La complicité de l’infraction : conditions et répression

La participation à une infraction en tant que complice :

Le droit ne suffit pas à expliquer tout ce qui va se décider. On va opérer une distinction entre la réalité matérielle et la façon dont on va traiter. Quand il y a pluralité d’auteurs il y a généralement des personnes nécessaires à la commission du délit ou de l’infraction. Juridiquement on traites la personne qui prend des renseignements comme quelqu’un d’accessoire alors qu’on considérera comme auteur principal la personne qui agit. Article 121-6, 121-7 du Code Pénal et R 610-2. Dans l’ancien code de 1810 article 59 et 60.

Paragraphe I : Les conditions de la commission punissable :

Voyons l’article 121-7 : deux alinéas, quelles sont les conditions communes ?

« Est complice d’un crime ou délité la personne qui a facilité la perpétration ou consommation d’une infraction … ». « Est également complice la personne qui aura provoqué une infraction ou donné des informations pour la commettre ».

Dans les deux cas on retient l’aide à la commission d’une infraction. Il faut une infraction de base, respecter les formes de la complicité de l’article procéder sciemment et un élément intentionnel.

Un fait principal punissable :

  1. Carbonier « l’auteur et le complice sont cousus dans le même sac » (l’accessoire suit le

principal). Dans des systèmes étrangers il y a complicité sans qu’on est besoin d’une infraction principal.

Le fait doit être qualifié d’infraction pénale :

Cela implique que les Magistrats avant de retenir la complicité doivent opérer une qualification et

individualiser au moins un auteur. Ce système a fait ses preuves mais à aussi des insuffisances :

Les provocations dangereuses :

Si une personne provoque une autre à avoir un comportement dangereux pour elle sans que ce

comportement soit pénalement sanctionné il ne peut pas y avoir de complicité.

Pendant des années on a eu le cas de la provocation au suicide et cela n’était pas un cas de complicité. Une année une affaire a déclenché l’émotion : un libre intitulé « suicide mode d’emploi » a été publié, il a été interdit. Ce livre a soit disant provoqué des suicides (remarque suicide de Dalida) on a pas pu poursuivre les auteurs sur un textes spécial.

Le législateur a voté la loi du 31/12/1987 qui crée le délit de provocation au suicide (223-13 du Code Pénal). Il y a aussi les provocations concernant les mineurs et pour lesquelles le législateur intervient au cas par cas : provocation à la consommation habituelle et excessive d’alcool 227-19 mendicité 227-20 …

Autre critique : le cas des provocations non suivies d’effets :

L’acte de complicité n’est punissable que si le fait principal est consommé pleinement ou s’il est

tenté dans les conditions que la loi prévoit. Conséquence on peut poursuivre pour complicité de tentative (de crime, de délit …). Inversement il n’existe pas en droit français la notion de tentative de complicité.

A cet égard on cite toujours l’arrêt Lacour Cass. Crim. 25 Octobre 1962, dans cette affaire : M . Lacour recrute un homme de main pour faire tuer le fils de sa maîtresse, l’homme de main ne tue pas, il renonce volontairement (il se désiste), la tentative n’est pas punissable, Lacour n’est pas qualifié d’auteur ou de complice, il n’a pas pu être poursuivi (il n’est ni auteur d’une tentative de complicité ni de tentative punissable). On avait pu penser à l’association de malfaiteurs qui permet de compenser les eux.

Cette affaire a fait naître un grand débat sur la possibilité de créer une troisième forme de participation criminelle (l’instigation) : ce serait la personne qui aurait provoqué directement la commission d’une infraction grave indépendamment de la commission effective. Ex : en 1986 le projet de Code Pénal prévoyait a notion d’instigateur. L’Assemblée Nationale était favorable mais le Sénat moins : il faisait remarquer que cela aurait deux conséquences négatives :

  • La difficulté d’apporter la preuve, on va favoriser les présomptions.

Cela favoriserait la délation.

Il n’y a pas eût en droit positif d’instigation à titre principal. Il faudrait incriminer directement

certaines provocations ( provocation au dopage, à l’IVG …).

La nature du fait principal :

Dans l’ancien système la complicité n’existait que pour les crimes et délits, pas pour les

contraventions sauf texte spécial, il y a eut quelques changements. On va voir les deux alinéas de l’article 121-7 : si la complicité obéit à l’alinéa 1 de l’article 121-7 (aide et assistance) elle n’est possible que pour un crime ou un délit. Toutefois certains règlements prévoient parfois la complicité de contravention.

Ex : dans le cas de contravention de tapage nocturne R623-2 du code Pénal. Il y a un autre exemple : contravention de dégradation légère d’un bien R 635-1. Si la complicité est visée par l’article 121-7 alinéa 2 c’est la complicité par instigation, le texte parle d’infraction donc les trois catégories sont visées. Ex : une entreprise de transport demande aux salariés de dépasser les vitesses ou les délais cela représente une complicité par instigation de contravention (c’est une nouveauté).

Le fait principal doit être punissable :

Le fait doit être objectivement punissable, le juge doit donc démontrer que l’infraction principale

peut être poursuivie et punie. En revanche dès lors qu’il aura été démontré que l’infraction principale n’est pas punissable (prescription …) le complice ne sera pas punissable. La situation peut être identique en cas d’amnistie réelle (liée à la nature des faits) et tous les protagonistes en bénéficient (y compris les complices).

Cela ne signifie pas pour autant que le fait doit être effectivement puni : si l’auteur n’est pas puni en raison de circonstances personnelles le complice demeure punissable (ex : l’auteur est déclaré pénalement irresponsable pour trouble mental …)

Un acte matériel de complicité :

On suit l’article 121-7 et ses deux alinéas.

La complicité par aide ou assistance :

Revenons sur les formes et les moments.

Les formes de l’aide et de l’assistance :

La formule est large donc on se réfère au code de 1810, là on visait la fourniture de moyens. Aider

ou assister c’est donc fournir des moyens matériels ou moraux. L’aide se distingue de l’assistance dans le sens où l’assistance impliquerait une présence sur les lieux. L’action du complice semble être positive (dans ce cas pas de doute) que se passe-t-il si la personne aide par abstention (on aide à l’infraction), peut-on être complice par abstention ? Faisons deux observations :

Y avait-il une entente préalable entre les protagonistes ? Si on fait la preuve que oui on pourrait retenir une entente (Cass Crim 14/01/1921). Ex : un inspecteur des douanes ne déclarent pas des infractions qu’il a vu en échange d’argent ici c’est le délit de corruption.

– Le droit pénal se doit d’aller chercher la réalité au delà des apparences, il faut donner une

signification à ce qui « n’en a pas ». Si une personne n’a rien fait, qu’elle assiste juste aux événements : pourquoi retenir la complicité ? En revanche si une bagarre éclate et qu’une personne empêche d’autres personnes d’intervenir pour faire cesser la bagarre.

Si par l’inaction il n’y a eût aucun rôle il ne peut pas y avoir complicité Cass Crim. 26 Octobre 1912 en revanche dès lors que l’inaction montre une volonté de participer la complicité peut être retenue Cass. Crim. 20/01/1992.

Si dans une situation donnée on démontre qu’une personne avait le pouvoir d’intervenir et qu’elle ne le fait pas la personne peut être complice pour ne pas avoir agit (Ex : un employé de banque qui peut ordonner telle ou telle chose pour le contrôle des comptes …) ici on se place dans le cadre des fonctions. Ex : le patron d’un café a été poursuivi pour complicité de tapage nocturne par abstention Cass Crim 8/07/1949.

On peut sur ce point observer certaines dérives de cette interprétation notamment concernant les professions libérales on pourrait ainsi accuser de complicité un avocat qui, mis au courant par un des ses clients d’intentions criminelles, ne fait rien …

Le montant où l’aide ou l’assistance ont lieu :

Ici nous allons nous référer à l’article 127 al. 1 du Code Pénal. Il y a dans cet article l’idée de

faciliter ce qui signifie que l’acte d’aide est antérieur (préparation) ou concomitant (consommation), cela montre une volonté de s’associer.

Ex : imaginons un cambrioleur, quelqu’un l’attend dans un véhicule pour faciliter la fuite (est-ce de la complicité vu que l’acte d’aide intervient après la commission ?) Pour retenir la complicité il faut démontrer une entente préalable :

  • Si l’acte a été conclu avant il y a eût entente et bien que la matérialisation ait eu lieu après on peut considérer la complicité.

S’il n’y a pas eu entente préalable il peut y avoir participation (par exemple par le délit de recel qui sera une infraction autonome postérieure).

Dans tout les cas la difficulté est de prouver une entente préalable.

La complicité par instigation (121-7 al.2) :

Ici le moment de l’acte ne pose pas de difficultés puisque l’article suppose l’antériorité, on peut être instigateur parce qu’on a provoqué et ou donné des instructions.

La provocation à la commission d’une infraction :

Cela suppose que l’on s’adresse à une personne déterminée (remarque : tout les ouvrages qui

s’adressent au public large ne sont pas de la provocation au sens de la complicité, ce type de documents relèvent de la loi sur la presse). La provocation consiste à inciter une personne à commettre une infraction. On peut considérer deux qualifications :

  • Une personne peut être poursuivie comme auteur intellectuel si la loi le prévoit.

La complicité par provocation.

Les personne à l’origine de la provocation sont des personne jugées dangereuses, ils manipulent et

font commettre (ils sont souvent plus sévèrement condamnés que les commettants). Il faut remarquer que tout ne relève pas de la provocation : pour parler de provocation il faut que les faits prennent certaines formes citées par le Code Pénal :

  • Le don de quelque chose.
  • La promesse.
  • La menace

L’ordre ou l’abus d’autorité ou de pouvoir : on vise ici le cas où la personne détient une autorité légale ou morale sur le commettant (pouvoir de droit ou de fait). Ex : l’employeur, la crainte des parents …). Le problème c’est si on n’isole pas de relation de droit entre les deux personnes tout dépendra des circonstances (amis …). Ex : Cass. Crim. 21 Septembre 1994 (cas de quelqu’un qui pousse son ami à un refus d’obtempérer), on a considéré qu’il n’y avait pas de rapport d’autorité donc de complicité.

En plus de tous ces éléments la complicité doit être suffisamment précise.

La fourniture d’instructions :

Cela consiste à donner des renseignements : dans ce cas précis il n’y a pas de liste de cas à

respecter (ex : fourniture d’une adresse, d’habitudes …) on estime que c’est plus précis c’est vraiment pour inciter la personne. Il faut que les renseignements présentent une utilité pour la personne bien que la jurisprudence n’exige pas que ces moyens aient été utilisés. Ex : n’est pas complice un amant qui a indiqué comment avorter avec des moyens qui ne pouvaient pas permettre l’avortement.

Cas de référence : 31/01/1974 Cass. Crim. Rochefort. Un individu est emprisonné et se lie d’amitié avec un autre prisonnier, l’un a une sœur qui se plaint dans ses lettres de son mari, les deux prisonniers dont l’un est devenu l’amant de la sœur de l’autre pensent à tuer le mari. Ils sortent de prison se rencontrent et projettent de l’étrangler. Le frère s’absent et l’amant électrocute le mari. Le frère est poursuivi pour complicité mais il se défend en disant que les moyens indiqués n’ont pas été utilisés. Solution : Que les moyens aient été utilisés ou non ce qui compte c’est qu’ils aient pu servir.

La jurisprudence admet que la complicité de complicité est punissable ex : A demande à B de demander des informations ou des services à C.

L’élément intentionnel de la complicité :

C’est la troisième condition indispensable : on le voit dans l’article 121-7 al. 1 par l’emploi de

l’adjectif « sciemment » : cela indique la volonté. Dans l’alinéa 2 on a la description des comportements qui sous-entendent le caractère intentionnel, on a donc pour prouver la complicité la nécessité de prouver deux éléments :

  • Le complice sait que les actes de l’auteur constituent une infraction pénale.

Le complice a voulu s’associer à la commission de l’infraction.

Les deux éléments doivent être démontrés au jour de la commission de l’infraction. Imaginons que

le complice se ravise et change d’avis avant la commission de l’infraction, le problème est qu’il a déjà aidé. Peut-on renoncer ? Une simple volonté d’abandon ne suffit pas, il faut démontrer qu’il a agit positivement pour empêcher la commission (prévenir) par contre refuser d’aider l’auteur ne suffit pas.

Deux situations peuvent se présenter :

Les infractions non intentionnelles :

Traditionnellement la jurisprudence hésite quand à la qualification du comportement de celui qui a

aidé à la commission d’une infraction dont le résultat n’était pas souhaité. Peut-on se rendre complice alors qu’il fallait aider sciemment ? La jurisprudence hésite :

  • Parfois elle reconnaît la possibilité en s’appuyant sur le fait que dans le code de 1810 et l’article 121-7 il n’y a pas de distinction entre infraction intentionnelle et non intentionnelle Cass Crim 17/11/1887.

En revanche parfois la jurisprudence considère qu’il y a co-action. Ex : une personne qui laisse conduire une autre en sachant qu’elle n’a pas le permis : en remettant le véhicule on a commis une faute d’imprudence et de négligence, donc la personne qui a remis le véhicule réunit les trois éléments constitutifs de l’infraction. Ici on a deux co-auteurs : celui qui conduisait et la personne négligente Cass. Crim. 12/04/1930.

Les discordances entre l’infraction projetée et l’infraction réalisée :

C’est le cas où le résultat dépasse ce qui était projeté ; ex : un vol simple qui devient un vol avec

violence… Est-on complice de tout ou seulement de ce qui avait été prévu ? Si les éléments constitutifs des deux infractions sont différents on ne peut pas être considéré comme complice de l’infraction effectivement réalisé.

Ex : Cass. Crim. 13/01/1955 Affaire Nicolaï une personne est créancière d’une autre et le débiteur est réticent le créancier décide donc d’envoyer un homme de main avec une arme pour l’effrayer, l’homme de main sur le chemin rencontre quelqu’un se dispute et le tue. Le créancier est-il complice de l’homicide volontaire ? Ici la jurisprudence considère qu’il ne peut pas y avoir complicité.

Si l’infraction est bien celle qui était projetée mais que la différence tient aux circonstances la complicité peut être retenue (ex : vol simple qui devient un vol aggravé). La jurisprudence répond que le complice devait prévoir toutes les circonstances dont l’infraction ou le crime pouvait être accompagnée, le complice encourt la peine liée à l’acte effectivement réalisé (Cass. Crim. 31/12/1947 et 21/05/1996).

Paragraphe II : La répression de la complicité :

Principe :

Le complice est puni comme s’il était l’auteur de l’infraction : sous le code de 1810 existait un

« emprunt de pénalité » entre l’auteur et le complice, le complice empruntait les peines de l’auteur (article 59 : « les complices sont punis de la même peine que les auteurs»).

S’il y avait une circonstance aggravante liée à l’infraction (circonstances réelles) comme la bande organisée ou l’usage d’une arme cette circonstance s’appliquait à tous les protagonistes. Si la circonstance aggravante était liée à la personne (récidive …) cette circonstance ne s’appliquait qu’à l’auteur.

La circonstance aggravante mixte : elle est réelle et personnelle à la fois (ex : préméditation et qualité d’ascendant ou de descendant). Dans le système antérieur elle s’appliquait au complice.

Ex : le père le fils et le tiers. L’assassinat du père par le fils avec complicité du tiers. En 1810 le complice encourt les mêmes peines. Le fils qui a tué est auteur de l’assassinat et encourt du fait de l’aggravation (ascendant) la peine de mort ou la réclusion criminelle à perpétuité (à partir de 1981), le complice encourt la même peine bien qu’il n’ait aucun lien de parenté avec la victime. Ceci est apparu comme quelque chose qui n’est pas cohérent.

Ex 2 : un tiers tue un père avec la complicité du fils. L’auteur encourt les peines du meurtre simple mais aggravée par préméditation (réclusion criminelle à perpétuité ou 30 ans), le complice encourt les mêmes peines.

C’est choquant ne vaudrait-il pas mieux dissocier ? C’est ce qui a présidé aux travaux de réforme du Code Pénal on a voulu renoncer à l’emprunt de pénalité. Article 121-6 sera puni comme auteur le complice de l’infraction.

Le complice est maintenant puni comme s’il était auteur, chacun garde ses circonstances personnelles. Il faut néanmoins apporter deux précisions :

  • Parfois la jurisprudence adopte des solutions étranges.

Parfois la jurisprudence traite des co-auteurs comme des complices : en effet pour la jurisprudence un co-auteur est nécessairement un complice (raisonnement à fortiori) Cass Crim 15/06/1860.

Pourquoi une telle jurisprudence pendant des années ? En traitant un co-auteur comme complice on applique au co-auteur toutes les circonstances aggravantes qui touchent l’auteur : c’est la complicité co-respective. Aujourd’hui cela n’existe plus, néanmoins on peut considérer que cette jurisprudence va être maintenu pour des cas de violence volontaire avec de nombreux protagonistes sans que l’on puisse isoler les responsabilités. Hormis ce plan cette jurisprudence va disparaître.

Parfois la jurisprudence traite les complices comme des co-auteurs, comment est-on arrivé à ce résultat bizarre ? Juridiquement c’est gênant, la jurisprudence avait décidé que celui qui assistait l’auteur peut être néanmoins traité de co-auteur.

Ex : cambriolage avec 4 ou 5 personnes, il y a un vol aggravé ou non. Juridiquement nous avons vu que seule la personne qui a soustrait l’objet est auteur du vol, tout les autres ne sont pas normalement co-auteur (guetteurs…) pourtant la jurisprudence considère les complices comme co-auteurs.

Comment le justifier ? Cette jurisprudence a surtout pris place sous l’empire du code de 1810, le complice encourt la peine de l’auteur, ceci était nécessaire pour aggraver. Si le complice est co-auteur et que l’auteur a une circonstance atténuante le co-auteur n’en bénéficie pas, on échappe à toutes les circonstances atténuantes qui pouvaient découler de l’emprunt de pénalité. Ceci a disparu avec le nouveau code.

Lorsqu’on a un vol avec plusieurs personnes le fait de traiter tout le monde de co-auteur on peut

aggraver les sanctions en invoquant le vol en réunion. Cette jurisprudence a été critiquée.