LA CRÉATION DE LA LETTRE DE CHANGE : LES CONDITIONS DE FORME
Souvent appelée, en pratique traite, la lettre de change est un écrit par lequel une personne appelée tireur, donne à une autre, appelée tiré, l’ordre de payer à une époque déterminée, une certaine somme à une troisième appelée porteur ou bénéficiaire ou à l’ordre de celle-ci. (V. Alfred JAUFFRET, Droit commercial, 23e éd., par Jacques MERSTRE, L.G.D.J, n° 841, p. 599)
§ 1 :Les mentions obligatoires.
Article 511-1 du code de commerce : le titre doit comporter des mentions obligatoires sous peine de ne pas être une lettre de change.
De la nécessité de certaines mentions obligatoires, on a déduit que la lettre de change devait être un écrit. Il peut être notarié-plus rare), un acte authentique (plus rare), mais en général c’est un acte sous seing privé qui le plus souvent est rédigé à partir d’un imprimé et plus rarement sur papier libre.
A) Détermination des mentions obligatoires.
- La dénomination « lettre de change ».
Elle doit être exprimée dans la langue utilisé pour la circulation du titre. C’est-à-dire la langue employée pour la formulation de l’ordre de payer.
La dénomination doit figurer dans l’intitulé de la traite mais également dans le texte du titre
Plus on emploiera ce terme, plus on attire l’attention des signataires sur le document qu’ils signent et en plus ça complique la tâche des faussaires.
- Le mandat de payer une somme déterminée.
En fait c’est pas un mandat. C’est un ordre de payer qui peut être exprimé dans des termes quelconques pourvu que ça soit clair.
Le plus souvent « veuillez payer » ou « payer ».
Cet ordre doit être pur et simple. Il ne doit pas être assorti d’une condition.
En fait ce qui est interdit c’est d’affecter le principe du paiement d’une condition : « payer s’il neige le jour de l’échéance ». Mais on peut mettre une condition sur les modalités de paiement : on peut subordonner une lettre de change à la remise de certains documents.
— ce sont des traites documentaires.
Le porteur de la traite n’obtiendra paiement de sa traite que s’il remet au débiteur cambiaire les documents qui sont mentionné sur la lettre de change.
L’exemple le plus classique : le connaissement : c’est un document utilisé dans le cadre des transports maritime et qui est signé par le capitaine du navire et qui atteste qu’il a embarqué sur son bateau les marchandises constituant la provision de la traite.
Ça donne à celui qui le détient soit un droit de propriété sur les marchandises, soit un droit de gage.
L’ordre porte exclusivement sur le paiement d’une somme d’argent. On ne peut pas payer une lettre de change autre chose que de l’argent.
En principe le montant doit être déterminé de manière définitive. Donc normalement, il n’est pas possible de prévoir que ce montant portera intérêt pendant la circulation du titre.
Une seule exception : lorsque la lettre de change est payable à un certain délai de vu, et lorsqu’elle est payable à vue.
— dans ce cas il n’est pas possible de connaitre précisément l’échéance, donc on ne peut pas calculer préventivement le montant des intérêts qu’elle peut procurer.
Dans ces 2 cas, on peut prévoir une clause de stipulation d’intérêt, mais elle ne sera valable que si elle figure sur le titre, si le taux figure sur le titre, et si la date de départ des intérêts figurent sur le titre (rare).
Le montant peut être stipulé dans une monnaie étrangère : soit une monnaie de compte, soit une monnaie de paiement.
Ex : si on nomme comme monnaie de paiement le dollar, le porteur est payé en dollar.
Si on nomme comme monnaie de compte el dollar, le porteur est payé en sa monnaie par équivalence. Mais il peut y avoir des fluctuations.
- Le nom du tiré.
La désignation du nom du tiré est indispensable. En effet c’est à lui que le porteur doit en 1er présenter la lettre au paiement. Avant de pouvoir exercer des recours, on doit aller voir le tiré pour qu’il paye. Donc il faut son nom.
Curieusement, le code ne prévoit pas la nécessité d’inscrire l’adresse du tiré.
Attention : la signature du tiré n’est pas suffisante.
Le tiré doit exister. Si on le fait c’est un tirage en l’air. C’est une escroquerie (passible de 3 ans d’emprisonnement).
Le tiré peut être le tireur. On peut tirer une lettre de change sur soit même. Mais alors où est la provision !!
On a instauré ce système pour permettre aux banques qui ont plusieurs succursales de tirer une lettre de change sur une autre.
Le tireur peut désigner un tiré subsidiaire qu’on appelle tantôt le recommandataire, tantôt le « de besoin ». Son rôle est d’intervenir en lieu et place du tiré soit quand le tiré ne veut pas accepter, soit quand il ne vaut pas payer.
- La date de l’échéance.
2 remarques :
– lorsque la date de l’échéance n’est pas mentionnée sur la lettre de change, la lettre de change est payable à vue.
– Quand elle est indiquée, elle doit obligatoirement indiquée selon un des 4 procédés que l’on va décrire.
- l’indication d’un jour fixe.
- préciser que la lettre de change est payable à vue.
Elle est donc payable dès qu’elle est présentée à la vue du tiré.
Mais quand peut-on la présenter à la vue du tiré ? en principe, dans un délai maximale d’un an à compter de la date de création du titre.
Mais le problème est que le tireur peut soit abréger soit allonger ce délai d’un an.
Les endosseurs peuvent le modifier, mais ils ne peuvent que le raccourcir.
Le tireur peut préciser que la lettre de change ne pourra pas être présentée au paiement avant une certaine date. Dans ce cas, le délai de présentation va courir non pas de la date de création des faits, mais à compter de la date ou la présentation au paiement est autorisée.
Schéma 7
- indiquer que la lettre de change est payable à un certain délai de vue.
C’est celle dont le porteur ne peut exiger le paiement qu’à l’expiration d’un délai qui cour a compté de la présentation à la vue du tiré.
Si on crée une lettre de change à un certain délai de vue de 3 mois, c’est un délai à partir
— le délai cour à partir de la présentation
En principe doit être présenté au tiré dans un délai d’un an.
Schéma 8
Mais comme dans la lettre de change payable à vue, le tireur de la lettre de change payable à vue a la possibilité de rallonger ou raccourcir le délai.
Ex : doit aller le voir avant un délai de 18 mois.
De la même façon, les endosseurs peuvent raccourcir le délai de présentation.
Ex : doit aller le voir avant un délai de 6 mois.
Créer la lettre de change à un certain délai de date.
Ex : une lettre de change payable à 30 jours.
Au lieu de préciser une date fixe, on précise le nombre de jour.
La différence entre le délai de date et le délai de vue est que le délai de date se calcul à partir de la date de création du titre alors que le délai de vue se comput à partir de la date de présentation.
- Le lieu du paiement
Elle doit être proposée en paiement en 1er au domicile civil ou commercial du tiré. Ce domicile doit être mentionné sur l’effet.
On peut insérer une clause de domiciliation : on prévoit que le paiement a lieu ailleurs qu’au lieu de domicile du tiré. En général, c’est la banque du tiré
Le tiers chez qui a lieu le paiement est le domiciliataire (différent du recommandataire).
- Le nom du bénéficiaire ou celui à l’ordre du quel le paiement doit être fait.
Au moment de la création de la lettre de change, on doit prévoir le nom du bénéficiaire.
Ça veut dire qu’on ne peut pas créer de lettre de change en blanc au porteur.
Mais on peut contourner cette règle quand on sait qu’il est possible de faire des endossements en blanc ou au porteur. Il est aussi possible au tireur de se désigner comme bénéficiaire
— en crée une lettre de change en blanc ou au porteur.
Il est possible de désigner plusieurs bénéficiaires, soit cumulatifs soit alternatif.
Cumulatif ;: ils doivent tous se présenter au paiement ensemble. Sinon le tiré n’a pas à payer.
Alternatif : il suffit que l’un ou l’autre sollicite le paiement.
Les lettres de change sont en principe toujours endossables. Il n’est pas nécessaire d’intro
Les lettres de change sont toujours à ordre, mais on peut interdire l’endossement. Cela s’appelle une clause non à ordre. C’est licite.
- La date et le lieu de création
a) La date.
Cette date peut être inscrite à un endroit quelconque du titre et en lettre ou en chiffre comme on veut.
L’opposabilité de la date au tiers n’est pas subordonnée à l’enregistrement du titre ou à son inscription dans un acte authentique. Elle est présumée exacte. Mais c’est une présomption simple.
— le porteur qui a intérêt de démontrer que l’acte est faux peut le démontrer par tous moyens (sauf cas particulier).
b) Le lieu.
A quoi ça sert ?
– Cela permet de vérifier le pouvoir et la capacité du tireur (créateur du titre).
– Ça permet de fixer l’échéance du titre, notamment quand la lettre est payable à un certain délai de date.
Le seul intérêt est de délimiter la loi applicable : lieu de création.
Si on crée une lettre de change crée à Metz payable à Berlin, elle est régie par la loi française.
- La signature du tireur.
Elle est indispensable pour que le tireur soit engagé cambiairement. Elle permet d’authentifier la lettre de change et de faciliter sa circulation en donnant confiance au porteur.
Par contre, il n’est pas obligatoire de mentionner le nom et l’adresse du tireur.
Depuis la loi du 16 juin 1966, la signature peut être soit manuscrite soit apposée par un procédé quelconque (cacher, tampon, signature informatique).
S’il n’y a pas de signature du tireur, ça vaut éventuellement comme une reconnaissance de dette (d’après les manuels).
B) Sanctions des irrégularités de forme.
Il y a 2 types d’irrégularité :
- l’omission d’une mention obligatoire.
Ça affecte la forme du titre et ça obéit à des règles spécifiques du droit cambiaire.
- l’inexactitude d’une mention obligatoire.
= La supposition.
Elle se traite à partir du droit commun.
- L’omission d’une mention obligatoire.
En principe, la sanction est la nullité de la lettre de change. A partir du moment où c’est un vice apparent, la nullité est opposable à tout porteur de bonne foi.
Cette nullité peut être soulevée d’office par le tribunal.
Si la lettre de change est nulle, pour certains auteurs, elle peut dégénérer en billet à ordre, pour d’autres, elle vaut comme un engagement civil ou commercial, et pour les 3èmes elle vaut comme un simple commencement de preuve par écrit.
Mais tout dépend de la mention qui manque.
Dans certains cas, la loi prévoit qu’on peut pallier l’absence d’une mention obligatoire soit par le bien du formalisme équivalent, soit par la régularisation.
a) Le formalisme équivalent.
Art 511-1 c.com prévoit 3 cas :
– quand il n’y a pas d’indication de l’échéance.
La lettre de change est payable à vue.
Attention : ce formalisme d’équivalent fonctionne que s’il n’y a aucune mention de l’échéance.
Ex : payable à la 1ère neige : la lettre est nulle, mention illégale, mais on ne peut pas faire un formalisme par équivalent. Il ne faut aucune mention
– Pas d’indication du lieu du paiement.
Une condition : pas d’indication du lieu du paiement, mais s’il y a mention ou adresse d’un lieu à côté du nom du tiré, la loi présume que cette adresse est le domicile du tiré, et elle présume que la lettre de change est payable au domicile du tiré.
Mais s’il n’y a rien, même si on connait l’adresse du domicile du tiré on ne peut pas sauver la lettre de change.
– pas d’indication du lieu de création
Si une adresse ou un domicile est mentionnée à côté du lieu du tireur, on va présumer que c’est l’adresse du tireur et on présume que le tireur à crée la lettre de change à son domicile.
Mais s’il n’y a rien, même si on connait l’adresse du domicile du tiré on ne peut pas sauver la lettre de change.
Dans certains manuels, et si on remonte un peu en arrière, on constate que pour certain auteurs on peut ajouter d’autres cas de formalisme par équivalent. Ces auteurs sont minoritaires et la jurisprudence date de 50 ans !. Actuellement la majorité des auteurs et le totalité de la jurisprudence s’en tient aux 3 formalismes prévus par le code.
b) La régularisation
Pas de dispositions légales autorisant ce principe. C’est pourquoi des auteurs considèrent qu’on ne peut pas régulariser.
L’un des motifs et que la régularité d’un acte s’apprécie au jour de la création de l’acte.
De plus les mentions de la lettre de changes vont changer pour certains signataires
Une autre partie de la doctrine : la régularisation est possible jusqu’au jour de l’échéance.
La jurisprudence : c’est au jour de l’échéance qu’on vérifie la régularité de la lettre de change. Donc la lettre de change est réalisable jusqu’au jour de l’échéance
Mais qu’est ce qu’on peut changer ?
Une 1ère sous-catégorie de la doctrine : que des mentions secondaires : donc à contrario on ne peut pas régulariser le montant de la lettre de change, l’échéance, la dénomination « lettre de change ».
Une 2ème sous-catégorie d’auteurs : tout est régularisable, pour peu que tous les signataires antérieurs à la régularisation aient donné leurs accords (Le prof est plus pour cette solution).
- La supposition.
Il y a supposition quand toutes les mentions requises figurent sur le titre mais que certaines d’entre elles ne correspondent pas à la réalité.
Tout dépend si cette supposition résulte d’inadvertance ou d’une volonté de tromper les tiers.
Inadvertance : elle n’a pas de conséquence sur la validité du titre.
Volonté de tromper : nullité du titre. Mais cette nullité n’est pas opposable aux tiers de bonne foi, notamment au porteur de la lettre de change, sauf si elle a pour objet de dissimuler l’incapacité du signataire.
Ex : on a 17 ans et 11 mois, on n’a pas la capacité commerciale, donc on ne peut pas créer une lettre de change. On en fait une et on la date un mois plus tard : volonté délibérée de faire croire là la capacité. Cette supposition entraine la nullité de la lettre de chambre. Mais comme le but est de dissimuler une incapacité, elle est opposable à tous porteurs.
§ 2 : Formalités et mentions facultatives.
L’art 511-72 du c.com autorise la création de plusieurs originaux d’une lettre de change. L’intérêt est de faciliter la négociation et la circulation du titre. Pendant qu’un titre circule, l’autre sera présenté à l’acceptation du tiré. C’est une pure hypothèse d’école.
Le porteur peut toujours établir des copies de la lettre de change (511-75
Il est possible de faire mention sur la lettre de change soit de la provision, soit de la valeur fournie, soit des 2.
Intérêts : permettre au porteur de vérifier le sérieux de la création de la traite.
Inconvénient : si la provision ou la valeur fournie constitue une cause illicite. Donc si la cause est illicite et apparait c’est opposable ! Donc on va pas être payé.
On peut introduire dans la lettre de change une clause non à ordre : interdire les endossements ultérieurs de la lettre de change
Mais si malgré la clause il y a des endossements ultérieurs, la clause ne rend pas nul les endossements ultérieurs, mais les rend inopposable à l’auteur de la clause.
Schéma 9
P5 n’a pas d’action cambiaires contre P2.
P4 : idem.
P3 : a une action contre P2. en effet P2 a bien endossé la lettre de change à P3. P3 a signé, donc il a une action cambiaire.
Soit Pn met une clause de non à ordre, Pn+1 à une action cambiaire contre Pn, mais Pn+2,…,Pn+x n’en ont pas.
La clause suivant avis.
C’est la clause qui interdit le tiré de payer ou d’accepter avant d’avoir reçu l’autorisation du tireur.
Si le tiré accepte malgré la clause, son acceptation est quand même valable.
Si le tiré paye sans solliciter l’avis ou l’autorisation du tireur, le paiement effectué par le tiré est inopposable au tireur. Le tiré n’a pas de recours contre le tireur.
La clause non acceptable ou non acceptable avant une certaine date.
Elle interdit au tiré d’accepter.
Elle interdit au tiré d’accepter avant une certaine date.
Ces clauses sont introduites par le tireur.
Les clauses de recommandation.
Introduit un recommandataire
La clause de domiciliation.
Elle institue un domiciliataire.
La clause sans frais= clause sans protêt.
Elle permet au porteur de la lettre de change au jour de l’échéance d’exercer des recours contre les différents signataires sans avoir à faire dresser protêt
Quand cette clause est introduite par le tireur elle peut être opposée par le porteur à tous les signataires de la lettre de change. Donc le porteur peut exercer des recours cambiaires contre n’importe quel signataire sans avoir à faire dresser protêt
Quand la clause est introduite par un endosseur, elle n’a d’effet qu’envers cet endosseur. Donc le porteur pourra exercer des recours cambiaires seulement contre cet endosseur sans faire dresser protêt. S’il exerce des recours cambiaire contre les autres, il devra faire dresser protêt.
L’aval.
Cf. ultérieurement.