La synthèse républicaine de la IIIème république
Le 4 septembre 1870, la capitulation de Napoléon III à Sedan face aux troupes prussiennes provoque une onde de choc à Paris, marquée par l’agitation populaire. La République est proclamée, mettant fin au Second Empire, et un gouvernement provisoire de la défense nationale est constitué. Ce gouvernement, dirigé par le général Trochu, a pour mission de gérer la crise militaire et politique. Cependant, sa position est fragile : Paris est assiégé par les troupes prussiennes, et le gouvernement peine à exercer un contrôle effectif sur l’ensemble du territoire.
Le 12 février 1871, des élections législatives sont organisées sous l’œil des autorités allemandes, qui souhaitent une stabilisation politique rapide en France pour négocier la paix. Les résultats donnent une large majorité aux monarchistes, favorables à la cessation des hostilités, tandis que les républicains, partisans de la guerre à outrance, subissent un sérieux revers.
Adolphe Thiers et la répression des troubles intérieurs
Le 17 février 1871, l’Assemblée nationale élit Adolphe Thiers comme chef du pouvoir exécutif de la République française. Républicain modéré et conservateur, Thiers joue un rôle clé dans la stabilisation du pays. Sa double mission est :
- Qu’est-ce que le droit et le droit constitutionnel ?
- Histoire de la formation de l’État français
- L’État, cadre du pouvoir politique
- L’État : définition, caractères, éléments constitutifs, formes
- Le pouvoir politique : définition, encadrement, typologie
- Les limites à l’exercice du pouvoir politique
- La séparation des pouvoirs
- Négocier la paix avec l’Allemagne, ce qui aboutit à la signature du traité de Francfort en mai 1871, entérinant des pertes territoriales (Alsace et Moselle) et des indemnités financières lourdes.
- Réprimer la Commune de Paris (mars-mai 1871), une insurrection socialiste et révolutionnaire qui naît du mécontentement populaire face à la capitulation et aux conditions de vie difficiles. La répression, particulièrement violente, culminera dans la Semaine sanglante.
L’opposition des monarchistes et l’adoption des lois constitutionnelles de 1875
Malgré ses efforts pour réconcilier les différentes forces politiques, Thiers se heurte à une opposition grandissante des monarchistes. Ces derniers, majoritaires à l’Assemblée, sont eux-mêmes divisés entre :
- Les légitimistes, soutenant la dynastie des Bourbons (représentée par le comte de Chambord).
- Les orléanistes, favorables à la branche des Orléans, jugée plus moderniste.
Cette division empêche le retour à la monarchie. Thiers, favorable à une République conservatrice, déclare en novembre 1872 que celle-ci est désormais « le régime qui nous divise le moins ». Cette déclaration brise le pacte de Bordeaux, par lequel il s’était engagé à ne pas trancher la question du régime, et provoque sa destitution le 24 mai 1873.
Le maréchal Mac-Mahon, monarchiste convaincu, lui succède comme chef de l’État. Cependant, face à l’impossibilité de restaurer la monarchie en l’absence de compromis dynastique, les monarchistes se résignent à adopter un compromis républicain. Ce compromis aboutit à l’adoption des lois constitutionnelles de 1875, qui instaurent une République teintée de conservatisme, pour plaire aux différentes factions.
&1 – La genèse de la III° République
a) Des institutions provisoires… vers la République (1870 – 1875)
b) La mise en œuvre avortée des lois constitutionnelles de 1875
1. Adoption des lois constitutionnelles et l’amendement Wallon
En janvier 1875, après plusieurs années de tension entre monarchistes et républicains, les monarchistes se résignent à instaurer des institutions républicaines, poussés par les événements et les divisions internes. L’amendement Wallon, adopté le 30 janvier 1875 à une voix près, joue un rôle décisif dans cette transition.
Cet amendement précise que le président de la République sera élu pour sept ans par le Sénat et la Chambre des Députés réunis en Assemblée nationale, marquant une rupture avec la personnalisation du pouvoir exercé par Mac-Mahon. Désormais, la fonction présidentielle devient une institution républicaine indépendante de son titulaire.
2. Un régime parlementaire à exécutif renforcé
Les lois constitutionnelles de 1875, votées entre février et juillet, n’établissent pas une Constitution complète, mais un cadre institutionnel minimal, réparti en trois textes :
- Loi du 24 février 1875 : Organisation du Sénat.
- Loi du 25 février 1875 : Organisation des pouvoirs publics.
- Loi du 16 juillet 1875 : Rapports entre les pouvoirs publics.
Ces lois définissent trois institutions principales :
Le président de la République : un exécutif puissant
Élu pour sept ans, il dispose de pouvoirs importants, le rapprochant d’un monarque constitutionnel :
- Commandement des armées.
- Direction de l’administration et des affaires étrangères.
- Initiative des lois, partagée avec le Parlement.
- Droit de dissolution de la Chambre des Députés, sur l’avis conforme du Sénat.
Le président est rééligible, mais l’absence de transmission héréditaire distingue ce régime d’une monarchie classique.
Le Sénat : le garant conservateur
Élu pour neuf ans au suffrage universel indirect, il est renouvelé par tiers tous les trois ans. Les électeurs sont des conseillers généraux et municipaux. Ce système en fait un bastion conservateur, conçu pour modérer les ardeurs républicaines de la Chambre des Députés. Le Sénat partage le pouvoir législatif avec la Chambre et joue un rôle clé dans la dissolution.
La Chambre des Députés : l’assemblée populaire
Élue pour quatre ans au suffrage universel masculin, elle représente le peuple. La Chambre détient l’initiative législative et contrôle le gouvernement par le mécanisme de la responsabilité politique.
Les mécanismes du régime parlementaire
- Droit de dissolution : Le président peut dissoudre la Chambre des Députés, mais uniquement avec l’avis conforme du Sénat.
- Responsabilité politique : Le gouvernement est solidairement responsable devant le Parlement, bien que cette responsabilité soit exercée principalement devant la Chambre.
3. La crise du 16 mai 1877 : le basculement vers un régime parlementaire
Les élections de 1877 : la montée des républicains
Les élections législatives de mars 1877 donnent une majorité républicaine à la Chambre des Députés, tandis que le Sénat reste monarchiste, mais de justesse. Face à ce paysage politique, le président Mac-Mahon doit nommer un gouvernement acceptable par les républicains tout en restant fidèle à ses convictions conservatrices.
Conflit entre Mac-Mahon et Jules Simon
Mac-Mahon nomme Jules Simon, un républicain modéré, à la tête du gouvernement. Cependant, des désaccords émergent rapidement, notamment sur la question de la place de l’Église dans la société. Le 16 mai 1877, Mac-Mahon adresse une lettre de blâme à Jules Simon et le démet de ses fonctions, remplacé par un gouvernement conservateur dirigé par le duc de Broglie.
La dissolution de la Chambre des Députés
Face à l’opposition de la Chambre, Mac-Mahon décide de la dissoudre le 21 juin 1877, avec l’aval du Sénat. Cette décision provoque une campagne électorale tendue, marquée par des échanges virulents. Gambetta, figure des républicains, déclare :
« Quand le pays aura parlé, il faudra se soumettre ou se démettre. »
Le rejet de Mac-Mahon par le corps électoral
Les élections d’octobre 1877 confirment la majorité républicaine à la Chambre des Députés. Affaibli politiquement, Mac-Mahon tente de continuer avec un gouvernement intérimaire, mais il se heurte à une opposition parlementaire persistante.
4. Les conséquences de la crise et la fin de l’exécutif fort
Démission de Mac-Mahon et élection de Grévy
En janvier 1879, les élections sénatoriales donnent également une majorité républicaine. Isolé politiquement, Mac-Mahon démissionne le 30 janvier 1879. Jules Grévy, alors président de la Chambre des Députés, lui succède immédiatement.
La Constitution Grévy : vers un parlementarisme absolu
Dans son discours d’investiture, Grévy proclame qu’il n’entrera « jamais en lutte contre la volonté nationale exprimée par ses organes constitutionnels. » Cette déclaration marque :
- L’abandon définitif du droit de dissolution par le président.
- La subordination de l’exécutif au Parlement, consacrant un régime parlementaire moniste où le président devient une figure purement symbolique.
5. Bilan : une mise en œuvre déséquilibrée des lois constitutionnelles
Les lois de 1875, conçues pour instaurer un équilibre entre les pouvoirs, sont rapidement dévoyées par la pratique politique :
- La responsabilité politique est systématiquement utilisée par le Parlement pour contrôler l’exécutif.
- Le droit de dissolution tombe en désuétude après la crise de 1877.
- Le président de la République perd son rôle central, au profit d’un Parlement tout-puissant.
Ce déséquilibre institutionnel, initié par la crise de 1877 et renforcé par la Constitution Grévy, transforme la IIIe République en un régime d’assemblée, marqué par une instabilité gouvernementale chronique.
&2 – La « Constitution Grévy » ou la déviance du régime
En janvier 1879, Jules Grévy, nouvellement élu président de la République, marque une rupture avec la pratique institutionnelle prévue par les lois constitutionnelles de 1875. Opposé à l’idée d’un exécutif fort et à une présidence interventionniste, Grévy déclare :
« Je n’entrerai jamais en lutte contre la volonté nationale exprimée par ses organes constituants. »
Cette déclaration constitue un renoncement à l’utilisation du droit de dissolution, prévu par l’article 5 de la loi du 25 février 1875. Dès lors, le président abandonne l’un des principaux leviers permettant de contrebalancer le pouvoir du Parlement. Ce choix transforme la fonction présidentielle en un rôle largement symbolique, dépourvu de véritable influence politique.
La transition vers un parlementarisme moniste
Avec ce renoncement, le régime parlementaire évolue d’un parlementarisme dualiste, dans lequel le gouvernement est responsable à la fois devant le chef de l’État et devant le Parlement, vers un parlementarisme moniste, où le gouvernement dépend exclusivement de la Chambre des députés.
Le président de la République n’a plus de moyens pour s’imposer face à la majorité parlementaire :
- Le droit de dissolution, outil essentiel pour arbitrer les conflits entre l’exécutif et le législatif, tombe en désuétude.
- L’exécutif, réduit à un rôle passif, devient entièrement dépendant de la volonté parlementaire.
Les caractéristiques du régime d’assemblée
La « Constitution Grévy » transforme la IIIe République en un régime d’assemblée, caractérisé par une prédominance excessive du pouvoir législatif. Ce basculement entraîne plusieurs conséquences majeures :
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Hypertrophie de la souveraineté parlementaire et légicentrisme
- Le Parlement, en particulier la Chambre des députés, concentre tous les pouvoirs.
- L’élaboration des lois devient l’activité centrale du régime, sans contre-pouvoir exécutif réel.
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Effacement du chef de l’État
- Le président de la République se réduit à une figure honorifique, cantonnée à des fonctions protocolaires.
- La fonction présidentielle perd son caractère arbitrale et sa capacité à stabiliser le système.
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Immobilisme gouvernemental
- Le gouvernement, soumis à la majorité parlementaire, manque de marge de manœuvre pour mettre en œuvre des politiques cohérentes.
- Cette situation limite la capacité de l’exécutif à répondre efficacement aux crises économiques, sociales ou internationales.
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Instabilité ministérielle
- La responsabilité politique devant le Parlement entraîne une rotation rapide des gouvernements.
- Entre 1879 et 1940, plus de 100 gouvernements se succèdent, avec une durée de vie moyenne d’environ 9 mois.
Un parlementarisme à la française
Cette forme de régime, où le Parlement domine l’ensemble des institutions, est souvent qualifiée de « parlementarisme absolu » ou de « parlementarisme à la française ». Si cette pratique permet une affirmation durable des institutions républicaines, elle montre rapidement ses limites :
- Une difficulté à s’adapter aux crises majeures, notamment la Première Guerre mondiale et la montée des totalitarismes dans les années 1930.
- Une fragilité structurelle, qui contribue à l’effondrement du régime en 1940 face à l’invasion allemande.
- Le cours de droit constitutionnel est divisé en plusieurs fiches
- Introduction au droit constitutionnel général
- Le processus de formation de l’état français
- l’état, cadre du pouvoir politique
- L’État : définition, caractères, éléments constitutifs, formes
- L’encadrement juridique du pouvoir politique
- Les techniques de limitation de l’exercice du pouvoir politique
- La séparation des pouvoirs
- Le contrôle juridictionnel du pouvoir
- La souveraineté : théorie, définition, titulaires
- La participation des gouvernés au pouvoir : Démocratie, Suffrage, scrutin
- La constitution de la III ème république
- Régime politique anglais : démocratie libérale – monarchie parlementaire
- L’histoire des constitutions après la Révolution
- Les constitutions du XIXeme siècle : de la monarchie à la IIème République
- Le régime présidentiel américain