La conquête et l’exercice du pouvoir et de la souveraineté
Le droit constitutionnel établit les règles fondamentales qui organisent la conquête du pouvoir et régissent les modalités d’exercice de la souveraineté dans un État. Ces principes sont généralement inscrits dans la Constitution, qui constitue le cadre juridique de l’autorité politique.
Définition et nature de la souveraineté
La souveraineté est un concept central en droit public et en science politique. Elle se définit comme le pouvoir suprême et indépendant exercé par l’État. Elle implique deux dimensions essentielles :
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- Le rôle du Parlement
- Les pouvoirs du Gouvernement et du Premier Ministre
- Le statut et la responsabilité des ministres
- L’organisation du gouvernement
- La capacité de l’État à édicter ses propres lois et à en assurer l’application (souveraineté interne),
- Son indépendance vis-à-vis des autres États et organisations internationales (souveraineté externe).
Définition de Carré de Malberg
Carré de Malberg, dans sa Contribution à la théorie générale de l’État, offre une définition claire de la souveraineté :
« La souveraineté, c’est le caractère suprême d’un pouvoir suprême, en ce que pouvoir n’en admette aucun autre au-dessus de lui-même, en concurrence avec lui. »
Selon lui, la souveraineté signifie que :
- L’État détient un pouvoir unique et indépendant dans la sphère où il s’exerce.
- Aucun autre pouvoir, interne ou externe, ne peut égaler ou surpasser ce pouvoir dans son domaine.
Les deux dimensions de la souveraineté
a) La souveraineté interne
La souveraineté interne correspond à l’exercice du pouvoir suprême à l’intérieur des frontières de l’État. Elle englobe les trois principales fonctions de l’État :
- Législative : capacité de promulguer les lois,
- Exécutive : pouvoir de mettre en œuvre et d’appliquer les lois,
- Judiciaire : compétence pour arbitrer les litiges et sanctionner les infractions.
Cette souveraineté repose sur l’idée que l’État est l’autorité ultime pour organiser la vie collective, et que toutes les autres autorités internes (comme les collectivités territoriales) exercent leurs compétences sous sa supervision.
b) La souveraineté externe
La souveraineté externe renvoie à l’indépendance de l’État sur la scène internationale. Un État souverain n’est soumis à aucune autorité extérieure et peut :
- Conclure des traités internationaux,
- Représenter ses intérêts dans les organisations internationales,
- Exercer pleinement ses droits en tant que sujet de droit international.
Cependant, dans un monde de plus en plus interdépendant, cette souveraineté externe peut être limitée volontairement, par exemple par l’adhésion à des organisations comme l’Union européenne ou les Nations unies. Ces limitations, consenties par l’État, ne remettent pas en cause son caractère souverain.
A) Les modes d’exercice de la souveraineté
La souveraineté, élément central de l’organisation politique, désigne le pouvoir suprême d’un État ou d’une autorité à l’intérieur d’un territoire. Son exercice repose sur des principes de légitimité et de consentement des citoyens. Pour être durable, le pouvoir doit être perçu comme légitime et accepté par la population, et non simplement imposé par la force. Ce principe est à la base des théories démocratiques de la souveraineté, qui ont remplacé les anciennes théories théocratiques, où le pouvoir était considéré comme émanant de Dieu.
A) La légitimité du pouvoir
1. La nécessité d’une légitimité
La légitimité du pouvoir repose sur l’idée que l’autorité politique doit obtenir l’adhésion des citoyens. Ce consentement est essentiel pour assurer la stabilité et la pérennité des institutions. Dans les démocraties modernes, cette légitimité repose sur :
- La participation des citoyens au processus politique,
- L’élection des représentants,
- Le respect des principes fondamentaux du droit.
2. Passage des théories théocratiques aux théories démocratiques
Autrefois, dans les théories théocratiques, le pouvoir était considéré comme d’origine divine. L’autorité politique trouvait sa source dans une légitimité transcendante, souvent associée à la religion.
Avec l’émergence des Lumières et les révolutions démocratiques, cette vision a été remplacée par des théories où la souveraineté émane des citoyens eux-mêmes. Le mandat politique est désormais perçu comme une délégation de pouvoir confiée par les citoyens à leurs représentants, principalement à travers le processus électoral.
B) Les théories démocratiques de la souveraineté
Deux théories majeures de la souveraineté se sont développées dans les démocraties modernes : la souveraineté populaire et la souveraineté nationale.
1. La souveraineté populaire
Développée par Jean-Jacques Rousseau dans Du Contrat Social, cette théorie repose sur plusieurs principes clés :
- Tous les individus naissent libres et égaux. Le pouvoir politique résulte d’un contrat social, par lequel les citoyens mettent en commun leur souveraineté individuelle.
- La souveraineté appartient à chaque citoyen pris individuellement, et les décisions politiques doivent être prises par l’ensemble des citoyens.
- L’idéal démocratique est celui de l’unanimité. Si une minorité n’est pas d’accord, elle est supposée s’être trompée et doit se rallier à la majorité.
Critiques de la souveraineté populaire
- Négation des minorités : Ce modèle a été critiqué pour sa tendance à écraser les opinions minoritaires, en les considérant comme des erreurs.
- Risque de totalitarisme : Certains penseurs y ont vu les germes d’un régime autoritaire, où l’unanimité imposée pourrait mener à une dictature de la majorité.
2. La souveraineté nationale
Dans cette théorie, développée à partir des idées de la Révolution française (1789), la souveraineté appartient non pas aux individus, mais à une entité abstraite et collective : la nation. Ses caractéristiques sont les suivantes :
- La souveraineté est indivisible et distincte des individus qui composent la nation.
- La nation s’exprime par l’intermédiaire de ses représentants élus, notamment les députés, qui agissent au nom du peuple.
Consécration et limites de la souveraineté nationale
- Avènement en France : La souveraineté nationale a été consacrée par la Révolution française, qui a établi le principe selon lequel les représentants de la nation exercent le pouvoir législatif et exécutif.
- Risques liés à un parlement souverain : Sous la Troisième et la Quatrième République, cette conception a conduit à une domination du parlement, rendant le gouvernement faible et instable. Ce déséquilibre a illustré les limites de cette approche, notamment lorsqu’un parlement tout-puissant peut paralyser l’action exécutive.
Conclusion : Les modes d’exercice de la souveraineté reflètent une évolution profonde des systèmes politiques, passant d’une légitimité d’origine divine à une légitimité fondée sur la participation et le consentement des citoyens. Les théories démocratiques de la souveraineté, qu’elles soient populaires ou nationales, visent toutes deux à placer les citoyens au centre du pouvoir, bien que chacune présente des avantages et des limites.
B) Les modalités d’exercices du pouvoir
Les deux théories principales de la souveraineté, souveraineté populaire et souveraineté nationale, ont profondément influencé la manière dont le pouvoir est exercé et les institutions politiques sont organisées. Ces théories se traduisent par des régimes différents, dont les caractéristiques varient selon la place accordée aux citoyens dans le processus de décision.
1) Le régime issu de la souveraineté populaire.
La souveraineté populaire, telle que formulée par Jean-Jacques Rousseau, privilégie l’idée d’un pouvoir exercé directement par les citoyens. Si la démocratie directe reste difficilement praticable à grande échelle, des formes de démocratie semi-directe ont été mises en place dans les régimes modernes.
a) La démocratie directe
Ce modèle repose sur trois principes fondamentaux :
-
L’électorat droit
- Chaque citoyen détient une part de souveraineté et doit pouvoir l’exprimer par le droit de vote. Le suffrage universel est ainsi une condition indispensable à la démocratie directe.
-
Le mandat impératif
- Les représentants doivent suivre les directives de leurs électeurs. Les citoyens peuvent les révoquer en cas de non-respect de ces directives.
- Exemple : Certains États fédérés aux États-Unis permettent la procédure de recall, où une nouvelle élection peut être organisée pour confirmer ou révoquer un élu.
-
Le gouvernement direct
- Les citoyens légifèrent eux-mêmes en se réunissant en assemblée. Ce système reste limité à de petites communautés ou des contextes spécifiques (ex. : certaines communes suisses).
b) La démocratie semi-directe
Dans les régimes modernes, la démocratie semi-directe se manifeste essentiellement par l’usage du référendum, qui permet d’associer directement les citoyens à la prise de décision. Ce mécanisme peut cependant prendre plusieurs formes, chacune avec des implications distinctes :
-
Référendum consultatif
- Permet de recueillir l’avis des citoyens, mais cet avis n’a pas de force contraignante pour l’autorité qui décide.
-
Référendum d’opposition
- Donne au peuple un droit de veto sur certaines lois, avec la possibilité de s’opposer à leur entrée en vigueur ou même de demander leur abrogation.
-
Référendum décisionnel
- Les citoyens votent pour adopter directement des lois ou des réformes constitutionnelles. La loi ne devient applicable qu’après leur approbation.
Avantages et limites du référendum
- Avantages : Renforce la légitimité démocratique des décisions majeures.
- Inconvénients : Risque plébiscitaire si le référendum est utilisé comme un outil de propagande par l’exécutif, ou dérive populiste lorsque les demandes du peuple se heurtent à des contraintes juridiques ou économiques.
2) Le régime issu de la souveraineté nationale
Dans la théorie de la souveraineté nationale, le pouvoir appartient à une entité collective abstraite : la nation. Ce modèle s’exprime principalement par le régime représentatif, où les citoyens délèguent leur souveraineté à des représentants élus.
a) Le régime représentatif
1. L’électorat fonction
Dans sa conception originelle, l’électorat n’était pas considéré comme un droit, mais comme une fonction réservée aux citoyens jugés compétents pour élire des représentants. Cette conception a évolué avec le temps, et l’électorat est désormais un droit universel dans la plupart des démocraties.
2. Le mandat représentatif
Le mandat représentatif repose sur l’indépendance des élus vis-à-vis de leurs électeurs. Les représentants agissent :
- Au nom de la nation entière, et non d’un groupe particulier.
- En toute liberté, sans obligation de suivre les directives des citoyens.
- L’article 27 de la Constitution française interdit explicitement le mandat impératif, garantissant que les élus ne peuvent être révoqués par leurs électeurs.
Critiques
Cette indépendance a parfois été critiquée, notamment sous la Troisième et la Quatrième République française, où les représentants, majoritairement issus de la bourgeoisie, ont écarté les citoyens des affaires publiques.
b) Le régime semi-représentatif
Pour pallier les dérives du régime représentatif, des évolutions ont conduit à un régime semi-représentatif, combinant des éléments de démocratie directe et de participation citoyenne accrue.
1. L’évolution des élus
Les élus, bien que toujours indépendants en droit, sont de plus en plus sensibles à l’opinion publique :
- Recherche de réélection : Les représentants, pour conserver leur poste, doivent répondre aux attentes de leurs électeurs.
- Professionnalisation de la politique : Les élus tendent à représenter davantage les intérêts de leur région ou circonscription, en partie sous la pression des électeurs et des partis politiques.
2. L’intervention citoyenne
Les citoyens participent de manière croissante à la vie politique, non seulement par le vote, mais aussi via :
- Référendums,
- Sondages d’opinion,
- Réseaux sociaux et médias, qui influencent les décisions politiques.
3. Le rôle des partis politiques
Les partis jouent un rôle crucial dans le fonctionnement du régime semi-représentatif :
- Ils organisent les débats et campagnes électorales.
- Ils structurent la majorité et l’opposition au sein des parlements.
- En France, l’article 4 de la Constitution de 1958 reconnaît leur rôle dans l’expression du suffrage. Ils bénéficient d’un statut juridique, leur permettant notamment de recevoir un financement public et de mener des actions en justice.
Conclusion : Les modalités d’exercice du pouvoir varient selon les régimes et les théories sur lesquelles ils s’appuient. Alors que la souveraineté populaire privilégie des mécanismes de démocratie directe ou semi-directe, la souveraineté nationale s’inscrit dans un cadre représentatif où les citoyens délèguent leur pouvoir à des élus. La tendance contemporaine dans la plupart des démocraties est de chercher un compromis entre ces deux approches, en favorisant la participation citoyenne tout en maintenant un système représentatif stable.