérifié par le juge. Eviter que l’employeur ne fonde le licenciement sur un motif invérifiable.

C’est pourquoi on n’admet plus aujourd’hui que la perte de confiance de l’employeur puisse justifier un licenciement. Soc 29 mai 2001 : la perte de confiance n’est jamais en tant que telle une cause réelle et sérieuse de licenciement, même quand elle est fondée sur des éléments objectifs. Seuls les éléments objectifs peuvent, s’ils sont suffisamment sérieux, constituer une cause réelle et sérieuse, peu important l’existence d’une perte de confiance.

Egalement une influence sur le licenciement pour incompatibilité d’humeur entre le salarié et l’employeur ou mésentente entre le salarié ou ses collègues. Soc 5 fév. 2002 : elle ne justifie le licenciement que si elle repose sur des faits objectifs imputables au salarié.

  1. Cause exacte

Le juge doit rechercher au-delà des énonciations de la lettre de licenciement quelle est la cause exacte du licenciement (soc 26 mai 1998). Hyp où l’employeur a invoqué un motif dans la lettre de licenciement mais en réalité, le licenciement est motivé par autre chose, autre motif, parfois moins avouable.

(Attention, la lettre de licenciement fixe les limites du litige pour l’employeur mais le salarié peut invoquer une autre raison qu’il estime être la vraie raison => licenciement sans cause réelle et sérieuse).

  1. Cause « sérieuse »

Regarder si le comportement du salarié est suffisamment sérieux pour entraîner la rupture du contrat de travail. Appréciation au cas par cas.

Lignes directrices :

Distinguer entre les licenciements disciplinaires (fondés sur une faute du salarié, manquement aux obligations qui résultent de son contrat de travail) et les licenciements pour motif personnel non disciplinaire (comportement non fautif du salarié justifie le licenciement).

  1. La cause sérieuse dans les licenciements disciplinaires

En pratique, il y a plusieurs degrés de faute :

– fautes vénielles : aucune gravité. Elles ne justifieront pas un licenciement.

– la faute doit être suffisamment sérieuse pour justifier le licenciement. La multiplication de petites fautes peut être une cause réelle et sérieuse.

– faute grave : rend impossible par sa gravité le maintien du contrat de travail, même pendant la durée limitée du préavis. Licenciement immédiat, perte du droit à préavis, perte du droit à indemnités de licenciement. Pour que l’employeur puisse invoquer une faute grave, il faut que le licenciement ait lieu dans un délai restreint à compter de la connaissance des faits par l’employeur. (ex : 1 mois = trop long, la faute ne rendait pas impossible le maintien du contrat de travail).

– faute lourde : suppose l’intention de nuire à l’employeur. Même régime que la faute grave (rupture immédiate sans préavis ni indemnités). Mais en plus, le salarié perd le droit à ses indemnités de congé payé. Et c’est la seule susceptible d’engager la responsabilité civile du salarié. Si l’employeur subi un préjudice, il pourra demander des d&î. Il faut caractériser l’intention de nuire, de créer un préjudice à l’employeur. Ex : créer une société concurrente et débaucher des salariés de l’entreprise (soc 21 oct. 2003). Le vol du salarié n’est pas forcément considéré comme une faute lourde malgré l’élément intentionnel.

Pour que le licenciement disciplinaire soit justifié, il faut nécessairement que le comportement du salarié soit fautif (souvent, pratique des employeurs : « faute grave en raison de votre insuffisance professionnelle » : ce n’est pas une faute ! mais en invoquant la faute grave, l’employeur n’avait rien à payer). Cass : si l’employeur invoque une faute grave, pour que le licenciement soit justifié, il faut que le comportement du salarié soit fautif (manquement à ses obligations). Soc 9 mars 2000, soc 6 oct. 2004.

A défaut, le licenciement est nécessairement sans cause réelle et sérieuse.

Distinction entre insuffisance professionnelle et faute : face à un salarié qui ne parvient pas à remplir ses obligations, ce comportement constitue une faute lorsqu’il résulte d’une mauvaise volonté caractérisée de la part du salarié (salarié négligeant, qui passe outre les consignes de l’employeurÂ…) Soc 6 oct. 2004.

Insuffisance professionnelles est une cause réelle et sérieuse de licenciement qui donne droit à indemnité et préavis.

  1. La cause sérieuse dans les licenciements pour motif personnel non disciplinaire

Licenciement qui résulte d’un comportement du salarié hors du temps de travail.

La cour de cassation a dégagé à partir de 1997 une notion de vie personnelle du salarié : notion propre au droit du travail, qui s’oppose à la vie professionnelle. Cette notion a vocation à englober tous les comportements du salarié qui n’ont pas de rapport direct avec l’existence du contrat de travail ?

C’est une notion beaucoup plus large que la notion de vie privée. Vocation à comporter même des éléments publics (qui n’ont pas de rapport avec sa vie professionnelle). Ex : salarié qui commet des délits pénaux (ça ne relève pas de la vie privée mais de la vie personnelle).

Principe : un fait tiré de la vie personnelle du salarié ne peut pas justifier un licenciement. Mais ces faits peuvent causer un trouble dans l’entreprise. Si le fait tiré de la vie personnelle crée un trouble caractérisé dans l’entreprise, il est susceptible de justifier un licenciement (soc 16 déc. 1997).

Un fait de la vie personnelle ne peut jamais constituer une faute justifiant un licenciement disciplinaire (soc 21 oct. 2003).

Mais tous les comportements du salarié hors de son temps de travail ne se rattachent pas forcément à sa vie personnelle. Tant qu’il est sous contrat de travail, le salarié reste tenu d’une obligation de loyauté. Le comportement du salarié hors de son temps de travail peut se rattacher à sa vie professionnelle lorsqu’il est caractéristique d’un manquement à sa loyauté envers son employeur (soc 25 fév. 2003). Ex : salarié de la CAF commet elle-même des fraudes à la CAF. Manquement à son obligation de loyauté donc même commis hors du temps de travail, il se rattache à sa vie professionnelle et est constitutif d’une faute.

Mais depuis 2003, la cour de cassation s’est éloignée de ces principes :

– arrêt du 2 déc. 2003 : un salarié chauffeur routier est contrôlé positif au test d’alcoolémie en dehors de son temps de travail sur son véhicule personnel. L’employeur le licencie pour faute grave. Cass admet ce raisonnement : le fait pour un salarié affecté à al conduite automobile de se voir retirer son permis pour conduite sous l’empire d’un état alcoolique, même en dehors du temps de travail, se rattache à sa vie professionnelle. Quelle obligation le salarié a-t-il violé ? Pose le problème des limites de la vie professionnelle.

– arrêt du 25 janv. 2006 : un salarié agent commercial dans une banque est impliqué dans un trafic de véhicule. Licenciement pour faute grave. Cass : admet le licenciement en rappelant d’abord qu’un fait de la vie personnelle ne peut Â… un trouble caractérisé. Puis elle précise qu’en l’espèce, cette salariée, qui avait une obligation particulière de probité qu’elle a violée en portant atteinte aux biens, a créé un trouble caractérisé constitutif d’une faute grave. Un comportement de la vie personnel peut être constitutif de la violation d’une obligation professionnelle or le salarié n’y est en principe plus soumis. C’est le moment où le salarié est dispensé du respect des obligations que lui impose l’employeur dans sa vie professionnelle. Cass fait perdre tout intérêt à la notion de vie personnelle. (ne pas forcément citer ces arrêts dans un cas pratique).

C – Le licenciement motivé par l’exercice d’une liberté dans l’entreprise

Est-ce que l’exercice d’une liberté peut constituer une cause réelle et sérieuse ?

Principe : le salarié dispose de toutes ses libertés même dans l’entreprise. Donc en principe, l’exercice d’une liberté ne constitue pas une cause réelle et sérieuse de licenciement.

Pour apprécier si le comportement est constitutif d’une cause réelle et sérieuse, on s’appuie sur l’article L120-2 du code du travail : restriction liberté doit être justifiée par la nature de la tache et proportionnée.

Ex : soc 28 avril 2006 : un secrétaire parlementaire avait été licencié pour s’être retiré d’une liste politique. Il invoque sa liberté d’opinion. Cass : art 10 DDHC (liberté d’opinion) et art L120-2 : si un secrétaire parlementaire peut être tenu de s’abstenir de toute position perso pouvant gêner d’engagement politique de son employeur, aucune autre restriction ne peut être portée à sa liberté d’opinion. La nature de la tache à accomplir peut impliquer une restriction de sa liberté. Mais cette restriction doit être limitée à ce qui est nécessaire. On ne peut pas lui imposer de s’engager activement politiquement. Ici, la restriction excède ce qui est nécessaire. Appréciation au cas par cas selon la nature de la tache à accomplir par le salarié.

Discuter la restriction en fonction de la tache.

Arrêts sur la liberté d’expression :

Principe : le salarié dispose de sa liberté d’expression à l’intérieur comme à l’extérieur de l’entreprise.

Il faut apprécier si les propos sont injurieux, diffamatoires, ou simplement excessifs. On apprécie selon la nature du propos, les fonctions que le salarié avait à exercer, la finalité de l’entreprise. C’est une analyse au cas par cas.

Ex : soc 14 déc. 1999 : un cadre qui émet des critiques à l’égard de sa direction (elle seule en a connaissance, pas publiquement) : il ne commet aucune faute. C’est même le rôle d’un cadre que de faire des critiques.

Ex : soc 30 oct. 2002 : une salarié accuse publiquement ses dirigeants d’incompétence : cass : propos excessifs justifiant son licenciement.

  • &2 – La preuve de la cause réelle et sérieuse

L122-14-3 : la charge de la preuve n’appartient spécialement à aucune des deux parties. Le juge forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties. S’il y a un doute, ce doute profite au salarié : on considèrera que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse.

Principal problème : la question de la licéité des modes de preuve utilisés par les parties.

A – Licéité des modes de preuve utilisés par l’employeur

C’est la question des modes des dispositifs de surveillance. On apprécie cette licéité à la lumière de 2 textes :

== Art 9 NCPC :

Il incombe à chaque partie de rapporter la preuve de leur prétention conformément à la loi => on en tire un principe de loyauté de la preuve. On interdit les employeurs de surveiller les salariés à leur insu : jpc constante depuis soc 20 nov. 1991 : si l’employeur a droit de contrôler et de surveiller l’activité de son personnel durant le temps de travail, il ne peut mettre en Âœuvre un dispositif qui n’a pas été porté préalablement à al connaissance des salariés. (cf. soc 23 déc. 2005 : recours à des détectives privés). Si l’employeur n’avertit pas ses salariés, le mode de preuve est illicite, la preuve sera donc écartée par le CPH. Si l’employeur n’a pas d’autres éléments de preuve, le licenciement sera sans cause réelle et sérieuse.

Cass précise aussi qu’il faut informer préalablement le CE : soc 7 juin 2006.

Portée de cette obligation d’information préalable ? Cass : cette obligation est limitée aux dispositifs destinés directement à contrôler le travail, l’activité des salariés. Cass précise que des salariés surpris par des caméras dans l’entreprise alors qu’ils étaient dans un lieu ou ils n’avaient pas lieu d’être, en dehors de leur temps de travail n’avaient pas à être avertis des modes de surveillance (soc 19 mai 2005).

Soc 18 juil. 2000 : salarié travaillant dans une banque allant regardé les comptes des clients a été surpris par un système informatique. Pas dispositif destiné à surveiller son travail donc il n’avait pas à être informé donc mode de preuve licite.

Soc 26 avril 2006 : la simple surveillance par le supérieur hiérarchique n’a pas à donner lieu à une information préalable.

== L120-2 :

Les moyens de preuve doivent respecter cet article. Les procédés de surveillance ne doivent pas porter atteinte à l’intimité du salarié. Donc procédés doivent être justifiés par la nature de la tache à accomplir et doivent porter une atteinte proportionnée au but recherché.

Soc 26 janv. 2002 : la filature du salarié est dans tous les cas un moyen de preuve illicite. Elle implique nécessairement une atteinte à la vie privée, insusceptible de se justifier au regard de son caractère nécessairement disproportionné par les intérêts légitime de son entreprise. Mode de preuve toujours illicite.

== Question de l’ouverture des fichiers informatiques du salarié par l’employeur :

Quand l’employeur peut-il venir consulter ces fichiers personnels ? Arguments de l’employeur : matériel de l’entreprise et employeur peut interdire d’utiliser les ordinateurs à des fins personnelles.

Soc 2 oct. 2001 Nikon : employeur avait interdit l’utilisation personnelle de l’informatique. Employeur consulte et s’aperçoit que le salarié développe une activité concurrente et licencie le salarié. Salarié saisit le CPH : cause réelle et sérieuse ? Salarié : mode de preuve illicite puisque atteinte à libertés fondamentales.

Cass : le salarié a le droit à l’intimité de sa vie privée et au secret de ses correspondances même au temps et au lieu de travail. Cass en conclue que l’employeur ne peut sans violer cette liberté fondamentale, prendre connaissance des courriels reçus par son salarié et ce, alors même qu’il aurait interdit d’utiliser le matériel à des fins personnelles. Licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Comment contrôler l’utilisation de son ordinateur par le salarié ? Notamment utilisation de l’internet.

Soc 17 mai 2005 : l’employeur trouve des photos érotiques dans le tiroir de son salarié, ouvre un fichier intitulé « personnel ». Licenciement sur le fondement de ce qu’il a trouvé sur le fichier personnel. Salarié invoque atteinte à sa liberté fondamentale.

Cass précise les conditions auxquelles l’employeur peut consulter des fichiers personnels du salarié. Cass : sauf risque ou évènement particulier, l’employeur en peut ouvrir des fichiers identifiés comme « personnel » par le salarié qu’en présence de ce dernier ou celui-ci dûment appelé.

=> Seulement condition de la présence du salarié ?

Jpc du 17 mai 2005 est une reprise de la jpc sur la fouille des casiers. Cass : doit être faite en présence du salarié ou celui-ci dûment appelé. Mais cass rajoute une condition : la fouille ne peut être faite que dans les cas prévus par le règlement intérieur.

B – Licéité des modes de preuve utilisés par le salarié

Problème principal : le salarié produit en justice des documents appartenant à l’entreprise alors qu’il n’a pas eu l’autorisation de l’employeur pour rependre ces documents et les reproduire. L’employeur va dire qu’il s’agit d’un vol. Risque que le CPH écarte la preuve et que l’employeur attaque le salarié.

Crim 11 mai 2004 et soc 30 juin 2004 : le salarié peut produire des documents appartenant à l’entreprise sans commettre de vol à 2 conditions :

– il faut qu’il ait eu connaissance de ces documents à l’occasion de ses fonctions.

– il faut qu’il s’agisse de documents strictement nécessaires à l’exercice de ses droits de la défense dans le litige qui l’oppose à l’employeur.