La Convention Européenne des Droits de l’Homme (CvEDH) et la Cour EDH
Parmi les très nombreuses conventions établies par le conseil de l’Europe, la CvEDH a une place particulière (= Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales).
Elle a été adoptée le 4 novembre 1950 par le comité des ministres du conseil de l’Europe à Rome. Elle est entrée en vigueur le 3 septembre 1953.
La CvEDH est inspiré de la déclaration universelle des droits de l’homme adoptée à Paris le 10 décembre 1948. Cette DUDH est une « recommandation » de l’assemblée générale des Nations unies. Elle n’a aucune valeur juridique. En revanche, la CvEDH a une force obligatoire. Elle fournit le modèle le plus perfectionné dans le monde garantissant les droits de l’homme.
C’est le mouvement européen, lors du congrès de la Haye, qui a favorisé son adoption. La CvEDH est en quelque sorte la constitution du conseil de l’Europe. Elle a été complétée après son adoption, par des protocoles, dès 1950 (14 protocoles ont été adoptés).
Il existe deux types de protocoles :
L’originalité et l’importance du système européen de protection des droits de l’homme tiennent moins aux droits garantis (§1) qu’à la mise en place d’un mécanisme juridictionnel destiné à assurer le respect de ces droits (§2).
Évoquer les droits garantis, c’est parcourir le titre premier de la Convention européenne des droits de l’homme et certains de ses protocoles additionnels (n°1, 4, 6, 7, 12, 13). Ces protocoles énumèrent les droits protégés que l’on peut qualifier de « classiques ».
Les principes essentiels consacrés par la CvEDH guident la CrEDH :
– la CvEDH considère que certains droits, certains principes, sont plus absolus que d’autre car ils ne souffrent d’aucune dérogation (par exemple, le droit la vie).
– la jouissance des différents droits reconnus par la CvEDH doit être assurée sans aucune distinction.
– l’équilibre entre les libertés individuelles et les intérêts de la société démocratique nécessitent de pouvoir restreindre certains des droits individuels garantis.
– la jouissance des droits reconnus par la CvEDH peut connaître des dérogations en cas de guerre ou de danger public menaçant le gouvernement de la nation.
Droits et libertés :
– l’intégrité de la personne physique qui consacre trois grands droits aux articles 2, 3, 4 :
– le droit à la vie (article 2) : mais le problème est que le terme « vie » n’est pas défini.
« Tout être né a droit à la vie » : cette formule ne permet pas de se prononcer sur les embryons, ce qui pose problème pour les avortements.
Mais la peine de mort n’avait pas été abolie jusqu’au protocole 6 puis 13.
– le droit à ne pas subir de tortures ou de traitements inhumains ou dégradants :
– Torture : concerne essentiellement la Turquie, mais également la France, condamné dans l’affaire SELMOUNI Vs FRANCE. Dans un arrêt du 28 juillet 1999, la CrEDH a retenu la qualification de tortures à l’encontre de mauvais traitements infligés par des policiers à des personnes placées en garde à vue.
– Esclavage et travail forcé : en théorie interdits. La CrEDH n’a jamais eu l’occasion de condamner sur ce fondement, sauf la France, récemment, dans l’affaire SIALIADIN Vs FRANCE. La CrEDH a constaté une violation à ce droit dans un arrêt du 26 juillet 2005.
– la prééminence du droit comprend le principe du double degré de juridiction, le principe de l’égalité des délits et des peines (ce qui comprend le droit à un procès équitable : article 6). De ce droit découlent de nombreux autres principes.
– le pluralisme et la tolérance : c’est-à-dire, le pluralisme des comportements (liberté de la vie privée, droit au mariage, liberté des pratiques sadomasochistes … D’ailleurs, la CrEDH est intervenue plusieurs fois pour défendre les droits des homosexuels comme en Irlande), le pluralisme des idées, le pluralisme politique et syndical. Ces différents droits ont été consacrés par la Convention en 1950, ultérieurement précisés par la CrEDH et les différents protocoles.
La France a ratifié la CvEDH 21 ans après son entrée en vigueur, en 1974, pendant l’intérim d’Alain Poher.
Il avait été estimé que cette convention ne « servait à rien » car la France était la patrie des droits de l’homme. D’autres considéraient que cette convention était contraire à la laïcité.
Mais avec la guerre d’Algérie fin 1950/début 1960, il s’est révélé que la législation adoptée était parfois contraire à certains principes de la CvEDH.
La CrEDH siège à Strasbourg depuis le 21 janvier 1959. Elle est le rouage principal d’un mécanisme de contrôle supranational de l’application de la CvEDH. Ce mécanisme est novateur.
Conçu en 1950, ce mécanisme originaire s’efforçait tout à la fois de protéger les droits individuels et de ménager les intérêts Etatiques. Il en est résulté un édifice institutionnel complexe avec trois organes de contrôle ayant leur siège à Strasbourg :
– la commission européenne des droits de l’homme (CmsEDH)
– la cour européenne des droits de l’homme (CrEDH)
– le comité des ministres du conseil de l’Europe
1) Tout commençait par la saisine de la CmsEDH. Il existait deux catégories de recours : le recours Etatique et le recours individuel.
– Hypothèse du recours Etatique : il s’agit de la saisine d’un État contre un autre État en l’accusant de commettre des manquements à la CvEDH. Mais en général, les Etats préféraient ne pas saisir.
– Hypothèse du recours individuel : il s’agit de la saisine des individus, personnes physiques ou morales, s’estimant victime d’une violation par un État partie à la CvEDH. Mais cela ne se faisait qu’à la condition que l’État attaqué ait reconnu la compétence de la commission. La France n’a accepté qu’une fois en 1981. En 1974, elle ne l’avait pas directement reconnu.
2) Les requêtes faisaient ensuite l’objet d’un examen de la recevabilité de la demande. 90 % des requêtes étaient rejetées à ce niveau. Si une requête était refusée, la procédure s’arrêtait là. Si, en revanche, la requête était acceptée, la CmsEDH procédait à un examen approfondi, avec l’aide des parties.
3) Dans un premier temps, on tentait d’obtenir un règlement à l’amiable. Si cela aboutissait, le demandeur percevait une indemnité et l’Etat défendeur s’engageait à modifier sa législation ou les pratiques incriminées. Sinon, dans le cas où la tentative échouait, à partir de là, la commission établissait un rapport dans lequel elle constatait les faits, et formulait un avis sur le fait de savoir si les faits révélaient de la part de l’État incriminé une violation. Le rapport était ensuite adressé au comité des ministres et aux Etats intéressés.
4) puis, s’ouvrait un délai de trois mois durant lequel la CrEDH pouvait être saisi par :
Si la CrEDH était saisie dans les délais, elle était tenue de rendre un arrêt.
Si ce délai était passé, c’est le comité des ministres (composé des ministres des affaires étrangères des différents Etats) qui était saisi et se prononçait sur la violation à la majorité des deux tiers. En règle générale, il se contentait de suivre la commission.
Si la décision de la commission était méconnue, le défendeur devait prendre des mesures pendant un certain délai. Si à l’expiration dudit délai, ces mesures n’avaient pas été prises, la sanction était la publication du rapport du comité des ministres.
Mais ce système souffrait de deux déficiences :
– sa complexité qui rendait la procédure de contrôle peu lisible pour le requérant.
– son caractère hybride à la fois juridictionnel et politique, qui affectait la crédibilité du système.
Mais il a surtout été critiqué parce qu’il était trop long. En 1998, les procédures duraient en moyenne cinq ans et un tiers. Le système était victime de son succès, et il a fallu le revoir.
Le protocole 11 à la CvEDH, entré en vigueur le 1er novembre 1998, procède à une unification organique en substituant aux trois organes une cour unique et permanente : la nouvelle cour européenne des droits de l’homme.
C’est une juridiction internationale indépendante qui siège à Strasbourg. Elle se compose d’un nombre égal de juges à celui des Etats partis à la Convention. Il y a 46 membres donc 46 juges. Chaque État membre propose un juge. C’est une très grosse juridiction.
La CrEDH est divisée en cinq sections. Les juges sont élus pour six ans renouvelables avec renouvellement partiel triennal par l’assemblée du conseil de l’Europe. Ils sont élus à la majorité des deux tiers sur liste (chaque État présente trois candidats : la France ne présente que des anciens conseillers d’État).
Chaque juge est élu par l’assemblée parlementaire, mais ce n’est pas un représentant d’État, c’est-à-dire que par exemple, quand la France est mise en accusation, le juge français peut aller contre son pays. Les juges sont indépendants.
Leur mandat s’achève automatiquement dès que les juges atteignent 70 ans.
La CrEDH est présidée par un président qu’elle élit en son sein pour 3 ans. Aujourd’hui, c’est le juge français : Jean-Paul Costa.
Les juges statuent à la majorité et peuvent joindre leur opinion à l’arrêt. Ils peuvent donner 2 types d’opinions :
Les juges peuvent également joindre une déclaration. Cela signifie qu’ils sont d’accord avec l’arrêt, mais qu’ils veulent y apporter une précision. Cela arrive souvent aux États-Unis, mais cela est rare en droit romano germanique.
La langue de travail est l’anglais ou le français, obligatoirement.
Cette CrEDH connaît trois formations de jugement :
Les arrêts rendus par la CrEDH sont revêtus de l’autorité de la chose jugée, c’est-à-dire qu’ils ont une force obligatoire et définitive. La CrEDH constate une violation de la Convention et condamne à des dommages et intérêts. Mais elle ne peut annuler ou intervenir sur la législation du plan national des Etats.
Le comité des ministres du conseil de l’Europe est chargé de veiller à l’application de l’arrêt de la CrEDH. Mais malgré tout, son pouvoir est maigre car il ne peut pas forcer son exécution.
Depuis 1989, si un État n’a pas pris les mesures nécessaires pour mettre un terme à la violation constatée, le comité des ministres adopte une résolution intérimaire et décide de reprendre l’examen de l’affaire à une date ultérieure qu’il fixe. Dans l’ensemble, ces mesures sont exercées sans grande difficulté.
Depuis 1998, avec le protocole 11, tous les Etats membres ont accepté le recours individuel.
Depuis 1989/1990, la CrEDH est complètement engorgée. En 2005, la cour a été saisie de 41 510 requêtes, et 1105 arrêts ont été rendus. En septembre 2006, 89 000 affaires étaient pendantes. Les délais sont toujours de cinq ans.
Face à cette situation, le protocole 14 adopté et ouvert à la signature le 13 mai 2004, amende de nouveau le système de contrôle afin de faire face au travail de surcharge de la cour. Quelques mesures ont été prises :
Un correctif a quand même été apporté quand le respect des droits de l’homme appelle un examen au fond, ou si l’affaire n’a pas été dûment examinée par un tribunal interne.
Il ne s’agissait pas d’une réforme, mais d’une « réformer ». La meilleure solution était de transformer la CrEDH en en faisant une vraie cour européenne comme aux États-Unis avec la cour suprême. Le protocole 14 départs entre en vigueur puisque la Russie est opposée.
La CrEDH est un instrument considérable de la défense des droits de l’homme.
La mise en place de ces différentes organisations internationales dans la période qui suit la deuxième guerre mondiale est important dans la mesure où elle manifeste un témoignage, une prise de conscience, du fait que trois des grandes fonctions souveraines des Etats ne peuvent pas être assurée par chacun des Etats pour son propre compte. C’est pourquoi ces différentes fonctions vont être mises en oeuvre de manière collective :
Mais très rapidement (fin 1940), l’organisation de l’Europe occidentale rencontre certaines limites. C’est pourquoi certains estiment qu’il faut franchir une nouvelle étape : le passage de la coopération à l’intégration.
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