La Cour de cassation
La Cour de cassation se situe au sommet de la pyramide judiciaire française. Juridiction unique, elle siège à Paris, au Palais de Justice. Elle constitue le dernier recours dans le système judiciaire pour les justiciables, et toutes les décisions rendues en dernier ressort par les juridictions de l’ordre judiciaire peuvent faire l’objet d’un pourvoi en cassation devant elle.
Origines historiques
La Cour de cassation trouve son origine dans l’ancien Conseil du Roi sous l’Ancien Régime, chargé de contrôler la bonne application des lois. Avec la Révolution française, un Tribunal de cassation fut institué pour assurer que les décisions judiciaires respectaient strictement la loi, sans réexaminer les faits. Toutefois, en raison de la prééminence de la loi comme expression de la volonté nationale, ce Tribunal joua initialement un rôle limité.
L’entrée en vigueur du Code civil en 1804 a cependant renforcé le rôle de la Cour de cassation, qui est rapidement devenue une institution centrale de régulation et d’interprétation du droit. Depuis lors, elle est chargée d’assurer l’unité et la cohérence de l’application des lois par les juridictions inférieures.
- L’autorité de la chose jugée
- Les principes directeurs de l’instance
- L’action en justice : définition, conditions
- Les preuves imparfaites (témoignage, présomption, aveu, serment)
- Les preuves parfaites : écrit, aveu judiciaire, serment
- La preuve littérale : acte sous seing privé / acte authentique
- L’admissibilité des preuves des actes et faits juridiques
Activité de la Cour de cassation
La Cour de cassation traite un volume important de contentieux chaque année. D’après les chiffres :
- La Cour de cassation rend environ 30 000 arrêts par an dans l’ensemble des matières (civile, sociale, commerciale et pénale).
- Parmi ces décisions, un nombre restreint d’arrêts est considéré comme fondamental. Le Premier président de la Cour de cassation estime qu’environ 150 à 200 arrêts par an constituent des décisions de principe qui clarifient ou modifient la jurisprudence et servent de référence pour les juridictions inférieures.
A – Rôle de la Cour de cassation
La Cour de cassation est la plus haute juridiction de l’ordre judiciaire en France, mais elle n’intervient pas comme un troisième degré de juridiction. Elle se distingue de la cour d’appel par son rôle spécifique : elle n’examine pas les faits, mais exclusivement les questions de droit, ce qui en fait le juge de la conformité des décisions judiciaires aux règles de droit.
1. Examen des questions de droit
- Contrairement à une cour d’appel, la Cour de cassation n’a pas pour fonction de réexaminer l’ensemble du litige ou les faits de l’affaire. Les faits sont considérés comme définitivement établis par les juges du fond (tribunaux et cours d’appel), et la Cour de cassation ne revient pas dessus.
- Son rôle est de vérifier si les juges du fond ont correctement appliqué la règle de droit aux faits de l’affaire. Elle examine si la qualification juridique des faits est correcte et si les conséquences juridiques tirées par les juges du fond sont conformes au droit.
Ainsi, la Cour de cassation se borne à juger les jugements eux-mêmes pour s’assurer qu’ils respectent la législation et la jurisprudence.
2. Décision de cassation ou de rejet
- Rejet du pourvoi : Si la Cour de cassation considère que les juges du fond ont correctement appliqué la règle de droit, elle rejette le pourvoi. La décision de première instance ou d’appel devient alors définitive.
- Cassation de la décision : Si la Cour de cassation estime que les juges du fond ont commis une erreur de droit, elle casse et annule la décision. La Cour ne rend pas elle-même une décision sur le fond de l’affaire ; elle renvoie le dossier devant une juridiction de même nature que celle qui a rendu la décision cassée, afin que l’affaire soit rejugée conformément aux principes de droit qu’elle a établis.
Dans certains cas exceptionnels, elle peut casser sans renvoi, par exemple si l’affaire ne nécessite plus de jugement (loi abrogée, amnistie, etc.).
3. Régulation et uniformisation de la jurisprudence
La Cour de cassation joue un rôle de régulateur dans le système judiciaire français. Elle veille à ce que les juridictions inférieures appliquent uniformément la loi, en s’assurant de la cohérence et de la stabilité de l’interprétation des règles de droit. À travers ses décisions, la Cour de cassation établit une jurisprudence qui sert de référence pour les juges du fond.
- En France, contrairement aux systèmes de common law, il n’existe pas de règle de précédent obligatoire ; la Cour de cassation n’a pas d’autorité hiérarchique formelle sur les juges du fond. Son autorité est essentiellement morale, et il arrive que les juges de première instance ou d’appel interprètent la loi différemment, ce qui peut entraîner des divergences.
- Néanmoins, en assurant une certaine fixité de la jurisprudence, la Cour de cassation influence fortement les juridictions inférieures.
4. Avis consultatif de la Cour de cassation
Depuis la loi du 15 mai 1991, les juridictions de première instance et d’appel peuvent solliciter l’avis de la Cour de cassation sur des questions de droit complexes avant de statuer sur une affaire.
- Cet avis peut être demandé lorsqu’une affaire pose une question de droit nouvelle, présente une difficulté sérieuse et se retrouve dans un grand nombre de litiges similaires.
- L’avis de la Cour de cassation n’a pas de force contraignante pour la juridiction qui l’a sollicité, mais il sert de guide pour interpréter correctement la loi. Ce mécanisme permet à la Cour de cassation de jouer un rôle préventif, en clarifiant le droit avant même que des conflits d’interprétation n’apparaissent.
B – Composition et formation de la Cour de cassation
La Cour de cassation, plus haute juridiction de l’ordre judiciaire français, est chargée d’examiner la conformité des décisions de justice rendues en dernier ressort avec la loi. Elle se compose de 6 chambres :
- 1 chambre criminelle pour les affaires pénales,
- 5 chambres civiles : trois chambres civiles généralistes, une chambre commerciale et financière, et une chambre sociale.
Selon l’article R. 121-4 du Code de l’organisation judiciaire, chaque chambre comprend :
- Un président de chambre,
- Des conseillers,
- Des conseillers référendaires,
- Un ou plusieurs avocats généraux,
- Un greffier de chambre.
Formation ordinaire et nombre de magistrats
En règle générale, chaque chambre de la Cour de cassation siège en formation de 5 magistrats. Cependant, la loi prévoit la possibilité d’une formation réduite à 3 magistrats pour les affaires simples, lorsque la solution semble s’imposer d’elle-même, conformément à la loi du 3 janvier 1979. La règle de l’imparité n’est pas impérative, et la composition de chaque chambre peut varier pour assurer une meilleure souplesse dans le traitement des dossiers.
Formations solennelles de la Cour de cassation
La Cour de cassation peut également siéger en formations plus solennelles pour statuer sur des affaires complexes ou sensibles.
Chambre mixte
La chambre mixte est une formation regroupant des magistrats de trois chambres au minimum, et comporte 13 membres au minimum. Cette formation est convoquée dans deux cas :
- Lorsque l’affaire relève de plusieurs domaines de compétence, impliquant donc plusieurs chambres,
- En cas de divergence d’interprétation entre les chambres ou risque de solution divergente.
La chambre mixte est également saisie en cas de partage égal des voix dans une chambre compétente ou à la demande du procureur général avant l’ouverture des débats. Elle peut être saisie de manière facultative sur ordonnance du premier président de la Cour ou sur demande de la chambre initialement saisie.
Assemblée plénière
L’Assemblée plénière est la formation la plus solennelle de la Cour de cassation. Elle se compose de 25 magistrats : les présidents et conseillers des différentes chambres. Elle est saisie :
- Obligatoirement, lorsqu’il y a divergence de doctrine entre une chambre de la Cour et une juridiction du fond après un premier renvoi.
- Facultativement, lors d’un premier pourvoi, lorsque l’affaire soulève une question de principe importante, ou en cas de divergences d’interprétation entre juges du fond ou avec la Cour de cassation. Dans ce cas, l’Assemblée plénière peut permettre d’éviter un second pourvoi en établissant une décision faisant autorité.
La décision rendue par l’Assemblée plénière s’impose à la juridiction de renvoi, évitant ainsi de potentiels conflits d’interprétation.
Le ministère public à la Cour de cassation
Le ministère public à la Cour de cassation est représenté par un premier avocat général, assisté de 19 avocats généraux et d’un substitut qui gère le service de documentation et d’études de la Cour. Le ministère public intervient en tant que garant de la bonne application de la loi et peut solliciter la formation en chambre mixte ou en Assemblée plénière en fonction des enjeux de l’affaire.
C – Mécanisme du pourvoi de cassation
Le pourvoi en cassation est un recours extraordinaire permettant de soumettre une décision de justice rendue en dernier ressort (sans possibilité d’appel) à la Cour de cassation. La Cour de cassation n’est pas une juridiction de fond : elle ne réexamine pas les faits mais se concentre exclusivement sur la bonne application du droit par les juridictions inférieures (tribunaux et cours d’appel).
Étapes du pourvoi en cassation
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Examen par la Cour de cassation
- Lorsqu’un pourvoi est formé, la Cour de cassation vérifie si les juges du fond ont correctement appliqué la règle de droit. Elle ne statue pas sur les faits mais uniquement sur les questions de droit.
- Deux issues sont possibles :
- Rejet du pourvoi : Si la Cour estime que les juges du fond n’ont commis aucune erreur de droit, elle rejette le pourvoi. La décision initiale devient alors définitive.
- Cassation de la décision : Si la Cour estime qu’il y a eu une erreur de droit, elle casse et annule la décision. En principe, elle renvoie ensuite l’affaire devant une juridiction de fond de même nature et de même degré que celle qui a rendu la décision annulée. Toutefois, la Cour peut casser sans renvoi si l’affaire est jugée sans objet, par exemple en cas de perte de fondement juridique (abrogation du texte incriminant l’infraction) ou en cas d’amnistie.
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Renvoi devant une juridiction de fond
- Lorsque la Cour de cassation renvoie l’affaire, elle est rejugée par une juridiction de renvoi. La juridiction de renvoi dispose d’une totale liberté d’appréciation des faits et peut réexaminer l’affaire sous tous ses aspects. Elle peut statuer différemment de la première juridiction, mais elle doit prendre en compte la cassation prononcée.
- Si la juridiction de renvoi se conforme à l’interprétation juridique de la Cour de cassation, l’affaire est close. Cependant, si elle persiste dans l’interprétation juridique initiale et rend un jugement identique à celui qui a été cassé, un second pourvoi en cassation peut être formé.
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Deuxième pourvoi et intervention de l’Assemblée plénière
- Si un second pourvoi est déposé après une décision de renvoi, la Cour de cassation statue cette fois en Assemblée plénière, sa formation la plus solennelle. L’Assemblée plénière a pour rôle de trancher définitivement les divergences entre la Cour de cassation et les juges du fond.
- Deux situations sont possibles :
- Rejet du pourvoi par l’Assemblée plénière : Exceptionnellement, l’Assemblée plénière peut décider de confirmer la position des juges du fond en rejetant le pourvoi. La décision de renvoi devient alors définitive.
- Nouvelle cassation avec renvoi : L’Assemblée plénière peut aussi confirmer sa position initiale et casser la décision de renvoi. Dans ce cas, l’affaire est renvoyée devant une seconde juridiction de renvoi.
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Décision de la deuxième juridiction de renvoi
- La seconde juridiction de renvoi est obligée de se conformer à la décision de l’Assemblée plénière de la Cour de cassation en ce qui concerne les questions de droit tranchées. Elle conserve cependant la liberté d’apprécier les faits et peut trancher les autres points de droit qui n’ont pas été soumis à la Cour de cassation.
Ce processus de double renvoi, bien que rare, peut considérablement prolonger la procédure judiciaire, pouvant s’étendre sur plusieurs années en fonction de la complexité de l’affaire et des délais procéduraux.
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