La constitution de la III ème république

La synthèse républicaine de la IIIème république

Le 4 septembre 1870, c’est la nouvelle de la capitulation de Napoléon III à Sedan et cette annonce va déclencher les journées parisiennes : c’est la période de la commune de Paris. La République est proclamée et un gouvernement provisoire de la défense nationale est formé. Le 12 février 1871, des élections vont donner la majorité aux monarchistes, partisans de la paix.

Le 17 février, l’Assemblée Nationale élit Adolphe Thiers, chef du pouvoir exécutif de la République française.
Cependant, les royalistes sont divisés :
– les légitimistes ou les Bourbons
– les orléanistes
Leur opposition va provoquer l’adoption de 3 lois constitutionnelles républicaines très conservatrices, en 1875, ce qui va former la III° République. Le nouveau régime qui se met en place est le plus long de la France ; mais, il ne va fonctionner que très peu de temps, selon les principes constitutionnels fixés en 1875, car très vite, à l’issue de la crise du 16 mai 1877, le régime va dévier vers une pratique coutumière, caractéristique d’un régime d’assemblée instable et inefficace : on parle de la Constitution Grévy.



1 – La genèse de la III° République

a) Des institutions provisoires… vers la République (1870 – 1875)

— Un vide institutionnel à combler : le gouvernement provisoire

La chute de l’Empire entraîne un vide institutionnel et politique. Le général Trochu prend la tête, en septembre 1870, d’un gouvernement provisoire : le pouvoir n’est pas abandonné à la rue. L’installation du gouvernement à Paris, va priver ce gouvernement des contacts avec l’ensemble du pays. Privé d’un contrôle réel du pays, fragilisé dans son assise, le gouvernement n’est qu’une parenthèse que viennent clore les élections du 12 février 1871.
Elles sont organisées sous le patronage de l’Allemagne, qui occupe une partie du territoire français : elle souhaite que la France se dote d’institutions politiques stables, pour qu’elle négocie la paix. Il s’agit donc de savoir si la France veut oui ou non continuer la guerre.

La paix l’emporte, car les conservateurs gagnent ces élections : ce sont les monarchistes et les bonapartistes ; les républicains subissent un sérieux revers, car ils étaient pour la guerre. La nouvelle assemblée va devoir fabriquer de nouvelles institutions et l’on va glisser vers la République.


— Le glissement progressif vers la République

Thiers domine cette assemblée : le 17 février, il devient chef du pouvoir exécutif de la République française ; mais, l’assemblée ne s’entend pas sur les nouvelles institutions, car on ne sait pas si elles doivent avoir une base monarchiste ou républicaine. Thiers s’engage à ne faire évoluer les institutions ni vers la République, ni vers la monarchie, par le pacte de Bordeaux, en reportant ces questions à plus tard. Il se donne une double mission :
– rétablir la paix avec l’Allemagne et rétablir le territoire national
– rétablir l’ordre intérieur par la répression de la commune
Il va devenir un personnage autoritaire, car il va exercer le pouvoir de manière solitaire. L’assemblée va réagir pour s’opposer à son pouvoir personnel, en devant offensive à partir du 13 novembre 1872, quand Thiers se déclare favorable à une République conservatrice et en rompant donc le pacte de Bordeaux.
La Chambre se débarrasse de Thiers, en le destituant le 24 mai 1873 ; elle élit le maréchal Mac-Mahon, qui incarne la tendance monarchiste. Pour stabiliser les institutions, il fait voter la loi du 20 novembre 1873, qui institue :
– l’irresponsabilité politique du chef de l’Etat
– le septennat
Ces dispositions sont conformes aux vœux de Mac-Mahon, qui ne souhaite pas s’immiscer dans la gestion quotidienne des affaires ; il laisse le vice-président du conseil des ministres, responsable devant l’assemblée, gouverner. Cette organisation institutionnelle va imprimer aux institutions qui se mettent en place en France, en leur donnant une tournure franchement parlementaire, que consacrent les lois constitutionnelles de 1875.

b) La mise en œuvre avortée des lois constitutionnelles de 1875

Les monarchistes vont enfin, après 4 ans d’attente, accepter de donner à la France des institutions définitives. Ce mouvement va être accéléré par l’adoption de l’amendement Wallon, le 30 janvier 1875. Monsieur Wallon, un parlementaire, va proposer de voter pour que « le président de la République soit élu pour 7 ans, à la majorité absolue des suffrages, par le Sénat et la Chambre des Députés réunit en Assemblée Nationale ». Ce texte est adopté à une voix près, ce qui signifie que la France bascule définitivement dans la République.
Cet amendement fait en sorte que la fonction présidentielle soit dissociée de son titulaire : elle n’est plus attachée à la personne de Mac-Mahon ; c’est l’institution de la fonction présidentielle de la République.


— Un régime parlementaire doté d’un exécutif fort

Il n’existe pas de Constitution, mais 3 lois :
– la loi du 24 février 1875 relative à l’organisation du Sénat
– la loi du 25 février 1875 relative à l’organisation des pouvoirs publics
– la loi du 16 juillet 1875 sur les rapports entre les pouvoirs publics
C’est un texte de circonstances qui se borne à énoncer des modalités pratiques. Par conséquent, les 34 articles votés par l’Assemblée Nationale laissent des questions dans le flou. Il y a 3 institutions :

• le président de la République : il est élu par le Sénat et la Chambre des Députés, pour 7 ans ; il dispose de pouvoirs importants, tels que :
— diriger l’armée
— diriger l’administration
— les affaires étrangères
— la diplomatie
Il partage l’initiative des lois avec les assemblées et il peut dissoudre la Chambre des Députés ; ces pouvoirs le rendent comme un monarque, sans l’hérédité, mais rééligible

• le Sénat : ils sont élus pour 9 ans, dans le cadre départemental, au suffrage universel indirect, par les conseillers généraux et les représentants des conseils municipaux ; il fait contrepoids à l’Assemblée Nationale et il est le représentant de la France conservatrice

• la Chambre des Députés : elle est élue pour 4 ans au suffrage universel

Ce régime a les 2 principaux mécanismes du modèle parlementaire :
– le droit de dissolution au président, sur l’avis conforme du Sénat
– la responsabilité politique du gouvernement devant le Parlement

 La crise du 16 mai 1877Ø

Les évènements vont faire que le régime va être déséquilibré, au profit du Parlement, par la crise du 16 mais 1877. En mars 1877, il y a des élections législatives et les républicains en sortent majoritaires ; les monarchistes ont une courte avance au Sénat. Par conséquent, le chef de l’Etat, Mac-Mahon, est contraint de trouver un chef de gouvernement, qui ne soit pas trop éloigné de ses idées conservatrices et qui pourra être accepté par la majorité républicain à la Chambre.
Le premier ministère, celui de Du Faure, sera renversé en décembre 1876 et remplacé par celui de Jules Simon, qui va se heurter à la politique du chef de l’Etat ; celui-ci, le 16 mai 1877, lui adresse une lettre dans laquelle il désoeuvre sa politique, le relève de ses fonctions et lui annonce son remplacement par le duc de Broglie. Le 21 juin, la Chambre des Députés réagit et renverse le nouveau ministère.
En réaction, Mac-Mahon dissout la Chambre des Députés, le 21 juin 1877. Lors de la campagne électorale, Gambetta dira :
« En cas de victoire républicain, le président de la République devra se soumettre ou se démettre »

Lors des élections, en octobre 1877, les républicains conservent une majorité et Mac-Mahon en sort politiquement affaibli et les élections sénatoriales de janvier 1879 vont l’achever car ils les remportent aussi. Par conséquent, privé de soutien politique, Mac-Mahon démission le 30 janvier 1879 ; Jules Grévy le remplacera la jour même, car il était président de la Chambre des Députés.



2 – La « Constitution Grévy » ou la déviance du régime

Jules Grévy est opposé à l’institution présidentielle : il trouve qu’il a trop de pouvoirs ; dès janvier 1879, il déclare qu’il n’entrera jamais en lutte contre la volonté nationale exprimée par ses organes constituants. Ainsi, Grévy renonce à s’opposer au pouvoir législatif, notamment en utilisant le droit de dissolution.
Ce renoncement va placer l’exécutif, c’est-à-dire le gouvernement, sous la domination du législatif ; la régime passe du parlementarisme orléaniste, ou dualiste, à un parlementarisme moniste, dans lequel le chef du gouvernement est quasiment dépourvu de tout moyen de pression sur le législatif. La Constitution de la III° République va être caractérisée par un régime d’assemblée de faits. 4 choses la marquent :
– l’hypertrophie de la souveraineté parlementaire qui confine au légicentrisme
– l’effacement du chef de l’Etat
– l’immobilisme gouvernemental et l’incapacité à réagir efficacement, faute d’autorité politique, face aux crises économiques et à la guerre
– l’instabilité ministérielle
C’est le parlementarisme à la française qui s’implante.