La Coutume
La coutume, définie comme un usage juridique oral établi par le temps et accepté par la population d’un territoire donné, est une source de droit aux côtés de la loi et de la jurisprudence. Bien que sous l’Ancien Régime, la coutume ait constitué la principale source du droit, elle a perdu cette primauté avec l’entrée en vigueur du Code civil de 1804. Depuis, la coutume est perçue comme une source secondaire et accessoire du droit, ayant toutefois continué à évoluer et à intégrer le droit positif.
I ) La Notion de Coutume
La distinction entre usage et coutume est fondamentale en droit. En principe, l’usage est une pratique courante sans force obligatoire, tandis que la coutume possède une valeur juridique contraignante. Ainsi, pour qu’un usage devienne coutume, il doit être perçu par la population comme étant obligatoire, incarnant ce que l’on appelle l’élément psychologique de la coutume.
Éléments constitutifs de la coutume
La coutume repose sur deux éléments majeurs :
- Droit privé
- L’objet et la charge de la preuve des droits subjectifs
- Les modes de preuves et leurs admissibilités
- Qu’est ce-que qu’une personne morale ?
- Qu’est ce qu’une personne physique?
- L’abus de droit
- Les droits extrapatrimoniaux : définition, caractère, classification
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L’élément matériel : Il s’agit de la répétition collective d’un usage dans le temps. Pour qu’un usage se transforme en coutume, il doit satisfaire quatre critères spécifiques :
- Ancienneté : L’usage doit être pratiqué depuis longtemps. Bien qu’aucun délai fixe ne soit requis dans le droit contemporain, le droit ancien considérait un usage de 40 ans comme suffisant pour établir une coutume.
- Constance : L’usage doit être suivi de façon continue et sans interruption par la population concernée.
- Généralité : L’usage doit être respecté par la majorité des personnes concernées, lui conférant une portée collective et universelle au sein du groupe social ou du territoire où il s’applique.
- Notoriété : L’usage doit être connu de la majorité des individus concernés, permettant à chacun de l’identifier et de le reconnaître comme une norme sociale implicite.
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L’élément psychologique (ou opinio necessitatis) : Cet élément reflète la conviction des individus quant au caractère obligatoire de l’usage en question. La population doit ressentir cet usage comme impératif, même en l’absence de loi ou de jurisprudence qui le consacre. Cet élément différencie un simple usage d’une véritable coutume ; sans cette perception d’obligation, l’usage reste extra-juridique et n’accède pas au statut de règle de droit.
Preuve de la coutume
Pour invoquer une coutume en justice, il est nécessaire de prouver son existence et son contenu. Cette preuve peut être apportée de diverses manières :
- Attestations d’organismes locaux : Des documents officiels, souvent appelés parères, sont rédigés par des autorités ou des représentants de la communauté pour attester de la coutume.
- Connaissance personnelle du juge : Dans certains cas, un juge peut se référer à sa propre connaissance de la coutume locale, facilitant ainsi sa reconnaissance devant les tribunaux.
La formule populaire « Une fois n’est pas coutume » illustre l’importance de la répétition et de la constance dans l’établissement de la coutume : pour être considérée comme telle, une pratique doit dépasser le simple fait isolé pour devenir un usage suivi dans le temps.
II ) Le Rôle de la Coutume
Autrefois primordiale, la coutume a progressivement cédé sa place centrale à la loi écrite avec l’adoption du Code civil de 1804. Toutefois, la coutume demeure une source de droit dans l’ordre juridique français, même si elle occupe aujourd’hui un rôle secondaire. Son statut varie selon sa relation à la loi, et elle peut ainsi intervenir sous trois formes distinctes, en fonction de son rapport avec le texte législatif.
A) La Coutume –Secundum legem- conformément à la loi
Dans cette configuration, la coutume est utilisée en complément de la loi, lorsque celle-ci y fait référence, que ce soit de manière explicite ou implicite.
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Renvoi exprès : Lorsque la loi renvoie directement et explicitement à la coutume, celle-ci acquiert une autorité équivalente à la loi. Cela se voit principalement en droit des biens et en droit des contrats. Par exemple, en droit des biens, la preuve de propriété ou de plantation sur une terre peut se fonder sur les coutumes locales. En matière contractuelle, l’article 1135 du Code civil incite le juge à considérer les usages pour interpréter la volonté des parties lors d’un litige, conférant ainsi un statut quasi-légal aux coutumes locales ou professionnelles.
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Renvoi implicite : Ici, la loi ne fait pas référence explicitement à la coutume, mais utilise des notions générales ou éthiques qui requièrent une interprétation coutumière. Des termes comme les bonnes mœurs ou le bon père de famille relèvent de cette catégorie et exigent souvent une interprétation par le juge, lequel peut s’appuyer sur des coutumes pour établir le sens de ces concepts. Cette forme est plus complexe, car elle laisse place à la jurisprudence pour établir et actualiser le contenu coutumier des notions.
B) La Coutume –Praeter Legem- dans le silence de la loi
Lorsque la loi est muette ou lacunaire, la coutume peut combler les vides en fournissant une règle autonome qui s’impose dans l’attente d’un texte législatif. La coutume praeter legem (littéralement « en dehors de la loi ») est alors appliquée de manière à compléter le droit positif, notamment dans des situations où elle garantit la sécurité juridique en offrant une règle déjà largement reconnue et acceptée par la société.
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En matière civile, l’application de cette coutume est relativement rare mais peut se retrouver dans certaines pratiques. Par exemple, bien que le Code civil ne mentionne pas le nom d’usage pour les femmes mariées, la coutume permet souvent aux épouses de porter le nom de leur conjoint, une pratique tacitement acceptée. En cas de divorce, la reprise du nom d’origine est explicitement prévue, mais le Code laisse au juge le soin de trancher dans d’autres situations coutumières.
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En matière commerciale, la coutume praeter legem est plus fréquente. Par exemple, il est usuel pour les commerçants de facturer les prix hors taxes, une pratique acceptée tacitement dans la majorité des transactions commerciales. En revanche, on observe que de nombreuses pratiques coutumières en usage dans le commerce sont rapidement intégrées dans des textes législatifs ou réglementaires, ce qui limite leur transformation en coutumes établies.
C) La Coutume -Contra legem- à l’encontre de la loi
La coutume contra legem, qui se traduit par une coutume contraire à la loi, soulève une problématique délicate lorsque cette coutume entre en conflit direct avec une disposition légale. Dans un tel cas, la hiérarchie des normes fournit une solution théorique en affirmant la primauté de la loi écrite sur la coutume. Cela signifie qu’en principe, une loi peut toujours abroger une coutume si les deux normes sont incompatibles.
Une coutume pourrait-elle éventuellement abroger une loi ?
Cependant, la question se pose inversement : une coutume pourrait-elle éventuellement abroger une loi ? La réponse générale est négative, bien que cela dépende du type de loi en question, impliquant la distinction entre loi impérative et loi supplétive.
1. Loi supplétive et coutume
Une loi supplétive est une disposition légale qui ne s’applique que si les parties concernées n’ont pas choisi d’autres règles pour régir leur situation. Elle est donc non contraignante par nature et peut être écartée par un accord entre les parties ou par une pratique coutumière.
- Dans ce contexte, une coutume contraire peut l’emporter sur une loi supplétive. Par exemple, en matière de contrats, les usages locaux ou professionnels peuvent s’imposer aux termes supplétifs de la loi, à condition que les parties aient adhéré à cette coutume. Ainsi, loin d’être en conflit, la loi supplétive et la coutume peuvent coexister, la coutume permettant de personnaliser l’application de la loi en fonction des pratiques en vigueur.
2. Loi impérative et coutume
La loi impérative, en revanche, est une disposition de la loi que nul ne peut écarter, même par un accord ou une coutume. Elle vise à protéger l’ordre public ou à garantir des principes essentiels, ce qui lui confère une force contraignante absolue.
- Dans ce cas, une coutume contraire ne peut abroger la loi impérative. Ainsi, même si une loi semble ne plus être appliquée dans la pratique, elle n’est pas formellement abrogée et demeure valide tant qu’une abrogation législative explicite ne l’a pas supprimée. Un juge est donc tenu de l’appliquer si elle est invoquée, indépendamment de sa mise en pratique. Une loi en apparence « tombée en désuétude » reste juridiquement en vigueur, même si elle est rarement utilisée, comme le montre l’exemple des lois anciennes qui ne sont plus sollicitées en justice mais qui conservent leur validité théorique.
Cas Particulier et Exemples
Les coutumes contra legem sont rares mais illustrent la complexité de la coexistence entre coutume et loi. Un exemple typique est celui du don manuel, une donation effectuée sans acte notarié. Bien que l’article 931 du Code civil exige un acte notarié pour les donations, la coutume du don manuel, pratiquée et reconnue par la jurisprudence, a été intégrée comme exception coutumière, particulièrement pour les biens de faible valeur, ce qui montre une certaine tolérance de la coutume dans la pratique judiciaire.
Questions fréquentes sur la Coutume en droit
Quelles sont les autres sources indirectes du droit : Doctrine et Pratique
Outre la coutume, le droit puise aussi dans des sources indirectes : la doctrine et la pratique.
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Doctrine : Elle se compose des travaux d’analyse et d’interprétation des juristes, universitaires, et praticiens du droit. Bien que non contraignante, la doctrine influence les décisions des juges et l’élaboration de nouvelles lois. Les théories doctrinales fournissent souvent une base de réflexion pour les réformes législatives et peuvent servir de guide pour l’interprétation des textes.
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Pratique : Il s’agit de l’ensemble des comportements adoptés par les professionnels du droit (juges, avocats, notaires) dans le traitement des affaires. La pratique peut dégager des règles qui, suivies par la majorité, deviennent en quelque sorte des normes coutumières reconnues par la jurisprudence. Par exemple, certaines pratiques commerciales répétées peuvent être consacrées par les tribunaux en tant qu’usages professionnels, leur conférant ainsi une forme de reconnaissance juridique.
Qu’est-ce que la coutume en droit ?
La coutume est un usage juridique ancien, établi par la répétition dans le temps et reconnu comme contraignant par la population d’un territoire. Elle constitue une source de droit, bien que secondaire après la loi depuis le Code civil de 1804.
Comment distingue-t-on usage et coutume ?
L’usage est une pratique courante sans force obligatoire, tandis que la coutume possède une valeur juridique et un caractère contraignant. Pour qu’un usage devienne coutume, il doit être perçu comme obligatoire, ce qui se traduit par l’élément psychologique, ou opinio necessitatis.
Quels sont les éléments constitutifs de la coutume ?
La coutume repose sur deux éléments principaux :
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Élément matériel : La pratique doit être ancienne, constante, générale, et notoire au sein de la population.
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Élément psychologique : Les individus doivent ressentir cette pratique comme impérative, même sans disposition légale ou jurisprudentielle.
Comment prouve-t-on l’existence d’une coutume ?
La coutume peut être prouvée par des attestations d’organismes locaux ou par la connaissance personnelle du juge qui peut, dans certains cas, reconnaître une coutume basée sur sa propre connaissance des pratiques locales.
Quel est le rôle de la coutume aujourd’hui dans le système juridique français ?
La coutume est aujourd’hui une source de droit secondaire qui intervient principalement dans trois situations :
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Secundum legem : pour compléter la loi lorsque celle-ci y fait référence.
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Praeter legem : pour combler les vides de la loi.
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Contra legem : rarement, lorsque la coutume va à l’encontre de la loi, bien que la loi impérative demeure prioritaire.
Qu’est-ce qu’une coutume « secundum legem » ?
Une coutume secundum legem intervient pour compléter la loi lorsqu’elle y fait référence explicitement ou implicitement. Par exemple, le Code civil peut demander au juge de se référer aux usages pour interpréter un contrat.
Qu’est-ce qu’une coutume « praeter legem » ?
La coutume praeter legem intervient dans le silence de la loi, en comblant les vides juridiques par des pratiques largement acceptées. Par exemple, dans le commerce, il est usuel de facturer hors taxes, un usage qui est tacitement accepté en l’absence de texte législatif spécifique.
Qu’est-ce qu’une coutume « contra legem » ?
Une coutume contra legem est une pratique coutumière qui va à l’encontre de la loi. La loi écrite reste prioritaire, surtout si elle est impérative. Toutefois, certaines coutumes, comme le don manuel en matière de donation, sont tolérées par la jurisprudence.
Une coutume peut-elle abroger une loi ?
En principe, non. Une coutume ne peut pas abroger une loi impérative. Cependant, une coutume peut parfois prévaloir sur une loi supplétive si les parties en conviennent, car la loi supplétive ne s’applique qu’en l’absence d’un accord contraire entre les parties.
Quel est l’impact de la loi impérative par rapport à la coutume ?
La loi impérative est une disposition que l’on ne peut écarter, même par coutume. Elle protège l’ordre public et les principes essentiels. En cas de conflit, elle prévaut sur la coutume, qui ne peut donc pas la modifier ni l’abroger.