LA CONVENTION ET SON ÉCHEC
La Convention nationale, assemblée constituante qui dirigea la France du 21 septembre 1792 au 26 octobre 1795, est l’une des périodes les plus mouvementées et décisives de la Révolution française. Si son action a été immense, assurant la sauvegarde de la Révolution dans un contexte de crises internes et externes, elle échoue néanmoins à établir une Constitution applicable et durable. Ce paradoxe, où un régime capable de résoudre de nombreux problèmes échoue à créer un cadre institutionnel pérenne, s’explique par les violentes convulsions politiques qui traversent cette époque.
Les ambitions constitutionnelles de la Convention
La mission principale de la Convention, proclamée le 21 septembre 1792 après la victoire de Valmy, est double :
Cependant, dès le départ, l’Assemblée est divisée entre plusieurs courants politiques :
Malgré ces tensions, deux projets de constitution émergent, reflétant les visions opposées des Girondins et des Montagnards.
La Constitution girondine : un projet rapidement enterré
Le 15 février 1793, les Girondins, majoritaires à ce moment, proposent un projet rédigé par Condorcet, mettant en avant :
Cependant, ce projet est rapidement abandonné. En juin 1793, les Girondins perdent leur influence à la suite des journées insurrectionnelles du 31 mai au 2 juin, où les Montagnards, soutenus par les sans-culottes parisiens, prennent le contrôle de la Convention. Le projet girondin est alors remplacé par celui des Montagnards.
La Constitution montagnarde : une ambition inapplicable
Adoptée le 24 juin 1793, la Constitution montagnarde, rédigée par une commission dirigée par Hérault de Séchelles, repose sur des principes démocratiques avancés :
Cependant, cette Constitution, adoptée par référendum en juillet-août 1793, ne sera jamais appliquée. Les raisons de cette inapplication résident dans le contexte critique de l’époque.
Le cours complet de droit constitutionnel est divisé en plusieurs parties :
Le Consulat et l’Empire Le Directoire (1795 – 1799) La convention de 1793 et son échec constitutionnel De la Révolution à l’échec de la Constitution de 1791 De la Restauration à la Monarchie parlementaire (1814) Le Second Empire Le régime de la Troisième République Le régime politique de la IVème république et son héritage
Les élections du 5 septembre 1792, bien qu’ayant élargi le corps électoral en supprimant le cens et la distinction entre citoyens actifs et passifs, aboutissent à une assemblée divisée. Avec près de 200 Montagnards, 160 Jacobins, et une moitié d’élus appartenant à la Plaine, indécis et susceptibles de voter alternativement avec les deux camps, les tensions idéologiques dominent les débats. Cependant, un consensus existe autour de l’abolition de la monarchie, proclamée le 21 septembre 1792, marquant le premier jour de l’an I de la République. La condamnation à mort de Louis XVI, exécuté le 21 janvier 1793, illustre cette unanimité contre le roi.
Dès sa création, la Convention est investie de la tâche prioritaire d’élaborer une nouvelle Constitution républicaine. En septembre 1792, un comité de constitution est mis en place, composé de huit Girondins et de Danton. Ce comité propose, en février 1793, un projet rédigé par Condorcet, qui reflète les valeurs démocratiques et républicaines des Girondins.
Le texte de Condorcet se distingue par plusieurs points innovants et audacieux :
Démocratie directe et participative :
Le projet prévoit une place importante aux référendums et à l’initiative populaire, permettant aux citoyens de s’exprimer directement sur les lois et les décisions importantes.
Système complexe mais démocratique :
Bien que le texte soit ambitieux, sa mise en œuvre aurait nécessité des structures lourdes et une forte mobilisation citoyenne, rendant son application difficile dans un contexte troublé.
Le projet girondin n’est jamais discuté par la Convention. En juin 1793, les Montagnards, soutenus par l’insurrection parisienne et une partie de la Plaine, prennent le contrôle de l’Assemblée. Les Girondins sont éliminés de la scène politique après les arrestations massives ordonnées lors de l’insurrection du 31 mai au 2 juin 1793. Le projet de Constitution girondine est alors définitivement abandonné, et un nouveau projet est lancé sous l’égide des Montagnards.
Après leur prise de pouvoir, les Montagnards mettent rapidement en chantier leur propre projet de Constitution. Confiée à une commission dirigée par Hérault de Séchelles, cette nouvelle Constitution est adoptée par la Convention le 24 juin 1793. Elle repose sur des principes de souveraineté populaire et incarne les aspirations démocratiques et égalitaires des Jacobins.
Suffrage universel direct :
La Constitution instaure le suffrage universel masculin, une avancée majeure par rapport aux systèmes censitaires antérieurs.
Référendum et droit à l’insurrection :
Rôle prééminent de l’Assemblée législative :
Renouvellement constant :
Malgré ses innovations démocratiques, la Constitution montagnarde est complexe et difficile à appliquer :
Adoptée par référendum en juillet-août 1793, cette Constitution est symboliquement scellée lors de la fête de la Fédération du 10 août 1793, mais elle ne sera jamais mise en œuvre.
À partir de 1793, la France est plongée dans une situation de chaos :
Face à ces menaces, la priorité n’est plus la mise en œuvre de la Constitution, mais la sauvegarde de la République.
Le 10 octobre 1793, un décret de la Convention proclame que « le gouvernement sera révolutionnaire jusqu’au rétablissement de la paix ». Cette décision consacre la mise en place d’un régime d’exception, centré sur le Comité de Salut Public, déjà institué en avril 1793.
Le décret du 14 frimaire an II (4 décembre 1793) systématise cette organisation, en conférant au Comité de Salut Public une autorité quasi absolue. Cette centralisation extrême est justifiée par la nécessité de vaincre les ennemis de la Révolution.
La période de la Terreur (septembre 1793 – juillet 1794) est marquée par une répression intense contre les opposants réels ou supposés au régime.
Cependant, la concentration du pouvoir entre les mains de Robespierre finit par inquiéter ses alliés, qui craignent à leur tour de devenir ses victimes. Le 9 thermidor an II (27 juillet 1794), Robespierre est renversé et exécuté, marquant la fin de la Terreur et du gouvernement révolutionnaire.
Malgré son échec à établir une Constitution durable, la Convention accomplit des réalisations majeures :
Cependant, l’association durable entre les concepts de République et de Terreur, ainsi que l’impossibilité de stabiliser le régime, entachent son bilan. L’échec de la Convention ouvre la voie à une période plus modérée, marquée par l’adoption de la Constitution de l’an III et l’instauration du Directoire.
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