La Constitution coutumière du Royaume de France

La Constitution coutumière du Royaume de France

 Le terme Constitution n’est pas employé avant les années 1750 et il désigne l’organisation juridique et les mécanismes de régulation du pouvoir politique c’est à dire le jeu entre les institutions. La finalité de tout constitutionnalisme c’est la préservation des libertés.  Et c’est la notion de liberté qui va varier selon les époques.

Constitution peut aussi définir l’ensemble des textes placés au sommet de la hiérarchie des normes. Il existe par rapport à l’action ordinaire et commune des pouvoirs, des actions ou des règles supérieures qui sont extraordinaires. Cela peut exister de façon coutumière ou bien en étant réglé par des textes. Lorsque cela est réglé par des textes, pour l’essentiel il s’agit alors soit d’énoncer ces normes supérieures soit de prévoir les mécanismes permettant d’assurer que l’exercice ordinaire du pouvoir restera conforme à une normativité supérieure qui éventuellement peut être énoncé délimité au cas par cas, au gré des procédures.

Le terme Constitution est employé en à propos des lois fondamentales.

En droit romain ou en philosophie politique gréco romaine, Constitution a un autre sens.

En droit romain la Constitution c’est la loi faite par l’Empereur.

En philosophie, c’est la forme du gouvernement.

La Constitution coutumière, c’est les lois fondamentales et davantage, car c’est une Constitution qui est malléable. Elle n’est pas écrite mais contient des parties écrites. Ce qui n’est pas écrit n’en est pas moins du droit mais c’est un droit qui a besoin à chaque instant qui a besoin d’être défini et redéfini

 

Paragraphe 1 : du statut de la Couronne aux lois fondamentales

 On reprend la théorie carolingienne du ministère royal au XIe siècle: le Roi est le gardien de la justice et de la paix (mission de la paix pour 10 ans)

Mais ça va servir de fondement au redressement du pouvoir royal.

Dès le XIIe siècle, la mission de garde du Royaume permet au Roi de convoquer l’armée, convoquer l’ost pour refouler des troupes impériales et du Roi d’Angleterre qui se sont avancés jusque vers Reims. Au XIIe siècle, la notion de Couronne commence à être élaborée : le Royaume qui désigne une abstraction. Louis VII est le 1er Roi qui utilise la notion abstraite de Couronne.

A partir du XIIIe siècle, la notion de Couronne bénéficie de l’apport du droit romain mais les légistes royaux pour éviter une dépendance vis à vis du droit romain (fondement du pouvoir de l’Empereur), on ne reprendra pas le terme d’État mais celui de Couronne mais qui en réalité renvoie à la même notion abstraite.

A partir du XIVe siècle on commence à avoir des traités donc des réflexions très théoriques sur la Couronne. Et c’est la réflexion sur la nécessité d’un statut de transmission de la Couronne qui échapperait au droit commun (=au droit privé) qui conduit à élaborer des lois fondamentales par opposition aux lois du Rois qui seront appelés à partir du 15 juillet 1575 les lois fondamentales du Royaume

 Paragraphe 2 : les lois fondamentales

 Les lois fondamentales conduisent à distinguer deux choses : l’origine divine du pouvoir qui relève de la question de la capacité légitime à agir, de la question du titulaire du pouvoir sans bénéficiaire.

Les règles se sont dégagées en fonction du besoin. Une règle coutumière est censée exister de toute Antiquité. Une règle est coutumière dès lors qu’on ne se souvient pas quand elle a été crée.

Deux types de lois fondamentales :

  • les règles d’évolution de la couronne
  • le domaine juridique du domaine de la couronne

 

  1. Règles de succession au trône de France

 Parmi les premières règles, celles d’hérédité puis de primogéniture et de masculinité.

La règle d’hérédité =/= Hugues Capet élu. Pour s’assurer que son fils lui succédera il le fait élire de son vivant et le fait sacrer immédiatement après ainsi il n’y aura pas d’élection à la mort du Roi.

Les rois de France seront élus et sacrés du vivant de leur père jusqu’à Philippe Auguste.

Pour ce dernier, le principe d’hérédité s’est imposé et ne fait pas pareil avec son fils. Puisque le Roi faisait élire et sacrer son fils, la question s’est posé de : lequel de ses fils ?

Hughes Capet a fait élire son aîné Robert le Pieu et ce dernier fit pareil mais son fils décède de son vivant, puis la Reine choisi le deuxième fils. Ainsi la règle sera posée.

A sa mort, le premier fils de Philippe Le Bel à régner est Louis X mais il décède en 1316. Lorsqu’il décède sa femme est enceinte et le seul enfant est une fille. De façon unanime, on décide que cette fille ne régnera pas donc le principe de masculinité s’est déjà imposé. On décide de nommer le frère de Louis X pour être régent en attendant que la femme de Louis X accouche. Ainsi Philippe V, le frère de Louis X, devient Roi => La règle est posé.

Le problème va se poser lorsque Philippe décède en 1328 avec que des filles. Le seul petit fils ou le premier petit fils décédant direct de Philippe Le Bel se trouve être le Roi d’Angleterre car il a marié une de ses filles avec le Roi d’Angleterre.

=> Tentative d’exclusion de l’héritier du Roi d’Angleterre du Royaume de France par les nobles.

On décide qu’un anglais ne régnera pas en France.

Un légiste Nicole Horem (?) commence à expliquer qu’un Royaume n’est pas un héritage, ça n’est pas un bien ça n’est pas quelque chose de privé et qui donc doit suivre des règles privées mais c’est une dignité et honorabilité publique qui requiert habileté de personnes pour gouverner la chose publique.

J Golin(?) insiste sur le caractère sacré de l’onction et insiste sur le fait que la dignité royale est l’équivalent d’une dignité de prêtrise. On commence à parler de lois royales s’opposant à des règles de droit privé.

L’auteur du « Songe de Verger » Evrart deTrémaugon écrit vers 1378, tente de démontrer que l’exclusion des femmes « sexe faible s’appuie à la fois sur la Bible et le droit romain » et fait allusion à une Constitution de France et à un statut.

C’est finalement un certain Robert Lescot qui est moine de St Denis et historiographe des Rois  en 1378, fait ressortir d’un vieux code de lois, les lois saliques une référence qui démontrerait que les femmes ne succèdent pas à leur père.

Au delà de cela, le débat pour imposer cette loi salique permet une réflexion à propos du caractère singulier de la royauté. Le débat ancre solidement l’idée que la royauté échappe aux règles communes et mêmes qu’il existe des règles précises.

 

=> Principe d’instantanéité et d’indisponibilité de la couronne

Le premier : Si la succession est immédiate c’est que le fils est déjà Roi du vivant de son père

Dès la fin du XIIIe siècle, Philippe III se comporte en Roi dès la mort de son père c’est à dire qu’il admet déjà le principe d’instantanéité et pourtant il n’avait pas encore été sacré.

Charles VII régnant depuis 1422 lorsqu’il rencontre Jeanne d’Arc en 1429 il est appelé par elle « gentil dauphin » parce qu’il n’a pas encore été sacré, car on considérait encore que ct le Sacre qui faisait le Roi.                                                                                                                

Des ordonnances royales ont contribué à asseoir ce principe d’instantanéité, Jean de Terrevermeille (qui est un juriste du XVe siècle, spécialiste de droit romain sous Charles VI. Il défend l’idée que la royauté est une fonction dont le roi n’est pas propriétaire) affirme en 1419 que du vivant du Roi son père, le fils 1er né peut être appelé Roi. Il franchit la une étape en montrant que la personne royale vit dans la personne du successeur avant même qu’il ne succède et il dit bien que ces règles sont coutumières mais surtout raisonnables.

Dès lors on commence à penser que la monarchie a deux corps : il existe un corps mystique, le Roi qui ne meurt jamais et il existe un corps physique, le Prince qui porte le titre de Roi qui lui meurt. Mais le Roi ne meurt jamais. « Le Roi est mort, vive le Roi »

Le chancelier de France atteste la permanence de l’État en ne portant jamais le deuil.

Le fils ne peut renoncer à exercer la mission de la même façon que le Roi ne peut renoncer à exercer pour lui ou ne peut exclure son fils. La Couronne, le trône, l’État n’est pas un héritage, le fils n’est pas un héritier mais un successeur.

En devenant un bloc normatif inviolable et tangible, la construction de cette loi de succession donne consistance à l’idée d’un status regni, c’est à dire d’un statut de l’État.

Au début de l’époque moderne, toutes ces règles sont déjà dessinées et il n’y a qu’une série de principes qui viennent s’ajouter. Tout d’abord le principe de catholicité (édit d’Union) => Henri IV était protestant. L’arrêt Lesmaitre tranche le problème : le Roi est Roi dès la mort de son prédécesseur en vertu de la loi salique MAIS il ne peut régner que lorsqu’il est catholique. Distinction entre le fondement du droit à agir et le droit à agir.

 Henri Iv se convertit => ainsi c’est une loi fondamentale.

 

Principe d’indisponibilité de la couronne : deux cas de figure, François 1er et Louis XIV.
François 1er part faire la guerre en Italie, et l’armée française est largement défaite à Pavie face à Charles Quint. François 1er est emprisonné et abdique. Le Parlement de Paris avise François 1er encore prisonnier que son abdication est nulle en vertu du principe d’indisponibilité de la couronne. Un Roi ne peut pas abdiquer. La question est confirmée avec l’édit d’Union. Le roi n’a pas le droit de « déshériter » son successeur. Henri III n’a pas le droit de priver Henri IV de son droit de régner.

           

  1. Le statut du domaine de la couronne

 Le Roi étant toujours seigneur, on commence à se méfier des fiefs accordés par le Roi aux autres. En accordant des bénéfices, le Roi se prive de revenus, et donc doit recourir à l’impôt pour subvenir à ses besoins financiers. Ainsi, le Parlement doit faire reconnaître le caractère inaliénable du domaine. Par ailleurs, la pratique d’accorder aux enfants puis nés des apanages c’est à dire des dotations « ad panem » pour le pain, présente un danger  car il pourrait se développer une éventuelle reconstruction de la féodalité. Dès 1567, les États libéraux remettent en cause le principe de libéralité et de largesse du Roi. Pour la première fois on utilise l’expression « domaine de la Couronne de France ». En 1361, Jean II Le Bon décide d’insérer dans le serment du sacre, la cause inaliénabilité du domaine. En 1363, l’apanage de Bourgogne donné par l’enfant de Jean II est assorti d’une clause du retour au domaine royal en cas d’extinction. Donc le domaine « ad panem » n’est donné que tant que la branche survit, sinon le domaine reviendra au domaine royal. Et le Roi en confiant un domaine conserve sur celui ci les attributs de la souveraineté. Charles V en 1364 impose de surcroît à son frère, le droit royal de percevoir les mêmes impositions dans son apanage que dans le reste du royaume il impose de plus des enclaves au sein de l’apanage dans lequel il peut placer des garnisons royales.

Le principe d’indisponibilité et imprescriptibilité participe au domaine juridique de la couronne. Au cours du XVe siècle se développe la métaphore du mariage entre le Roi et la Couronne et dans cette métaphore, le domaine est la dote.

Au XVIe siècle l’inaliénabilité se renforce lorsque l’on craint un problème de succession, lorsque Charles Quint suite à la captivité de François 1er va chercher à récupérer la Bourgogne pour lui, pour éviter que cela arrive, on réunit les états de Bourgogne, pour qu’ils refusent de cesser d’appartenir au Royaume de France. Et ce refus rend nul et non avenu le traité de Madrid.

C’est l’édit de Moulin de 1566 qui fixe définitivement le statut du domaine. L’édit a été préparé par Michel de L’Hospital, à la demande de Charles IX il s’agit de faire un édit perpétuel et irrévocable et dans le préambule le Roi rappelle son serment du Sacre, la clause de ne pas aliéner le domaine. L’Edit  dispose que le domaine est aussi indivisible que la Couronne elle même, il définit un domaine fixe qui englobe tous les biens et droits acquis à la Couronne depuis au moins 10 ans, il est inaliénable. Puis il y a le domaine casuel, ce sont des biens et droits qui (?) au monarque de divers façons : il peut acheter le domaine, hérité du domaine, il y a le droit d’aubaine (hérité d’étrangers morts en France) pendant 10 ans le Roi peut disposer librement des biens ainsi acquis puis aux termes des 10 ans, ces biens intègrent le domaine fixe. A la mort du Roi, quelque soit la durée de possession tous les biens du domaine casuel entrent dans le domaine fixe.

 

Paragraphe 3 : les devoirs et la confiance du souverain

 Le Roi est tenu par la Constitution coutumière.

  • Il y a la conscience du souverain : le souverain s’engage par serment
  • Les miroirs des Princes rappellent au Prince qu’ils ne sont Princes que pour une mission
  • Les lois fondamentales et naturelles sont des limites au pouvoir du Roi : le Roi y est soumis
  • Le Roi a une mission à remplir et pour ce, il se doit d’être prudent : la raison d’État n’est pas sans raison elle n’est pas le caprice, elle est l’obéissance constante aux impératifs supérieurs d’un État dont la dimension dépasse la personne royale. Pierre Charron dans un ouvrage de 1501 explique qu’il existe deux justices : une justice naturelle qui est absolu qui est idéal et ne correspond pas au monde tel qu’il est et une justice particulière et politique c’est celle qui répond aux besoins de l’État. L’État n’est pas injuste, l’État est régit par une justice qui lui est propre.

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