La compétence des tribunaux français en droit international

LA COMPÉTENCE DES TRIBUNAUX FRANÇAIS DANS L’ORDRE JURIDIQUE PRIVÉ INTERNATIONAL

Question de savoir si dans les relations internationales privées, un français peut saisir une juridiction française. Par exemple, est-ce que dans l’hypothèse où l’on a un anglais et une italienne qui vivent aux États Unis, peuvent-ils saisir un tribunal français ?

C’est une question difficile, car il n’y a pas en droit français de règles particulières concernant la compétence internationale des tribunaux français.

On va affirmer le principe de l’extension des règles de compétence internes dans l’ordre international.

Mais en même temps, le fait d’être français donne un véritable privilège de juridiction, et les français vont pouvoir saisir très largement.

SECTION I : La compétence des tribunaux français par extension des règles de compétence internes

Dans un premier temps, la jurisprudence française ne donnait pas la possibilité à un étranger de saisir une juridiction française, sauf en matière d’immeuble.

Puis, il y eut l’intervention d’un arrêt important «Pelassi» du 19 octobre 1959 (revue critique de droit international privé 1960, page 215).

Cette règle jurisprudentielle pouvait très souvent conduire à un déni de justice. Cet arrêt a considéré qu’il fallait consacrer l’extension des règles internes de compétence aux relations internationales.

Principe de l’extension : Pour savoir si un tribunal français est compétent dans une affaire où il y a un élément d’extranéité, il faut appliquer les règles du nouveau code de procédure civile en matière de compétences (en les revisitant légèrement).

Ce principe d’extension des règles internes a des conséquences :

-Si un tribunal français est saisi, il appréciera sa compétence selon la loi française (loi du for). => L’exception d’incompétence doit être demandée avant toute défense au fond. C’est une compétence «in limine litis».

-C’est selon la loi française que le juge déterminera la validité des conventions particulières de juridiction. Dans un contrat, il peut y avoir clause d’attribution de compétence ou clause compromissoire. Selon quelle loi va-t-on apprécier la validité de ces clauses ? C’est au tribunal saisi avec sa propre loi interne que l’on va juger de la validité de ces clauses.

De façon générale, le droit français considère valable ces clauses attributives de compétence à un certain nombre de conditions :

  • Il faut un élément d’extranéité (l’élément doit être sérieux).
  • Il ne faut pas que la clause attributive de compétences fasse échec à la compétence territoriale exclusive d’une juridiction française.
  • Il ne faut pas non plus que ça touche l’état des personnes.

De même, en matière de clause compromissoire, la jurisprudence française considère depuis l’arrêt «Hecht» du 4 juillet 1972 que les clauses compromissoires sont valables dans les contrats internationaux. Ce n’est pas un principe d’extension, mais c’est une règle du droit international. La clause compromissoire est valable, même si le contrat est nul.

-Possibilité pour le juge de soulever d’office son incompétence internationale (article 92 du nouveau code de procédure civile). Cet article considère que c’est une faculté et non une obligation pour le juge et cette possibilité peut être utilisée en appel comme en cassation.

Cette mesure doit être exactement appréciée, elle n’a pas le même impact quand le défendeur est présent ou absent :

  • Absent : cette possibilité est une forme de protection du demandeur.
  • Quand il est présent ou représenté, cet article s’analyse comme une prorogation tacite des juridictions.

SECTION II : Compétence des tribunaux français enraison de la nationalité du demandeur oudéfendeur : le privilège de juridiction

Il y a deux articles dans le code civil : ce sont les articles 14 et 15 qui règlent cette question

  • L’article 14 vise l’hypothèse où le français est demandeur : le français peut être attrait devant un tribunal français quand il est demandeur, et ce, peu importe que le litige se soit déroulé à l’étranger.
  • L’article 15 vise l’hypothèse où le français est défendeur :

Il y a un rôle offensif de l’article 14 et un rôle défensif de l’article 15.

Ce sont des articles nationalistes mettant un vrai privilège de juridiction

1 : Conditions d’application des articles 14 et 15 du code civil

  • 1°) Il faut et il suffit que l’une des parties soit française pour que les articles 14 et 15 s’appliquent (que ce soit une personne physique ou une personne morale). La nationalité s’apprécie au moment de l’introduction de l’instance. Par conséquent, si des droits ont été cédés, c’est la nationalité du cessionnaire qui importe (par exemple, en matière de succession, ce sera la nationalité de l’héritier).
  • 2°) Le droit positif français considère que toutes les obligations, toutes les matières tombent sous le coup des articles 14 et 15 du code civil: en principe, toutes les matières sont visées par les articles 14 et 15, sauf quelques exceptions : les actions réelles immobilières, les demandes en partage portant sur des immeubles, et les demandes relatives à des voies d’exécution pratiquées en France.
  • 3°) Il ne faut pas que le français concerné ait renoncé aux articles 14 et 15. En effet, ces articles mettent en place un privilège de juridiction. Or, un privilège, on peut y renoncer.

Il s’agit de renonciation explicite ou expresse. En général, c’est fait par convention, mais aussi, cette renonciation est faite par clauses attributives de compétence.

Il peut y avoir une renonciation tacite (toujours admise par la jurisprudence) : le français par exemple va saisir un tribunal étranger ; dès cet instant, on considère qu’il a renoncé à l’article 14 (privilège de juridiction). De même, et parallèlement, si un français se laisse attraire devant une juridiction étrangère, dans ce cas, on considère qu’il a renoncé tacitement à utiliser l’article 15.

Il peut y avoir pour des questions d’urgence un français qui accepte de se défendre devant un tribunal étranger, mais il fait savoir que c’est par urgence qu’il l’a fait. On considère dans ce cas qu’il n’y a peut être pas renonciation tacite.

2 : Les effets

Les articles 14 et 15 ont pour objet, effet, de rendre compétent un tribunal français quand un français est concerné par un litige à l’étranger.

C’est une compétence non pas ordinaire, mais spéciale.

Le tribunal français compétent est celui de la résidence du défendeur (en principe).

À défaut, le demandeur choisit un tribunal français, cela doit se faire sans abus, ni fraude, et en principe avec une bonne administration de la justice (jurisprudence).