la Constitution remplit une double mission :
Toutes les Constitutions, y compris dans les dictatures et les monarchies absolues, ont pour fonction d’organiser les institutions de l’État. Cependant, en droit français actuel, et particulièrement depuis la Constitution de 1958, la Constitution traduit l’idée selon laquelle la nation est souveraine.
Dès 1791, cette idée était déjà consacrée : la souveraineté réside dans la nation, qui élabore une Constitution pour structurer le fonctionnement de l’État. Autrement dit, la nation utilise la Constitution comme outil pour organiser l’État. Ce principe a marqué l’histoire constitutionnelle française, où plusieurs Constitutions ont été élaborées par des représentants élus, et parfois soumises au référendum, permettant au peuple de les approuver ou de les rejeter.
Cependant, une Constitution ne peut pas tout prévoir. Elle est relativement courte et pose seulement les bases fondamentales de l’organisation de l’État. C’est pourquoi d’autres éléments viennent compléter et préciser son application :
En plus d’organiser les institutions, la Constitution limite également le pouvoir :
La Constitution ne se limite pas à un statut juridique ; elle reflète également des objectifs philosophiques et politiques, comme la séparation des pouvoirs ou la garantie des droits fondamentaux. Ainsi, elle incarne à la fois l’organisation et les limites de l’État.
Au-delà de l’organisation des pouvoirs publics, la Constitution s’est progressivement affirmée comme un outil de protection des droits fondamentaux
Les droits garantis par la Constitution française se sont développés en plusieurs générations, correspondant à différentes étapes historiques et aspirations sociétales :
Première génération : les droits civils et politiques. Issus de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, ces droits visent principalement à protéger l’individu contre les abus de l’État. Ils incluent des libertés fondamentales comme la liberté d’expression, la liberté de réunion, et l’égalité devant la loi. L’objectif est de limiter le pouvoir étatique afin de garantir les libertés individuelles.
Deuxième génération : les droits économiques et sociaux. Apparue avec le préambule de la Constitution de 1946, cette génération consacre des droits qui nécessitent une intervention active de l’État. Il s’agit par exemple du droit au travail, du droit à la santé, au droit de grève, ou encore au droit à la solidarité nationale. L’État devient ici un acteur garantissant des conditions matérielles de dignité.
Troisième génération : les droits environnementaux. Ancrée dans la Charte de l’environnement de 2004, cette génération reflète les préoccupations contemporaines pour un développement durable. Elle inclut notamment le droit à un environnement sain et à la participation à la préservation des écosystèmes.
Vers une quatrième génération ? Certains juristes avancent qu’une quatrième génération de droits émerge, portant sur les avancées technologiques et la reconnaissance de nouveaux bénéficiaires :
1. Évolution de la protection des droits en France
Pendant longtemps, les droits et libertés ont été garantis par la loi. La Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, bien que fondamentale, était avant tout un guide moral pour le législateur. Progressivement, la garantie des droits a été renforcée par leur ancrage dans la Constitution.
Bloc de constitutionnalité
En France, les droits fondamentaux tirent leur force de leur inclusion dans le « bloc de constitutionnalité », qui regroupe plusieurs textes :
Cette inclusion a été décidée par le Conseil constitutionnel à partir de sa décision fondatrice du 16 juillet 1971, sur la liberté d’association. Cette décision a conféré une valeur constitutionnelle à la Déclaration de 1789 et au Préambule de 1946.
2. La décision de 1971 : un tournant majeur
Le Conseil constitutionnel a marqué un tournant en 1971 en censurant une loi qui portait atteinte à la liberté d’association. Cette liberté, bien que non mentionnée explicitement dans la Constitution de 1958, a été reconnue comme un principe fondamental reconnu par les lois de la République (PFRLR), basé sur la loi de 1901 sur les associations.
3. Les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République (PFRLR)
Ces principes, bien qu’issus de lois antérieures à 1946, ne sont pas explicitement mentionnés dans les textes constitutionnels :
Cette approche montre une interprétation évolutive et flexible des textes constitutionnels par les juges. Elle pose cependant la question des limites de l’interprétation jurisprudentielle.
4. Le rôle du juge constitutionnel
Depuis 1971, le Conseil constitutionnel joue un rôle central dans la protection des droits fondamentaux :
Les décisions du Conseil ont élargi le champ des droits constitutionnels en ajoutant des notions comme les « principes particulièrement nécessaires à notre temps » et les « principes à valeur constitutionnelle ».
Une constitution peut prendre différente forme, dans la très grande majorité des cas elle est écrite, très rarement elle est coutumière, dans les deux cas elle est au sommet de la hiérarchie des normes et comme c’est un texte fondamental on ne la modifie pas facilement.
La plupart des Constitutions modernes sont écrites, car elles offrent plusieurs avantages :
L’avènement des Constitutions écrites coïncide avec le siècle des Lumières, où la raison et la rigueur étaient valorisées. Par exemple :
Cependant, une Constitution écrite présente une certaine rigidité. Une fois adoptée, elle est difficile à modifier, ce qui peut poser problème lorsque des ajustements sont nécessaires pour s’adapter aux évolutions sociales ou politiques.
Dans les monarchies historiques, les règles constitutionnelles reposaient souvent sur la coutume, comme en France avec les lois fondamentales du royaume, qui n’étaient pas nécessairement écrites.
La coutume se définit comme un fait matériel répété dans le temps, auquel une force obligatoire est conférée par la société. La coutume est avantageuse car elle est :
Cependant, la coutume présente aussi des inconvénients : elle n’est pas formalisée et peut donc manquer de visibilité ou de certitude juridique.
Le Royaume-Uni est un exemple classique de Constitution coutumière :
Même dans les pays ayant une Constitution écrite, la coutume ne disparaît pas nécessairement :
En France, certains auteurs estiment que le sur-présidentialisme (une pratique où le Président concentre beaucoup de pouvoirs) pourrait être qualifié de coutume contra legem, car il dépasse le cadre prévu par la Constitution de 1958.
La Constitution découle du pouvoir constituant, c’est-à-dire l’autorité légitime et souveraine chargée d’élaborer les règles fondamentales régissant l’organisation de l’État. En France, ce pouvoir appartient à la nation, qui incarne la souveraineté populaire et détermine les règles applicables aux pouvoirs constitués.
Le titulaire du pouvoir constituant
La nation, étant le pouvoir constituant, ne peut directement rédiger une Constitution, étant donné sa nature collective et diffuse. Elle procède donc par l’intermédiaire de représentants élus ou désignés.
Les représentants du pouvoir constituant : l’assemblée constituante
L’assemblée constituante est élue avec pour mandat explicite d’élaborer une nouvelle Constitution. Elle joue un rôle central dans le processus d’établissement.
L’adoption définitive de la Constitution
Une fois le texte rédigé, son adoption définitive peut se faire selon deux modalités, souvent combinées :
Exemple : La Constitution française de 1958 a été rédigée par un comité d’experts dirigé par Michel Debré et sous la supervision du général de Gaulle. Le texte, élaboré selon les lignes directrices fixées par la loi du 3 juin 1958, a été ratifié par référendum le 28 septembre 1958.
L’exercice du pouvoir constituant
L’exercice du pouvoir constituant varie selon les contextes, les traditions juridiques et politiques des États.
A. Une procédure flexible, mais encadrée
Le pouvoir constituant bénéficie généralement d’une grande souplesse procédurale. Il n’existe pas de cadre unique applicable dans tous les États : chaque nation choisit la procédure adaptée à ses besoins.
Dans certains cas, l’assemblée constituante est totalement libre d’organiser ses travaux, ce qui peut sembler séduisant en théorie. Toutefois, cette liberté comporte des risques de dérives :
Exemple : Les débats prolongés lors de l’élaboration de la Constitution de la IVe République ont suscité des critiques pour leur lenteur et leur éloignement des priorités populaires.
B. Les textes pré-constitutionnels : une solution pour éviter les dérives
Pour encadrer l’action des assemblées constituantes et éviter les abus, certains États adoptent des textes pré-constitutionnels ou « petites Constitutions ». Ces textes définissent des lignes directrices que l’assemblée doit respecter :
Exemple français :
La loi du 3 juin 1958, encadrant la rédaction de la Constitution de la Ve République, fixait notamment :
La révision constitutionnelle consiste à modifier un texte déjà existant, en se conformant aux procédures prévues par ce même texte. Elle se distingue de l’élaboration d’une nouvelle constitution, qui relève d’un pouvoir constituant originaire, tandis que la révision dépend d’un pouvoir constituant dérivé, inscrit dans le cadre juridique établi.
Contrairement à l’établissement d’une nouvelle Constitution, qui relève du pouvoir constituant originaire, la révision d’une Constitution existante fait intervenir un pouvoir constituant dérivé. Ce dernier exerce son autorité dans les limites fixées par la Constitution en vigueur.
La distinction entre ces deux pouvoirs est essentielle :
Points communs
Ces deux pouvoirs relèvent de la même nature : ils établissent ou modifient des normes à valeur constitutionnelle, c’est-à-dire situées au sommet de la hiérarchie des normes. En ce sens, ils participent tous deux à définir le cadre fondamental de l’organisation de l’État et des droits des citoyens.
Différences
Le pouvoir constituant dérivé est soumis à des limites temporelles, matérielles et procédurales, qui ne s’appliquent pas au pouvoir constituant originaire :
Limites temporelles. Certaines constitutions interdisent les révisions pendant une période déterminée après leur adoption (par exemple, pour garantir une période de stabilité initiale).
Limites en période de crise. Une révision peut être suspendue en cas de menace grave pour l’intégrité territoriale ou l’ordre constitutionnel. En France, l’article 89 interdit les révisions pendant l’application des pouvoirs exceptionnels de l’article 16 ou en cas de vacance de la présidence de la République.
Limites matérielles. Certaines dispositions ne peuvent être révisées : en France, la « forme républicaine du gouvernement » (article 89 alinéa 5) ne peut être remise en cause. Ainsi, une transformation en monarchie parlementaire serait impossible dans le cadre actuel.
Limites procédurales. Le pouvoir dérivé doit suivre les règles strictes prévues par la constitution pour être exercé : en France, les révisions passent par l’article 89, qui impose un vote en termes identiques par les deux chambres, suivi d’un référendum ou d’une adoption par le Congrès avec une majorité qualifiée des 3/5 des suffrages exprimés.
En revanche, le pouvoir constituant originaire dispose d’une liberté totale. Il intervient dans des moments de rupture : changement de régime, création d’un État, ou élaboration d’une nouvelle constitution (par exemple, après 1945 ou en 1958 en France).
Similarités et risques de confusion
La révision constitutionnelle et la loi ordinaire peuvent être adoptées par le Parlement, ce qui peut prêter à confusion. Toutefois, les deux n’ont pas la même portée :
Différences fondamentales
La distinction réside dans la valeur et la procédure :
Le degré de difficulté pour réviser une constitution influence sa nature :
Constitution rigide : Une procédure de révision stricte, comme celle prévue en France, confère à la Constitution une valeur sacrée et renforce sa stabilité. Plus la procédure est exigeante, plus la Constitution devient un texte de référence intouchable. Plus la révision constitutionnelle est difficile, plus la procédure et organisée on aura alors affaire à une constitution rigide à laquelle on ne touche pas facilement. (art. 89 de la constitution).
Constitution souple : A l’inverse il y a des constitutions assez facile à modifier, comme en Suisse, les révisions peuvent être initiées directement par le peuple ou suivies de référendums réguliers. Cela rend la Constitution plus adaptable mais peut fragiliser sa pérennité.
Plus la constitution est difficile à modifier plus on en fait un texte de référence absolue, plus cette constitution sera présentée comme la source intouchable du droit.
Une fois que la constitution est rédigée (si elle est écrite) il faut alors en assurer l’application.
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