La déclaration d’utilité publique lors de la phase d’expropriation

LA DÉCLARATION D’UTILITÉ PUBLIQUE

La procédure dite déclaration d’utilité publique ou DUP est l’acte déclaratif (décret, arrêté ministériel ou préfectoral), de la procédure d’expropriation directe ou indirecte, partielle ou totale, d’une maison, d’un terrain ou d’un fonds de commerce.La Déclaration d’Utilité Publique est liée à l’expropriation.

Mais les procédures d’enquêtes publiques dont nous venons de parler peuvent être utilisées hors expropriation : Les enquêtes démocratisées dont nous savons que l’objet est d’assurer la bonne connaissance des influences sur l’environnement, pourront être envisagées hors expropriation et ne pas déboucher sur une expropriation.

La loi de 2002 a instauré la Déclaration de Projet d’Intérêt Général.

Avec quelques aménagements récents, la Déclaration d’Utilité Publique est et reste un acte de l’Etat quel que soit la qualité de l’expropriant.

A- Autorité compétente pour déclarer l’Utilité Publique

En 1959, schéma compliqué : Toutes les Autorités de l’Etat pouvaient être compétentes pour déclarer l’Utilité Publique.

L’ordonnance portant code de l’expropriation en 1959 a tenté de simplifier les choses en posant un principe assez obscur : Principe remis en cause par la loi de 2002 déjà visée.

Jusqu’au 27/02/2002, la Déclaration d’Utilité Publique est faite par décret en Conseil d’Etat, chaque fois que l’avis du commissaire ou de la commission est défavorable.

D’autre part, le décret en Conseil d’Etat est requis par le texte, quel que soit l’avis, pour certains projets importants (montant financier, nombre d’expropriations, atteintes graves à l’environnement).

Dans toutes les autres hypothèses : Déclaration d’Utilité Publique prononcée par arrêté ministériel ou préfectoral.

Mais le Conseil d’Etat, sur ce schéma, a jugé que la compétence du décret en Conseil d’Etat était le principe et que l’on pouvait donc toujours, alors même que l’on n’était pas dans une hypothèse où ce décret était exigé, procéder par décret en Conseil d’Etat alors même que le préfet ou le ministre était compétent.

Cette solution avait la convenance de l’administration : Elle permettait, dans des projets simples, n’entraînant pas la compétence du Conseil d’Etat, de soumettre le projet aux formations consultatives du Conseil d’Etat et d’être donc armée d’un décret en Conseil d’Etat, susceptible de recours mais bon ils ne sont pas masos et ne vont pas annuler leur propre décret…

Cette solution a été abandonnée par la loi du 27/02/2002 : Elle fait disparaître le décret en Conseil d’Etat dans tous les cas : Ce sont les autorités préfectorales et ministérielles qui vont déclarer l’Utilité Publique.

Par contre, Décret du 9/02/2004:

Article R11-1 du code de l’expropriation : L’Utilité Publique est déclarée :

– Par arrêté du Préfet du lieu des immeubles faisant l’objet de l’opération lorsqu’elle se situe sur le territoire d’un seul département

– Par arrêtés conjoints des deux préfets concernés lorsqu’elle se situe sur deux territoires.

– Par arrêté du ministre responsable du projet pour les opérations en vue d’installer des services centraux de l’Etat et des administrations centrales et des services à compétence nationale.

Mécanisme de décentralisation. Mais c’est toujours l’Etat qui déclare l’Utilité Publique.

La Déclaration d’Utilité Publique, quelle que soit l’autorité compétente, doit intervenir dans un certain délai après l’enquête.

Elle doit intervenir dans l’année suivant l’enquête, majorée de 6 mois dans certaines hypothèses.

Elle doit être accompagnée d’un document de motivation.

La loi de 2002 instaure la Déclaration de Projet d’Intérêt Général. Logique du compromis. Parallèlement au travail de l’Etat pour déclarer l’Utilité Publique, l’autorité expropriante locale pourra prendre une Déclaration de Projet d’Intérêt Général, pour constater que l’enquête a eut lieu, que le projet sera mené à son terme. En gros l’autorité expropriante prend ses responsabilités et fait du projet son « bébé ».

Lorsque l’expropriant est l’Etat alors la Déclaration d’Utilité Publique fait office de Déclaration de Projet d’Intérêt Général.

La Déclaration de Projet d’Intérêt Général ne vaut pas Déclaration d’Utilité Publique mais elle conditionne la Déclaration d’Utilité Publique. La collectivité locale doit passer la première et confirmer que le projet est d’Intérêt Général. Mais elle le confirme en tenant compte des résultats de l’enquête, en l’adaptant.

On s’interroge dans la nature de la Déclaration de Projet d’Intérêt Général ? Est elle un acte susceptible de recours ? Est elle un simple acte préparatoire ?

Question pas encore réglée…

Sur le monopole de l’Etat en Déclaration d’Utilité Publique se greffe donc la possibilité d’une décentralisation de la procédure d’expropriation via la Déclaration de Projet d’Intérêt Général.

Le Cours de droit administratif des biens des biens est divisé en plusieurs fiches :

B- La nature juridique de la Déclaration d’Utilité Publique

On sait aujourd’hui, de façon claire, que la Déclaration d’Utilité Publique n’est ni un acte réglementaire, ni un acte administratif individuel.

Dans une approche pédagogique on dit que les actes pris par les autorités administratifs sont soit réglementaires, qui organisent une situation, soit individuels, qui visent à conférer ou retirer des droits à des individus.

La Déclaration d’Utilité Publique fait apparaître une nouvelle catégorie : Acte non règlementaire que M.Chapus appelle les « décisions d’espèces ».

Actes à caractère individualiste : Il dit à un expropriant « vous pouvez continuer ».

Mais en même temps c’est dire que telle ou telle situation est d’Intérêt Général.

Mais la part du régime individuel ou réglementaire varie selon les actes.

Il n’y a pas de notification personnelle ! C’est la publication en Mairie qui fera courir le délai, donc comme les actes réglementaires.

Mais parfois, impossibilité de soulever l’exception d’illégalité après le délai de recours contentieux ! Elle est permanente pour les actes réglementaires et limités au délai du Recours Pour Excès de Pouvoir pour les actes individuels, donc 2 mois.

La Déclaration d’Utilité Publique, et les arrêtés de cessibilité, correspondent à ce que la Jurisprudence appelle un opération complexe : L’existence d’un recours contentieux contre un arrêté de cessibilité permet de contester par voie d’exception la légalité de la Déclaration d’Utilité Publique bien que le délai soit expiré.

Donc possibilité de contester la totalité de la procédure.

C- Effet de la Déclaration d’Utilité Publique

La Déclaration d’Utilité Publique ne rend pas obligatoire l’expropriation. On lui confère juste un droit.

Si l’expropriant veut continuer, doit il le faire dans un certain délai ? OUI ! Car ce qui est d’Utilité Publique aujourd’hui ne le sera peut être plus 20 ans après !

La procédure doit donc être limitée dans le temps.

Mais quid du délai ?

Lorsque l’acte de Déclaration d’Utilité Publique fixe un délai, celui-ci est impératif. L’expropriant doit le respecter.

Mais Jusqu’en 1958, aucune obligation de fixer un délai. Le code de l’expropriation de 59 a pose en principe que la Déclaration d’Utilité Publique doit préciser le délai pendant lequel l’expropriation devra être réalisée (article L11-5 du code de l’expropriation) : Délai qui ne peut pas être supérieur à 5 ans.

2 aménagements cependant :

– Dire que la Déclaration d’Utilité Publique est caduque, cela signifie que l’on ne peut plus s’en servir ! Mais il a été jugé que cela n’interdisait pas de prendre une nouvelle Déclaration d’Utilité Publique et pour cela d’utiliser des éléments de l’ancienne procédure si les circonstances de faits et de droits n’ont pas changé

– Le délai de 5 ans peut être prorogé à condition que l’on reprenne dans un acte équivalent à la Déclaration d’Utilité Publique les actes importants.

Mais l’exproprié peut se trouver dans une sale situation : l’Administration peut déclarer que l’expropriation est d’Intérêt Général. Mais elle ne fait rien ! Le futur exproprié voit une suspicion peser sur la valeur de sa propriété.

l’Administration donne un droit : Le droit de délaissement, réorganisé par une loi de 1975. Il permet à la personne concernée, une fois expiré le délai d’un an après la Déclaration d’Utilité Publique, de mettre en demeure l’Administration de mettre en œuvre l’expropriation et d’acquérir le bien concerné.

D- Effet contentieux de la Déclaration d’Utilité Publique

Recours Pour Excès de Pouvoir contre la Déclaration d’Utilité Publique recevable dans les délais de droit commun.

C’est la publication de la Déclaration d’Utilité Publique qui fait courir ce délai.

La Jurisprudence a développé, à propos de la Déclaration d’Utilité Publique, un type de contrôle de plus en plus poussé, au moins dans les principes, qui a débouché sur le bilan coût avantage.

Le juge vérifie déjà le respect des règles de formes en faisant la distinction entre les formalités substantielles, entraînant la nullité, et les formalités non substantielles.

Contrôle sur le Fond : Appréciation de l’Utilité Publique du projet. Le Conseil d’Etat a été de plus en plus loin.

Très clairement il était guidé par le fait que cette Déclaration d’Utilité Publique n’était pas une inconnue pour lui puisque résultant de décret en Conseil d’Etat.

Donc en formation consultative il avait déjà rempli cette fonction de conseiller du gouvernement.

Le motif avancé de la Déclaration d’Utilité Publique doit être d’Intérêt Général : Très rapidement, le Conseil d’Etat a considéré que cet Intérêt Général devait être apprécié comme quelque chose de composite, une sorte de résultante d’intérêts Généraux spécifiques au étaient eux-mêmes antagonistes.

Donc deux étapes de contrôle :

– Vérifier que les inconvénients qu’apportait le projet restaient limités

– Mettre en relation tous les Intérêts Généraux concernés.

o Bilan coût / avantage de l’ensemble des intérêts.

o On a dit que le coût financier de l’opération, les inconvénients à l’ordre social ainsi que les atteintes à la propriété n’étaient pas excessif (VILLE NOUVELLE EST)

o 1972, STE SAINTE MARIE: On ajoute toutes les atteintes aux intérêts publics

– Inconvénients d’ordre écologique.

o Puis au fil on ajoute les atteintes à l’emploi, à l’ensemble des intérêts.

o La dernière étape a été pour le Conseil d’Etat, au titre du bilan, de vérifier si l’implantation de l’ouvrage était bien choisie ou si elle présentait des inconvénients par rapport à un autre emplacement.

– Le choix du tracé est un élément essentiel de la légalité de la procédure

Le juge entretien de plus en plus sur l’appréciation d’opportunité de la décision. Il effectue donc un contrôle complet.

Mais lorsque l’on mate la Jurisprudence, on constate que si ces principes sont à la disposition du juge, il en fait moyennement usage pour sanctionner l’administration.

La Déclaration d’Utilité Publique est annulée : Elle est censée ne pas avoir existée. Rétroactivité, effet erga omnes.

Mais parfois l’expropriation continue !

L’ordonnance transférant la propriété a été rendue et est devenue définitive. l’Administration est propriétaire !

Donc quels effets possibles de l’annulation de la Déclaration d’Utilité Publique sur l’ordonnance d’expropriation et sur le transfert de propriété.

Dans un premier temps, aucun effet possible, le transfert est définitif, on a exproprié.

La seule issue est indemnitaire : Elle consiste à dire que l’Administration a illégalement usé d’un procédé illégal. Donc action indemnitaire assez théorique car quel est le préjudice ? BA celui d’être privé de propriété mais on a été indemnisé ! L’action est donc ouverte que si il y a un préjudice indemnisable qui souvent n’existe pas.

On a tenté d’y remédier par des aménagements de procédure : Lorsqu’il y a un pourvoi en Cour de Cassation, le juge informé du contentieux de la Déclaration d’Utilité Publique, suspendait sa décision jusqu’à la décision du Juge Administratif. Mais encore fallait il qu’il y ait eut un pourvoi en Cour de Cassation et d’autre part que le juge judiciaire soit informé.

Aujourd’hui on va avoir longtemps à attendre pour que le contentieux soit vidé dans les juridictions administratives : 1ère instance, puis Cour Administrative d’Appel puis Conseil d’Etat….

La Cour de Cassation a, dans son rapport annuel de 1991, souhaité une intervention du législateur pour mettre fin à cette situation et ceci en liaison avec sa Jurisprudence condamnant toutes les formes d’expropriations indirectes.

Le législateur est intervenue dans une loi du 2/02/1995 qui figure à l’article L12-5 du code de l’expropriation : En cas d’annulation par une décision définitive du Juge Administratif de la Déclaration d’Utilité Publique ou de l’arrêté de cessibilité, tout exproprié peut faire constater par le juge de l’expropriation que l’ordonnance portant transferts de propriété est dépourvue de base légale (Tribunal de Grande Instance de Bobigny, 12/07/1996, CONSORTS CUBAIN C/ COMMUNE DE ST OUEN)

Il faut une initiative de l’expropriant à défaut de quoi tous les effets de l’expropriation sont acquis.

Action de l’exproprié qui n’est possible que dans le laps de temps séparant l’annulation de la Déclaration d’Utilité Publique et la prise de possession de l’administration du terrain ! Si elle a pris possession alors l’action contre l’ordonnance n’est pas possible.

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